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Les impacts du verglas de 1998 sur la qualité du milieu

L’agriculture et l’environnement

LES IMPACTS DU VERGLAS SUR LES DIFFÉRENTS ÉCOSYSTÈMES

2.4 Les impacts du verglas de 1998 sur la qualité du milieu

La tempête de verglas a eu sur le milieu des impacts indirects liés à la qualité de l’eau de l’air et du sol. Ces impacts sont attribuables au bris d’équipement ou à leur incapacité de fonctionner en l’absence d’électricité ainsi qu’aux solutions palliatives trouvées par les citoyens pour assurer leur confort et leur sécurité pendant les jours qui ont suivi la tempête.

Ces impacts n’ont laissé aucune trace durable dans l’environnement des régions affectées.

Cependant, leur analyse peut permettre de mieux comprendre la vulnérabilité de certains de nos systèmes technologiques et les impacts de nos comportements individuels et collectifs.

2.4.1 La qualité de l’eau

Pendant la période de la crise du verglas, la plupart des stations d’épuration des eaux ont été privées d’électricité. Soixante pour cent des villes et municipalités touchées par le verglas ont rejeté leurs eaux usées non traitées dans les cours d’eau pendant une période s’échelonnant entre une et trois semaines. La période de rejets sans traitement s’est toutefois prolongée jusqu’à quatre à cinq semaines dans le cas de neuf municipalités. Comme ces déversements se sont effectués en saison hivernale dans des eaux courantes, il n’y a pas eu d’impact à long terme sur la qualité de l’eau prélevée dans les mêmes cours d’eau aux fins d’approvisionnement des municipalités.

Les transformateurs endommagés par le verglas ont laissé échapper de l’huile qui a été lessivée en partie lors des crues printanières. Cependant, aucune contamination n’est à craindre tant pour l’approvisionnement en eau potable que pour les écosystèmes aquatiques, en raison de la faible quantité d’huile déversée à chaque site, du volume important des eaux de fonte et des opérations de récupération des transformateurs et des sols contaminés.

2.4.2 La qualité de l’air

L’atmosphère est la plus sensible des composantes de l’écosphère aux transformations induites par l’activité humaine. En revanche, sa circulation rapide permet au niveau local un retour à la normale de la composition atmosphérique dès que les sources de pollution cessent d’émettre.

Les impacts du verglas sur l’atmosphère du sud du Québec ont donc été limités à la période où les activités humaines ont été perturbées par cet événement. Cependant, si la crainte de nouvelles pannes d’électricité incitait certains résidents de la zone sinistrée à changer leurs habitudes ou leurs équipements, les conséquences indirectes du verglas pourraient être la source de modifications atmosphériques non négligeables dans l’avenir.

En effet, plusieurs personnes ont utilisé durant la panne d’électricité des appareils de chauffage domestique au bois et des génératrices à l’essence ou au diesel dont les émissions atmosphériques sont beaucoup plus importantes que celles des appareils utilisés habituellement au Québec pour fournir les mêmes services. Ces émissions, composées en particulier de gaz précurseurs des précipitations acides, de particules et de gaz à effet de serre peuvent avoir un effet néfaste tant à l’échelle locale que régionale et globale si elles se produisaient avec la même intensité pendant des périodes plus longues ou sur une base récurrente dans l’avenir.

Une efficacité énergétique douteuse

De plus, l’efficacité énergétique de ces modes de transformation d’énergie est beaucoup moindre que celle des appareils électriques usuels qui, au Québec, n’émettent que des émissions atmosphériques négligeables16. À titre d’exemple, les génératrices utilisées par les seuls agriculteurs pendant la période du verglas ont consommé, en période de pointe, autant de carburant que la centrale thermique de Tracy alors qu’elles produisaient deux fois moins d’électricité. Cette inefficacité se réflète d’ailleurs dans les coûts d’utilisation qu’ont dû défrayer les agriculteurs puisque le kilowatt-heure produit avec une génératrice leur revenait en moyenne deux fois plus cher que celui que leur vend Hydro-Québec.

On pourrait craindre que l’utilisation généralisée d’appareils de chauffage au bois n’occasionne dans l’avenir des épisodes de pollution atmosphérique locale importants, si un soin particulier n’était apporté à leur entretien préventif et à l’utilisation judicieuse de combustible de qualité.

Par ailleurs, la transformation massive du chauffage domestique de l’électricité vers des combustibles fossiles pourrait aussi contribuer à ternir le bilan des émissions québécoises de gaz à effet de serre, qui sont actuellement les plus basses en Amérique du Nord. Quant aux génératrices, la différence des coûts n’incite pas à en faire un plus grand usage. On pourrait cependant s’inquiéter en termes environnementaux de l’intention de recourir de façon plus grande à la cogénération ou à la production thermique décentralisée d’électricité.

16. Commission scientifique et technique [verglas de janvier 98], « Les systèmes de chauffage et d’approvisionnement en énergie dans les logements, en cas de panne d’électricité », dans Les conditions climatiques et l’approvisionnement en énergie, études sectorielles, vol. 3, livre 2, appendice 2.

2.4.3 Les impacts sur les sols

Les pluies verglaçantes ont entraîné la chute de quelque 3 000 transformateurs électriques, principalement dans la région de Richelieu, libérant de quelques litres d’huiles isolantes à un maximum de 150 litres. Cinquante-cinq pour cent des transformateurs récupérés contenaient moins de 55 litres d’huiles isolantes et quarante pour cent des transformateurs endommagés auraient perdu plus de la moitié de leur contenu.

