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5. Etre un médecin malade

5.4. L’interférence du médecin

5.4.2. Interférer dans les soins 1 Les négociations

Sept médecins ont eu recours à la négociation, certains allant jusqu’à une modification très importante des options thérapeutiques. Il s’agit pour la plupart de médecins pris en charge par des confrères. Au sujet de son traitement du cancer du testicule : « J’ai dit « non, 15 séances sur l’abdomen et 15 sur

le thorax, vous n’êtes pas sûrs du tout que j’ai des métastases, je refuse », ils m’ont dit « on vous irradie juste le creux sus claviculaire », j’ai dit « bon bah d’accord » » Dr D

Au sujet de son traitement de rhumatisme psoriasique : « Si, je négocie par exemple, pour les doses,

pour augmenter les doses » Dr I

Au sujet de la chirurgie du cancer thyroïdien : « Il m’avait curieusement placé des agrafes. Je suis

certainement douillet malheureusement, mais alors ça me faisait mal, ça me brulait, ça m’empêchait de dormir à tel point que j’ai demandé à l’infirmière si elle pouvait pas m’en retirer une ou deux « oh non, j’ai pas l’avis, de consignes du chirurgien » Dr F

« Ah oui je me souviens, après la thyroïdectomie, le chirurgien me dit « je vais vous mettre un mois

d’arrêt », je dis « comment ça un mois, ça va pas. J’ai pas de remplaçant, une semaine ou deux ça ira » Dr F

73 « Je négocie le traitement, éventuellement » Dr G

« - C’est un cardiologue [….] Le seul truc, c’est qu’il voulait me supprimer le clopidogrel la dernière

fois j’ai dit « non, je ne supprime pas, j’ai la trouille… » - Vous avez négocié avec le cardiologue ?

- J’ai dit « j’ai la trouille, me l’arrête pas » Je discute comme ça » Dr G

Au sujet de son burn out : « J’ai demandé à la psychiatre, enfin, j’ai insisté pour qu’elle

m’hospitalise » Dr E

Au sujet de sa menace d’accouchement prématuré : « plutôt en train de négocier […] Les consignes

de repos. C’était un peu trop contraignant » Dr K

Au sujet de résultats biologiques anormaux : « J’avais vraiment l’impression qu’elle me prenait pour

une débile (rires), j’ai insisté mais vraiment elle ne voulait pas. J’ai fini par lui dire « écoute, je suis médecin, je veux juste savoir ce que c’est » » Dr J

5.4.2.2. La prise d’informations

Doutant d’un résultat, un médecin a utilisé son statut pour obtenir des informations.

Au sujet de son traitement du cancer du testicule : « Je me rappelle même, que je lui ai téléphoné

parce que l’irradiation que me proposait le radiologue était très élevée » Dr D

Le médecin a exposé ses connaissances pour obtenir une amélioration de ses soins.

« Je fais une rétention d’urine je vous dis » « mais non, vous avez du mal à uriner, ça va venir et

cætera » « je vous dis que je fais une rétention aiguë d’urine, je connais les symptômes, j’en peux plus ». Et effectivement au bout de deux heures, ils ont accepté de faire un BladderScan qui montrait 600 cc dans la vessie » Dr L

« Pareil quand j’avais mal, je disais « j’aimerais bien avoir tel médicament euh », non, c’était pas

dans le protocole inscrit. « Je sais ce que j’ai, donnez-moi ça, ça me soulage ». Et ça, ils le faisaient pas, ils obéissaient aux ordres du euh du protocole […] avec une infirmière ça a marché, avec l’autre ça a moins bien marché (rires) » Dr L

5.4.2.3. L’auto-suivi

Concernant le suivi d’une pathologie chronique, cinq médecins sur les sept ont évoqué un suivi qui n’est pas celui recommandé et qu’ils réalisent seuls.

« C’est moi qui fais la surveillance. Je ne fais pas tous les trois mois l’hémoglobine glyquée, c’est

plutôt tous les six mois » Dr L

« J’ai arrêté aussi pour le diabète parce que le médicament pour le diabète ça ne me fait rien du

tout » Dr D

« Donc en fait, moi je boutique. Euh, bah oui, je… bah… Moi je suis bien quand je suis à… à 2 - 2,5.

