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LES RESSOURCES PERSONNELLES

Les aspects psychosociaux

LES RESSOURCES PERSONNELLES

SECTION 4

43. Commission scientifique et technique [verglas de janvier 98], Enquête par entrevues semi-dirigées avec des personnes ayant été sinistrées (un résident du « triangle de glace »), 1998.

44. Johanne CHARBONNEAU, Lien social et communauté locale : quelques questions préalables, Lien Social et Politique – RIAC, no39, Montréal, Éditions Albert Saint-Martin, printemps 1998.

45. Commission scientifique et technique [verglas de janvier 98], Enquête par entrevues semi-dirigées avec des personnes ayant été sinistrées (une résidente du « triangle de glace »), 1998.

Pour les citoyens aisés, utiliser d’abord leurs propres ressources pouvait simplement signifier user de ses moyens financiers pour se loger à l’hôtel et prendre ses repas au restaurant.

Selon l’enquête téléphonique, parmi ceux qui ont quitté leur résidence, 10 % des ménages sinistrés ayant un revenu de 70 000 $ et plus ont choisi l’hôtel ou la résidence secondaire comme lieu d’hébergement, comparativement à 2,7 % pour les ménages ayant un revenu de moins de 25 000 $. À l’inverse, seulement 1,7 % des ménages déclarant un revenu de 70 000 $ et plus ont choisi la solution du centre d’hébergement, comparativement à 6,1 % de ceux ayant un revenu de 25 000 $ et moins46.

Pour les moins fortunés, être autonome à l’égard des proches oblige à devenir dépendant des ressources publiques, une situation dont les premiers intéressés ne perçoivent pas toujours l’aspect paradoxal. Ainsi, l’enquête téléphonique a montré que 56 % des personnes sinistrées qui ont quitté leur domicile et se sont installées en centre d’hébergement ont dit préférer cette solution plutôt que de demander de l’aide.

La recherche d’autonomie animait clairement ceux qui ont pris des décisions rapides, au début du sinistre, appréhendant des pannes de longue durée, avant même que cela ne se confirme. Certains ont ainsi immédiatement trouvé une génératrice, avant la pénurie. Beaucoup ont adopté ce type de comportement et y ont consacré toute leur ingéniosité et leurs énergies.

Au moment du sinistre, la volonté de se débrouiller avec ses propres moyens était visible chez ceux, nombreux, qui ont choisi de demeurer le plus longtemps possible dans leur résidence, quitte à vivre dans des conditions très difficiles et même à utiliser des moyens de survie parfois dangereux (barbecue pour cuisiner, ou cuisinière à gaz pour se chauffer) ou encore à se procurer des équipements à prix fort, telles les génératrices, pour assurer des conditions de vie un peu plus confortables. En effet, malgré une panne d’électricité de plus de quarante-huit heures, 30 % des sinistrés sont demeurés chez eux. Les trois quarts d’entre eux possédaient l’équipement requis et étaient donc relativement autonomes.

Les entrevues réalisées auprès des populations touchées par le verglas sont parsemées d’exemples de débrouillardise personnelle qui font la fierté de leurs auteurs. Pour certains, la satisfaction de s’être débrouillés seuls demeure le meilleur souvenir de cette période.

« C’était une bonne expérience parce que je me suis rendu compte que j’étais capable de me débrouiller, de ne pas paniquer pour rien, puis de m’organiser, de gérer le stress47».

Selon l’enquête téléphonique, 8 %48des personnes interviewées ont d’ailleurs mentionné que le constat de leur débrouillardise, leur bonne organisation personnelle ou le fait que le verglas ait malgré tout constitué une expérience enrichissante sur le plan personnel ont été les aspects positifs prédominants du sinistre. Les bricoleurs, les « patenteux », ont cherché des solutions pratiques à leurs problèmes immédiats. Ceux qui avaient déjà connu un sinistre, ayant donc développé une familiarité avec ce type d’expérience49, d’autres en provenance de pays aux ressources publiques moins abondantes lors de telles situations ainsi que tous ceux qui avaient des expériences en matière de camping et de survie en forêt, par exemple, étaient souvent mieux pourvus en termes de matériel et d’équipement de secours.

