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Le principe de solidarité nationale favorable à l’essor de la péréquation

POSITIF DE LA PEREQUATION

A. L A PEREQUATION ET LE PRINCIPE DE SOLIDARITE NATIONALE

2. Le principe de solidarité nationale favorable à l’essor de la péréquation

Le juge constitutionnel fait prévaloir une vision de l’égalité « complexe », selon l’expression du professeur américain Michael Walzer182 reprise par Ferdinand

178 V. BORGETTO Michel, La notion de fraternité en droit public français : la passé, le présent et l’avenir de la solidarité, Librairie générale de droit et de jurisprudence, Paris, 1993, 689 p. (Texte remanié de La notion de fraternité en droit public français : la passé, le présent et l’avenir de la solidarité, Thèse de doct. : Droit Public, Paris II, 1991) et BORGETTO Michel, La devise “ Liberté, Egalité, Fraternité ”, Collect. Que sais-je ?, PUF, Paris, 1997, 127 p.

179 V. « La conception de la fraternité a fait place à une conception nouvelle qui se résume en un mot, solidarité », Journal des Economistes, 5 décembre 1904, p. 467.

180 V. DAVID Marcel, « Solidarité et fraternité en droit public français », Actes du colloque : « La solidarité en droit public », Université de Franche-Comté, 21-22 avril 1999, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 30 à 31 et DAVID Marcel, « Quel avenir pour la fraternité ? Des acquis nombreux et des interrogations pour le futur », Caisse nationale des Allocations familiales, Informations sociales, n° 136, p. 60 à 69.

181 V. RAYMOND Patrice, Solidarité et finances locales, Thèse doct. : droit public : Université de Paris II, 1996, p. 128 à 145.

182 WALZER Michaël, Sphères de justice : Une défense du pluralisme et de l’égalité, Seuil, Coll. « La couleur des idées », Paris, 1997, p. 23 et s.

Soucramanien183, en incluant les aspects d’une justice distributive. En admettant la conformité de discriminations positives, les juges de la rue Montpensier préservent l’essentiel de la notion de solidarité. En ce sens, le principe d’égalité est devenu un « vecteur de la solidarité entre les personnes » puis un « vecteur de la solidarité entre les territoires »184.

Le Conseil constitutionnel assure un contrôle restreint du respect du principe de l’égalité financière et fiscale. Le législateur peut créer des discriminations positives afin de favoriser des catégories de contribuables à l’égard desquelles la solidarité a vocation à s’exercer185. Avant de consacrer explicitement l’existence d’un principe de solidarité nationale, le juge constitutionnel invoque le rôle d’un tel principe en tant qu’élément complémentaire et modérateur du principe d’égalité, par exemple, dans sa décision de 1981 sur l’institution de l’impôt sur les grandes fortunes186, dont l’appellation est explicitement destinée à marquer l’effort de solidarité des plus « favorisés ».

La décision du 6 mai 1991 ouvre la voie au développement de la solidarité entre territoires. Bien que le législateur édicte au préalable des mesures de discriminations fiscales positives avec la loi d’habilitation du 2 juillet 1986187 et la possibilité pour le gouvernement de consentir des exonérations, des réductions d’impôts ou encore de cotisations sociales aux entreprises situées dans certaines zones en vue d’inciter à la

183 MELIN-SOUCRAMANIEN Ferdinand, « Solidarité, égalité et constitutionnalité », La solidarité en droit public, L’Harmattan, Paris, 2005, p. 285 à 294. Pour plus de développements, v. MELIN-SOUCRAMANIEN Ferdinand, Le principe d’égalité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Economica, Presses Universitaires d’Aix-Marseille - P.U.A.M., coll. « Droit public positif », Juin 1999, 397 p.

