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2.3. Des dynamiques collectives pour les processus d‟innovation

2.3.2. Processus d‟innovation

L‟innovation est présentée d‟abord comme un résultat. Cette approche Schumpetérienne (1912) et de Schmookler (1962) est incontournable dans l‟approche économique des innovations des années 60-70. Elle est valable dans une dimension « statique ».

Figure 22. Approche Schumpetérienne (1912) : innovation linéaire

L‟approche linéaire se trouve liée à une problématique spécifique de la gestion d‟une technique. Cependant elle n‟aborde pas l‟innovation comme processus entier et le pense comme un phénomène isolé. Au contraire, l‟innovation en tant que résultat est le produit d‟un processus.

Pour ces raisons, notre cadre analytique prend en compte le « processus » comme une composante essentielle de l‟innovation. Lorino (1995) définit un processus comme « un

ensemble d’activités reliées entre elles par des flux d’information significatifs, et qui se combinent pour fournir un produit matériel ou immatériel important et bien défini ». Le terme

« processus » renvoie d‟abord à une échelle temporelle, il met en relation les différentes activités et a un impact de nature transformatrice.

Dans une lecture évolutionniste (Nelson et Winter, 1982 ; Freeman, 1982 ; Dosi, 1988 ; Durand 1998), le processus d‟innovation s‟inscrit dans une échelle temporelle dont le processus peut être borné. Ainsi, il requiert des flux d‟informations entre activités et prend en compte le fait que celles-ci prennent du temps. Dans la dimension relationnelle, le « processus d‟innovation » a une dynamique productive et crée de la valeur. Nelson et Winter (1982) parlent de l‟évolution de l‟entreprise par ses routines, Durand (1998) se réfère au processus comme « concrétisation du savoir-faire » et Freeman (1982) et Dosi (1988) l‟interprètent comme une évolution du changement technique. Dans notre cas, nous essayons dans les prochains paragraphes de prendre en compte bien entendu, l‟échelle temporelle, les flux d‟information entre activités, les nouvelles routines d‟activités et la concrétisation du savoir- faire dans la création de la valeur du changement socio-technique.

Processus d‟innovation au sein de l‟exploitation agricole : la figure 23 illustre le processus d‟innovation et va nous permettre de le décomposer, renommer, ajouter et discuter afin de le conceptualiser.

Figure 23. Décomposition du processus d‟innovation par étapes

Phase 1 : déclenchement

Il s‟agit d‟un événement déclencheur qui ouvrira le processus d‟innovation au cours duquel l‟agriculteur sort de son « path dependency » et commence à amener des changements au système de production.

Phase 2 : exploration

Cette phase correspond classiquement à « l‟exploration » de nouvelles idées. Cependant, pour explorer, l‟agriculteur a besoin d‟identifier différentes sources d‟information afin d‟analyser son contexte et identifier où son exploitation se situe par rapport à son environnement global. Il va comparer son exploitation avec d‟autres, il va essayer d‟identifier les problèmes du passé/présent et il va chercher des informations sur comment mener un changement. C‟est justement là qu‟il y a une nouvelle entrée dans le processus d‟innovation. Il s‟agit d‟une influence extérieure au processus où l‟agriculteur va socialiser et partager avec d‟autres individus. Passer d‟une étape à l‟autre se fait de manière progressive : l‟agriculteur cherche à améliorer l‟efficacité, la performance de son entreprise et de sa qualité de vie, il va prendre également en compte la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE).

Cette deuxième phase est décomposée en trois étapes principales : essais, ajustements et validation.

Le passage de la première à la deuxième étape correspond au déroulement cohérent entre étapes. Au moment de passer d‟une étape à l‟autre, l‟agriculteur fait une validation au cours de laquelle certaines informations (flux d‟information) vont sortir du processus et d‟autres vont être retenues pour l‟étape suivante. Le déroulement se construit sur une base d‟améliorations incrémentales.

