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La mise en forme : Eisenstein, Liouville et Weierstrass

Dans le document Uniformisation des surfaces de Riemann (Page 56-60)

Encadré I.1 : Applications conformes

I.3. Un survol du développement des fonctions elliptiques

I.3.5. La mise en forme : Eisenstein, Liouville et Weierstrass

Après 1840, la théorie des fonctions elliptiques allait se stabiliser et prendre la forme qu’on lui connaît aujourd’hui. On appelle dorénavant fonction elliptique toute fonction méromorphef dans le plan complexe qui admet deux périodes indépendantesω1,ω2:

f(z+1+2) =f(z) pour toutz∈Cetm,nentiers relatifs.

Les fonctions obtenues par Abel et Jacobi comme réciproques de pri-mitives de 1/p

(1−t2)(1−k2t2)sont des exemples de telles fonctions, mais y en a-t-il d’autres ? Peut-on choisir arbitrairement les périodes ? Ici encore, nous devons nous limiter à des énoncés rapides, résultats des tra-vaux indépendants d’Eisenstein, Liouville et Weierstrass, qui pouvaient être considérés comme acquis lorsque Riemann commence à travailler sur sa thèse.

Partant de deux nombres complexesω1etω2(linéairement indépen-dants surR) le réseau qu’ils engendrent est l’ensembleΛdes nombres complexes de la forme1+2∈Cavecm,n entiers relatifs. C’est un sous-groupe discret deCet la périodicité signifie que la fonction f est en fait définie sur le tore quotientC/Λqui est un exemple fondamen-tal de surface de Riemann comme nous le verrons bientôt.

La fonction de Weierstrass est définie par :

℘(z) = 1

On vérifie que la série converge et qu’elle définit bien une fonction méromorphe elliptique dont le réseau des périodes est précisémentΛ. Elle présente un pôle d’ordre 2 à l’origine deC/Λet elle est holomorphe ailleurs.

La seconde étape est d’établir une équation différentiellepour cette fonction. On introduit lessommes d’Eisenstein:

g2(Λ) =60 X

Pour montrer ce genre d’égalité, on utilise une méthode à la Liouville : la différence entre les deux membres est une fonction méromorphe elliptique et les coefficients ont été choisis pour que le pôle disparaisse.

On conclut en remarquant qu’une fonction elliptique holomorphe est constante (par la compacité deC/Λet le principe du maximum).

Concrètement, cela montre que la courbe algébrique projective C d’équation affine

y2=4x3g2xg3

estuniformiséepar le toreC/Λviale paramétrage z∈C/Λ7→(℘(z),℘0(z))∈C.

Il faut encore montrer que réciproquement, étant donnésg2etg3tels que la courbeCest non singulière, c’est-à-dire tels queg23−27g236=0, on peut trouver un réseauΛdont les invariants d’Eisenstein sont égaux àg2

etg3. On peut y parvenir de plusieurs manières mais la plus simple est de considérer l’intégrale

Z d z

p4z3g2zg3,

et de l’inverser comme l’ont fait Gauss, Abel et Jacobi. Les périodes de la fonction elliptique ainsi obtenue répondent à la question.

Pour terminer, on peut aussi montrer que toute courbe lisse de degré 3 dans le plan projectif est projectivement équivalente à une courbe du type précédent (la forme dite de Weierstrass, déjà décrite par Newton) : il suffit de rejeter à l’infini la tangente en l’un des points d’inflexion.

Le résultat de cette discussion est que toute courbe lisse de degré 3 dans le plan (projectif complexe) est isomorphe à un toreC/Λet que cet isomor-phisme est donné par une fonction elliptique.

Encore un point pour terminer ce chapitre préliminaire :C/Λest bien sûr un groupe abélien si bien que la courbe cubique lisse associée l’est également. Nous l’avions déjà observé grâce aux formules d’addition d’Euler. Il se trouve que la loi d’addition sur la cubique est extrême-ment simple. On fixe d’abord un point d’inflexion sur la cubique, qu’on déclare être l’élément neutre et ensuite on déclare que les trois points d’intersection de la cubique avec une droite quelconque sont de somme nulle. Cela définit entièrement la loi d’addition. La démonstration que cette construction géométrique correspond effectivement à une loi de

groupe est un exercice intéressant de géométrie projective (voir par exemple[McKMo1997]).

Il est intéressant de constater que la définition projective simple de cette structure semble avoir été inconnue des héros de ce chapitre. On apprend même dans[Cat2004, Scha1991]que Poincaré n’avait peut-être pas l’idée claire que les points rationnels d’une cubique définie sur Q forment un groupe abélien (même s’il énonce qu’il est de « rang fini »).

Riemann

On étudie ici deux mémoires de Bernhard Riemann : sa thèse de docto-rat[Rie1851]soutenue à Göttingen en 1851 dans laquelle il développe la théorie des fonctions holomorphes et démontre le théorème de repré-sentation conforme, et son article sur les fonctions abéliennes[Rie1857] publié au journal de Crelle six ans plus tard. Dans ce dernier, Riemann utilise les techniques développées dans sa thèse pour construire une théorie générale des fonctions algébriques et des intégrales abéliennes qui leur sont attachées. Rappelons qu’une fonction s(z)est dite algé-brique si elle vérifie une équation polynomialeP(s(z),z) =0 et qu’une intégrale abélienne est une intégrale du typeR

F(s(z),z)d z, oùFest une fraction rationnelle à deux variables.

Par la suite, l’article [Rie1857] a été considéré comme étant fonda-teur de grandes lignées de recherches en mathématiques, parmi les-quelles la topologie et la géométrie analytique des surfaces de Riemann compactes, leurs espaces de modules, le problème de Riemann–Roch, la géométrie birationnelle, la théorie des fonctions thêta générales et des variétés abéliennes, le problème de Dirichlet, la théorie de Hodge, etc. En ne regardant que son futur proche, pendant les 25 années suivantes, ses résultats ont été géométrisés par Clebsch, puis Brill et Noether, ensuite arithmétisés par Dedekind et Weber ; ils ont également commencé à être étendus aux surfaces algébriques par Clebsch et Noether.

Il est passionnant d’essayer de découvrir les germes de tous ces concepts dans cet article.

II.1. Préliminaires : fonctions holomorphes et surfaces de Riemann

Dans le document Uniformisation des surfaces de Riemann (Page 56-60)