184 Ibid.

185 V. PHILIP Loïc, Droit fiscal constitutionnel, Economica, coll. « Finances publiques », Paris, 1990, p. 158.

186 Conseil constitutionnel, décision n° 81-133 DC du 30 décembre 1981 portant sur la loi de finances pour 1982, cons. 6 et 7 : « Considérant qu’en vertu de l’article 13 de la Déclaration des droits la contribution commune aux charges de la nation "doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés" ; que, conformément à l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives des redevables ; Considérant qu’en instituant un impôt sur les grandes fortunes le législateur a entendu frapper la capacité contributive que confère la détention d’un ensemble de biens et qui résulte des revenus en espèce ou en nature procurés périodiquement par ces biens, qu’ils soient ou non soumis par ailleurs à l’impôt sur le revenu ; qu’en effet, en raison de son taux et de son caractère annuel, l’impôt sur les grandes fortunes est appelé normalement à être acquitté sur les revenus des biens imposables ; qu’il est de fait que le centre de disposition des revenus à partir duquel peuvent être appréciées les ressources et les charges du contribuable est le foyer familial ; qu’en décidant que l’unité d’imposition pour l’impôt sur les grandes fortunes est constituée par ce foyer, le législateur n’a fait qu’appliquer une règle adaptée à l’objectif recherché par lui, au demeurant traditionnelle dans le droit fiscal français, et qui n’est contraire à aucun principe constitutionnel et, notamment, pas à celui de l’article 13 de la Déclaration des droits ».

187 Loi n° 86-793 du 2 juillet 1986 autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d’ordre économique et social. Cette loi n’est pas soumise au contrôle constitutionnel.

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création d’emplois, c’est en 1991, pour la première fois, qu’il est fait mention du principe de solidarité nationale en indiquant son fondement constitutionnel188 :

« le principe de solidarité nationale proclamé par le douzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et réaffirmé par le Préambule de la Constitution de 1958, ne fait pas obstacle à l’institution par la loi d’un mécanisme de solidarité entre les habitants d’une même région »189.

Depuis, les dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 servent à fonder le principe de solidarité nationale190. Les juges reconnaissent, par exemple, que ces alinéas impliquent une « politique de solidarité nationale en faveur de la famille ». Dans sa décision sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, le Conseil énumère les formes d’aides susceptibles de satisfaire aux exigences de ces politiques de solidarité nationale. Il relève expressément l’aide fiscale et notamment le mécanisme fiscal du quotient familial191. Comme le souligne Pierre Beltrame, « en consacrant l’impôt comme l’un des instruments d’une politique de solidarité nationale vis-à-vis de la famille, le

188 Le juge constitutionnel fait explicitement référence au principe de solidarité nationale à propos de l’indemnisation de rapatriés des Nouvelles-Hébride (devenues depuis leur accession à l’indépendance République du Vanuatu). Il considère « qu’il incombe au législateur, lorsqu’il met en œuvre le principe de solidarité nationale, de veiller à ce que la diversité des régimes d’indemnisation institués par lui n’entraîne pas de rupture caractérisée de l’égalité de tous devant les charges publiques » (Conseil constitutionnel, décision n° 87-23 DC du 30 décembre 1987 sur la loi de finances pour 1988).

189 Conseil constitutionnel, décision n° 91-291 DC du 6 mai 1991 portant sur la loi instituant une dotation de solidarité urbaine et un fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France, réformant la dotation globale de fonctionnement des communes et des départements et modifiant le code des communes, cons. 22.

190 Dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 : « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » et « Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».

