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Problèmes explicites de représentation conforme

Dans le document Uniformisation des surfaces de Riemann (Page 144-149)

Le travail de Schwarz

IV.2. Problèmes explicites de représentation conforme

Une autre direction du travail de Schwarz est la détermination expli-cite de certaines représentations conformes. Le point de départ de l’ar-ticle[Schw1869]est leprincipe de symétriequi porte désormais son nom : Théorème IV.2.1(Principe de symétrie). — Soit U un ouvert du demi-plan supérieurH, dont l’adhérence intersecte l’axe réel sur un intervalle I . Soit z 7→f(z)une fonction holomorphe sur U . On suppose que f se pro-longe par continuité sur l’union UI et que I est envoyé dans un cercleC. Si l’on note U0le symétrique de U par rapport à l’axe réel etσl’inversion de Möbius relativement au cercleC, alors on peut étendre f en une fonction holomorphe sur UIU0par la formule : f(z) =σf(z).

À l’aide de ce principe, Schwarz arrive à donner la forme des unifor-misantes des domaines d’abord polygonaux, puis à côtés circulaires. Il ne peut pas conclure directement l’existence de cette uniformisante – sauf dans le cas des triangles – car il reste des paramètres « accessoires » à déterminer. Nous expliquons ici son travail.

IV.2.1. Uniformisation des domaines polygonaux à côtés rectilignes On se donne P un domaine polygonal simplement connexe dans le plan(1). La frontière deP est constituée d’un nombre fini de segments, se coupant en les sommets w1, ...,wn. L’angle intérieur en wi est de λiπ, 0< λi <2 (avecλi 6=1 pour des sommets non plats). Le fait que le polygone soit simplement connexe impose alors queP

(1−λi) =2.

Le problème que se pose Schwarz est de trouver un biholomorphismes deHsur l’intérieur du domaineP, s’étendant en un homéomorphisme au bord (ici, on parle du bord deHdans la sphère de Riemann ; ce bord est donc un cercle).

Pour commencer, on considère le problème local suivant. Supposons quea soit un point de l’axe réel et qu’une fonctions envoie le demi-disqueV={z=a+r eiϕ|0¶ϕπ, 0<r<r0}dans un secteur angulaire S={z =r eiθ |0¶θλπ, 0<r <r0}, où 0< λ <2. On suppose ques est un homéomorphisme deV sur son image et ques est holomorphe surV ∩H. On suppose enfin que l’intersection deV avec l’axe réel est envoyée dans la réunion des deux demi-droites délimitantS.

On peut alors considérer l’application s(za)λ1. Elle est définie et continue sur l’intersection deH, l’adhérence deH, avec un petit disque D(a,")centré ena; de plus, elle est holomorphe surD(a,")∩Het prend des valeurs réelles pour des valeurs réelles de son argument. Schwarz applique alors son principe de symétrie, pour montrer ques(z)1λ s’étend en une fonction holomorphe surD(a,"). On peut donc écrire, au voisi-nage dea :

s(z) = (za)λH(z). (IV.1) Ici,z 7→H(z)est holomorphe sur un voisinage dea, et ne s’annule pas ena (dans le cas contraire, on aurait une contradiction avec l’injectivité des). De plus, commeH(z)prend des valeurs réelles lorsque son argu-ment est réel, les coefficients du développeargu-ment en série entière deHen puissances de(za)sont eux-mêmes réels.

Lorsque le pointa est le point à l’infini, l’analyse précédente, appli-quée à la fonctions0(z) =s€

1zŠ donne

1. Dans[Schw1869], Schwarz commence par considérer le problème d’un carré, mais son approche est complètement générale.

s(z) =z−λH 1

z

(IV.2) oùHest une fonction holomorphe au voisinage de 0, dont le développe-ment en série entière au voisinage de 0 admet des coefficients réels.

Revenons à notre problème initial, et supposons qu’il existe un homéomorphisme s : H → P, tel ques soit holomorphe sur H. Pour déterminer s, on va montrer qu’il satisfait une équation différentielle naturelle. On remarque que notre problème est invariant par action (au but) du groupe affine. On appellea1, ...,an les antécédents dew1, ...,wn

pars. Quitte à composer à la source par une homographie, on suppose queanest le point à l’infini.

On cherche donc une quantité qui soit invariante par le groupe affine.

La fonction z 7→ d zd logd zd s(z) convient : elle est holomorphe sur H et invariante par une transformation affine surs. Le principe de symétrie accompagné de l’étude locale menée précédemment permet de montrer le lemme suivant :

Lemme IV.2.2. — Soit s : H → P une uniformisante qui s’étend en un homéomorphisme au bord. Alors on a

d principe de symétrie et étendresen une fonction holomorphesi sur

H∪]ai,ai+1[∪H

où H désigne le demi-plan inférieur. Cette extension vérifie la rela-tionsi(z) =hisi(z)oùhi désigne la symétrie par rapport à la droite maintenant nous permettre d’identifier la fonction d zd logd sd z(z).

