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CHAPITRE 4 : ANALYSE DES RÉSULTATS

4.1 Analyse des données

4.1.3 Stratégie, Installations fixes, Effectifs et Distribution

4.1.4.3 Autres lois et réglementations

Les régulateurs légaux ont eu un grand impact sur la dépendance à la fois de l’employeur et des travailleurs au cours du conflit de 2007. En effet, plusieurs événements reliés au lock-out du Journal sont passés devant les tribunaux.

Tout d’abord, il y a eu l’acceptation du MMQ en tant que moyen de pression légal au sens de la loi. Par la confirmation de sa légalité à la fois par le tribunal d’arbitrage, la Cour supérieure du Québec et la Cour d’appel du Québec, le média gratuit a permis de mettre en place la stratégie syndicale visant à fournir à la population des nouvelles locales et des informations sur le déroulement du conflit de travail afin d’obtenir son appui. De plus, la conformité juridique du moyen de pression a permis au MMQ d’être légalement un concurrent supplémentaire de son employeur dans son domaine d’activité (comme

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expliqué précédemment dans la section Concurrence). Sur cet aspect, comme indiqué plus tôt dans le chapitre 3, le répondant patronal reste convaincu que c’est l’originalité du moyen de pression, et non pas sa légalité en elle-même, qui a permis à la partie syndicale d’obtenir l’appui des différentes instances judiciaires.

Par la suite, les instances légales ont aussi eu un rôle à jouer par les débats juridiques entre les deux parties concernant la présence ou non de briseurs de grève au sein du

Journal. La CRT a dû statuer sur le cas de différents journalistes et photographes

travaillant pour l’agence de presse Nomade. Au final, quatre journalistes et photographes ont été formellement considérés comme briseurs de grève pendant la durée du conflit. Ce nombre aurait augmenté à seize si l’on avait compté les douze travailleurs confirmés par la commissaire Bédard après la fin du conflit de travail. Toutefois, la décision de la commissaire est infirmée le 11 septembre 2009 par la décision du juge Marc St-Pierre de la Cour supérieure du Québec qui statue que la décision de la CRT est déraisonnable par rapport à la notion étendue d’établissement et que les travailleurs ne peuvent donc pas être considérés comme des travailleurs de remplacement pour le Journal puisqu’ils ne se présentent jamais à l’établissement du Journal sur l’avenue Béchard182.

Ce débat s’est poursuivi par un projet du Parti Québécois ayant comme objectif de réviser les dispositions anti-briseurs de grève du Code du travail et d’évaluer la pertinence de moderniser ces dispositions adoptées en 1977 et aujourd’hui prévues à l’article 109.1 du

Code du travail. En résumé l’article 109.1 indique que :

Seuls les cadres de l’établissement en grève et les salariés ne faisant pas partie de l’unité de négociation en grève ou en lock-out peuvent continuer à effectuer le même travail pendant le conflit. Seuls les cadres de l’établissement où se situe l’unité de négociation visée par la grève ou le lock-out peuvent remplir les fonctions des salariés en conflit, à la condition supplémentaire qu’ils aient été embauchés avant la date qui marque le début des négociations (Service Québec : En ligne).

Une commission parlementaire est donc mise en place pour examiner la nécessité d’ouvrir le Code du travail afin de le modifier sur la notion d’établissement.

182 Journal de Québec c. Commission des relations du travail. Cour supérieure du Québec, Dossiers 200-

17-010744-092, 200-17-010749-091, 200-17-010790-095. Décision 2009 QCCS 4168, 11 septembre 2009 (Marc St-Pierre, juge Cour supérieure du Québec).

127 Au sujet des modifications, Pierre Karl Péladeau indique :

Nous avons pris connaissance du projet de loi et, honnêtement, je pense que ça va pénaliser le Québec, ça va faire en sorte d’effrayer les entreprises qui vont avoir de plus en plus de difficultés à pouvoir s’installer ici. Ça va probablement précipiter la fermeture de nombreuses d’entre elles. Je ne veux pas être pessimiste, mais je suis inquiet, je suis très inquiet effectivement »183.

