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CHAPITRE 4 : ANALYSE DES RÉSULTATS

4.1 Analyse des données

4.1.2 Produits et services, conseil d’administration, direction, société mère,

4.1.2.1 Produits et services

Le Journal est l’un des deux grands quotidiens francophones (avec le Journal de

Montréal propriété de Québecor Média. Ce sont pour le Québec les deux principaux

produits de la section médias papier de Québecor Média. C’est pourquoi il a une place centrale dans le projet d’intégration des différentes plates-formes de l’entreprise. Il en sera question de manière approfondie plus tard dans le texte dans la section portant sur la stratégie d’affaire de l’entreprise.

136 Journal de Montréal, division de Corporation Sun Média c. Syndicat canadien des communications, de

l'énergie et du papier, section locale 4545 (Unité de la préparation). Cour d’appel du Québec, No : 500-

107 Dès son apparition, le MMQ est utilisé par la partie syndicale afin de transmettre à la population des informations concernant la diminution de la qualité du produit offert par

Québecor Média. En effet, la partie syndicale profite du média gratuit afin de mettre

l’accent sur les différentes erreurs du Journal et sur le fait que le quotidien n’est plus produit à Québec, mais plutôt rédigé et mis en page sur un étage de l’immeuble du

Toronto Sun (comme il en sera question dans la partie concernant les installations) et

imprimé à Mirabel137.

Les travailleurs cherchent aussi à mettre en évidence la diminution des ventes du produit (donc du Journal). Les moyens utilisés sont, entre autres, la prise d’images présentant des ballots de journaux jetés dans les poubelles et la démonstration d’une certaine forme de vente à pression par l’employeur vis-à-vis les commerçants138.

Dans le cadre du conflit de travail de 2007, le point de dépendance de Québecor Média concernant les produits se situe au niveau de l’engagement et des solutions de rechange. En effet, l’employeur a concentré son activité sur un seul créneau, le journal, et c’est en regard de ce seul produit que la dépendance du Journal se dessine. En effet, l’entreprise est fortement engagée envers le Journal comme le démontre l’utilisation de ses différentes autres plates-formes afin de fournir du contenu dans les pages du Journal et le désir de prouver que le nombre de journaux distribués était resté similaire durant le conflit. Dans cette optique, la partie syndicale à chercher à mettre à l’avant plan les erreurs publiées dans le quotidien et de démontrer que même si le nombre de journal imprimés était qu’avant le lock-out, ceux-ci n’étaient pas tous distribués, mais plutôt jetés. En somme, l’objectif de la partie syndicale concernant la composante du produit est de démontrer la diminution de la qualité du quotidien, depuis le début du conflit de travail. De cette manière, elle souhaite se servir de l’engagement de l’employeur envers son produit (et la qualité de celui-ci) pour le faire retourner à la table de négociation.

137 Entrevue avec un répondant syndical, Québec, 29 septembre 2011. 138 Entrevue avec un répondant syndical, Québec, 29 septembre 2011.

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4.1.2.2 Société mère/Filiales

Québecor Média est créé en octobre 2000 par Québecor à la suite de l’acquisition de Vidéotron par l’entreprise. Il est donc facile de déterminer que Québecor est la société

mère de Québecor Média. Le rôle qu’elle joue dans la prise de décision est grand, car, au moment du conflit, le P.D.G est le même pour les deux entreprises (soit Pierre Karl Péladeau) et pour les membres du conseil d’administration aussi. C’est pourquoi dans les faits, lors du conflit de travail de 2007, la partie syndicale n’a pas véritablement fait de distinction entre les deux entités. Même si Québecor Média est une filiale de Québecor, l’organisation possède, elle aussi, plusieurs divisions et filiales qui ont chacune eu un rôle important au cours du conflit de travail.

Sun Media est acquise par Québecor en 1998 (en même temps que Canoë) et elle est

considérée comme une filiale de Québecor Média dès sa création en octobre 2000139. En

tant que filiale offrant des services reliés à l’édition de journaux, Sun Média est citée tout au long du conflit de travail puisque c’est elle qui publie, entres autres, le Journal. Au moment du conflit, Sun Media est le deuxième plus gros éditeur au Canada et possède plus de deux cents publications à travers le pays140.

