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Chapitre 2. Les contextes sociaux de notre recherche, la problématique et le design

2.4 Problématique et justification de l'étude

La présente étude cherche à comprendre sociologiquement les significations sociales du corps, de la reproduction et de la sexualité des acteurs sociaux de trois régions situées dans l’état de Morelos au Mexique dans le cadre de la médicalisation de la reproduction et de la sexualité. Nous inscrivons notre projet à la lumière du rôle central que jouent la médecine et la médicalisation dans les sociétés contemporaines dans la production, la reproduction et la régulation du corps (Williams, 2006) et des significations sur la sexualité et la reproduction (Lupton, 2003), en soulignant les conséquences et le rôle tant des nouvelles technologies reproductives (NTR) que des structures et des processus d’exclusion sociale.

Au cours des dernières décennies, le Mexique a expérimenté une importante médicalisation, surtout de la reproduction. Cette médicalisation inclut l’emploi des technologies médicales (césariennes, méthodes contraceptives, techniques de dépistage, ultrasons, épisiotomies, etc.). Bien que l'élargissement de l'institutionnalisation et la médicalisation des accouchements et de la grossesse aient contribué à diminuer certaines causes de la mortalité maternelle au Mexique, il faut souligner la persistance des problèmes en matière de santé reproductive dans ce pays.

En effet, au Mexique, il est possible d’observer le recours fréquent à des interventions médicales telles la césarienne ainsi que l’utilisation indiscriminée de l’épisiotomie et des stérilisations féminines (Garrido et Puentes, 2004). En fait, des études récentes relèvent également une hausse des interventions non justifiées, dont la césarienne (Suárez, Campero, de la Vara et al, 2012). Notamment, dans le Mexique des années 60, seulement 3 % de femmes accouchaient par césarienne, alors que 24,1 % des femmes accouchaient par cette voie en 1996. En 1999, ce pourcentage s’élevait à 35,4 %. N'oublions pas que l'emploi non justifié de la césarienne est un facteur majeur à l’origine de la morbimortalité maternelle et infantile et des accouchements prématurés (Suárez et al, 2012). Les estimations récentes suggèrent que l'accroissement de la pratique de la

césarienne a eu lieu dans toutes les institutions de santé. En 2012, le pourcentage de césariennes effectuées dans le secteur public était de 40,9 % et de 69,6 % dans le secteur privé (Suárez et al., 2012). Au Mexique, 37,7 % des femmes non autochtones et 14.8 % des femmes autochtones accouchent par cette voie (INEGI, 2010). Notons que 50 % des accouchements chez femmes qui résident en ville et 32,3% chez les femmes qui vivent en milieu rural sont survenus par césarienne (ENADID, 2009). Notamment, le Mexique occupe la quatrième position parmi les pays du monde qui font un usage non nécessaire de la césarienne, c'est-à-dire sans justification médicale, après de Chine, Brésil et les États- Unis (Suárez et al., 2012). La tendance à l’augmentation du nombre de césariennes au Mexique se poursuit malgré les avertissements de divers organismes internationaux, lesquels lui recommandent de diminuer la proportion d’interventions médicales non justifiées (Suárez, et al., 2012). Ces recommandations visent également à garantir le respect des droits sexuels et reproductifs des femmes en faisant la promotion de l’équité de genre dans le domaine de la reproduction (Côrrea, 2004; Petchesky et Jud, 1998).

Quant à la médicalisation de la contraception, la stérilisation féminine a augmenté significativement au cours du temps. Dans les années 70, la pilule était la méthode la plus utilisée au Mexique par les femmes qui utilisaient des méthodes contraceptives modernes. Ainsi, parmi toutes les femmes qui ont fait appel à, des méthodes modernes de contraception dans les années 70, seulement une sur dix s’est soumise à la stérilisation féminine. Cependant, dans les années 80, la stérilisation féminine a détrôné la pilule. En 1982, parmi toutes les femmes qui utilisaient des méthodes contraceptives modernes, une femme sur quatre avait été stérilisée; en 1986, ce rapport était d’une femme sur trois. Ainsi, en 2009 5,8 % des utilisatrices de contraceptifs employaient la pilule, 16,1 % le stérilet et 50,1 % la stérilisation féminine (ENADID, 2009). Il est important de souligner que, en 1997, 46,5 % des utilisatrices de méthodes contraceptives avaient choisi leur méthode dans le cadre d’un suivi postnatal, tandis que le choix de 53,5 % de ces femmes s’est fait à différents moments de leur vie reproductive. Pour l'année 2009, 58,7 % des utilisatrices de contraceptifs choisissaient leur méthode pendant leur suivi postnatal et 41,3 % des femmes à un autre moment. Les deux méthodes majoritairement offertes par les services de santé publics après l'accouchement sont la stérilisation féminine et le stérilet. En conséquence, les estimations récentes suggèrent que, en 2009, 83,1 % des femmes qui ont choisi la

