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2.3. Des dynamiques collectives pour les processus d‟innovation

2.3.3. Apprentissage et création de connaissances

Dans le cas des études rurales, le processus collectif a été peu abordé au niveau micro (l‟exploitation agricole) (Schut et al., 2014). En effet, c‟est aussi la justification de notre apport scientifique qui relève des enjeux scientifiques de la thèse : notre entrée par le collectif met l‟accent sur l‟ordre social. Le processus d‟innovation apparaît comme un processus interactif, il s‟agit d‟un processus d‟apprentissage social. La nature de notre recherche est d‟ordre cognitif où la création, la recréation permanente et la pérennité de savoirs s‟inscrivent dans la trajectoire des exploitations agricoles.

Avant de commencer à définir les variables de cette étude pour rendre visible l‟impact de la dynamique collective dans le processus d‟innovation des exploitations agricoles en grandes cultures, il nous semble important également de discuter de la gestion des connaissances. Cette approche est essentielle dans la construction de méthodologie : elle explique comment la création de connaissances est un dialogue continu entre les connaissances explicites et tacites. Les premières sont des connaissances qui peuvent être exprimées par les mots, les chiffres, les données partagées, les formules scientifiques, les manuels, les documents, etc. Ce type de connaissance peut être transmis par les individus de manière formelle et systématique. Le deuxième type de connaissance porte une dimension très personnelle d‟où la difficulté à la formaliser. Il s‟agit d‟une connaissance difficile à communiquer et partager avec les autres, car elle englobe un relativisme subjectif personnel, une sphère d‟intuition et une forme de pressentiment par l‟individu. La connaissance tacite est profondément enracinée dans l‟action individuelle, l‟expérience, les valeurs et les émotions de la personne.

Dans cet ordre d‟idées, il y a deux dimensions identifiées par Nonaka (1994) et Nonaka et Konno (1998). La première correspond à la dimension technique, qui couvre un type informel de compétences personnelles où nous trouvons le know-how. La deuxième est une dimension cognitive qui mêle les croyances, les valeurs, les schèmes et les modèles mentaux ; profondément ancrés dans chaque individu, nous les tenons tous pour acquis. Bien que la difficulté repose sur cette articulation, la dimension cognitive de la connaissance tacite façonne la manière dont on perçoit le monde. La dimension technique se connecte avec la dimension cognitive dans un processus d‟innovation « interconnecté », car le caractère des expérimentations va connecter les étapes du processus selon les phases d‟amont et d‟aval.

Le modèle SECI (Socialisation/Externalisation/Combinaison/Internalisation) de Nonaka (1994) nous éclaire sur la justification des indicateurs à utiliser dans la construction de la méthodologie. Il faut d‟abord comprendre que la création de connaissances fonctionne comme un processus en spirale avec des interactions entre l‟explicite et le tacite. La combinaison de ces deux types de connaissances permet de conceptualiser quatre paramètres du modèle. Le processus de conversion de connaissances passe par les étapes de (1) Socialisation, (2) Externalisation, (3) Combinaison, (4) Intériorisation.

Modèle SECI

Socialisation : Partage entre individus de connaissances tacites. Le terme socialisation est utilisé pour expliquer le fait que les connaissances tacites sont partagées par des activités conjointes : être ensemble, passer du temps, cohabiter dans le même environnement… de longues années d‟apprentissage permettent aux nouveaux venus de comprendre les autres formes de pensée et de ressenti. Les connaissances tacites peuvent être partagées seulement si l‟individu s‟autorise à s‟autoalimenter des connaissances tacites de l‟autre. Dans la pratique, la socialisation consiste à capter les connaissances à travers une proximité physique. Le processus d‟acquisition des connaissances est généralement assumé par l‟interaction directe. Capter les connaissances tacites peut se faire par exemple en marchant dans les couloirs de l‟entreprise. La diffusion des connaissances tacites est un aspect de la socialisation. Le processus de transfert d‟une idée ou d‟une image à travers les collègues signifie le partage des connaissances personnelles et la création d‟un endroit en commun (Ba).

