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Les insectes et les maladies des arbres

L’agriculture et l’environnement

LES IMPACTS DU VERGLAS SUR LES DIFFÉRENTS ÉCOSYSTÈMES

2.2 Les impacts du verglas sur les écosystèmes forestiers

2.2.2 Les insectes et les maladies des arbres

En raison des dommages subis lors du verglas de janvier 1998, les arbres affectés à plus de 20 % de leur cime perdront de leur vigueur et vivront en état de stress pour quelques années, jusqu’à ce que leur réhabilitation soit complétée. Ces arbres présentent de nombreuses plaies ouvertes, qui peuvent servir de porte d’entrée pour certains insectes xylophages et à plusieurs champignons pathogènes. Dans ces conditions, il est justifié de se demander si les risques d’épidémies d’insectes et de recrudescence de maladies affectant les arbres sont à craindre dans les secteurs touchés par le verglas.

Parmi les dangers qui guettent la forêt feuillue à la suite du verglas, on distingue les insectes primaires (défoliateurs) et secondaires (perceurs du bois et du phloème), ainsi que les maladies cryptogamiques s’attaquant au bois et aux racines, les chancres et les maladies transmises par des insectes. Certaines maladies abiotiques sont aussi attribuables à des changements dans les conditions locales de l’environnement.

a. Les insectes primaires et secondaires

Les attaques de la majorité des insectes forestiers ne prennent jamais des proportions épidémiques, mais lorsque cela survient, les dommages se comparent aisément à ceux causés par un feu, par le climat ou par les interventions humaines. On estime que leurs effets à long terme sont généralement bénéfiques pour un peuplement forestier, car ils modifient la structure, la composition, la succession des peuplements ainsi que leur agencement dans le paysage forestier, tout en contribuant à restaurer ou à créer des habitats fauniques. Même si elles ne sont sérieusement endommagées que par un petit nombre d’insectes forestiers, en particulier par des défoliateurs, les forêts naturelles sont parfois dévastées sur de grandes superficies.

La fréquence des infestations d’insectes nuisibles varie considérablement d’une région à l’autre, puisque le développement d’une épidémie est influencé par l’effet combiné du climat, de la qualité et de la quantité de nourriture disponible et des agents naturels de régulation.

Les facteurs influençant la gravité d’une infestation

Les répercussions d’une défoliation partielle ou totale sur un arbre dépendront de sa vigueur au moment de la défoliation ainsi que du nombre d’années où sévira l’épidémie. Ainsi, un arbre en bonne santé pourra refaire son feuillage durant l’été s’il a subi une défoliation printanière sévère et il a de bonnes chances de résister à une défoliation partielle qui sévit pendant plusieurs années. C’est généralement le cas des arbres dominants à croissance rapide, qui seront plus résistants que les arbres supprimés qui sont dans des conditions moins favorables. Une défoliation légère a très peu de conséquences pour l’arbre, alors qu’une défoliation sévère entraîne une diminution de croissance et une perte de vigueur qui peuvent prédisposer l’arbre aux effets néfastes des perturbations climatiques ou biotiques (maladies, insectes secondaires, etc.).

Outre l’état de santé des arbres avant une épidémie, les deux facteurs qui diminuent le plus l’effet d’une défoliation sévère sont les conditions climatiques et la qualité du site. Ainsi, une érablière subissant une épidémie qui bénéficie de conditions chaudes et humides et qui se trouve sur un sol organique riche et épais en condition mésique a plus de chance de résister et de se remettre d’une épidémie.

L’impact du verglas sur les insectes

Le verglas, en cassant les branches de la cime des arbres, a probablement causé une forte mortalité des œufs de la plupart des insectes défoliateurs. De plus, les populations de ces insectes étant à leur plus bas dans les dernières années, il n’y a pas lieu de craindre pour des épidémies de livrée des forêts, de spongieuses ou d’arpenteuses. Si toutefois des conditions climatiques favorables provoquaient une recrudescence de ces insectes défoliateurs dans les prochaines années, cela pourrait avoir des conséquences graves sur la santé des arbres affligés de ce stress supplémentaire.

Les insectes secondaires, pour leur part, seront vraisemblablement favorisés par le verglas, puisqu’ils trouveront de nombreuses blessures pour pénétrer dans le bois et y pondre leurs œufs. On devrait donc assister à des dommages beaucoup plus importants attribuables au perceur de l’érable et à l’agrile du bouleau, dans les prochaines années. Les dommages causés par ces insectes se traduiront par une perte de valeur des bois affectés et par un affaiblissement les rendant plus vulnérables aux infections par des champignons ou au dépérissement.

b. Les maladies des arbres

Les maladies causent trois fois plus de dommages aux forêts que les insectes et les feux. Dans une forêt en santé, les maladies ne prennent jamais des proportions épidémiques et ne contribuent qu’à éliminer les vieux individus ou ceux qui ont subi un stress intense. Dans ces conditions, les maladies contribuent à rajeunir la forêt, en assurant le renouvellement des individus les plus âgés, en éliminant les individus moins vigoureux et en recyclant les éléments nutritifs. Certaines maladies vont toutefois prendre plus d’ampleur lorsqu’un peuplement se trouve sur un sol de mauvaise qualité, qu’il a subi de mauvaises pratiques culturales, qu’il a subi une défoliation sévère par un insecte, ou qu’il est soumis à une source de pollution intense.

