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de celle des pays développés

A. Introduction

Le monde continue de subir les conséquences de la pandémie de COVID-19, notamment ses effets persistants sur la santé et, surtout, la grave récession économique causée par le « Grand Confinement ».

Alors que la pandémie se propageait à travers le monde au premier trimestre de 2020, des voix se sont élevées pour s’inquiéter des conséquences sanitaires catastrophiques qu’elle risquait d’avoir sur les pays dont le système de santé était moins performant et sur les pays les plus pauvres. La plupart des pays les moins avancés (PMA) appartiennent à l’une ou l’autre de ces catégories, voire aux deux. D’aucuns redoutaient également que les conséquences économiques de la pandémie touchent plus durement les pays les plus vulnérables et les moins résilients de la planète. Là encore, de nombreux PMA correspondent à cette description. On craignait en somme que les PMA soient le groupe de pays le plus touché, sur le plan sanitaire mais aussi sur les plans économique et social.

Afin d’évaluer dans quelle mesure ces sombres prévisions se sont à ce jour confirmées dans les faits, le présent chapitre dresse un premier bilan, encore partiel, des incidences de la pandémie de COVID-19 sur les PMA, fondé sur une analyse de ses effets sanitaires d’abord, puis de ses conséquences économiques et sociales. Il montre que, si les effets sanitaires de la pandémie n’ont pas été aussi graves qu’on le craignait au départ, ses répercussions économiques et sociales ont été dévastatrices.

Les  recherches présentées sont basées sur des données et des informations qui étaient disponibles à la mi-septembre 2020. Néanmoins, si les statistiques liées à la pandémie de COVID-19 sont mises à jour quotidiennement, bon nombre des problèmes sanitaires, économiques et sociaux connexes rencontrés par les PMA sont structurels et ont des conséquences durables sur la capacité de ces pays de faire face aux chocs extérieurs, qu’ils soient d’ordre sanitaire, économique ou autre.

B. Les incidences de la COVID-19 sur les PMA

1. Les conséquences sanitaires

Le premier des PMA à faire état d’un cas de contamination à la COVID-19 a été le Népal, dès janvier 2020. En mars, la maladie s’est largement répandue dans les pays du groupe  : le nombre de PMA ayant enregistré des cas a rapidement

augmenté, passant de 3 à 37 entre le début et la fin du mois. À la mi-mai, 43 PMA avaient signalé des cas de contamination1.

La propagation rapide de la maladie a donné lieu à des prévisions catastrophiques quant aux effets et aux conséquences probables de la pandémie dans les PMA, en particulier ceux d’Afrique (Okereke and Nielsen, 2020). Ces scénarios alarmants tenaient compte du faible niveau de développement de la plupart des systèmes de santé des PMA et de leur incapacité, par conséquent, de répondre efficacement à une éventuelle flambée de contaminations dans leur population.

La faiblesse de la plupart des systèmes de santé dans les PMA tient à la quantité et à la qualité insuffisantes du personnel, des infrastructures, du matériel et des fournitures médicales. Si des améliorations ont récemment été observées, les investissements insuffisants consentis pendant des décennies ont fait que les systèmes de santé de nombreux PMA manquent cruellement de ressources et sont très limités, notamment en matière de surveillance, de dépistage, de recherche de cas contacts et de traitement des malades2. En ce qui concerne le personnel sanitaire, la concentration moyenne de médecins dans les PMA correspond à un dixième seulement de celle enregistrée dans les pays développés et à un cinquième de celle des autres pays en développement (c’est-à-dire les pays en développement qui ne sont pas des PMA) (tableau  1.1). Dans 31 des 46  PMA pour lesquels on dispose de données immédiatement disponibles,

1 Les seuls PMA qui, fin août 2020, déclaraient n’avoir eu aucun cas de contamination à la COVID-19 étaient les Îles Salomon, Kiribati, les Tuvalu et Vanuatu. L’isolement géographique et les interdictions de voyager entre certains pays ont permis à de nombreux petits États insulaires en développement d’échapper à la COVID-19 (du moins au début). Toutefois, leur localisation et leur structure économique les rendent plus vulnérables aux fluctuations du tourisme international, secteur dans lequel la plupart d’entre eux sont spécialisés (voir section B.2.b).