Une autre filiale importante est Les Messageries Dynamiques, division de Sun Media concernant l’impression et la distribution. C’est elle qui possède les imprimeries de Mirabel qui ont permis à la production du Journal de se poursuivre durant l’ensemble du conflit. Elle possède plus de 13 400 points de vente et distribue dans plus de 268 000 résidences au Canada141. L’impact de cette filiale sera analysé en profondeur

dans la section portant sur la Distribution.

La société Canoë est une entité de Québecor Média en tant que plate-forme Internet de l’organisation. Durant le conflit elle est principalement utilisée afin de fournir du contenu au Journal. Comme nous l’avons expliqué au chapitre 3, l’un des deux objectifs des demandes patronales est la modernisation de Québecor Média et l’intégration de ces

139 Québecor inc. 2008. Avis de convocation à l’Assemblée annuelle des actionnaires et Circulaire de

sollicitation de procurations de la Direction 2008. 26 juin 2008, p.6.

140 Sun Media Corporation. 2008. Annual report for the fiscal year ended December 31, 2007, p.17. 141 Québecor Media inc. 2008. Annual report for the fiscal year ended December 31, 2007, p.92.

109 différentes plates-formes grâce à l’utilisation du portail informatique de la société soit

Canoë.ca. La création le 28 novembre 2007 de Canoë.tv (qui devient, à l’époque le

premier Web diffuseur canadien142) est une preuve supplémentaire de l’importance

qu’accorde l’entreprise à sa filiale Internet. Dans le rapport financier pour l’exercice 2007, la société totalise des revenus de 48,3 millions de dollars, soit une hausse de 16,1 % comparativement à l’exercice de 2006143.

Finalement, l’agence de presse Nomade est une autre entité importante dans le cadre du conflit de travail de 2007. Elle est créée le 26 juin 2007 par Sylvain Chamberland et engage, à ce moment, vingt-trois journalistes et chroniqueurs144. Durant la période du

conflit, l’agence approvisionne le portail Canoë.ca en textes et photographies. Celles-ci peuvent aussi être utilisées par Québecor Média pour ses différents médias puisque l’agence de presse en cède l’usage complet au portail Internet145. Puisqu’elle est une

agence de presse indépendante engagée à contrat par Canoë, Nomade ne peut être considérée comme une filiale lors du déroulement du conflit de travail, car elle n’appartient pas à Québecor Média. Toutefois, le 12 mars 2008, le président de l’agence

Nomade affirme devant la CRT que « Pierre Karl Péladeau m’a appelé en me disant :

“Écoute, j’ai un projet d’une agence de presse. Comment peut-on mettre ça sur pied?” »146. À la suite de cette annonce devant la Commission, Denis Bolduc rappelle que

« l’élément surprenant de la journée a été d’apprendre que le grand patron de l’entreprise a lui-même effectué des démarches pour créer une telle agence de presse, et ce, quelques semaines seulement après le début du conflit au Journal de Québec » 147. Il sera question

de l’agence Nomade (et de son implication dans le conflit de travail concernant les briseurs de grève) de manière approfondie dans les sections Effectifs et Autres lois ou réglementations.

142 Québecor Media inc. 2008. Annual report for the fiscal year ended December 31, 2007, p.92. 143 Québecor Media inc. 2008. Annual report for the fiscal year ended December 31, 2007, p.91. 144 MMQ. «Pierre Karl Péladeau derrière l’agence Nomade», Média Matin Québec, 13 mars 2008, p.3. 145 Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 2808 (employés de bureau) et Syndicat

canadien de la fonction publique, section locale 1450 (journalistes, photographes, statisticiens et préposés aux archives-transmissions du Journal de Québec c. Journal de Québec, une division de Corporation Sun Media, Commission des relations du travail, Dossiers AQ-1004-9449 et AQ-1004-9450, Décisions CQ-

2007-4800, CQ-2007-5607, CQ-2007-5233, 12 décembre 2008. (Myriam Bédard, commissaire).

