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Prise en charge financière lors d’un arrêt de travail 1 Le revenu des médecins généralistes

Lorsqu’un arrêt de travail s’impose pour le médecin généraliste libéral, les conséquences sont multiples. Sur la patientèle, d’abord, avec un cabinet fermé si aucun remplaçant n’a pu être trouvé. Sur les autres médecins, ensuite, qui doivent pallier l’absence du confrère, voire les services des urgences. Enfin sur le médecin lui-même, d’un point de vue financier qui, sans honoraires de consultations, se voit amputé de la très grande majorité de ses revenus.

Dans l’imaginaire collectif, un médecin gagne très bien sa vie et appartient à la catégorie des personnes aisées. Mais qu’en est-il en réalité ? Depuis de nombreuses années, les habitudes de travail chez les médecins généralistes se modifient en profondeur avec un rythme de travail qui peut baisser, parfois par choix, ce qui impacte ses revenus. Il existe une grande disparité du chiffre d’affaires, avec une densité médicale variable entre la ville et la campagne, ce qui laisse supposer une charge de travail plus importante. La CARMF publiait (1) les revenus de 2016 des médecins, revenus servant de base pour calculer le montant des cotisations. La moyenne des bénéfices non commerciaux s’élevait pour les médecins généralistes à 75 550 euros.

Les rentrées d’argent sont corrélées au nombre de consultations avec les honoraires mais aussi à des rémunérations annexes liées à la maitrise de stage d’étudiants, des vacations, des travaux d’expertises, etc. Il existe également la Rémunération sur Objectifs de Santé Publique (ROSP) (30). Cette rémunération conventionnelle, dont l’adhésion se fait automatiquement, créée en 2011 puis remaniée en 2016 sous la pression des syndicats, est versée par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM). Le but affiché est d’améliorer la qualité des pratiques médicales en incitant financièrement les médecins à les modifier. Il s’agit de renseigner chaque année les indicateurs choisis par l’Assurance Maladie. Il en existe trois types : le suivi des pathologies, la prévention et l’efficience. Ensuite, selon les données déclarées ou étudiées directement par la CNAM, un nombre de points est attribué à la hauteur de l’objectif atteint, ce qui équivaudra à un seuil de rémunération. Pour exemple, certains indicateurs demandés en 2018 (31) ont été :

- disposer d’une messagerie sécurisée de santé

- avoir un taux de télétransmission supérieur ou égal à 2/3 de l’ensemble des feuilles de soins - encadrement d’étudiants en médecine

- part des patients traités par antidiabétiques ayant bénéficié d'un examen clinique annuel des pieds par le médecin traitant ou d'une consultation de podologie dans l'année

- part des patients de moins de 16 ans dont la courbe de corpulence (réalisée à partir de l'Indice de Masse Corporelle) est renseignée dans le dossier médical au moins une fois par an

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Ce système de revenus permet de sortir du seul paiement à l’acte. Le travail du praticien ne s’arrête pas une fois les consultations terminées. Pour autant, la ROSP est décriée par certains, dont le syndicat Union Française pour une Médecine Libre (32), qui s’interroge sur la véracité des objectifs. Le risque principal évoqué est la disparition de l’indépendance du médecin, de sa liberté de prescription. Si ce système venait à prendre de l’ampleur, certains se posent la question de la soumission à la CNAM, avec le risque de se retrouver les mains liées par une rémunération conditionnée à l’application des choix de la Sécurité sociale. Un deuxième doute est formulé : s’agit-il d’améliorer la pratique médicale ou bien de diminuer les dépenses publiques ?

Derrière ces revenus qui peuvent sembler importants, se trouve une liste de charges dont un médecin installé en libéral doit s’acquitter (33). Parmi celle-ci, nous retrouvons les charges sociales : URSAFF, CARMF, les charges courantes du cabinet (eau, électricité, gaz, téléphone, internet, ménage, achat et entretien de matériel médical), le salaire des éventuels salariés (comme une secrétaire), le comptable, le loyer ou remboursement de prêt, les assurances obligatoires et facultatives telle que la prévoyance puis les impôts. Cette liste non exhaustive renseigne sur la somme des dépenses fixes imposées.

