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Chapitre 2. Les contextes sociaux de notre recherche, la problématique et le design

2.2 Le Mexique contemporain

2.2.2 L'Église, la contraception et les droits sexuels et reproductifs

Au Mexique l’Église catholique est l’unique institution qui s’est opposée ouvertement aux politiques de population instituées par l’État en matière de sexualité et de reproduction. En effet, l'Élise catholique a toujours condamné de manière ouverte et unanime l’utilisation de n’importe quelle méthode contraceptive moderne et promulgue les méthodes naturelles. Cependant, le discours de l'Église sur la contraception moderne a eu une incidence relativement limitée sur l'emploi de la contraception chez les femmes mexicaines (Szasz, 2008). Ainsi, la majorité des femmes catholiques mexicaines ont progressivement employé des méthodes contraceptives modernes, malgré la condamnation de telles méthodes par l'Église.

Dans le contexte mexicain, la lutte pour la reconnaissance des droits sexuels et reproductifs a été étroitement liée à la construction de la citoyenneté. Cette lutte a été contestée fondamentalement par divers groupes conservateurs liés à l'Église catholique (Rodríguez, 2005). La société mexicaine est un pays à prédominance catholique, mais les lois officielles sont marquées d’une longue trajectoire laïque. En effets, les Lois de Réforme (1859-1860) ont fourni des mesures visant à éliminer l’intrusion de l’Église catholique dans le pouvoir d’État (Placido, 2011). Ainsi, le Mexique postrévolutionnaire a institutionnalisé la sécularisation de l'État dans la Constitution (1917). L’article 3 de la Constitution établit le caractère laïc de l’éducation; l’article 24, la liberté de croyance et de religion; et l’article 130, la séparation de l’Église et de l’État. Les réformes du système

politique ont obligé l’Église catholique à se plier aux règles de la faible démocratie mexicaine. Cependant, au cours des dix dernières années, le fondamentalisme religieux a cherché à renforcer son pouvoir politique pour influencer la création de lois et de politiques publiques conservatrices (Placido, 2011). En effet, de nos jours au Mexique, l’intrication entre politique, religion et égalité de genre est plus forte que jamais (Amuchástegui, Cruz, Aldaz et Mejía, 2010). Dans ce pays, l’arrivée au pouvoir dans l'année 2000 du Parti Action nationale (Partido Acción Nacional – PAN) a entraîné au Mexique un affaiblissement significatif de l'État laïque et l'accroissement de l’influence catholique dans la vie publique mexicaine. Notamment, le PAN entretient une relation étroite avec l’Église catholique et les groupes de droite et d'extrême droite. Le gouvernement conservateur n’a ni respecté la tradition laïque de la société mexicaine ni les restrictions pour les Églises établies par la Constitution et la Loi des associations religieuses et du culte public (Placido, 2011). En conséquence, l'Église a cherché à étendre ses prérogatives et à limiter les droits des femmes et ceux des personnes dont l’orientation sexuelle est autre que l’hétérosexualité (Placido, 2007). De cette façon, l’élargissement du pouvoir du clergé dans la vie politique et institutionnelle du Mexique va à l’encontre des droits sexuels et reproductifs (DSR) des femmes, du droit des couples de même sexe à se marier et du droit à l’éducation sexuelle des jeunes (Placido, 2007; Amuchástegui et al., 2010; Rodríguez, 2005).

Par ailleurs, en 1998, le ministre de la Santé a suggéré d'actualiser la Norme officielle mexicaine pour inclure la pilule du lendemain dans les services publics de santé. La réaction de la hiérarchie catholique et des groupes conservateurs face à cette initiative a été immédiate. En témoignent la prise en charge de la pilule du lendemain par les services fédéraux de Santé publique en 2004 et la dépénalisation de l’avortement (jusqu'à la 12e semaine de grossesse) en 2008 dans le District Fédéral. L’Église catholique, les groupes conservateurs et certains politiciens rattachés au PAN ont répondu avec une campagne massive pour recriminaliser l’avortement et ont essayé d’annuler ces droits au moyen de la Cour suprême du Mexique. Malgré cela, la contraception d'urgence est offerte dans les services publics de santé. En ce qui touche l'avortement, bien que la Cour suprême du Mexique ait rejeté de peu un recours en inconstitutionnalité visant à annuler la décriminalisation de l'avortement au District Fédéral, elle suggéra des modifications qui reconnaissant le droit à la vie dès la conception. Cependant, en considérant

l'inconstitutionnalité de ces demandes, sept des onze juges de la Cour suprême ont fait valoir que ces modifications étaient anticonstitutionnelles et restreignaient les droits reproductifs des femmes. Malgré cela, dix-huit États du Mexique ont reconnu le droit à la vie dès la conception, ce qui a permis de recriminaliser l'avortement dans ces États (dont Morelos), non sans conséquence négative pour la santé et les droits sexuels et reproductifs des femmes (Amuchástegui et al., 2010).

Finalement, en ce qui touche le droit à l'éducation sexuelle au Mexique, en 1932 le ministre de l'Éducation publique, Narciso Bassols, a proposé la première initiative pour inclure l'éducation sexuelle dans les écoles publiques. Cependant, les groupes de droite catholiques représentés par l'Union nationale de parents ont condamné l'initiative, ce qui a provoqué l'annulation totale de ce projet et la démission de Bassols (Rodríguez, 2005). Notons que le ministère de l'Éducation publique (Secretaría de educación pública-SEP) a été créé en 1921 en tant qu’organe fondamental du projet national postrévolutionnaire de modernisation de la société mexicaine. Cependant, le programme national d'éducation sexuelle a été appliqué au Mexique jusqu'en 1974 et se basait sur un modèle fondé sur la biologie. Cette initiative a été mise en place grâce aux discours internationaux et nationaux sur l'explosion démographique qui promouvaient la réduction du taux de fécondité, ce qui a largement favorisé l'introduction de l'éducation sexuelle au Mexique. De même, les résultats des différentes Conférences internationales sur les populations comme celle de 1998 ont largement influencé la mise à jour des programmes d'éducation sexuelle dans les écoles publiques. Ce programme commençait à la fin de l'école primaire et se poursuivait jusqu'au secondaire (Rodríguez, 2005).

2.2.3 Les caractéristiques sociodémographiques de la population mexicaine : inégalités