et supérieures
E. Les capacités productives des PMA dans la nouvelle décennie
Les PMA doivent analyser les points soulevés dans ce qui précède et en tenir compte au moment où ils se préparent à affronter les années qui viennent et les différents processus qui vont coexister. Une nouvelle décennie s’ouvre, où tous les pays s’efforcent de faire face aux conséquences de la crise de la COVID-19 et de se relever de la profonde récession qu’elle a provoquée. La communauté internationale doit adopter un nouveau plan d’action pour les PMA alors qu’elle aborde la dernière décennie du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Les PMA devront faire évoluer leurs capacités productives de telle manière qu’elles permettent une transformation structurelle de leur économie et de leur société. Ce n’est qu’ainsi qu’ils pourront atteindre leurs objectifs de développement, à savoir ceux qui figurent dans le Programme 2030 et ceux qui seront adoptés à la cinquième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés.
Malgré tous les discours sur la nécessité de
« reconstruire en mieux » après la COVID-19, il faut tenir compte des conditions qui prévalent dans les PMA. Premièrement, dans la plupart des cas, la priorité de ces pays n’est pas tant de reconstruire que de développer des capacités productives nouvelles et supérieures, c’est-à-dire soit moderniser les entreprises et les exploitations agricoles existantes sur le plan technologique, soit créer de nouvelles activités et de nouveaux secteurs économiques qui n’existaient pas auparavant.
Deuxièmement, la crise mondiale de la COVID-19 n’a pas tant modifié les réalités mondiales que mis en évidence, accentué ou accéléré des tendances préexistantes, par exemple l’accélération des changements technologiques, l’accroissement des inégalités nationales et internationales, les mises en question du multilatéralisme, la nouvelle orientation prise par la mondialisation et les effets des changements climatiques, etc.
Les responsables politiques des PMA et leurs partenaires de développement doivent tenir compte de chacune de ces tendances préexistantes (et qui, peut-être, s’accélèrent) lorsqu’ils élaborent et appliquent les stratégies et les politiques économiques et sociales pour la nouvelle période qui s’ouvre. Quelques-unes des tendances qui influenceront le développement des capacités productives dans les PMA dans les années 2020 sont évoquées ci-après. L’une d’entre elles, à savoir la révolution technologique en cours, amenée par les technologies d’avant-garde, et en particulier par les technologies numériques, sera étudiée plus en détail.
1. Les tendances qui influent sur le développement futur des capacités productives
Dans les années 2020, le développement des capacités productives des PMA sera fortement influencé par l’évolution de l’environnement mondial (leur économie étant généralement de petite taille et ouverte) ainsi que par les politiques que les gouvernements et leurs partenaires de développement adopteront. Globalement, cet environnement mondial sera fortement caractérisé par les effets persistants de la crise sanitaire et économiques liée à la COVID-19 et par la manière dont les relations économiques et politiques internationales évolueront par la suite. De grandes tendances auront une influence particulièrement notable sur le développement des capacités productives des PMA et les perspectives de développement plus générales de ces pays.
Il s’agit notamment de la réorientation des relations économiques et politiques internationales dans la période de l’après-COVID-19, de l’avenir de la mondialisation, de la situation des chaînes de valeur mondiales, de l’intégration régionale (UNCTAD, 2020a), du rythme des changements climatiques et des politiques visant à les combattre, et de la révolution technologique en cours (Fagerberg and Verspagen, 2020). De plus, les PMA ayant pour particularité d’afficher des taux de croissance démographique très élevés, ils devront créer de plus en plus d’emplois chaque année pour répondre à la demande des nouveaux arrivants sur le marché du travail (chap. 1), sans parler de la demande croissante de services sociaux, qui doivent être financés.
Tableau 2.5
Réseau mobile à très haut débit 5G Impression 3D (fabrication additive) Nanotechnologies Nanomatérieux organiques et inorganiques Technologies vertes Énergies renouvelables, gestion de l’eau
Source : Adapté d’un document de la CNUCED (UNCTAD, 2018).