Quelle est la part des charges ? Sur les revenus de 2016, l’Union Nationale des Associations Agrées (34) a pu estimer que 57.2% du chiffre d’affaire est converti en bénéfices. Cette part baisse à 51.7% pour les revenus du premier quartile (avec un chiffre d’affaire en moyenne de 36 310 euros). Avec un peu moins de la moitié des revenus consacrée aux charges fixes, qui continuent à courir durant un arrêt maladie, il existe des couvertures obligatoires et facultatives pour aider le médecin à surmonter financièrement cette période d’inactivité.

3.2. La CARMF

Dès le diplôme de docteur en médecine obtenu, les médecins qui sont inscrits au Conseil de l'Ordre et qui exercent une activité médicale libérale, doivent obligatoirement cotiser à la Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France (CARMF). Cette caisse gère la retraite mais verse également des indemnités en cas d’incapacité temporaire d’exercer sous certaines conditions (35).

La durée d’affiliation à la CARMF impacte la hauteur des indemnités. Entre 8 et 15 trimestres, les indemnités sont réduites des deux tiers et entre 16 et 23 trimestres, elles le sont d’un tiers. Ce n’est donc qu’après six ans d’affiliation que les indemnités sont entières. Elles sont accordées à partir du 91ème jour qui suit l’arrêt total de travail. Le versement se fait à la fin du quatrième mois non travaillé, sous forme de prestations journalières. La rechute est prévue si elle intervient dans un délai inférieur à un an, prise en charge dès le 15ème jour. La durée maximale des indemnités est de 36 mois. Le montant dépend du revenu et décroit avec l’âge. Les cotisations à la CARMF sont exonérées à partir du sixième mois d’arrêt.

En 2005, un colloque (36) organisé par le Conseil National et la CARMF portait sur l’imprévoyance, devant le constat d’un manque de respect des règles permettant de bénéficier de ces droits. Trois cas d’imprévoyance étaient décrits :

- L’imprévoyance totale regroupe ceux qui ne sont pas à jour de leurs cotisations et qui ne peuvent donc prétendre à aucune couverture de la part de la CARMF

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- L’imprévoyance relative concerne le médecin à jour mais qui a mal anticipé ses besoins, qui ne seront pas, de ce fait, suffisamment couverts par la CARMF

- L’imprévoyance technique est invoquée lorsqu’un médecin a omis de déclarer une pathologie qu’il pensait ne pas devoir signaler à la CARMF, car ayant imposé un arrêt de moins de trois mois. Mais lors de la récidive, il va devoir attendre à nouveau les 90 jours de carence avant de percevoir ses indemnités, ce qui n’aurait pas été nécessaire en cas de signalement

La conclusion est sans appel. Tout manque dans la gestion des formalités entrainera des conséquences financières potentiellement graves, tant à court terme qu’à long terme, pouvant impacter la pérennité d’un cabinet et au-delà, la vie personnelle et familiale du médecin.

3.3. La PAMC

Le médecin libéral relève du régime d'Assurance Maladie des Praticiens et Auxiliaires Médicaux Conventionnés (PAMC) au travers de l’URSSAF (37). Son affiliation est obligatoire. Au titre de la participation aux soins de santé publique, la majeure partie des cotisations à ce régime est prise en charge pour l’Assurance Maladie à condition d’avoir signé la convention médicale avec la Sécurité sociale.

En cas d’arrêt de travail, l’affiliation à la PAMC permet d’obtenir le remboursement des soins, le versement d’indemnités uniquement au titre de la maternité et le versement d’un capital décès aux proches. Pour autant, il existe de grandes disparités avec l’Assurance Maladie des salariés. Ce régime de protection sociale ne prévoit pas le versement d’indemnités journalières en cas d’arrêt de travail pour maladie ni pour les accidents de travail ou de trajet, pas plus que pour les maladies professionnelles.