46. Ces pourcentages peuvent paraître peu élevés en général mais il faut savoir que la plupart des sinistrés qui ont été hébergés ont choisi d’aller chez des proches.

47. Commission scientifique et technique [verglas de janvier 98], Enquête par entrevues semi-dirigées avec des personnes ayant été sinistrées (un résident en milieu rural), 1998.

48. Commission scientifique et technique [verglas de janvier 98], Sondage téléphonique réalisé auprès de 2 112 répondants ayant vécu le sinistre, 10 juin au 2 juillet 1998. Il s’agissait d’une question ouverte pour laquelle la distribution des réponses est très étendue.

49. Hélène DENIS, op. cit., note 2.

En général, les « trucs » mentionnés dans les entrevues concernent presque toujours les moyens utilisés pour demeurer à la maison malgré la panne : l’un des premiers objectifs des sinistrés. Le froid, la conservation des aliments et la cuisson sont les principaux problèmes pour lesquels les gens ont fait preuve de débrouillardise. Par exemple, certains sinistrés de Montréal, immigrants originaires d’Europe de l’Est et habitués aux pannes d’électricité par temps froid, faisaient réchauffer des briques sur un barbecue sur le balcon. La chaleur des briques, installées par la suite dans les pièces, permettait de maintenir une température suffisante pour un appartement assez bien isolé, au cœur d’un édifice à logements. Dès le début de la panne, d’autres sinistrés ont transféré leurs provisions dans des tunnels creusés dans la neige, quelques-uns ont plutôt cherché de la glace à l’extérieur pour la placer dans leur congélateur (le couvrant d’un sac de couchage pour l’isoler). Certains ont installé des glacières sur leur balcon ou dans leur garage.

Pour la cuisson des aliments, comme pour le chauffage d’ailleurs, c’est avant tout à la disponibilité de certains équipements qu’est liée la possibilité de se débrouiller chez soi : poêles à combustion lente, foyers, cuisinières au gaz, barbecues, poêles à fondue, équipements divers de camping, chandelles, etc. Certains équipements sont plus efficaces que d’autres et chauffer le dîner pendant quarante minutes avec quatre bougies, comme l’a raconté une sinistrée de Montréal, n’est pas une expérience qu’on voudrait répéter tous les jours.

L’information, de toute nature, a surtout circulé à travers les réseaux personnels. Certains de ceux qui ne disposaient pas d’un poste de radio à piles s’en sont remis à celui de leur voiture.

Le besoin d’être informé et de communiquer était extrêmement important, en particulier pour maintenir le contact avec son réseau social. Les gens abonnés au service de boîte vocale de Bell, et qui avaient quitté leur domicile, ont régulièrement utilisé leur système de messagerie pour prendre des nouvelles de leur proches.

4.3 L’attachement au chez-soi

Les entrevues ont révélé que plusieurs sinistrés ont effectué des déplacements souvent difficiles pour vérifier l’état de leur résidence. Ils ont justifié leurs efforts par le fait que l’accès au domicile représentait la possibilité d’avoir recours à leurs ressources personnelles (appareils ou vêtements, par exemple) et d’adoucir le séjour en situation d’hébergement.

L’attachement des gens pour leur foyer a conduit les autorités à développer des services adaptés pour desservir les personnes demeurées chez elles et pour assurer un accès régulier au domicile. D’autre part, la possibilité de rester chez soi a accentué la vulnérabilité de certains citoyens qui ont refusé de quitter au risque de leur sécurité. La situation des personnes âgées qui ont refusé de quitter leur maison durant le sinistre a été particulièrement problématique.

Le recours à ses propres ressources est demeuré l’approche la plus valorisée et la plus valorisante. Plusieurs diront même qu’elle a permis de développer l’impression d’un meilleur contrôle sur des événements hors du commun. Cependant, les personnes trop engagées dans une quête d’autonomie peuvent perdre la capacité de discerner le moment où il faut s’arrêter et demander de l’aide ou des ressources complémentaires qui éviteront l’épuisement.