En effet, la formule (IV.1), pouri=1, ...,n−1, conduit à l’expression

d

d zlogd s

d z(z) = λi−1

zai +d1+d2(zai) +d3(zai)2+... (IV.3) où les coefficientsdj sont réels. On obtient que l’application

z7→ d

est holomorphe surH, et se prolonge en une application continue sur H\ {∞}. Elle prend de plus des valeurs réelles pour des valeurs réelles de son argument. On veut montrer que cette différence est nulle.

Pour cela, on peut appliquer à nouveau le principe de symétrie et pro-longer cette fonction en une fonction entière. Maintenant, au voisinage du point à l’infini, la formule (IV.2) donnes(z) =wn+ (z)−λnH(z1)et on

Il n’y a plus qu’à intégrer deux fois pour obtenir : Proposition IV.2.3(Formule de Schwarz-Christoffel)

Soit P un domaine polygonal simplement connexe de sommets w1, . . . ,wn et d’angles intérieursλ1π,. . .,λnπ. Soit s :H→P une unifor-misante qui s’étend en un homéomorphisme au bord et qui envoie l’infini sur wn. Alors il existe n−1nombres réels a1,. . ., an−1tels que Cette expression s’appelle la formule de Schwarz-Christoffel. Ces formules ont en effet été introduites indépendamment par Christoffel [Chr1867](2). Si l’on revient sur le raisonnement fait ci-dessus, on a montré que si une transformation s envoie biholomorphiquement le demi-plan supérieur sur le domaineP, de sorte ques s’étende au bord en un homéomorphisme, alors la composée des par une homographie à la source est donnée par la formule (IV.4), pour un choix judicieux de constantes réellesa1, ... ,an−1. Maintenant, on sait, justement par

2. Une référence classique sur la représentation conforme de domaines plans est [Neh1952], pour les aspects constructifs on pourra consulter[DrTr2002].

le théorème de Riemann, qu’une telle application s existe. Précisons que la démarche de Schwarz présente une cohérence interne puisque dans[Schw1870a]– avec les techniques discutées dans la section IV.1 et le chapitre XI – il montre le principe de Dirichlet pour les domaines poly-gonaux (et plus généralement pour les domaines polypoly-gonaux circulaires, nous y reviendrons), rendant ainsi rigoureuse la preuve de Riemann pour ce type de domaines. Cependant, lorsque le polygoneP est fixé au départ, on ne sait pas en général déterminer les réelsai correspondants.

Remarquons enfin que si l’on impose 0< λi <1 pour touti=1, ...,n, et Pn

i=1(1−λi) = 2, autrement dit si le domaineP est convexe, alors l’approche de Schwarz permet de redémontrer directement l’existence de la représentation conforme. En effet, pour un choix quelconque de a1<a2<...<an−1, la transformation z 7→Rz

z0

d w

(w−a1)1−λ1...(w−an−1)1−λn−1

envoie le bord deHhoméomorphiquement sur le bord d’un polygoneP convexe àncôtés dont les angles intérieurs sontλiπ,i=1, ...,n. Le prin-cipe du maximum nous permet alors d’affirmer queHest envoyé confor-mément dans l’intérieurPdu polygone. L’applicationH→Painsi définie est propre et conforme, donc biholomorphe.

IV.2.2. Uniformisation des domaines polygonaux à côtés circulaires Schwarz aborde également le cas plus général d’un domaine polygo-nal P de sommetsw1, ...,wn dont les côtés[wi,wi+1]sont des arcs de cercles ou des segments de droites. On suppose que l’on a numéroté leswi de sorte que lorsque l’on parcourt[wi,wi+1]en allant dewi vers wi+1, l’intérieur dePse situe sur la gauche. On suppose à nouveau que les angles intérieurs aux sommets wi valent λiπ, 0 < λi < 2. Suppo-sons qu’une application s envoie biholomorphiquement le demi-plan supérieurHsur l’intérieur du polygonePet s’étende en un homéomor-phisme au bord. Quitte à composer par une homographie à la source, on suppose cette fois que l’infini n’est pas envoyé sur un sommet dePet l’on notea1<a2<...<anles images réciproques de ces sommets pars. On voit que le problème considéré ici est invariant par l’action du groupe des transformations de Möbius au but. Rappelons que ce groupe est constitué des transformations homographiques complexes z7→a z+bc z+d,a,b,c,d∈C,a db c6=0. Schwarz cherche donc une nouvelle expression différentielle sur s, invariante lorsque l’on applique une homographie complexe às, et qui jouera le même rôle que celui joué

pard zd logd sd z dans le paragraphe précédent. Cela l’amène à considérer la

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