stérilisation féminine et 63,8 % qui ont adopté le stérilet avaient choisi leur méthode contraceptive pendant qu’ils bénéficiaient de services postnataux (CONAPO, 2011). Il faut souligner que, souvent, le choix de la césarienne précède celui de la stérilisation féminine dans les services publics de santé (Camarena et Lerner, 2008). De plus, on remarque une disproportion quant au nombre de stérilisations féminines par rapport aux stérilisations masculines. Par exemple, en 2009, chez les couples qui utilisaient une méthode contraceptive au Mexique, seulement 3,1 % des hommes avaient choisi la vasectomie, tandis que 50,1 % des femmes avaient choisi la stérilisation féminine (ENADID, 2009).

En ce qui concerne l'institutionnalisation de l'accouchement et le suivi de la grossesse au pays, grâce au développement du système biomédical, des femmes sont de plus en plus nombreuses à être suivies par des médecins et à accoucher dans des structures médicalisées (Akrich, 1999). En fait, la procréation représente un moment clé pour l'intégration des femmes dans le système biomédical (Akrich, 1999). En 1974, les estimations suggèrent que 55 % des femmes mexicaines ont accouché en présence d’un médecin, chiffre qui a atteint 84,2 % en 1997 (Hernández et Flores, 2010). En 2006, 88,6 % des femmes ont accouché avec un médecin, 2,6 % avec une infirmière, 4,4 % avec une sage-femme, et 3,4 % d’entre elles ont accouché seules ou avec un membre de leur famille. Dans le cas des femmes autochtones, 26 % ont accouché avec une sage-femme, alors que seulement 3,8 % des non-autochtones ont fait de même (Hernández et Flores, 2010). Ajoutons que, pour l’année 2009, 94 % des femmes ont accouché sous la supervision d’un médecin (CONAPO, 2011). De plus, 80 % des femmes (à l'exception des femmes non autochtones âgées de 18 ans et plus, sans scolarité) ont assisté à au moins une rencontre de suivi de grossesse (CONAPO, 2011). En moyenne, le nombre de rencontres pour un suivi de grossesse au Mexique en 2009 était de 7,4 rencontres par femme. Cependant, il existe des différences significatives parmi les femmes selon leur appartenance ethnique et sociale (Galindo et al., 2007). Le suivi de la grossesse et le suivi postnatal sont encore peu fréquents chez les femmes pauvres non scolarisées et chez les autochtones, ce qui témoigne d’un accès restreint aux soins prénataux et obstétricaux. Bien que les femmes autochtones comptent en moyenne plus de grossesses que les femmes non autochtones, les premières sont moins nombreuses à faire le suivi de leur grossesse et affichent une plus forte tendance à reporter la première rencontre avec le médecin que les secondes (Galindo et et al., 2007).

Concernant l'épisiotomie en Amérique latine, les estimations pour la période 1995- 1998 rapportent des pourcentages qui varient entre 65 % et 96 % chez les femmes primipares (Graham et al, 2005), chiffres qui contrastent avec les estimations réalisées en Europe qui varient entre 9,5 % et 52 % (EPHR, 1998). Soulignons que l'OMS recommande un pourcentage d'épisiotomies entre 10 % et 20 %.

D’autre part, comme nous avons souligné dans la section précédente, /le processus de médicalisation au Mexique a été accompagné d’un manque d’accessibilité, pour la majorité de la population, à des services de base en santé de qualité (UNFPA, 2007). Au Mexique, la population non assurée a reçu des services de santé par la voie du programme Seguro popular du Secrétariat de santé ou de l'IMSS solidarité.