191 Conseil constitutionnel, décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997 sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, cons. 33 et 34 : « Considérant que l’exigence constitutionnelle résultant des dispositions précitées des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 implique la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur de la famille ; qu’il est cependant loisible au législateur, pour satisfaire à cette exigence, de choisir les modalités d’aide aux familles qui lui paraissent appropriées ; qu’outre les prestations familiales directement servies par les organismes de sécurité sociale, ces aides sont susceptibles de revêtir la forme de prestations, générales ou spécifiques, directes ou indirectes, apportées aux familles tant par les organismes de sécurité sociale que par les collectivités publiques ; que ces aides comprennent notamment le mécanisme fiscal du quotient familial ; Considérant, en conséquence, que si les dispositions précitées des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ne font pas, par elles-mêmes, obstacle à ce que le bénéfice des allocations familiales soit subordonné à une condition de ressources, les dispositions réglementaires prévues par la loi ne sauraient fixer les plafonds de ressources, compte tenu des autres formes d’aides aux familles, de telle sorte que seraient remises en cause les exigences du Préambule de 1946 ; que, sous cette réserve, l’article 23 n’est pas contraire aux dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ».

Conseil constitutionnel ne faisait que mettre en évidence le rôle implicitement joué par le principe de solidarité dans la politique et le droit fiscal français »192.

Paradoxalement, en matière de péréquation, le principe de solidarité nationale est soulevé deux fois par le juge constitutionnel en réponse aux griefs des saisissants qui soutiennent que les dispositifs instaurés sont contraires au principe d’égalité.

A propos du fonds de solidarité de la région Île-de-France, les saisissants soulignent la rupture d’égalité du fait qu’il appartient à l’Etat d’organiser la péréquation des ressources entre collectivités :

« A supposer toutefois que l’on puisse reconnaître au législateur le droit souverain de décider qu’une seule région française doit bénéficier d’un meilleur système de péréquation, cela ne suffirait pas à justifier l’inégalité de traitement dans la mesure où le législateur disposait d’autres solutions pour atteindre le but poursuivi. En effet, le respect de l’égalité fonde le principe républicain selon lequel il appartient à l’Etat d’organiser la péréquation des ressources entre les collectivités. Cette péréquation est opérée sur les ressources de l’Etat reversées aux collectivités et non sur les ressources propres de ces dernières.

Le respect de ce principe d’égalité aurait donc dû amener le législateur à confier à l’Etat au travers de ses propres instances le soin d’opérer une meilleure péréquation. En choisissant une solution qui repose sur une ponction opérée sur les ressources fiscales des communes, le législateur a donc institué une inégalité qui doit être sanctionnée ».

Le juge constitutionnel se fonde alors sur le douzième alinéa de la Constitution pour définir les responsabilités respectives de l’Etat et des communes en matière de solidarité. En soutenant que le principe de solidarité nationale n’est pas contradictoire avec une solidarité locale, le Conseil attribue un fondement précieux à la péréquation horizontale et à sa limitation géographique, à travers la solidarité entre personnes d’un territoire donné :

« Considérant que le principe de solidarité nationale proclamé par le douzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et réaffirmé par le Préambule de la Constitution de 1958, ne fait pas obstacle à l’institution par la loi d’un mécanisme de solidarité entre les habitants d’une même région »193.

192 BELTRAME Pierre, Le devoir de solidarité en droit fiscal français, Journées européennes de la loi constitutionnelle du droit fiscal - Cinquième édition, Faculté d’Economie, Bergame, 14/15 novembre 2003.

193 Décision n° 91-291 DC du 6 mai 1991 portant sur la loi instituant une dotation de solidarité urbaine et un fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France, réformant la dotation globale de fonctionnement des communes et des départements et modifiant le code des communes, cons. 22.