Externalisation : elle requiert l‟expression des connaissances tacites et la traduction en des formes compréhensibles pour être assimilées par les autres. En termes philosophiques, l‟individu transcende ses frontières intérieures et extérieures. Pendant la phase d‟externalisation du processus de création de connaissances, des compromis personnels vers le groupe deviennent partie du groupe. La somme des intentions et des idées individuelles est intégrée dans l‟univers mental du groupe. La transcendance personnelle est un facteur clé de l‟intégration du groupe et de la conversion des connaissances tacites en des connaissances explicites. Dans la pratique, l‟externalisation a deux facteurs. Le premier est l‟articulation des connaissances tacites, c‟est-à-dire que la conversion des connaissances de tacites à explicites

nécessite de la technique pour aider l‟expression d‟une idée ou d‟une image (les mots, les concepts, le langage figuratif− métaphores, analogies, narrations− et le visuel). Le deuxième prend en compte la traduction des connaissances tacites des experts pour faciliter la compréhension, en employant raisonnement déductif/inductif ou une créativité de l‟afférence. Ce qui est important dans le modèle SECI est la traduction des connaissances très personnelles ou de connaissances très professionnelles d‟experts en des formes explicites qui sont faciles à comprendre.

Combinaison : Elle englobe la conversion des connaissances explicites en des ensembles complexes des connaissances explicites. Dans cette phase, l‟élément clé est la communication et la diffusion du processus, ainsi que la systématisation des connaissances. Dans la pratique, la phase de combinaison s‟appuie sur trois processus. Capter et intégrer des nouvelles connaissances tacites est essentiel et englobe la collecte des connaissances externalisées de l‟intérieur à l‟extérieur de l‟entreprise pour ensuite combiner ces données. D‟ailleurs, la diffusion des connaissances explicites est basée sur le processus de transfert de cette forme de connaissances en mode direct par l‟utilisation de présentations et en faisant des réunions. Ici, les nouvelles connaissances sont diffusées parmi les membres de l‟organisation. Finalement, l‟édition des connaissances explicites crée des usages (documents, rapports, données du marché). Dans le processus de combinaison, la justification comme base d‟accords, prend sa place en permettant à l‟organisation de suivre des étapes pratiques et concrètes.

Internalisation : L‟internalisation de la nouvelle connaissance correspond à la conversion de la connaissance explicite à l‟organisation de la connaissance tacite. Celle-ci nécessite la participation de l‟individu pour identifier la connaissance relevant de soi-même dans l‟organisation de la connaissance. Il s‟agit de se trouver en soi-même dans l‟entité, c‟est-à- dire, apprendre par la pratique, s‟entraîner, et faire des exercices individuels pour avoir accès aux connaissances dans la sphère du groupe. Dans la pratique, l‟internalisation est liée à deux dimensions. La première prend en compte les connaissances explicites qui englobent l‟action et la pratique, de plus, le processus d‟internalisation des connaissances explicites actualise les concepts et les méthodes reliés à la stratégie, aux tactiques, à l‟innovation ou à l‟amélioration. Dans la deuxième dimension il y a un processus qui contient les connaissances explicites par l‟utilisation de simulations ou d‟expérimentations afin de

déclencher l‟apprentissage par la pratique dans le processus. Des nouveaux concepts ou méthodes peuvent être appris en situations virtuelles.

Le modèle SECI décrit la dynamique du processus par lequel les connaissances explicites et tacites sont échangées et transformées dans l‟organisation. Les quatre modes de création de connaissances nous permettent de travailler ce modèle au niveau micro entre l‟exploitation et son réseau de travail. Le modèle de Nonaka (1994) ; Nonaka et Tekeuchi, (1995), est pertinent pour comprendre le processus d‟innovation de la dynamique collective du groupe CV.

Figure 24. Modèle SECI (Nonaka et Tekeuchi, 1995)

Nous nous sommes donc basée sur le modèle SECI pour mesurer et pouvoir expliquer le processus d‟innovation des exploitations agricoles (dimension individuelle) et la manière dont se superpose l‟accompagnement par l‟action collective de la dynamique du groupe CV du GABB32.