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La problématique économique et les incidences environnementales des impacts du verglas sur la forêt

L’agriculture et l’environnement

LES IMPACTS DU VERGLAS SUR LES DIFFÉRENTS ÉCOSYSTÈMES

2.2 Les impacts du verglas sur les écosystèmes forestiers

2.2.1 La problématique économique et les incidences environnementales des impacts du verglas sur la forêt

En 1995, on comptait 40 137 producteurs propriétaires forestiers reconnus au Québec. Si la superficie moyenne possédée est de l’ordre de 48 hectares, plus de 5 000 d’entre eux possédaient des superficies supérieures à 800 hectares. De ces 40 137 propriétaires, 32 % sont agriculteurs ; 21 % cols blancs ; 20 % cols bleus et 16 % rentiers. Environ 30 000 mettent du bois en marché annuellement pour les fins suivantes : 80 % en bois de chauffage ; 42 % en bois à pâte et 28 % en bois de sciage.

Une forêt satisfaisant des besoins multiples

La forêt privée, généralement localisée sur des terres plus fertiles que la forêt publique, offre une gamme diversifiée de bois feuillus et résineux, ce qui permet au producteur de maximiser son rendement et à l’industrie de la transformation de disposer, à courtes distances, de sources d’alimentation fiables.

Ce lien étroit entre producteurs et transformateurs permet à ce secteur d’activité économique de s’ajuster relativement rapidement à l’évolution du marché. L’activité forestière, tant au plan de l’aménagement et de la récolte qu’à celui de la transformation, contribue aussi au développement régional, permettant une distribution plus équitable de l’activité économique et du revenu.

Sur un autre plan, le Québec intègre de mieux « en mieux le rôle environnemental de la forêt à l’économique de son exploitation. Le concept de « développement durable » fait maintenant partie intégrante de toute élaboration de politique. Le développement durable des forêts consiste à satisfaire les besoins actuels sans causer de préjudice à la productivité future des forêts, à leur diversité écologique ou à leur capacité de régénération.

Au Québec, on parle maintenant de « forêt habitée », un concept qui veut mettre l’accent sur la dimension humaine de la mise en valeur de toutes les ressources du milieu forestier. La politique forestière du gouvernement s’articule autour de ce nouveau concept, notamment dans la foulée du Sommet tenu sur la forêt privée en mai 1995 et des amendements apportés par la suite à la Loi sur les forêts.11

11. L.R.Q., C. F-4.1

Les motivations des propriétaires

Une étude de G. Bélanger12fait ressortir deux grands types de motivations pour les propriétaires de la forêt privée, soit la rentabilité financière et la satisfaction des valeurs intangibles.

La recherche de rentabilité peut prendre différentes formes, telles que l’accroissement systématique de la valeur de la propriété, la recherche d’un revenu d’appoint ou la constitution d’une réserve financière. Ces différentes approches, en ce qui a trait aux objectifs économiques, peuvent varier selon la catégorie de propriétaires considérés :

• les propriétaires de grands domaines forestiers et utilisateurs de ressources (industriels forestiers) recherchent avant tout un climat de stabilité au point de vue des approvisionnements. Ils privilégient le maintien ou l’accroissement de leur capital productif.

• les propriétaires de petites propriétés forestières, quant à eux, cherchent à maximiser la valeur actuelle nette de leur investissement et la valeur spéculative de leur terrain.

Cet aspect de l’économique des boisés privés devient de plus en plus présent au Québec, à mesure que se raréfient les surfaces disponibles pour des cultures alternatives ou, encore, que s’accroissent les demandes de superficies nécessaires à d’autres usages tel notamment l’épandage du purin de porc. Cette dernière problématique serait particulièrement d’actualité en région de Beauce-Appalaches et dans la partie est du territoire touché par le verglas13.

Les producteurs de bois sont organisés en regroupements pour la mise en marché de leurs produits. Cela leur permet d’être mieux organisés pour satisfaire la demande pour leurs produits, tout en préservant une structure de prix plus stable. Parmi les usages du bois produit, on retrouve le bois de chauffe, le bois de triturage destiné à la production de pâte et de papier, le bois de sciage et les bois de déroulage.

Les pertes et le potentiel de récupération

Dans les forêts fortement et très fortement affectées, les pertes de capital pour les propriétaires proviennent de la diminution de la valeur des arbres blessés et de la difficulté de mise en marché des bois cassés ou moribonds. Si l’on examine la situation en fonction de l’impact sur la récolte, la zone à l’étude se restreint à environ 250 000 hectares.