Ces exclusions sont marquantes. Un praticien, quotidiennement au contact de pathologies contagieuses, même bénignes, ne peut percevoir d’indemnités s’il est souffrant et a besoin d’un temps de repos. De la même manière, les maladies professionnelles ne peuvent être indemnisées alors que parmi les tableaux plusieurs pathologies sont liées à des agents infectieux et d’autres à des affections musculo-squelettiques provoquées par des gestes ou postures de travail. Certaines professions médicales libérales semblent évidement plus concernées que d’autres. La dernière exclusion concerne les accidents de trajet. Le praticien, habitué aux visites à domicile, parfois assez éloignées du cabinet dans les zones rurales, ne sera pas protégé en cas d’accident de voiture.

Un contrat proposé par l’Assurance Maladie, nommé Assurance Volontaire Accident de Travail et maladies professionnelles (38) permet de couvrir l’accident de travail ou de trajet et la maladie professionnelle et d’obtenir le remboursement des soins et actes médicaux à 100%, le versement d’une indemnité en capital ou d’une rente en cas d’incapacité permanente, le remboursement des frais funéraires et le versement d’une rente aux ayant-droits en cas de décès. Pour autant, il persiste des différences avec les couvertures assurées aux salariés notamment les indemnités en cas d’arrêt de travail qui n’existent pas. La cotisation est basée sur le revenu annuel et recouvrée par l’URSSAF.

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Le cas du congé maternel chez les femmes médecins libérales.

A la différence d’une salariée pour qui les droits s’appliquent de façon quasi automatique, une femme médecin enceinte doit mener des investigations pour connaitre ses droits et les démarches à mettre en œuvre.

Les droits (39) actuellement en vigueur sont :

- L’allocation forfaitaire de repos maternité

Sous la forme d’une prime de 3 377 euros, elle est versée pour moitié au septième mois de grossesse et pour le reste après l’accouchement.

- Les indemnités journalières forfaitaires

Avec un montant de 55,51 euros par jour, elles sont versées tous les quatorze jours à la condition d’une cessation d’activité au minimum de huit semaines, dont deux avant la date d’accouchement prévue. Pour les obtenir il faut déclarer sur l’honneur toute cessation d’activité et fournir un certificat médical attestant de la durée de l’arrêt de travail.

- L’avantage supplémentaire maternité

Il s’agit d’une rémunération de 3 100 euros par mois d’arrêt pour maternité pour trois mois maximum. Son montant varie selon le nombre de demi-journées exercées par semaine, il est total à partir de huit.

La durée du congé maternité indemnisé est la même chez les femmes médecins libérales que chez les salariées, à la différence du report de congés prénataux en période post natales qui n’est pas autorisé.

Histoire de l’acquisition de ces droits.

Avant 1982, aucune protection sociale n’existait pour les femmes médecins lors de la maternité. A cette date, les prémices d’un congé maternité apparaissent, octroyant à ces dernières l’équivalent de deux SMIC (Salaire Minimum de Croissance).

En 1995, grâce aux pressions syndicales, il est accordé aux femmes : - 60 jours d'arrêt consécutifs en cas de naissance simple

- 90 jours en cas de naissance multiple et en cas d'état pathologique résultant de la grossesse ou de l'accouchement

En 2006, l’alignement du congé maternité des femmes médecins libérales sur les salariées est accordé. En 2014, les indemnités journalières pour des arrêts liés à la grossesse sont reconnues et versées pour une durée de 90 jours, puis la CARMF prend le relais.

En 2017, la dernière avancée permise par trois syndicats est la création de l’avantage supplémentaire de maternité, devant l’insuffisance financière des deux autres prestations face aux charges d’un cabinet.