La CNUCED a conscience de l’influence que ces grandes tendances ne manqueront pas d’avoir sur le développement des capacités productives dans la nouvelle décennie, mais elle n’essaie pas de prévoir leur évolution. En revanche, elle se penche sur les effets de la révolution technologique initiée par les technologies d’avant-garde. Ces technologies ont un impact direct sur les capacités productives partout dans le monde et sont un obstacle technique et économique majeur pour les PMA, à cause du niveau toujours faible des capacités technologiques dans la plupart d’entre eux (UNCTAD, 2007) et parce que les technologies d’avant-garde sont créées par les pays développés avancés pour répondre à leurs propres besoins. Ainsi, donc, ces nouvelles technologies correspondent aux conditions économiques (dotations en facteurs de production, par exemple) et sociales qui prévalent dans les pays les plus avancés. Comme ces conditions sont fort différentes de celles que connaissent les PMA, la question se pose de savoir si ces nouvelles technologies sont adaptées à ces pays.
L’examen de l’adéquation des nouvelles technologies comportera trois volets. Le premier, qui occupera le reste du présent chapitre, portera sur l’examen des caractéristiques générales des technologies d’avant-garde. Le deuxième, au chapitre 3, sera consacré à faire le point sur le développement des capacités productives dans les PMA. Enfin, le troisième, au chapitre 4, portera sur la manière dont ces nouvelles technologies sont adoptées dans les PMA et sur la manière dont ces pays peuvent les exploiter pour renforcer leurs capacités dans ce domaine d’une façon qui soit adaptée à leurs conditions économiques, sociales, démographiques et naturelles.
2. La révolution technologique
L’économie et la société à travers le monde sont gagnées de vitesse par une nouvelle révolution technologique, qui se caractérise par une concentration d’innovations dans plusieurs catégories de technologies d’avant-garde essentielles, dont les plus importantes sont signalées dans le tableau 2.5.
Bien qu’elle soit encore naissante, cette révolution technologique présente quelques caractéristiques concrètes et des résultats visibles, en particulier dans les pays avancés sur le plan technologique.
Ces caractéristiques sont les suivantes (UNCTAD, 2018g) :
• Les différentes technologies s’appuient les unes sur les autres ;
• Les technologies convergent grâce à l’utilisation croissante des plateformes numériques pour produire de nouvelles technologies combinatoires (par exemple, l’agriculture de précision) ;
• La baisse des coûts, en particulier dans le cas des technologies de l’information et de la communication et des panneaux photovoltaïques ;
• La croissance et l’ubiquité des plateformes de plateformes, telles que l’Internet et les systèmes de positionnement mondial (GPS) ;
• La numérisation ;
• La connectivité.
Certaines de ces technologies sont des technologies généralistes (Bresnahan, 2010) et jouent un rôle central dans la croissance car :
• Elles sont largement utilisées et fournissent des intrants à un grand nombre de secteurs ;
• Elles peuvent faire l’objet d’améliorations techniques continues, qui conduisent à la réduction des coûts et à l’amélioration de la qualité ;
• Elles favorisent l’innovation dans les secteurs où elles sont appliquées car, grâce à leurs interactions, elles augmentent son rendement ;
• À terme, elles concernent tous les secteurs de l’économie.
Ces technologies peuvent avoir un très fort impact sur le développement des capacités productives
des PMA dans la nouvelle décennie. Toutefois, la question se pose de leur diffusion et de leur adéquation. La diffusion de ces technologies dans les PMA et le potentiel qu’elles ont de stimuler le développement des capacités productives sont analysés dans la suite du présent rapport. Compte tenu de leur généralisation, il est important que les décideurs des PMA prennent les dispositions voulues en ce qui concerne les nouvelles technologies et, éventuellement, qu’ils les utilisent pour autant qu’elles contribuent à la réalisation des objectifs
de développement de leur pays. Il est essentiel que les responsables politiques des PMA et leurs partenaires de développement prennent conscience de la nature complémentaire des différents éléments des capacités productives pour aboutir à une transformation structurelle. Ces éléments sont notamment les infrastructures analysées plus haut, les capacités technologiques qui seront examinées au chapitre 4, et les autres composantes des capacités productives, les liens réciproques et les arbitrages ou synergies (analysés au chapitre 3).