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À cause de la crise, 32 millions de personnes supplémentaires vivront

dans des conditions d'extrême pauvreté

202020. Les chiffres montrent que la baisse de la croissance imputable à la pandémie fera augmenter de trois points de pourcentage −  de 32,2  % à  35,2  %  − la proportion des personnes vivant avec 1,90  dollar par jour. Le nombre d’habitants des PMA vivant dans des conditions d’extrême pauvreté augmentera ainsi de plus de 32 millions de personnes. Dans la catégories des personnes vivant avec 3,20 dollars par jour, l’incidence de la pauvreté augmentera de 3,6 points (38 millions de personnes pauvres supplémentaires), tandis que l’effet sera plus faible dans le groupe des personnes qui vivent avec 5,50 dollars par jour, puisque l’écrasante majorité de la population des PMA est tombée en dessous de ce seuil avant même la pandémie.

Quelques considérations s’imposent concernant les chiffres. Premièrement, si la crise se révèle plus profonde que prévu −  comme beaucoup le craignent  −, son impact sur les mesures de lutte contre la pauvreté sera encore plus préjudiciable.

On estime que si la croissance en 2020 est inférieure de deux points de pourcentage aux prévisions initiales du FMI (IMF, 2020a), les chiffres de la pauvreté risquent de prendre plus d’un point de pourcentage

20 Cette méthode part de l’hypothèse que le choc laisse la répartition des revenus inchangée  ; or, il est raisonnable de penser que certains des segments les plus pauvres de la population seront les plus touchés, au moins dans les zones urbaines.

(Valensisi, 2020). Deuxièmement, à supposer que l’on accepte les prévisions du FMI, il est important de souligner qu’il existe une grande différence entre la situation dans laquelle se trouve une dizaine de PMA (notamment en Asie du Sud-Est et en Afrique de l’Est), où le choc devrait entraîner un fort ralentissement de la croissance mais non pas une baisse du revenu par habitant, et celle dans laquelle se trouve un nombre bien plus grand de ces pays, qui devraient voir leur PIB par habitant diminuer purement et simplement. Dans le premier cas, la pandémie aura pour effet direct (net) de mettre un sérieux coup de frein à la réduction de la pauvreté, alors que dans le second, elle entraînera une augmentation nette de l’incidence de la pauvreté.

Troisièmement, l’épidémie de COVID-19 renforcera la polarisation géographique de l’extrême pauvreté en Afrique et en Asie du Sud.

Si l’on fait abstraction de l’objectif de développement durable no 1, cette situation est un recul considérable par rapport à un certain nombre d’autres objectifs, surtout dans les domaines de la santé et de l’éducation, qui risquent de ne pas être atteints si les populations adoptent des stratégies d’adaptation négatives comme la réduction des rations alimentaires ou le retrait des enfants de l’école.

De plus, au niveau macroéconomique, la crise peut entraîner une réaffectation des maigres ressources publiques allouées jusque-là à l’éducation ou à la santé en général. Dans le même ordre d’idées, le Figure 1.4

Estimations de la pauvreté dans les PMA en 2020, avant et après la COVID-19, par seuil de pauvreté

Source : Calculs du secrétariat de la CNUCED, d’après Valensisi (2020).

0 20 40 60 80 100

0 200 400 600 800 1 000

Avant-COVID-19 Après-COVID-19 Avant-COVID-19 Après-COVID-19 Avant-COVID-19 Après-COVID-19 1,90 dollars par jour 3,20 dollars par jour 5,50 dollars par jour

Pourcentage

Millions de personnes pauvres

Millions de personnes pauvres Pourcentage de personnes pauvres

ralentissement économique portera probablement préjudice à l’égalité des sexes, car la dimension de genre est étroitement liée à d’autres facteurs de marginalisation structurelle comme la situation économique, l’appartenance à des groupes minoritaires, le handicap, la séropositivité au VIH et autres. Dans les PMA comme dans le reste du monde, les femmes ont tendance à être surreprésentées dans les catégories professionnelles vulnérables (allant du personnel de santé aux autoentrepreneuses du secteur informel), ainsi que dans certaines des chaînes de valeur les plus durement touchées par la crise, par exemple le tourisme ou le textile et l’habillement. Les femmes ont également tendance à assumer de manière disproportionnée les tâches liées aux soins de la famille et du ménage et sont exposées à des risques de violence fondée sur le genre dans le cadre des mesures de confinement (UN Women, 2020). Ces facteurs, conjugués, pourraient bien creuser encore davantage l’écart entre les sexes et les inégalités.