2 En 2017, les dépenses publiques nationales de santé par habitant des PMA étaient de 29 dollars en parité de pouvoir d’achat, soit un dixième du niveau enregistré dans les autres pays en développement (315 dollars) et moins de 1  % du niveau des pays développés (3  692  dollars) (Development Initiatives, 2020).

la densité est de 2  médecins ou moins pour 10 000 habitants, contre une moyenne de 14 dans les autres pays en développement. Cette densité est particulièrement faible dans les PMA africains.

De même, la concentration moyenne d’infirmières dans les PMA équivaut à moins d’un tiers de celle observée dans les autres pays en développement ; elle est supérieure à la moyenne de ces derniers dans seulement quatre PMA (les Tuvalu, Kiribati, le Lesotho et le Népal − essentiellement des pays peu peuplés).

Les PMA pâtissent non seulement d’une pénurie de professionnels de la santé au regard de la taille de leur population, mais aussi de lacunes dans leurs infrastructures de santé. Avant le début de la pandémie, leur densité moyenne de lits d’hôpital correspondait à un quart de celle enregistrée dans les autres pays en développement −  niveau moyen qu’un seul PMA (Sao Tomé-et-Principe) dépassait −, et à environ 10 % de celle des pays développés. Pour ce qui est de l’équipement, au début de la pandémie, bon nombre de PMA n’étaient pas préparés à fournir des soins intensifs aux patients gravement atteints par la COVID-19, par manque d’unités de soins intensifs et de respirateurs3. De manière générale, avant l’apparition de cette maladie, les systèmes de santé de deux tiers des PMA étaient classés, selon le Global Health Security Index, parmi les «  moins préparés  » du monde à conduire et à coordonner

3 Début 2020, le Soudan du Sud ne disposait que de 24  unités de soins intensifs pour l’ensemble de sa population (International Rescue Committee, 2020).

Mi-avril 2020, 10  pays africains ne disposaient d’aucun respirateur, et plusieurs PMA (Libéria, Madagascar, Mali, République centrafricaine, République démocratique du Congo et Soudan du Sud) en avaient moins de 10 (Maclean and Marks, 2020).

une réponse efficace à une épidémie, une pandémie ou tout autre risque sanitaire4. Cela signifie que leurs systèmes de santé sont très vulnérables à toutes les crises et urgences sanitaires.

L’incidence sanitaire de la pandémie de COVID-19 sur les PMA au cours des huit premiers mois de 2020 a été largement moins grave que ne le laissaient craindre les prévisions initiales, catastrophiques5. Au  31  août 2020, 71 des autres pays en développement et 42  pays développés affichaient des taux de contamination supérieurs au taux moyen des PMA, qui équivalait au cinquième de celui des autres pays en développement et à moins de 10 % de celui des pays développés. Le sous-groupe de PMA le plus touché était celui des PMA asiatiques (fig.  1.1)  ; le Bangladesh et le Népal, en particulier, comptaient plus de 1 000 cas par million d’habitants au 31 août 2020. Le sous-groupe des PMA africains et Haïti présentait le taux moyen de contamination le plus bas. Les pays peu peuplés, comme Djibouti, Sao Tomé-et-Principe, la Mauritanie, la Gambie et la Guinée-Bissau, ont également enregistré plus de 1  000  cas par million d’habitants, mais les taux de contamination des autres pays du sous-groupe étaient nettement inférieurs. Le taux moyen de contamination des PMA insulaires se situait entre celui des deux autres sous-groupes (fig. 1.1).

Les disparités sont encore plus marquées en ce qui concerne les décès causés par la COVID-19 (fig.  1.1). Deux PMA, Sao Tomé-et-Principe et Djibouti, ont fait état d’un peu plus de 50 décès par

4 Un tiers des pays du monde entrent dans la catégorie des

« moins préparés » (Nuclear Threat Initiative et al., 2019).