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La saisine par 60 députés relative à la loi de finances rectificative pour 2008 reprend ce considérant jurisprudentiel en vue de se prémunir de son application. L’article 6 de la loi prévoit de faire bénéficier la collectivité de Saint-Martin d’une partie des ressources provenant de la perception de l’octroi de mer en Guadeloupe194. Pour les saisissants, la Guadeloupe ne peut être la seule entité publique à contribuer à la péréquation dont Saint-Martin doit bénéficier au titre du projet de loi de finances rectificative car « si l’octroi de mer, perçu sur les produits importés comme sur les productions locales, n’avait jamais été rendu applicable aux communes de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, ces dernières percevaient toutefois, au même titre que les autres communes de la région de la Guadeloupe, "une dotation globale garantie" alimentée par l’octroi de mer perçu sur les autres îles de la Guadeloupe. Du fait de la transformation de Martin et de Saint-Barthélemy en collectivités d’Outre-mer, l’article 25 de la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’Outre-mer, qui, à la différence de la loi organique du même jour, n’avait pas été examinée par le conseil constitutionnel, avait prévu qu’au-delà d’une période transitoire expirant au 31 décembre 2008, les collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy ne bénéficieraient plus de cette dotation. Le VII de l’article 6 de la LFR pour 2008 venait prolonger, pour trois nouvelles années et de façon dégressive, le versement d’une partie de l’octroi de mer à Saint-Martin et ce, afin de donner à cette collectivité le temps nécessaire pour adapter sa fiscalité à son nouveau statut et notamment mettre en œuvre une fiscalité indirecte »195.

Les saisissants estiment alors que le versement par la région de la Guadeloupe à la collectivité de Saint-Martin d’une partie de la dotation alimentée par l’octroi de mer et destinée aux communes de la Guadeloupe est contraire à la Constitution à de nombreux titres196 dont le principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques, dès lors que les

194 Article 6 - VII du projet de loi de finances rectificative : « Après la première phrase du dernier alinéa de l’article 51 de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer, il est inséré une phrase ainsi rédigée : " En 2009, 2010 et 2011, la dotation globale garantie mentionnée à l’article 47 est répartie entre les communes de la Guadeloupe et la collectivité de Martin et le montant versé à la collectivité de Saint-Martin est calculé par application au montant qui lui a été versé en 2008 au titre de l’octroi de mer d’un taux d’abattement de 10 % en 2009, de 40 % en 2010 et de 70 % en 2011" ».

195 Conseil constitutionnel, « Commentaire de la décision n° 2008-574 DC du 29 décembre 2008 », Les cahiers du Conseil constitutionnel, cahier n° 26, p. 1 et 2.

196Les griefs concernent les dispositions constitutionnelles suivantes : principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques ; compétence ratione loci des collectivités territoriales ; autonomie fiscale de la collectivité de Saint-Martin ; principe d’égalité entre les départements d’Outre-mer ; interdiction de tutelle entre collectivités territoriales, principes de libre administration des collectivités territoriales et de libre disposition de leurs ressources…

difficultés budgétaires de la collectivité de Saint-Martin sont mises à la charge des seuls contribuables de la Guadeloupe. A ce titre, ils se référent à la décision du 6 mai 1991 pour mieux réfuter une éventuelle application du principe de solidarité nationale au secours du dispositif prévu par le législateur :

« Certes le Conseil constitutionnel a pu admettre, dans sa décision n° 91-291 du 6 mai 1991 et au titre du principe de solidarité nationale proclamé par le douzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la constitutionnalité d’une péréquation financière entre communes d’une même région mais cette décision ne saurait faire jurisprudence dans le cas d’espèce car :

- la région Guadeloupe est compétente pour voter le taux de l’octroi de mer. Cela signifie que cette compétence s’exerce sur le seul territoire de la Guadeloupe. Par conséquent le produit de cet impôt dont l’assiette ne concerne que la Guadeloupe et dont le taux est fixé par la région Guadeloupe ne saurait être attribué, même en partie et même provisoirement, à une collectivité extérieure à la Guadeloupe sans méconnaître la compétence rationae loci de la région Guadeloupe,

- le prélèvement opéré sur le produit d’un impôt perçu uniquement en Guadeloupe et destiné uniquement aux communes de Guadeloupe ne peut faire l’objet d’une péréquation avec une collectivité extérieure à la région et au département de la Guadeloupe. Si péréquation, il devait y avoir, la Guadeloupe ne pourrait évidemment pas en être le seul contributeur. »

