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3.4.1. Les enregistrements vidéo

La vidéo est le moyen de recueil de données principal de la recherche puisqu’elle permet de filmer les leçons collectives ainsi que les lectures émergentes des élèves ciblés. La vidéo est fondamentale pour capter ces moments puisque, que ce soit lors des séances collectives ou lors des lectures émergentes, les gestes des élèves ou de l’enseignant (pointer un personnage, mimer une action, tourner la page, etc.) peuvent être des indices importants pour l’analyse.

De plus, dans le cas des séances collectives, la vidéo peut permettre d’identifier plus facilement les élèves qui parlent, là où il serait impossible de les distinguer uniquement par leurs voix. Bien sûr, comme il est difficile d’avoir tous les élèves simultanément dans le champ de vision de la caméra, certaines interventions restent non identifiables.

3.4.2. Les entretiens semi-dirigés

Parallèlement aux leçons collectives, des entretiens ont été réalisés auprès des élèves, et ce, par groupes de deux (deux entretiens pour les élèves ciblés et un entretien pour les autres élèves interrogés). Bien sûr, les deux entretiens effectués avec chacun des élèves ciblés constituent le cœur du recueil de données, mais par souci d’équité, les autres élèves ont également été interrogés au moins une fois au cours du dispositif. Par ailleurs, ces entretiens auprès des autres élèves m’ont permis de mieux cerner les réflexions de chacun quant à l’album travaillé en classe, et d’obtenir ainsi une vue d’ensemble de la classe.

Cette démarche d’entretien a été choisie afin de compléter les données recueillies lors des séances collectives, puisqu’il a été montré dans de nombreuses recherches que plus le groupe est grand et moins les élèves osent prendre la parole face aux autres. En effet, on peut penser que lors des séances collectives, certains élèves n’ont peut être pas le courage de s’exprimer face aux autres, puisque le regard d’autrui, et notamment de l’enseignant, joue un grand rôle.

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Aussi, ces entretiens en duo sont une occasion, pour les élèves, de s’exprimer dans un cadre avec peut-être moins d’enjeux, où chacun a l’occasion de s’exprimer plus librement que face au groupe classe et à l’enseignante.

Cette hypothèse s’est d’ailleurs vue confirmée au fil du recueil de données, puisque souvent, en plénière, c’était essentiellement les élèves jugés « bons » par l’enseignante qui s’exprimaient, certainement parce qu’ils avaient un fort sentiment de compétence scolaire. Alors que les élèves jugés plutôt « faibles » parlaient très peu en grand groupe, mais semblaient beaucoup plus

« libérés » lors des entretiens en duo avec la chercheuse.

Les entretiens permettent donc d’obtenir des informations sur les raisonnements de certains élèves qui ne sont pas toujours visibles en grand groupe, lorsque la pression du regard de l’autre empêche certains d’oser exprimer leurs opinions. Les entretiens permettent également d’approfondir certains points avec les élèves et ils sont un moyen privilégié pour saisir les réflexions, les cheminements de la compréhension, les obstacles qui se posent, etc. Ils permettent d’accéder à ce qui se passe dans la tête de l’apprenant en situation d’apprentissage, ils permettent de recueillir des informations précieuses sur les démarches interprétatives des élèves. Les entretiens sont donc des moments privilégiés de dialogue avec les apprenants, durant lesquels il est primordial qu’une certaine relation de confiance s’établisse afin que ces derniers osent exprimer leurs opinions devant la chercheuse. Pour cette raison, j’ai pris le temps d’expliquer aux élèves, avant chaque entretien, que toutes leurs réponses étaient justes et qu’il ne fallait surtout pas qu’ils aient peur d’exprimer leurs idées.

Cependant, malgré ces précautions, il est certain que la démarche d’entretien comprend des limites. En effet, même s’il est dit aux élèves au préalable que toutes leurs idées sont intéressantes et qu’ils ne doivent pas avoir peur de les exprimer, il est certain qu’il y a un risque pour que ces derniers adaptent leurs réponses à ce qu’ils pensent que la chercheuse souhaite entendre, et ce, dans un but de reconnaissance. Ainsi, une situation d’entretien ne permet jamais de mettre à jour totalement les pensées et réflexions de l’interrogé, puisque ce dernier est influencé par le contexte et par l’intervieweur (on ne se livre jamais complètement et l’on tient forcement compte de celui qui nous pose des questions). Cependant, il semble clair qu’une démarche d’entretien est un moyen efficace pour s’approcher au plus près des réflexions de

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l’apprenant et qu’elle fournit des indices essentiels afin d’analyser la démarche interprétative d’un élève en profondeur.

3.4.3. Les lectures émergentes

En plus des séances filmées et des entretiens, les six élèves ciblés ont été amenés en toute fin de séquence à raconter l’histoire à un camarade de la classe parallèle. Pour raconter l’histoire à un camarade, les élèves peuvent s’appuyer sur « la mémorisation et le rappel morphosémantique du texte, mais également sur l’utilisation de quelques signes graphiques (lettres) comme moyen de contrôle de sa “lecture”, éventuellement sur la reconnaissance logographique de certains mots » (Saada-Robert et coll., 2005, p.32-33). Bien sûr, les illustrations sont également des appuis essentiels pour le récit des élèves d’autant plus que ces dernières ont été analysées en profondeur précédemment en classe et qu’elles ont joué un rôle très important dans la séquence, un rôle certainement aussi important que le texte à proprement parlé.

Il importe de préciser ici que ce qui importera dans l’analyse de ces lectures émergentes, ce n’est pas tant les procédés utilisés par les élèves pour raconter l’histoire, mais plutôt la manière dont ils l’ont racontée en terme de contenus : les éléments qu’ils ont mis en évidence, les valeurs et choix interprétatifs qui transparaissent dans leur récit, la cohérence de ce dernier, l’utilisation de certains indices sémantiques présents dans l’image ou non, etc. La démarche de lecture émergente n’est donc pas un objet d’étude en soi, mais elle est un outil pour tenter de cerner les cheminements interprétatifs des élèves.

Bien sûr, cette lecture émergente sera tout de même à relativiser, puisque comme les élèves sont amenés à raconter l’histoire à un autre élève, nous pouvons penser qu’ils s’adapteront quelque peu à leur destinataire, voire peut-être qu’ils raconteront un récit dans lequel ils feront ressortir avant tout les éléments qu’ils supposent que leur destinataire a envie d’entendre.

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