Par ailleurs, nous pouvons affirmer que la reproduction humaine constitue un cadre dans lequel se manifestent d’une manière importante les inégalités sociales (dont les inégalités de genre) (Echarri, 2008). Par exemple , ces inégalités se reflètent parfois chez les femmes dans l’impossibilité de prendre des décisions éclairées sur leur propre corps en matière de sexualité, de reproduction et de santé (Gautier et Quesnel, 1993). À cet effet, diverses études menées au Mexique ont documenté l’existence de politiques et de pratiques médicales répressives qui mènent à la violation des droits sexuels et reproductifs des femmes en contextes institutionnels. Elles soulignent notamment la manière dont sont reproduites diverses inégalités sociales dans les milieux hospitaliers au cours de la rencontre médecin-patient Ces études menées au Mexique ont documenté l’imposition de méthodes contraceptives tels la stérilisation féminine et le stérilet ainsi que l’adoption de diverses pratiques de maltraitance pendant l’accouchement et les consultations de santé reproductive (Smith-Oka 2009; INSGENAR, 2003). Par exemple, notons les réprimandes et les sanctions subies par les femmes qui n’obéissent pas aux ordres et aux recommandations du personnel médical (Erviti, Sosa-Sánchez et Castro 2010). Cependant, nous détenons peu d’information sur la façon dont la médicalisation de la reproduction et de la sexualité contribue à la transformation de l'expérience et des significations de la reproduction, de la sexualité et du corps non seulement chez les femmes, mais aussi chez les hommes, ainsi que leurs conséquences sur les rapports de genre et les rapports de pouvoir. Nous en savons également peu sur la manière dont la médicalisation de la sexualité et de la reproduction est interprétée, éprouvée et contestée par les acteurs sociaux,

sur les nouvelles options qui s’offrent aux femmes et aux hommes et sur les pressions sociales qui sont exercées par les NTR sur les femmes et sur les hommes dans des contextes culturels spécifiques. Cela est particulièrement pertinent si nous considérons que les représentations et les pratiques culturelles existant autour de la reproduction et de la sexualité sont des éléments clés pour appréhender la santé reproductive et sexuelle et les droits qui lui sont afférents.

Il semble donc nécessaire de mener des études sur l’expérience des femmes et des hommes (selon leur origine ethnique, leur appartenance de classe, etc.) (Rapp, 1998; Freyermuth, 2003), la manière dont ils comprennent et interprètent cette expérience et leurs besoins en matière de reproduction et de sexualité dans le cadre de leur médicalisation. Ceci permettra d’approfondir les répercussions de la médicalisation sur les droits reproductifs et sur la santé des hommes et des femmes (Liamputtong, 2007).

À ce propos, certaines études menées au Mexique autour du thème des significations du corps dans les régions rurales et semi-rurales ont souligné la place centre qu’occupe la reproduction biologique quant aux significations données aux corps féminins, ce qui coïncide avec les résultats des études menées en régions urbaines (Fagetti, 1995; Castro, 2000). Par contre, chez les hommes, l’expérience et les significations du corps se construisent autour d’une identité masculine fondée sur l’image de pourvoyeur et du « corps fort » (Córdova, 2003; Guttman, 2007, 2008). Ainsi, le corps masculin est conceptualisé principalement comme un outil de travail pour lequel les soins visant à maintenir une bonne santé ne sont pas d’une grande importance dans la socialisation chez les hommes (De Keijzer; 2003). Ces études (dont la plupart sont de nature anthropologique) ont montré l’existence d’un syncrétisme en ce qui concerne les constructions du corps, de la santé, de la contraception et de la reproduction dans les régions rurales du Mexique (Fagetti, 1995; Castro, 2000; Córdova, 2003). Ce syncrétisme s’exprime sur le plan des significations sociales, où coexistent des éléments du paradigme médical occidental et du paradigme médical non occidental (autochtone-populaire) pour parler du corps, de la santé et de la reproduction (Castro, 2000; Fagetti, 1995; Córdova, 2003).

Si nous nous penchons sur la sexualité au Mexique, de nombreuses études ont indiqué l’existence de liens étroits entre les iniquités de pouvoir et l’accès aux ressources économiques et sociales, analysés en fonction du sexe et les significations de la sexualité

(Szasz, 1998). De même, il a été suggéré l’existence d’une double morale sexuelle qui valorise l’expérience sexuelle chez les hommes d’une part, tandis qu’elle promeut l’absence de cette même expérience (sexuelle) chez les femmes d’autre part (Amuchástegui, 1999; Lerner, 1998). De surcroît, de nombreuses études ont suggéré que les constructions sociales faites à partir des significations qu’on accorde à la sexualité ont également des effets importants sur les comportements sexuels et reproductifs (Figueroa, 1999; Lerner, 1998).