L’augmentation de l’incidence d’une maladie dans un secteur donné est habituellement un signe de déséquilibre dans l’écosystème forestier.

Les responsables : des champignons

Les maladies de l’arbre sont pour la plupart causées par des champignons, qui en colonisent les tissus vivants ou morts et qui l’affaiblissent ou ultimement provoquent son dépérissement et sa mort. Certaines maladies sont transmises à partir de spores de champignons directement émises par un arbre infecté (chancres), d’autres par colonisation des blessures non cicatrisées (carie) ou par les racines d’un arbre infecté à un arbre sain (pourridié-agaric, maladie du rond). D’autres enfin sont transmises par des insectes qui agissent comme vecteurs de la maladie (maladie hollandaise de l’orme, maladie corticale du hêtre).

Dans le premier cas, la présence d’une source d’inoculumà proximité des peuplements forestiers affectés par le verglas est essentielle à la propagation de la maladie. Dans le second cas, ce sont des champignons présents dans les sols forestiers ou dans les souches et racines qui sont la source de la contamination. Dans le troisième cas, il faut s’intéresser à la dynamique des populations de l’insecte vecteur pour prévoir l’évolution potentielle de l’incidence des arbres touchés par la maladie. Dans tous les cas cependant, les blessures subies par l’arbre représentent un facteur favorisant l’entrée de maladies soit directement par la blessure, ou indirectement par la mobilisation des ressources énergétiques de l’arbre pour la cicatrisation et le renouvellement de sa cime.

L’impact du verglas sur les maladies des arbres

Par suite du verglas de janvier 1998, on peut prévoir une augmentation de l’incidence de certaines maladies des arbres en fonction de la susceptibilité des peuplements. Celle-ci est directement affectée par l’âge et l’état de santé antérieur des arbres, par l’ampleur des dommages subis et par la composition du peuplement forestier.

Les maladies les plus susceptibles de prendre de l’expansion sont les colorations du bois, la carie, le pourridié-agaric et les chancres. Pour leur part, la maladie corticale du hêtre et surtout la maladie hollandaise de l’orme pourraient connaître une recrudescence. La maladie hollandaise de l’orme sera probablement favorisée par le fait que le scolyte qui transporte la maladie pond ses œufs de préférence sur les arbres stressés. L’état précaire des ormes d’Amérique restants dans la zone affectée sera donc d’autant plus préoccupant.

Dans plusieurs sites où la canopée a été particulièrement affectée, la pénétration des rayons solaires jusqu’au sol devrait aussi contribuer à une augmentation de la fréquence de lésions d’origine abiotique affectant les arbres, en particulier les cas d’insolation du tronc et ce, plus particulièrement dans les pentes exposées au sud et sud-ouest. La surchauffe de l’écorce des jeunes arbres entraîne une mortalité du cambium. L’arbre ne meurt pas mais cela affecte sa qualité (apparition de colorations et de fentes).

Dans les plantations, nous ne disposons d’aucun indice permettant de croire que le verglas pourra causer une expansion des maladies des arbres.

En ce moment, plusieurs hypothèses restent posées et c’est le temps qui déterminera leur valeur relative. L’importance des phénomènes aléatoires, en particulier climatiques, pour les organismes vivants, ne nous permet pas de déterminer la tendance que pourront prendre les insectes ou les maladies des arbres. Ces tendances se feront toutefois sentir dans le temps et il sera plus facile a fortiori d’attribuer au verglas ou aux perturbations qui l’ont suivi une responsabilité dans l’évolution des populations d’insectes ou dans la dégradation de l’état de santé des arbres.

Intensifier les suivis

Même s’il est possible d’envisager certaines modifications chez les populations d’insectes et les maladies, chaque arbre et chaque peuplement réagiront différemment selon leur état de santé, la sévérité des dommages à leur cime, la structure et la composition du peuplement, la qualité du sol, la présence de sources d’inoculum à proximité (dans le cas des maladies), le niveau des populations avant le verglas (dans le cas des insectes), ou les conditions climatiques lors des prochains étés.

Les suivis qui ont été entrepris par les autorités concernées (Ressources naturelles Canada et le ministère des Ressources naturelles du Québec) permettront d’acquérir des connaissances essentielles, notamment sur la réaction des insectes et des maladies à la suite d’une perturbation intense et inhabituelle tel le verglas de janvier 1998. Ces connaissances pourront être mises à profit, dans l’éventualité où le Québec subirait un autre verglas d’une telle ampleur.