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Les bâtiments résidentiels

Le domaine bâti, le patrimoine et

L’IMPACT DU SINISTRE DU VERGLAS SUR LE DOMAINE BÂTI

2.2 Les bâtiments résidentiels

Avant même la fin de la tempête de pluie verglaçante, les habitants des régions frappées se sont inquiétés des dommages qu’elle pourrait causer à leurs résidences, se demandant notamment si les toits pouvaient supporter l’accumulation de verglas. Ainsi, par contraste avec les gestionnaires de la plupart des bâtiments publics, qui se considèrent capables d’évaluer les risques et d’intervenir en temps utile, les particuliers se sont sentis spécialement démunis dans les circonstances.

Statistique Canada estime à plus de 1,6 million le nombre de ménages habitant dans la zone frappée de 40 mm ou plus de pluie verglaçante20. Le nombre d’unités de logement en cause est du même ordre. Dans les mois qui ont suivi la tempête, les assureurs ont reçu près de 517 000 réclamations pour les dommages à la propriété personnelle. Même si on ne retrouve pas des bris aux bâtiments dans chacune des réclamations produites, le total montre bien le grand nombre d’assurés, donc de logements touchés par la tempête. Si on y ajoute les sinistrés non assurés et ceux qui, bien qu’assurés, n’ont pas produit de réclamation, le nombre de personnes et de foyers touchés est encore plus considérable.

2.2.1 Les dommages aux résidences et les préoccupations des propriétaires Même si les dommages aux résidences s’avèrent finalement assez limités, soit environ 3 000 $ en moyenne, un très grand nombre de citoyens se sont inquiétés des conséquences possibles de l’accumulation de glace sur leurs toitures. Qu’il s’agisse de constructions en pente ou plates, ils se sont préoccupés de la capacité portante de la structure ou des risques d’infiltration à travers les bardeaux et les membranes.

La plupart des organismes sollicités par ces citoyens ont déclaré avoir réagi de façon dynamique, soit en émettant des communiqués de presse, soit en se prêtant à des entrevues à la radio et à la télévision, soit en mettant sur pied un service d’information téléphonique ou en rédigeant des dépliants à l’intention de la population. Héritage Montréal a organisé des ateliers conseils où des spécialistes (ingénieurs, architectes, horticulteurs) répondaient aux questions des citoyens. Ces séances d’information ont rejoint quelque 300 personnes dans les quartiers montréalais de Notre-Dame-de-Grâce et d’Hochelaga ainsi qu’à Longueuil21.

20. Statistique Canada,La tempête de verglas de 1998 dans la vallée du Saint-Laurent : cartes et faits,Canada, Statistique Canada, 1998, p. 4.

21. Anonyme, « Une heureuse initiative d’Héritage Montréal », dans Continuité, no76 (printemps 1998), p. 6.

Néanmoins, faute de mécanismes systématiques d’information dans ce domaine, les citoyens ont été confrontés à des informations et à des sollicitations contradictoires, au risque d’ajouter à la confusion et à l’inquiétude plutôt que d’y remédier.

Ainsi, consultés individuellement ou intervenant dans les médias, la plupart des spécialistes ont fait valoir qu’en règle générale, les structures des bâtiments résidentiels pouvaient supporter le poids du verglas accumulé et que les opérations de déglaçage risquaient de causer plus de tort que de bien. Pendant ce temps, les citoyens étaient sollicités par des personnes leur offrant de déneiger et de déglacer leur toit. Dans bien des cas, les individus qui offraient leurs services n’avaient pas de préparation particulière pour une telle tâche. En dépit des messages dissuasifs des autorités municipales ou des départements de santé publique, bon nombre de citoyens ont entrepris de dégager eux-mêmes leurs toitures, non sans risque comme en témoignent les statistiques sur les cas de chutes et de blessures22.

2.2.2 Des réclamations légitimes

L’inquiétude des citoyens a aussi été accentuée par l’ambiguïté relative aux couvertures offertes par les polices d’assurance habitation : seraient-ils indemnisés dans tous les cas d’effondrement de la toiture sous le poids du verglas ? S’ils déneigeaient ou déglaçaient leurs toits à titre préventif, les frais engagés seraient-ils remboursés ?