Les huiles qui se sont déversées à la suite du bris des transformateurs n’ont pas été récupérées immédiatement et n’ont pas fait l’objet d’une intervention systématique, comme c’est le cas habituellement. En raison de la situation exceptionnelle, la priorité a été accordée aux cas rapportés par les citoyens et par les directions régionales du ministère de l’Environnement et de la Faune, ainsi qu’aux déversements situés dans des lieux plus sensibles, notamment près des cours d’eau, des résidences ou d’un puits.

Environ 1 % des transformateurs endommagés pourrait contenir plus de 50 ppm de BPC, soit environ 30 appareils sur les 3 000 qui ont été endommagés. Un transformateur de 55 litres avec des huiles concentrées à 50 ppm en BPC contient environ 1,5 ml de BPC. Les analyses effectuées à la demande d’Hydro-Québec montrent que les huiles isolantes étaient peu ou pas contaminées par les BPC. Les analyses effectuées n’ont pas permis de détecter la présence de ce contaminant dans les sols.

Les transformateurs endommagés ont été récupérés puis acheminés vers les cours d’entreposage d’Hydro-Québec. Les sols contaminés, quant à eux, ont fait l’objet d’une opération de récupération qui a débuté à la mi-janvier. Sur la base des premiers résultats des analyses des sols, la récupération s’est faite à partir de constatations visuelles et olfactives sur une profondeur moyenne d’environ 30 cm. Au mois de juin 1998, la récupération progressive des sols contaminés avait permis l’excavation de 4 500 tonnes de sols dans un peu plus de 1 000 lieux. Au total, une dizaine de milliers de tonnes de sols ont été récupérées. Ces sols ont été expédiés vers des lieux d’enfouissement autorisés.

Compte tenu des faibles niveaux de contamination des huiles, des faibles quantités déversées à chaque lieu particulier, de la répartition des lieux de contamination sur le territoire et des mesures de récupération qui ont été prises pour excaver les sols contaminés et en disposer, les impacts sur les sols seront négligeables.

Conclusion des pistes pour mieux gérer l’avenir

Les écosystèmes évoluent indépendamment de l’influence humaine depuis des millions d’années.

Le verglas de 1998, par son ampleur et son intensité, nous incite à nous questionner sur le devenir d’écosystèmes que la plupart d’entre nous considérions comme immuables. Fragilisés et morcelés par l’action humaine depuis trois siècles, leurs réactions sont difficiles à prévoir avec précision dans l’état actuel de nos connaissances.

Dans quelle mesure le verglas de janvier 1998 laissera-t-il des séquelles environnementales à long terme ? Il est difficile de le préciser, car les biocénoses reprendront leur place ou la perdront en fonction d’une multitude de facteurs spécifiques au site où elles sont implantées, des interventions qui y seront faites ou de nouvelles perturbations naturelles à venir.

• En milieu agricole, aucune des pertes encourues n’aura d’impact sur le type de culture, la vocation des sols ou le patrimoine génétique. En acériculture, les interventions des acériculteurs devraient permettre à la majorité des érablières de retrouver leur vocation sucrière. Il faudra cependant s’attendre à un épisode de dépérissement des érables si les conditions climatiques des prochaines saisons rendent plus difficile la remise en condition des arbres.

Dans certains sites, il est aussi possible que la régénération des peuplements d’érables soit rendue difficile et que des interventions soient nécessaires pour reconstituer des peuplements acéricoles. Enfin, certains producteurs devront abandonner momentanément l’exploitation de leur érablière devenue non rentable.

Une surveillance accrue des érablières sera de mise dans la prochaine décennie pour enrichir nos connaissances sur les impacts d’événements tels que le verglas de 1998 et éventuellement modifier les pratiques en vue de minimiser les impacts de futurs événements comparables.

• Dans le milieu forestier, la prudence est de mise en ce qui concerne les interventions.

Une grande attention devra être accordée pour favoriser la reprise des arbres, surtout dans le contexte où le marché pourra difficilement absorber au cours des prochaines années les volumes de bois endommagés. Par ailleurs, nous avons peu d’éléments nous permettant de prédire de manière fiable l’évolution des peuplements dans les prochaines années, et le verglas constitue une occasion d’observer le comportement des écosystèmes à la suite d’une perturbation de cette ampleur. Il faudra aussi considérer les impacts possibles des interventions en milieu forestier sur les populations fauniques et leurs habitats de manière à éviter de mettre en péril davantage des espèces fragiles ou menacées.

• La faiblesse relative de notre réseau d’espaces protégés est à l’image de nos connaissances : fragmentaire et fragile. On devrait peut-être songer à investir des sommes pour assurer l’amélioration de nos connaissances et favoriser la recherche dans notre réseau d’espaces protégés. Quoi qu’il en soit, il faudra investir dans le suivi des écosystèmes au cours des prochaines années de manière à assurer aux générations futures de meilleurs outils de gestion écologique des ressources et du territoire.

• Pour ce qui est des arbres urbains, les dommages sont plus graves chez les feuillus que pour les conifères. Des tailles sévères ont été effectuées, et les dommages effectifs, déjà considérables, pourraient augmenter selon la réaction des arbres à ces opérations. Dans de bonnes conditions, le verglas rajeunira la population d’arbres.

Une surveillance devra être effectuée et il serait opportun de remplacer les arbres coupés par des essences plus rustiques, capables de supporter le verglas.

Le verglas de janvier 1998 est un phénomène naturel. Ses impacts environnementaux ont donc été limités par la capacité des systèmes naturels à évoluer à l’intérieur d’un ensemble de contraintes écologiques. Il ne devrait donc en rester que des traces mineures dans quelques années, si les interventions humaines n’amplifient pas les dommages occasionnés par la glace l’hiver dernier.