5 La date limite des statistiques sur la pandémie utilisées dans le présent rapport est le 2 septembre 2020.

Tableau 1.1

Indicateurs relatifs aux systèmes de santé, par groupe de pays

(Pour 10 000 habitants, données les plus récentes disponibles sur la période 2010-2019)

Groupe de pays Concentration de médecins Concentration de personnel

infirmier et de sages-femmes Lits d’hôpital

Pays développés 31 113 52

Autres pays en développement 14 26 22

PMA 3 7 6

PMA africains et Haïti 1 7 4

PMA asiatiques 5 8 8

PMA insulaires 4 16 11

Rapport entre les PMA et les autres pays en développement

(En pourcentage) 20 28 25

Source : Calculs du secrétariat de la CNUCED, d’après les données des Statistiques sanitaires mondiales 2020 et la base de données Observatoire mondial de la Santé de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et la base de données UNCTADStat de la CNUCED (date de consultation : juillet 2020).

million d’habitants. Toutefois, ces chiffres élevés sont en partie liés à la faible population (moins d’un million d’habitants) de ces pays, qui fait que même un nombre réduit de décès semble important en valeur relative. Après ces deux PMA venaient quatre pays plus grands, qui ont enregistré entre 20 et 40 décès par million d’habitants : la Gambie, l’Afghanistan, la Mauritanie et le Bangladesh (par ordre décroissant de nombre relatif de décès). Les 37 autres PMA ayant communiqué des données sur la COVID-19 ont fait état de moins de 20 décès par million d’habitants.

Le bilan sanitaire de la pandémie dans les PMA pour les huit premiers mois de 2020 contraste avec celui des autres pays en développement, dont 64 ont enregistré un taux de mortalité liée à la COVID-19 plus élevé que le taux moyen des PMA, ainsi qu’avec celui des pays développés, dont 50 ont déploré un nombre de décès rapporté à la population plus important que celui de la moyenne des PMA. Fin août 2020, le taux de mortalité liée à la COVID-19 des PMA correspondait à 13 % de celui des autres pays en développement et à 3 % de celui des pays développés (fig. 1.1)6.

Le fait que les effets sanitaires de la pandémie sur les PMA ont été moins graves que ce que l’on

6 Tous ces chiffres ont été calculés par le secrétariat de la CNUCED d’après les données du tableau de bord sur la COVID-19 de l’OMS (WHO Coronavirus Disease (COVID-19) Dashboard) et la base de données UNCTADStat (date de consultation : septembre 2020).

craignait (du moins pour les huit premiers mois de 2020) doit néanmoins être considéré avec prudence. Il est possible que les conséquences sanitaires de la COVID-19 soient apparues moins importantes dans les PMA que dans les autres groupes de pays en raison de facteurs trompeurs.

Premièrement, il est probable que les nombres de cas présentés par certains PMA ne soient pas représentatifs de la réalité, ces pays ayant des capacités de dépistage de la COVID-19 moindres et des systèmes de recensement et de déclaration des cas moins efficaces que les autres groupes de pays.

Deuxièmement, il peut s’agir d’une question de décalage dans le temps : les PMA ont globalement été touchés par la pandémie plus tard que les autres pays, et on ne peut exclure qu’ils connaissent une plus forte vague de contaminations dans les derniers mois de 2020 ou dans les mois qui suivent.

Un scénario de ce type pourrait être la conséquence de différentes évolutions, telles que : i) l’accélération possible de la propagation au niveau national  ; ii)  une multiplication des contaminations causée par l’accroissement de la circulation internationale des personnes, des biens et des services au fil de l’assouplissement ou de la levée des mesures de confinement et des interdictions de voyager ; iii) les répercussions indirectes sur les PMA de l’aggravation des taux de contamination dans d’autres pays. Une telle accélération de la propagation de la maladie dans les PMA mettrait en évidence de façon plus nette encore la grande vulnérabilité de ces pays et le Figure 1.1

Incidences de la COVID-19, par groupe de pays (Au 31 août 2020)

Source : Calculs du secrétariat de la CNUCED, d’après les données du tableau de bord sur la COVID-19 de l’OMS (WHO Coronavirus Disease (COVID-19) Dashboard) et la base de données UNCTADStat de la CNUCED (date de consultation : septembre 2020).

B. Nombre de décès de la COVID-19 pour un million de personnes A. Nombre de cas de COVID-19

pour un million de personnes

7 927

fait que leurs systèmes de santé sont peu préparés à faire face à une flambée des contaminations.