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3.4. La prévoyance individuelle

La prévoyance individuelle est une assurance privée facultative qui complète celle du régime obligatoire. Son objectif est de compenser dans une proportion choisie initialement, les pertes de revenus de l’assuré en cas d’impossibilité de travailler pour cause de maladie (ou incapacité), d’invalidité ou de décès. Cette option trouve sa place dans ce qui fait défaut dans les droits octroyés par l’Assurance Maladie et permet donc d’anticiper des pertes financières parfois très importantes, impactant la vie professionnelle et personnelle. Un rapport (40) de l’Union Régionale des Professionnels de Santé de Bretagne qui a interrogé les médecins sur ce type de contrat évoque un taux d’adhésion de 90%, qui monte à 95,6% dans une thèse (41) consacrée à la prévoyance en Rhône- Alpes.

Les organismes proposant ce type d’assurance sont nombreux. Si la nécessité d’une prévoyance facultative n’est plus à prouver, il n’en demeure pas moins très difficile de s’y retrouver. Nous exposons ici quelques points essentiels (42) pour choisir au mieux le contrat qui permettra de recevoir si besoin des indemnités :

Les types de contrats :

- Les contrats indemnitaires ont pour but de compenser la perte de revenus, ils sont donc basés sur les revenus déclarés par l’assuré. Les versements des régimes obligatoires sont déduits de l’indemnisation prévue

- Les contrats forfaitaires ne prennent pas en compte les revenus de l’assuré mais ils versent les indemnités prévues par l’assuré à la signature du contrat

Les exclusions et les restrictions.

Les contrats ont souvent des limites, soit de pathologies, soit de temps d’indemnisation. Parmi les exclusions, citons les pathologies disco-vertébrales, les affections psychiatriques ou psychiques et la grossesse pathologique. Selon les antécédents personnels ou le souhait d’une grossesse, il convient d’être vigilant.

Les franchises.

Cet élément doit être étudié avec soin. En effet, la CARMF ne verse des indemnités qu’après un arrêt total de 90 jours. Ainsi, même s’il est en arrêt de travail, le médecin ne touchera aucun revenu durant cette période. Les contrats de prévoyance distinguent des délais de carence selon trois cas : maladie, hospitalisation et accident. Le cas de l’arrêt pour maladie est primordial, il existe des franchises de 3, 7, 15, 30 jours et plus. Très fréquemment, pour les hospitalisations, il s’agit de trois jours voire d’une nuitée avant d’obtenir les indemnités.

D’autres points sont à examiner, comme la durée de l’indemnisation durant une incapacité temporaire totale, l’invalidité ou les possibilités de mi-temps thérapeutiques, le capital ou la rente versés aux proches en cas de décès de l’assuré.

Le Conseil de l’Ordre des Médecins de Loire-Atlantique (43) expose les points du contrat sur lesquels il faudrait davantage de vigilance. En effet, il évoque une différence parfois importante entre les revenus suffisants pour subvenir aux besoins personnels et professionnels et les indemnités

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versées, ce du fait de contrats mal envisagés sur le long terme. C’est ainsi qu’il propose par exemple de calculer au plus juste les indemnités journalières nécessaires, sans limitation de temps ou sans exclusion de certaines pathologies. La façon d’envisager les rentes devrait s’ajuster au mieux au mode d’exercice. L’anticipation comme la lecture attentive des contrats permettront de choisir le contrat le plus adapté à la situation. Il incombe au médecin de rester vigilant et de revoir sa prévoyance tous les cinq ans.

Ces trois organismes (CARMF, PAMC et prévoyance) permettent, lorsqu’ils sont adaptés, de ne pas se soucier des considérations financières en cas d’arrêt de travail. Ils sont un appui majeur pour le médecin devenu patient. L’objectif est de pouvoir se consacrer à soi, à sa santé lorsque le parcours de soins s’exécute, que les traitements parfois difficiles apparaissent et que le repos devient une nécessité.

4. Les œuvres