Dans l‟étape « essais », l‟agriculteur va combiner les connaissances générées et les « tester » sur son exploitation (E1, E2…En+1). Dans la phase d‟exploration, l‟agriculteur va mieux maitriser la technique et la tester sur son exploitation pour réaliser des résultats meilleurs. La mise en œuvre de son nouveau système de production n‟est pas encore stable, alors il affine ses outils d‟évaluation. Dans un premier temps, il va apprendre de soi-même et puis avec le partage et lors de discussions au sein de la dynamique collective il apprend des autres.

Une fois que l‟agriculteur a obtenu des résultats dans l‟étape d‟essai, il évalue ses résultats. S‟il s‟agit des échecs, comme le signalent Kline (1985) et Kline et Rosenberg (1986), la chaine interconnectée permettra à l‟agriculteur prendre en compte ses interactions (socialisation, externalisation, combinaison) pour faire un feed-back entre l‟amont et l‟aval. Pendant tout le processus d‟innovation, l‟agriculteur va revenir en arrière s‟il n‟obtient pas des bons résultats. Cependant, il a besoin de stabiliser son nouveau système par l‟innovation incrémentale, mais aussi par un passage à une étape de validation. Ce passage agit comme une internalisation de connaissances que l‟agriculteur a acquises par la routine, la pratique, l‟entrainement, l‟exercice dans l‟action d‟expérimentation. D‟une part, l‟agriculteur acquiert les connaissances explicites par l‟action et par la pratique et en même temps actualise les concepts et les méthodes reliés à sa stratégie. Parmi ces éléments, d‟autre part, l‟agriculteur va intérioriser ces connaissances explicites en faisant des connaissances tacites pour les intégrer à son système de production.

Enfin, l‟étape de « validation » se traduit par la stabilisation du système de production. La validation signifie que l‟agriculteur a réussi son processus d‟innovation et donc il va chercher à valoriser sa production de biens et services. Il va modifier ses opérations de stockage et de mise en marché et donc modifier, à la fois l‟extrant du système et la production de ressources

monétaires. De plus, le changement dans les processus productifs, y compris les opérations techniques, va modifier la répartition de facteurs communs de travail, mais aussi le flux d‟achat de biens et services. Enfin, la réussite du processus d‟innovation est directement liée au système de décision de l‟agriculteur. L‟ajustement contribue à dessiner la trajectoire de l‟exploitation. L‟étape de validation est le résultat de la combinaison de finalités et de la situation de l‟agriculteur et sa famille.

Phase 3 : exploitation

La troisième phase est celle de l‟« exploitation ». La différence entre les phases d‟exploration et d‟exploitation de l‟innovation (Atuahene-Gilma, 2005) est d‟une part, que l‟exploration correspond à la tendance de l‟entreprise à investir des ressources pour acquérir de connaissances et des compétences lesquelles amènent dans un processus de travail complètement nouveau. Alors que dans l‟étape exploitation, il y a aussi une tendance d‟investissement de ressources, sauf que celle-ci affine et étend les connaissances, les compétences et les processus de travail existants (Atuahene-Gilma, 2005). Une autre différence entre ces deux étapes est que l‟exploration est un instant de flexibilité, alors que l‟exploitation tient compte de l‟efficacité dans la nouvelle activité.

Cette phase d‟exploitation est composée de trois étapes. La première correspond à l‟adoption de la nouvelle pratique qui a été d‟abord validée dans la phase d‟exploration ; cette « adoption » ne se fait pas radicalement dans la totalité du système de production. Au contraire, elle nécessite un passage par l‟étape « d‟ajustement » afin d‟optimiser la mise en œuvre du nouveau système de production. L‟agriculteur a besoin d‟introduire le changement progressivement afin de pouvoir apprendre pendant ce processus. Ici, l‟objectif ou bien la finalité est d‟être doublement performant pour enfin rentrer dans la phase de stabilisation. Phase 4 : stabilisation

Cette dernière phase marque la réussite de la mise en œuvre du nouveau système de production par l‟équilibre entre les dimensions techniques, économiques et sociales trouvées dans la conduite du nouveau système de production. Toutefois, le processus peut recommencer lorsque d‟autres chocs extérieurs arrivent.