Dans sa présentation à la Commission, le BAC a expliqué les trois principales formules de couverture relatives aux dommages à l’habitation. Dans la formule de base, les dégâts attribuables à l’effondrement sous le poids de la glace sont exclus, alors qu’ils sont couverts par la formule étendue et la formule dite « tous risques sauf ». Pour le reste, les couvertures et les exclusions sont les mêmes dans les trois formules, qu’il s’agisse des dommages causés par la chute d’une branche ou d’un arbre, par la grêle ou le vent, ou encore du gel de la tuyauterie ou de l’infiltration d’eau lors de la fonte de la glace ou de la neige. Par ailleurs, les principes généraux d’indemnisation peuvent se résumer comme suit :

• En l’absence de dommages réels, il n’y a pas d’indemnisation, même pas pour des mesures préventives ;

• En revanche, si des bris assurables sont constatés, ceux-ci sont indemnisés de même que les mesures prises pour prévenir l’aggravation de ces dommages ;

• Les travaux de réparation ou de restauration à la suite d’un sinistre sont indemnisés sans tenir compte de l’âge ou de l’état antérieur du bien endommagé.

Dans le cas d’un événement exceptionnel comme la tempête de pluie verglaçante, de telles règles ne permettent pas de répondre de façon satisfaisante à tous les besoins des citoyens.

22. Voir le chap. « La tempête de pluie verglaçante et la santé des personnes » dans le présent volume, livre 1, chap. 1 (sections 2.1 et 2.2.4).

2.3 Le patrimoine et le paysage

Sans doute en relation avec les mouvements de plus en plus actifs de sensibilisation et de mobilisation dont ils ont fait l’objet, le patrimoine et le paysage bénéficient, depuis quelques années, de mesures de protection, en vertu notamment de la Loi sur les biens culturels23. Ils font aussi l’objet de politiques de préservation et de programmes d’intervention24.

Face au verglas, le paysage et le patrimoine présentent des éléments de problématique qui se ressemblent. Dans le cas du patrimoine, il s’agit de protéger et de restaurer des bâtiments, des monuments, des ensembles et, parfois, le cadre naturel ou bâti dans lequel ils s’insèrent.

En ce qui a trait au paysage, il s’agit de sauvegarder, entre autres, un patrimoine végétal et de l’entretenir, d’en gérer la croissance et de le renouveler, particulièrement le long des voies publiques ou dans les parcs et les réserves écologiques.

Pour le patrimoine, la sauvegarde et la restauration des éléments de mobilier et des collections conservés dans les bâtiments touchés par le sinistre constituent une problématique complémentaire lorsque, par exemple, les œuvres d’art, les artefacts et les documents d’archives ont été endommagés par l’eau ou exposés à des écarts de température excessifs à cause d’une panne de courant.

2.3.1 La répartition territoriale

Le patrimoine bâti du territoire traversé par la tempête de pluie verglaçante est plus récent que celui des régions situées davantage en aval le long du Saint-Laurent. L’île de Montréal n’en constitue pas moins une concentration majeure de bâtiments et d’ensembles historiques civils, militaires et religieux ainsi que d’équipements culturels et de musées de première importance.

En périphérie, les axes de peuplement longeant le Saint-Laurent, le Richelieu et l’Outaouais sont jalonnés de lieux historiques comme le fort de Chambly et la seigneurie de Montebello, de noyaux villageois, comme ceux de Boucherville et du Vieux-Longueuil25, et d’équipements culturels comme le Musée d’art de Joliette et le Musée canadien des civilisations, à Hull.

23. Voir Loi sur les biens culturels(L.R.Q., c. B-4), chap. III, « Protection des biens culturels par le ministre ou le gouvernement », notamment l’art. 8 sur la reconnaissance ou le classement d’un bien culturel et les art. 18, 20, 31 et 32 restreignant les interventions sur un tel bien ou son aliénation. En matière de paysage, l’art. 45 permet au gouvernement, sur recommandation du ministre, de « déclarer arrondissement historique un territoire, en raison de la concentration de monuments ou de sites historiques qui s’y trouvent. Il peut également, de la même façon, déclarer arrondissement naturel un territoire, en raison de l’intérêt esthétique, légendaire ou pittoresque que présente son harmonie naturelle. »

24. L’article 51 de la Loi sur les biens culturels(L.R.Q., c. B-4) donne au ministre le pouvoir, entre autres, de contribuer à l’entretien et à la restauration d’un bien culturel, et d’accorder à des tiers des subventions à ces fins. En principe, les propriétaires de biens culturels peuvent recevoir jusqu’à 40 % de la valeur des travaux admissibles. Toutefois, le ministère de la Culture et des Communications privilégie plutôt les interventions faites dans le cadre d’ententes conclues avec les municipalités.