Dans notre étude, nous explorons les bases sociales et l'organisation sociale de ces constructions et de ces expériences vécues (Schutz, 1962, 1987) afin de les utiliser pour accéder à la logique sociale qui donne un sens aux pratiques des acteurs dans des contextes spécifiques (en soulignant le sens subjectif que les acteurs donnent à leurs conduites et aux phénomènes sociaux qui les entourent) en mettant l’accent sur les mécanismes politiques de reproduction et de naturalisation des inégalités sociales dans le domaine de la santé, de la reproduction et de la sexualité et du corps.

Dans cet ordre d’idées, ce projet de thèse de doctorat s’inscrit dans la lignée des études sociologiques et anthropologiques menées en Amérique latine, au Mexique en particulier (Castro et Eroza; 1998), qui ont mis l’accent sur l’approfondissement des connaissances sur les expériences subjectives vécues en sexualité et santé reproductive (Freyermuth, 2003a; Rodríguez; 2003). Ces recherches ont montré qu’il est impossible de comprendre les expériences subjectives de la santé reproductive et de la sexualité hors du contexte politique, économique et social dans lequel ces expériences s’inscrivent et où interagissent divers types de conditionnements sociaux, dont l’élargissement de la médicalisation (Castro; 2000; Gutmann, 2007; Szasz, 1996). Ces études ont mis en lumière les limites de la plupart des travaux sur la sexualité, la reproduction et le corps qui avaient abordé le sujet sous des approches quantitatives et réductionnistes. À propos des études menées dans les zones rurales et semi-rurales du Mexique et de Morelos, la plupart se sont penchées principalement sur des aspects liés à la médecine traditionnelle (Casales et al., 2008), la dynamique démographique et la santé des populations (Gautier et Quesnel, 1993). Dans le cas de Morelos, et particulièrement de la municipalité de Tepoztlán (dans laquelle se trouve le village de Santa Catarina), une bonne partie des études se sont concentrées sur les conflits agraires, la culture paysanne de la pauvreté ou sur la culture folklorique.

Cependant, les études sur la santé sexuelle et reproductive dans cette région sont peu nombreuses.

C’est sur la base de ces considérations que certains auteurs ont recommandé d’approfondir l’étude de ces expériences en fonction des contextes sociaux et culturels spécifiques (Rodríguez, 2003; Gonzalez, 1998; Freyermuth, 2003, 2003a), où les agents sociaux donnent un sens aux changements, aux continuités et aux pratiques de résistance- subordination touchant la sexualité, la reproduction et le corps en mettant en lumière l’expérience doxique30 du monde (Bourdieu, 1980). Cette recherche doctorale a pour but d’apporter des éléments importants pour la réflexion sociologique en ce qui concerne le corps, la sexualité et la reproduction au Mexique dans un contexte de médicalisation croissante. Donc, ce travail cherche notamment à produire une analyse pertinente de la relation qu’entretiennent les acteurs sociaux masculins avec leur propre corps, les institutions de santé, les NTR et la reproduction, en reconnaissant la quasi-non-existence de travaux qui portent sur la reproduction et qui englobent à la fois les hommes et les femmes d’un point de vue relationnelle (Gutmann, 2007; Figueroa, 1998).

Par ailleurs, nous considérons le corps comme le locus des significations culturelles qui opèrent à différents niveaux et qui reproduisent un ordre corporel spécifique. Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent,selonBourdieu (1980), le corps peut être défini comme un opérateur analogique qui instaure des équivalences pratiques entre les différentes divisions du monde social (divisions entre les sexes, entres les classes sociales, etc.) ou « plus exactement, entre les significations et les valeurs associées aux individus occupant des positions pratiquement équivalentes dans les espaces déterminés par ces divisions » (Bourdieu, 1980 : 120). Ceci, dans un contexte multiculturel et diversifié comme celui du Mexique, nous exige de tenir compte du contexte historique, social et politique de ce pays, contexte dans lequel les hiérarchies ethnoraciales interagissent avec l’ensemble des inégalités sociales existantes pour conséquemment augmenter davantage la vulnérabilité sociale de certains groupes subordonnés (Freyermuth, 2003). De plus, nous devons aussi reconnaître la présence de dimensions incorporées (embodied) dans l’expérience vécue du genre, de la classe sociale et de la catégorisation ethnoraciale ainsi

30 Bourdieu (1980) définit la doxa comme une « croyance originaire», cette relation d’adhésion immédiate

que leur intersection dans les pratiques liées à la reproduction biologique (Wade, 2010, 2002).

