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CHAPITRE 1 : PROBLÉMATIQUE DE RECHERCHE

1.8 Objectif et question de recherche

L’objectif de cette recherche est d’évaluer la pertinence pour les syndicats d’utiliser des moyens de pression alternatifs, autres que la grève et le piquetage, lors d’un conflit de travail. Pour ce faire nous analysons le cas d’un conflit de travail spécifique, soit celui du

Journal, car dans le cadre de celui-ci, les travailleurs ont utilisé un moyen de pression

alternatif, soit la création d’un journal gratuit.

C’est pourquoi la question de recherche suivante sera étudiée dans le cadre de ce projet :

Est-ce que l’utilisation d’un moyen de pression alternatif, dans le présent cas la création d’un quotidien d’information gratuit et distribué par les salariés en lock-out, a été efficace, c’est-à-dire s’il a permis de concrétiser la puissance du syndicat face à l’employeur lors du conflit de 2007 au Journal de Québec.

L’étude de cette problématique s’avère pertinente pour différentes raisons d’ordre scientifique et social. D’un point de vue académique, il est pertinent de réaliser une étude sur les moyens de pression alternatifs dans le cadre d’un conflit, car il s’agit d’un sujet très peu abordé dans la littérature, plus particulièrement au Québec et au Canada. De plus, cette étude s’intéresse à un type d’entreprise, les médias papier, qui est peu étudié, et qui traverse une crise importante depuis les dernières années (Centre d’études sur les médias, 2015). En effet, les médias électroniques prennent de plus en plus de place et il est possible de croire que dans un futur proche, la population préfèrera s’informer par les médias électroniques que par les journaux. La disparition de l’édition quotidienne de La

Presse au profit du format de La Presse+ sur tablette en est un exemple probant (Crevier, La Presse : En ligne). Du même coup, les producteurs de journaux se doivent de trouver

des moyens pour ralentir la perte de profits, ce qui a entraîné, au Québec du moins, un plus grand nombre de conflits de travail. Au cours des dernières années, le Journal (pendant 16 mois) et le Journal de Montréal (pendant 25 mois), pour ne nommer que ceux-là, se sont retrouvés au cœur de conflits de travail musclés. Durant ceux-ci, les employeurs demandaient des modifications des conditions de travail afin de conserver un niveau de rentabilité jugé acceptable par ces organisations. Il est difficile de croire que

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cette tendance au long conflit cessera dans un futur proche. C’est pourquoi, d’un point de vue académique, cette étude revêt un intérêt certain.

Cette problématique a aussi une pertinence sociale, puisqu’elle permet de remettre en question les moyens utilisés par les syndicats et la capacité de ceux-ci à exercer une pression dans les négociations avec des employeurs de plus en plus puissants. Cet enjeu se révèle pertinent, car, avec les débats actuels portant sur l’utilité du syndicalisme et des grèves au vingt-et-unième siècle, les syndicats se doivent de démontrer qu’ils ont encore une place et qu’ils possèdent des moyens adaptés permettant de s’opposer aux employeurs lors d’un conflit de travail. Cette problématique interpelle donc fortement les grands acteurs sociaux que sont les syndicats, le patronat et même, dans une certaine mesure, les instances gouvernementales. Celles-ci seront confrontées à ce type de moyens de pression alternatifs dans l’avenir, à la fois en tant qu’employeur et en tant que régulateur par l’entremise du Secrétariat du travail.

Les syndicats, quant à eux, seront interpellés puisque cette étude cherche à observer et à analyser le déroulement d’un conflit de travail ayant comme particularité la création d’un média alternatif par la partie syndicale afin de contraindre l’employeur à retourner à la table de négociation. Ainsi, cette recherche devrait permettre aux acteurs syndicaux de pouvoir mesurer l’apport qu’a eu ce moyen de pression alternatif sur la puissance en négociation et ainsi disposer de plus amples informations sur la pertinence de recourir à ce type de moyen de pression dans l’avenir.

Il en va de même pour les acteurs patronaux qui auront aussi le même processus d’analyse concernant la façon d’agir devant ces nouveaux moyens de pression et leurs impacts sur les conflits de travail. Finalement, les instances gouvernementales seront intéressées aussi puisqu’elles obtiendront de l’information pertinente sur ce sujet, car, en tant que décideuses publiques, elles auront à faire face à un questionnement sur la façon d’encadrer ce type de manœuvre à l’avenir (par exemple la modernisation du Code du

travail concernant les dispositions anti-briseurs de grève).

Finalement, au lieu de ne discuter de son sujet que sous la forme théorique comme la plupart des textes présents dans la littérature, cette étude aborde aussi le thème de la

61 puissance en négociation et des moyens de pression sous la forme empirique par l’entremise de l’étude d’un cas d’actualité récent. Ainsi, il est pertinent de prendre en compte le fait qu’au-delà d’interroger les acteurs syndicaux et patronaux ayant participé au conflit de travail, cette étude cherche aussi à obtenir la vision d’un intervenant connexe relié aux médias, mais n’ayant pas été au cœur du conflit de travail. De cette façon, ce mémoire apportera une vision plus globale et diversifiée du conflit et de l’impact du MMQ.

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