146 MMQ. «Pierre Karl Péladeau derrière l’agence Nomade», Média Matin Québec, 13 mars 2008, p.3. 147 MMQ. «Pierre Karl Péladeau derrière l’agence Nomade», Média Matin Québec, 13 mars 2008, p.3.

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Au moment du conflit, les composantes de la société-mère et des filiales ne sont pas une source de dépendance pour l’employeur. En effet, comme expliqué plus tôt, Québecor

Média est à la fois une filiale de Québecor tout en possédant elle-même des filiales pour

chacune des étapes de la production d’un journal. Il se positionne ainsi comme difficilement attaquable par des moyens de pression syndicaux à moins d’une grève simultanée de plusieurs de ses entités. C’est pourquoi, comme il sera expliqué plus en profondeur plus tard dans ce chapitre, la partie syndicale n’a pas concentré ses efforts sur les filiales de Québecor Média.

4.1.2.3 Secteur d’activité/Clientèle et donneur d’ouvrage

Lorsque l’on observe les différentes négociations collectives dans le domaine des médias papier au cours des vingt dernières années, il est perceptible que la période d’oisiveté du secteur d’activité tire bel et bien à sa fin. En effet, avec les nouveaux canaux de nouvelles en continue et l’Internet, il est de plus en plus facile pour les gens de s’informer.

Du même coup, s’il y a plus de moyens de s’informer, il existe aussi plus d’avenues de promotion pour les annonceurs. Selon des données colligées par le Television Bureau of

Canada (TVB), le revenu net engrangé par les publicités dans les journaux quotidiens

canadiens a diminué de près de 40 % durant la période de 2007 à 2014 passant de 2,722 milliards de dollars à 1,630 milliard148. Durant la même période, le revenu net pour la

publicité sur Internet a triplé passant de 1,243 milliards en 2007 à 3,793 milliards en 2014149. Ainsi, afin de conserver un nombre élevé d’annonceurs dans ses pages (puisqu’il

s’agit de la principale source de revenus d’un quotidien imprimé), le journal doit chercher, à la fois, à se renouveler et à conserver un grand nombre d’abonnés. Sur ce sujet, le répondant issu du milieu de la distribution confirme que

Le temps des vaches grasses est terminé aussi. C’est devenu un domaine vraiment féroce, où il faut vraiment être énergique. Donc, il faut être agressif, et il faut aussi que tu sois de ton temps, avec par exemple Internet. Il faut

148 Television Bureau of Canada. Net Advertising Revenue. [En ligne]

http://www.tvb.ca/pages/nav/?from=search (Page consultée le 27 octobre 2015).

111 montrer à nos lecteurs qu’on est actuel et qu’on est dedans, surtout parce qu’on est dans le domaine des médias150.

C’est pourquoi, pour produire un journal papier et être profitable, une entreprise comme

Québecor Média doit chercher à courtiser plusieurs types de clientèles, que ce soit la

population en général, les abonnés, les commerçants ou les annonceurs publicitaires. Ces clientèles sont diversifiées mais inter reliées, tel que, par exemple, dans le cas des annonceurs intéressés qui seront plus nombreux si la quantité d’abonnés augmente. Durant le conflit, la partie syndicale a su utiliser cette connaissance du secteur d’activité afin de s’adapter et de maximiser l’efficacité de sa campagne stratégique basée sur son média gratuit. Ainsi, les travailleurs ont été « agressifs » et proactifs en allant offrir directement le quotidien à la population et en concentrant la majorité des sujets sur un créneau précis, soit celui des nouvelles locales. De cette manière, le MMQ se démarque des produits déjà présents, tout en ayant une visibilité quantifiable (40 000) dans un marché précis (la ville de Québec).

Dans le cas de Québecor Média, son point de dépendance se retrouver non pas envers le produit en lui-même mais plutôt envers ceux qui le produisent et l’achètent.