Avec un taux de récupération moyen de 40 m3par hectare, dont 90 % destinés à la pâte, l’on obtient une possibilité de récupération de 10 millions de m3de bois à pâte à étaler sur une période de trois ans. Si l’on tient compte du pourcentage de propriétaires qui seront prêts à faire des travaux de récupération et de ce qui est accessible ou économiquement faisable, le ministère des Ressources naturelles estime une mise en marché d’un peu plus de 1 million de m3de bois à pâte par année.

12. G. BÉLANGER, Les composantes des forêts privées : interrelations et analyse,Mémoire de maîtrise, Faculté de foresterie et de géomatique, Université Laval, 1991.

13. Jacques Moisan, directeur, Agence forestière des Bois-Francs ; compte rendu de rencontre.

En 1996, la consommation totale des usines de pâtes et papier de la zone touchée était de l’ordre de 3,1 millions de m3et environ 900 000 m3provenaient de la région elle-même. En ce qui concerne le déroulage et le sciage, le ministère estime à 3 965 000 m3le volume de bois à récupérer. Contrairement au bois destiné à la pâte, le bois d’œuvre doit être récupéré dans l’année pour conserver sa valeur marchande. En 1996, la consommation totale des usines de la zone était de l’ordre de 1 920 000 m3.

Quant à la capacité du marché d’absorber ces volumes, le ministère des Ressources naturelles14estime que celui du bois d’œuvre ne présente pas de restriction. Le marché des bois de qualité « pâte » est toutefois déjà saturé. Un effort de réaménagement temporaire du marché jusqu’à 2001 s’avère donc nécessaire à la récupération et à la transformation des bois de cette qualité.

En ce qui concerne l’évaluation économique des pertes encourues par les propriétaires, il est évident que ces dernières sont lourdes, car elles touchent au capital productif lui-même.

Le verglas a certainement causé une baisse de la valeur commerciale de ce patrimoine. Les travaux d’aménagement qui vont se faire sur ces terrains forestiers viseront surtout à pallier les mauvais effets de la tempête, plutôt qu’à favoriser l’accroissement du capital. La Commission ne possède pas d’information permettant d’évaluer l’importance de cette perte. Seul l’écart des prix d’achat et de vente des boisés au cours des prochaines années permettra d’obtenir une évaluation approximative de l’impact réel de la tempête, toutes choses étant égales par ailleurs.

Des programmes d’aide

Le 27 novembre 1998, le gouvernement du Québec a entériné par décret la mise en œuvre de trois programmes d’aide aux propriétaires de boisés privés, incluant les érablières touchées par la tempête de verglas. Ces programmes totalisent 16,3 millions de dollars, financés pour 5,95 millions par le gouvernement du Québec et pour 10,35 millions par le gouvernement fédéral.

Il s’agit de programmes de cinq ans, débutant en novembre 1998 pour se terminer le 31 mars 2002.

Ces programmes permettent :

• de conseiller les propriétaires dans la réalisation des travaux adéquats selon les règles de l’art, afin de prévenir une dégradation accrue de leurs boisés et les accidents potentiels (sécurité des travailleurs et des personnes qui circulent en forêt) ;

• de fournir aux propriétaires une évaluation individuelle des dommages ;

• de donner accès à toutes les informations disponibles sur la connaissance des dommages et sur les actions à entreprendre afin d’atténuer les effets à long terme du verglas ;

• de donner une formation spéciale à des conseillers forestiers (méthodes d’évaluation des dommages, établissement d’un diagnostic approprié, choix d’interventions forestières pertinentes et sécuritaires, façonnage des bois à récupérer et mise en marché) ;

14. Ministère des Ressources naturelles, mémoire présenté à la Commission scientifique et technique [verglas de janvier 98], 1998, p. 34.

• d’accorder aux propriétaires dont l’exploitation forestière constitue la principale source de revenu une aide financière d’un montant maximum de 275 dollars par hectare, pour la réalisation de travaux de restauration et de remise en production de la forêt.

Ces programmes seront appliqués en région par les agences de mise en valeur des forêts privées.

Des incidences écologiques qui dépendront du type de récupération Contraints de garder en vie le plus longtemps possible leurs arbres en raison d’une sursaturation du marché, les propriétaires ne devraient pas être incités à pratiquer des coupes rases sur leurs terrains. Par ailleurs, selon la manière dont les bois seront exploités dans les prochaines années, on peut anticiper des conséquences écologiques plus ou moins graves localement. La circulation accrue de machineries dans les parterres forestiers, le débardage des arbres et les changements des conditions biophysiques dans les sous-bois risquent de rendre plus précaire la survie de plantes rares et menacées et de perturber les habitats fauniques.

Que ce soit sur le plan économique ou en raison de considérations écologiques, les propriétaires ont tout intérêt à adopter une approche prudente basée sur l’évaluation des dommages plutôt que de décider d’intervenir de manière précipitée. C’est d’ailleurs ce que leur recommandent les ingénieurs forestiers.