Les juges de la rue Montpensier n’ont pas à se prononcer, puisque « la répartition du produit de l’octroi de mer entre collectivités territoriales, n’est pas au nombre des modalités de compensation de charges dont l’article LO 6371-5 du code général des collectivités territoriales énonce la liste limitative ; qu’il n’a pas pour objet, comme l’autorise le c du 7° du II de l’article 34 de la loi organique du 1er août 2001, de définir les modalités de répartition des concours de l’Etat aux collectivités territoriales ; qu’il ne concerne pas la détermination des ressources et des charges de l’Etat ; qu’il ne relève pas davantage d’une des autres catégories de dispositions trouvant leur place dans une loi de finances ; qu’il a donc été adopté selon une procédure contraire à la Constitution »197.

La question d’une péréquation au profit d’une collectivité dont le territoire est sans aucun lien avec le territoire d’une autre collectivité reste ainsi en suspens. Outre

197 Conseil constitutionnel, décision n° 2008-574 DC du 29 décembre 2008 sur la loi de finances rectificative pour 2008, cons. 5 ; V. BENESSIANO William, « Le Conseil constitutionnel redevient-il une juridiction financière ? », Gazette du palais, 2009, p. 3 à 6.

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l’inconstitutionnalité de « forme », il nous paraît peu probable que le conseil constitutionnel puisse valider, sur le fond, un tel dispositif, et ce, même si le juge admet en plus d’une solidarité nationale198, une solidarité locale au sein d’un territoire clairement défini (la région Île-de-France) entre des collectivités dont le territoire en constitue une partie intégrante.

En Allemagne, la solidarité, pilier du fédéralisme, est une « vache sacrée ». Laurent Guihéry souligne que « le fédéralisme allemand se caractérise par une pratique fédérale qui n’est pas seulement coopérative mais aussi solidaire et trouve ses racines dans la rupture de l’esprit allemand avec la tradition anglo-saxonne libérale au dix-neuvième siècle et dans la singularité de la pensée allemande d’après-guerre qui a tenté de trouver une voie médiane entre marché et solidarité – l’ordo libéralisme et l’Economie Sociale de Marché »199.

Il est vrai que le prix de cette solidarité se traduit par un transfert annuel de ressources de l’Ouest vers l’Est dont le volume correspond à plus du double de l’aide officielle au développement de tous les pays industrialisés à tous les pays en voie de développement du monde. Ce faisant, la Loi fondamentale ne fait pas directement référence au principe juridique de solidarité mais prône l’homogénéisation des conditions de vie sur le territoire allemand200. La péréquation est soutenue par cette ambition en son article 106 : « Les besoins financiers de la Fédération et des Länder doivent être ajustés entre eux de telle sorte qu’une juste péréquation soit obtenue, qu’une surimposition des contribuables soit évitée et que l’homogénéité des conditions de vie sur le territoire fédéral soit sauvegardée ».

La décision du 11 novembre 1999 portant sur le Finanzausgleich marque un tournant dans la position de la Cour constitutionnelle allemande avec la confrontation du degré de solidarité interrégionale à la liberté d’action aux paliers inférieurs de gouvernement, et donc à la subsidiarité. Ce n’est pas sans illustrer la question fondamentale qui se joue en Allemagne autour de la gestion du conflit solidarité-subsidiarité. Les arguments de la Cour

198 V. Conseil constitutionnel, décision n° 91-291 DC du 6 mai 1991, op. cit. et décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009 sur la loi de finances pour 2010.

199 V. GUIHERY Laurent, Fédéralisme fiscal et redistribution : fondements et enseignements du fédéralisme allemand, Thèse doct. : sciences économiques, Université Lumière Lyon II, 1997, 464 p. ; SPAHN Paul Bernd, « Germany, in Heller, Ter-Minassian, Fiscal Federalism, FMI, Washington D.C., 1996 et BIEHL,