En dessous de 1, j’ai le cœur qui bat trop vite, ça va pas. Et si je suis dans les 3, bah je suis fatiguée quoi, je sens bien » Dr H

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« J’ai fait une seule fois mon contrôle et je regardais selon mon psychisme, quand je sentais que

j’étais un peu trop irritable, ce qui m’arrivait souvent. Donc j’ai pris la dose minimale, la dose suffisante pour conserver une sexualité mais une dose hormonale quand même euh…un peu légère »

Dr D

« Je passe une TSH avec un bilan euh… une fois par an, voire tous les deux ans » Dr F « -Et les prises de sang ? (question de l’enquêteur)

- Non, je ne le fais pas pourquoi ? Mais… parce que pour un patient normal, c’est tout à fait légitime… parce qu’il ne sait pas comment il se traite lui-même et puis il n’est pas médecin, il ne se connait pas. Moi, je sais très bien pourquoi j’ai eu un taux élevé, c’est pour ça que je suis en train de maigrir. J’ai mangé des gâteaux secs, parce que les enfants avaient des gâteaux secs. Parce que les petits enfants avaient des gâteaux secs… Depuis quelques temps, je prenais un apéro, un peu de rhum avec un verre de jus de fruits. L’apéro parce que ça me calme, ça me détend et bah le jus de fruits, c’est autant de sucre en trop, je le sais. Donc quand j’ai des taux élevés, je sais pourquoi, je sais très bien que c’est moi qui n’ai pas été raisonnable » Dr D

« - Et les prises de sang pour l’état des reins ? (question de l’enquêteur)

- Je reconnais que je dois le faire » Dr D

« Des radios qui ont été faites un peu au début, un peu plus rapprochées au début et maintenant c’est

un peu plus… au bout de 10 ans, j’ai lâché un peu » Dr I

« J’ai fait pas mal de diabéto, surtout quand j’étais médecin à l’hôpital donc j’ai pas le DU, mais j’ai

presque l’équivalent du DU de diabéto donc je connais bien le sujet » Dr L

« Et moi, comme je suis médecin, bah voilà, je me règle, je fais mes dosages » Dr H

« Il n’est pas médecin, il ne se connait pas. Moi, je sais très bien pourquoi j’ai eu un taux élevé » Dr D

« Le jour où j’atteins les 8% d’hémoglobine glyquée, je passe à l’insuline. Disons que j’aimerais

aller jusqu’à la retraite sans insuline, j’aurai plus de temps à consacrer à ça » Dr L

« Je ne me suis pas si mal que ça, je gère bien » Dr L

5.4.2.3.1. Le refus du suivi par un confrère

Deux médecins ont expliqué ne pas être suivis, pour une ou plusieurs de leurs maladies, par un confrère. Les raisons étaient multiples. On peut citer un état de santé jugé suffisamment correct grâce à l’auto-suivi.

« - Vous n’allez pas voir de spécialiste pour la tension ou le diabète ? (question de l’enquêteur)

- Non. - Pourquoi ?

- […] ça sert à rien. J’ai pas de douleurs, je vais bien, je vérifie ma tension, elle est correcte, je n’ai pas d’accès d’hypertension, je prends juste un médicament » Dr D

Au sujet du suivi du mélanome : « Je leur dis « vous me trouvez des métastases, bon d’accord, mais

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« Moi j’en ai passé un quand même par curiosité. Et le problème, c’est que comme c’est un scanner

corps entier, ils vous mettent un litre de traceur et j’ai l’impression que ça a affecté ma fonction rénale » Dr F

« Je joue un peu à l’autruche, en refusant les PSA, en refusant les scanners corps entier, je joue à

l’autruche » Dr F

« Bah je me dis que s’il commence à métastaser, je suis pas sûr d’accepter tout ça » Dr F L’un des médecins a décidé de lui -même d’interrompre le suivi.

« J’ai eu un suivi d’abord assez rapproché mais pas tant que ça parce que je ne voulais pas y aller,

donc j’ai eu un suivi à peu près tous les 3 mois pendant un an, à Baclesse et ensuite euh j’ai eu aucun suivi » Dr D