C. Les vulnérabilités des PMA

Les PMA ont jusqu’à présent été épargnés par les conséquences sanitaires les plus graves de la pandémie de COVID-19, mais ils ont été parmi les plus durement touchés par les répercussions économiques et sociales de cette crise multidimensionnelle. Cette apparente contradiction s’explique par la grande vulnérabilité de l’économie et de la population des PMA à l’égard de chocs indépendants de leur volonté. La pandémie a exacerbé les vulnérabilités existantes de ces pays. La capacité limitée de leurs décideurs de répondre à des chocs exogènes, que ceux-ci touchent à la santé, à l’économie ou à l’environnement, met en évidence de façon flagrante la faible résilience de leur économie. Les notions de vulnérabilité et de résilience, qui ont été propulsées au premier rang des préoccupations par la crise actuelle et seront au cœur des efforts de redressement et de (re)construction au lendemain de cette crise, sont analysées plus en détail ci-après.

1. Qu’est-ce que la vulnérabilité ?

La vulnérabilité s’entend du risque d’exposition d’une économie nationale à des événements exogènes (chocs et facteurs d’instabilité) qui sont largement en dehors de son contrôle et qui nuisent à sa capacité de croissance et de développement (Guillaumont, 2009). Elle est dite « structurelle » lorsqu’elle n’est pas la conséquence de politiques nationales en vigueur ou menées récemment, mais le résultat de facteurs persistants (Guillaumont, 2011). Il n’est donc pas

possible de remédier rapidement à une vulnérabilité structurelle21. On distingue traditionnellement deux grands types de chocs exogènes auxquels l’économie d’un pays peut être exposée.

Le premier type regroupe les chocs économiques, tels que les fluctuations défavorables des termes de l’échange, qui peuvent être dues à la forte volatilité des prix des produits de base, ou les crises économiques et/ou financières internationales qui entraînent une brusque contraction de la demande (ou de l’offre) mondiale. L’exposition à ces chocs est généralement plus grande dans : i) les petits pays à l’économie très ouverte ; ii) les pays dont la production nationale et/ou les exportations sont fortement concentrées sur un petit nombre de secteurs ou de produits (produits de base ou services touristiques, par exemple)  ; iii)  les pays tributaires de l’importation de produits essentiels (denrées alimentaires, combustibles, fournitures médicales, biens d’équipement, etc.), qui sont en situation de déficit chronique des comptes courants ; iv) les pays éloignés des grands marchés mondiaux.

Ces caractéristiques structurelles sont typiques des pays à l’économie faiblement développée. Il est toutefois possible de les modifier à moyen ou à long terme en conjuguant croissance effective et efforts de développement dans le cadre de politiques de développement adaptées.

Le second type de chocs correspond aux chocs naturels, c’est-à-dire aux catastrophes naturelles (tremblements de terre, tsunamis, etc.) et aux chocs climatiques (sécheresse, inondations, typhons, etc.) (Feindouno and Goujon, 2016). Le risque d’exposition à ces chocs est essentiellement fonction de caractéristiques géographiques.

L’existence d’obstacles au développement est traditionnellement reconnue comme une caractéristique commune aux PMA et fait d’ailleurs partie de leur définition depuis la création de cette catégorie de pays en 1971. En 1999, la définition de la catégorie a été modifiée pour désigner «  des pays à faible revenu, qui souffrent d’un déficit de ressources humaines et d’une forte vulnérabilité économique ». L’indice de vulnérabilité économique (IVE) est devenu l’un des critères d’inscription sur la liste des PMA et de retrait de cette liste. Au départ, il ne mesurait que la vulnérabilité économique, mais il a progressivement intégré des variables relatives aux chocs naturels (UNCTAD, 2016a: 29). L’examen approfondi des critères de définition des PMA,

21 Les chocs intérieurs, tels que les guerres civiles ou l’instabilité politique et sociale, ne sont pas considérés comme structurels ou exogènes, bien qu’ils soient eux aussi susceptibles de nuire à la croissance et au développement.

La crise actuelle met en évidence de

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