Le 22 septembre 2010, l’Assemblée nationale adopte à l’unanimité une motion qui invite le gouvernement à moderniser le Code du travail. Cette motion se lit ainsi :

C’est dans la perspective d’avoir un Code du travail qui reflète les nouvelles réalités du monde du travail que l’Assemblée nationale demande au gouvernement du Québec d’étudier la possibilité de moderniser le Code du

travail, particulièrement en ce qui concerne les dispositions anti-briseurs de

grève, afin notamment de tenir compte de l’impact des nouvelles technologies184.

Le projet de loi 399 : Loi modernisant les dispositions relatives aux briseurs de grève et

modifiant de nouveau le Code du travail185 est rédigé par le député de Beauharnois, Guy

Leclair, en 2010. Ce projet de loi demande l’ajout de l’alinéa suivant :

Il est également interdit à un employeur, pour remplir les fonctions d’un salarié faisant partie de l’unité de négociation en grève ou en lock-out, d’utiliser, à l’extérieur de l’établissement où la grève ou le lock-out a été déclaré, les services ou le produit du travail :

a) d’un salarié; b) d’un entrepreneur; c) d’une personne morale;

d) d’une personne à l’emploi d’un autre employeur186.

Il est présenté à deux reprises à l’Assemblée nationale soit à la 1ere session de la 39e

législature et à la 2e session de la 39e législature, mais ne sera jamais sanctionné187.

183 Richer, Jocelyne et Martin Ouellet. «Péladeau ne veut pas de réforme à la pièce», Le Quotidien, 2 février

2011, p.19.

184 Commission de l’économie et du travail. Mandat d’initiative sur la modernisation des dispositions anti-

briseurs de grève prévues au Code du travail.2011. p.3.

185 Leclair, Guy.2010. «Projet de loi no399 : Loi modernisant les dispositions relatives aux briseurs de

grève et modifiant de nouveau le Code du travail.» Éditeur officiel du Québec, p.1.

186 L.Q. 2010. c. 27, article 109,1 (Projet de loi 399).

187 Assemblée nationale. 2010. Projet de loi no399 : Loi modernisant les dispositions relatives aux briseurs

de grève et modifiant de nouveau le Code du travail. [En ligne] http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux- parlementaires/projets-loi/projet-loi-399-39-1.html (page consultée le 01 février 2014).

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Sur le même thème, au mois de novembre 2011, la Commission de l’économie et du travail publie le rapport La modernisation des dispositions anti-briseurs de grève prévues

au Code du travail. Ce rapport comprend plusieurs recommandations, dont l’une

concerne la notion d’établissement :

Sur la base des témoignages reçus lors des auditions, la Commission évalue que le rapport de force entre les parties négociantes peut actuellement être nettement déséquilibré dans certains milieux de travail, notamment dans le secteur de l’information. Les parlementaires considèrent que les dispositions anti briseurs de grève doivent pouvoir s’adapter à l’évolution économique et technologique de la société afin d’assurer le maintien du rapport de force équilibré entre les parties, ce qui constitue un objectif primordial pour le législateur. Si cette évolution ne se fait pas par la jurisprudence, la Commission est d’avis qu’elle devra se faire par des modifications législatives188.

La composante « Autres lois et réglementations » peut être considérée comme un point de dépendance de l’employeur au niveau de l’engagement de l’organisation envers celle-ci. En effet, cet engagement se doit d’être considéré comme élevé puisque Québecor Média se doit de respecter les lois et règlements en vigueur au Québec et au Canada concernant le marché du travail. C’est pourquoi, il devient dépendant de ses lois et règlements autant dans le choix de ses actions prises durant le conflit de travail (ex : embauche de nouveaux travailleurs) que de celles de la partie syndicale (Ex : confirmation de la légalité du MMQ comme moyen de pression.

4.1.5 Les composantes du modèle de Juravich n’ayant pas été