Pour sa part, Nagel (2003) suggère que les frontières ethnoraciales sont aussi des frontières sexuelles en soulignant le caractère intersectionnel des catégories tels le genre, la sexualité, la classe sociale, l’ethnicité et la race qui façonnent divers aspects de la vie et de l’expérience des acteurs sociaux dans la société (Andersen et Hill-Collins, 2004; Nagel, 2003). De plus, l´interaction de ces catégories (ce qui a été nommé le système intersectionnel) façonne toutes les institutions sociales ainsi que les systèmes de significations, car elles ont des conséquences concrètes sur la vie des acteurs sociaux (Risman, 2004). Par exemple, de nombreuses recherches en Amérique latine ont démontré que le racisme se manifeste au sein du milieu hospitalier par le biais de traitements et de comportements différenciés ou même d’agressions verbales contre les personnes qui « appartiennent » à certains groupes ethnoraciaux (Ribeiro, 2004; Smith-Oka, 2009, 2012). En effet, la prise en compte de l'intersection entre différents rapports de pouvoir vise à mettre à jour la tendance, dans les sciences sociales, à traiter le genre, la race et l’ethnicité comme des catégories et des structures sociales mutuellement exclusives (Risman, 2004; Andersen et Hill-Collins, 2004). En bref, cette approche met l´accent sur les processus par lesquels les différentes catégories sociales sont produites, expérimentées, reproduites et contestées dans la vie quotidienne (McCall, 2005; Anthias et Yuval, 1992; Crenshaw, 2005) ainsi que sur les différents modes d’intersection et d´interaction entre les catégories identifiées comme fondamentales dans le but de saisir la complexité du phénomène en question.

De cette façon, le but de cette recherche est de comprendre les significations de la reproduction, de la sexualité et du corps dans le cadre de la médicalisation et des nouvelles technologies reproductives (NTR) chez les hommes et chez les femmes de secteurs populaires de trois régions de l'état de Morelos . En suivant Oakley (1993), nous considérons que les nouvelles technologies reproductives (NTR) peuvent être classées dans quatre groupes : (a) contraceptives, (b) de dépistage (l’échographie, l’amniocentèse, etc.), (c) procréatives, (d) technologies appliquées dans l'accouchement (ex., césariennes). Dans ce travail, nous avons mis principalement l'accent sur les NTR et les interventions

médicales suivantes : les ultra-sons, les césariennes, l’épisiotomies ainsi que sur les technologies contraceptives.

Quant à notre objet d’étude, notre choix s’est arrêté sur les régions de l'état de Morelos que sont Cuernavaca et la municipalité de Tepoztlán (dans lesquelles nous incluons le centre de santé de la ville de Tepoztlán ainsi que le centre de santé du village de Santa Catarina). Ce choix est justifié par le fait que nous considérons que ces deux régions présentent un mélange socioculturel hybride qui peut rendre compte de la complexité et de la spécificité des réalités (et des inégalités) sociales du Mexique et peuvent aider à mettre en lumière la particularité des rapports culturels, sociaux et ethnoraciaux du Mexique contemporain. En effet, nous trouvons dans l'état de Morelos des tendances semblables à celles observées au niveau national en ce qui concerne l'accès à la sécurité sociale, l'exclusion du système de santé, le taux de fécondité, la prévalence dans l'emploi de contraceptifs et l'élargissement du processus de médicalisation.

De plus, les estimations récentes indiquent que Morelos est un état avec un niveau de marginalisation sociale moyen (CONAPO, 2011) et qui a expérimenté une transition démographique représentative du Mexique. De surcroît, la localisation géographique privilégiée a contribué à faire de cet état une importante région d’accueil pour des immigrantes provenant des villes de Mexico, de Guerrero et d'Oaxaca. Dès lors, il s’est dessiné dans cet état un profil ethnoracial, social et culturel particulier où se mêlent et coexistent des traditions culturelles « modernes » et « traditionnels ».

L'état de Morelos a également expérimenté progressivement le processus de médicalisation que nous avons précédemment décrit. Notons que ce processus a signifié non seulement l'augmentation des interventions médicales, mais aussi la prépondérance de