Ces ententes biennales ou triennales définissent des secteurs d’intervention, comme l’arrondissement historique de Montréal, où divers projets de mise en valeur du patrimoine public et privé peuvent être réalisés à frais partagés. La plus récente entente entre le Ministère et la Ville de Montréal prendra fin en 1999.

25. Commission des biens culturels, Les chemins de la mémoire,tome 1 (1990) et tome 2 (1991), Sainte-Foy, Les Publications du Québec.

Les inondations du Saguenay, en juillet 1996, ont contribué à faire ressortir la vulnérabilité du patrimoine et à sensibiliser les propriétaires d’édifices patrimoniaux et les dirigeants des institutions muséales et culturelles. Par la suite, plusieurs d’entre eux ont participé au premier Sommet national sur le patrimoine et les mesures d’urgence au Canada, qui s’est tenu à Québec en septembre 1996. Aux termes de la déclaration finale de ce sommet26, les participants convenaient de poursuivre ensemble une démarche axée sur la sensibilisation et la prise de conscience, la collaboration, le développement des ressources à l’échelle locale et l’établissement d’un réseau d’action s’étendant au niveau international.

Quant au paysage naturel, la forêt en constitue, avec la topographie et l’hydrographie, une des trois composantes principales. Elle est particulièrement présente dans la partie sud du Bouclier canadien, c’est-à-dire la chaîne des Laurentides, de même que sur les Montérégiennes, sur les contreforts des Appalaches et dans quelques massifs forestiers résiduels plus ou moins isolés, comme la forêt de Verchères. Ce domaine forestier comprend des terres publiques, des aires d’exploitation et des forêts privées.

Parmi les forêts situées dans le territoire touché par le verglas, quelques-unes bénéficient d’une protection particulière parce qu’elles font partie d’un parc national ou d’une réserve. On les retrouve notamment dans le Parc de la Gatineau, en Outaouais, propriété de la Commission de la Capitale nationale, dans les parcs et réserves Papineau-Labelle, Paul-Sauvé, du Mont-Saint-Bruno et du Mont-Orford, qui appartiennent au Québec, et dans la Réserve de la biosphère du mont Saint-Hilaire, administrée par l’Université McGill. Le couvert végétal est également important dans les grands parcs urbains ou régionaux comme le Parc du Mont-Royal, la Base de plein air de Longueuil, les grands boisés de Laval et les parcs régionaux de la Communauté urbaine de Montréal.

Le domaine boisé public comprend aussi les arbres plantés le long des voies publiques et dans les parcs. Les municipalités du West Island, le quartier Notre-Dame-de-Grâce à Montréal et des villes comme Outremont, Westmount et Mont-Royal ont des rues bordées de milliers d’arbres matures. Il en va de même pour de nombreuses villes de la Montérégie, particulièrement dans les parties les plus anciennes et le long des voies à caractère historique, comme le Chemin des Patriotes, sur la rive droite du Richelieu.

Les préoccupations relatives à la sauvegarde et à la mise en valeur des paysages québécois ont été canalisées à l’occasion de la tenue des États généraux du paysage québécois, en juin 1995, à Québec. La corporation mise sur pied à cette occasion poursuit son travail sur la base de la déclaration adoptée par les participants lors de la clôture de l’événement27. Cette déclaration stipule que les interventions sur le paysage doivent tenir compte de l’intérêt public et du développement durable. Pour ce faire, elle préconise la concertation, l’émergence d’un langage commun et une approche multidisciplinaire. Bien qu’elle ne soit pas issue d’une réflexion suscitée par un désastre naturel ou une situation d’urgence comme la Déclaration de 1996 sur le patrimoine et les mesures d’urgence, la Déclaration de Québec sur le paysage s’inscrit dans la même logique de préservation et de sauvegarde. Les principes et la démarche préconisés par l’une et l’autre déclarations valent autant pour des initiatives de mise en valeur planifiée que pour des interventions d’urgence ou des opérations de restauration rendues nécessaires par un sinistre.

26. Premier Sommet national sur le patrimoine et les mesures d’urgence au Canada, Déclaration finale, Québec, 17 septembre 1996.

27. Premier congrès des États généraux du paysage québécois, La Déclaration commune de Québec, Québec, juin 1995.