Le fait que les PMA ont (au moins initialement) été frappés moins durement que d’autres pays par la pandémie peut tout de même être attribué à différentes raisons, notamment aux mesures prises et à des facteurs démographiques. La plupart des PMA ayant été touchés par la COVID-19 plus tard que les pays d’Asie de l’Est et d’Europe occidentale, ils ont pu adopter à temps des mesures d’endiguement et d’atténuation, comme le confinement, la quarantaine, la distanciation sociale et les interdictions de voyager, qui ont empêché la pandémie de se propager davantage. Mi-mai 2020, le niveau moyen de rigueur des mesures adoptées par les PMA − tel que mesuré par le Stringency Index  − s’élevait à 79, un chiffre similaire à celui des autres pays en développement (80), mais supérieur à celui des pays développés (74)7. Les mesures les plus strictes ont été adoptées par les PMA asiatiques (avec un indice de 85), qui constituaient le sous-groupe des PMA le plus touché par la pandémie (fig.  1.1). En outre, les PMA ayant connu d’autres épidémies (comme celles de maladie à virus Ebola, de fièvre de Lassa, de poliomyélite et de virus de l’immunodéficience humaine/syndrome

7 Le Stringency Index (indice de rigueur), calculé par la Blavatnik School of Government de l’Université d’Oxford, vise à évaluer le niveau de rigueur des politiques de confinement qui limitent la capacité d’action des personnes : https://www.bsg.ox.ac.uk/research/researchprojects/

coronavirus-government-response-tracker#data (date de consultation  : juillet 2020). L’indice va de 1 à 100.

Les  données mentionnées dans le texte, pondérées en fonction de la population, ont été calculées par le secrétariat de la CNUCED. La date citée a été choisie parce qu’elle correspondait au moment où les mesures de rigueur étaient à leur niveau maximum dans le monde entier.

d’immunodéficience acquise − VIH/sida) avaient déjà mis en place des capacités institutionnelles et des politiques sanitaires pour faire face aux épidémies futures, ce qui a facilité leur action face à la pandémie de COVID-19 (Massinga Loembe et al., 2020).

La pandémie a donné une impulsion aux innovations apportées par les acteurs et les institutions nationaux dans le secteur de la santé, sur le plan tant institutionnel que technique. Ces innovations ont permis de faire face aux conséquences de la pandémie ou de limiter sa propagation. Les autorités de différents PMA ont adopté des dispositifs novateurs et les ont adaptés au contexte local, par exemple en demandant aux chefs traditionnels de transmettre des informations et des conseils sanitaires sur la COVID-19 aux populations locales, comme en Sierra Leone, en diffusant des messages à l’aide de drones aériens assemblés sur place pour sensibiliser le public, comme l’a fait le Rwanda, ou encore en installant des stations publiques mobiles de lavage des mains dans les centres-villes et les nœuds de transport tels que les gares routières, comme au Rwanda également. En ce qui concerne les techniques médicales, des chercheurs sénégalais ont mis au point un test immunologique de diagnostic de la COVID-19 disponible pour seulement 1 dollar.

Le Rwanda a adopté des mesures novatrices, telles que le déploiement de robots capables d’examiner et de surveiller les patients atteints de la COVID-19, la modélisation mathématique permettant de prévoir la progression de la pandémie et le recours à des drones pour la livraison rapide de médicaments dans l’ensemble du pays. Pour ce qui est de la fabrication de matériel et de fournitures médicaux, certains PMA dotés de capacités manufacturières (comme le Sénégal et le Bangladesh) ont reconverti des installations industrielles pour produire des biens de faible technicité comme des masques, des désinfectants pour les mains et des équipements de protection individuelle. Parfois, du matériel plus sophistiqué a été fabriqué, comme des respirateurs innovants de technicité réduite produits en Ouganda grâce à la collaboration entre l’Université de Makerere et un constructeur automobile local (Nebe and Jalloh, 2020). Au Sénégal, des étudiants en ingénierie ont construit un robot médical multifonctions qui facilite le travail du personnel de santé (Travaly et al., 2020).

Les PMA qui disposaient déjà de capacités manufacturières ont été les plus à même de concevoir des solutions innovantes de production locale en réponse à la pandémie. Par  conséquent, les PMA ayant une infrastructure industrielle relativement plus développée (comme ceux mentionnés plus haut) étaient mieux préparés à faire face à l’urgence médicale et à mettre en œuvre des solutions novatrices adaptées

Les PMA dotés de plus grandes

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