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L ES POSITIONS PARTICULIERES DU C ONSEIL CONSTITUTIONNEL

POSITIF DE LA PEREQUATION

B. L ES POSITIONS PARTICULIERES DU C ONSEIL CONSTITUTIONNEL

Si le juge constitutionnel s’appuie régulièrement sur son considérant de principe, il existe des domaines où il interdit toute différence de traitement (1) et à l’inverse, des domaines où il accepte davantage de modulations que d’ordinaire (2). Au regard de la multiplicité des sources textuelles, desquelles découlent le principe d’égalité, il n’est pas étonnant que celui-ci s’applique « ni avec la même intensité, ni selon les mêmes règles d’une matière à l’autre »221 et que l’égalité devant la loi soit « une notion à contenu variable »222.

220 Dans la décision n° 2007-555 du 16 août 2007 (cons. 29 à 33), le juge vérifie qu’il existe pour les changements apportés à l’imposition de solidarité sur la fortune, un motif d’intérêt général en rapport direct avec l’objet de la loi : « L’article 16 de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat insère dans le code général des impôts un article 885-0 V bis qui institue des mécanismes de réduction d’impôt de solidarité sur la fortune au titre de certains investissements dans les petites et moyennes entreprises. Il résulte des travaux parlementaires que le législateur a entendu inciter à l’investissement productif dans ce type d’entreprises compte tenu du rôle qu’elles jouent dans la création d’emplois et le développement de l’économie. Au regard de l’objectif d’intérêt général ainsi poursuivi et compte tenu du risque affectant de tels placements, il était loisible au législateur de prévoir, à cet effet, une réduction de l’impôt de solidarité sur la fortune ».

221 Groupe d’universitaires britanniques, Les discriminations positives dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Exposé présenté lors de la visite au Conseil constitutionnel, Conseil constitutionnel, septembre 2004.

222 PERELMAN Chaïm, « Les notions à contenu variable en Droit, essai de synthèse », in Le raisonnable et le déraisonnable en Droit - au-delà du positivisme juridique, Paris, LGDJ, 1984, p. 132 et s.

1. Les positions rigoureuses du juge constitutionnel

L’article 3 de la Constitution prohibe, en matière de citoyenneté, « qu’aucune section du peuple » s’attribue « l’exercice de la souveraineté », et impose au suffrage d’être égal. Le Conseil constitutionnel s’inscrit dans cette logique en matière d’égalité civile et politique. Sauf exigence constitutionnelle impérieuse imposant une modulation, le juge fait preuve d’une extrême rigueur, comme en 1982, à propos des « quotas de femmes » sur les listes municipales223. En se référant à l’article 3 de la Constitution et à l’article 6 de la DDHC, il considère que « la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et l’éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n’en sont pas exclus pour une raison d’âge, d’incapacité ou de nationalité, ou pour une raison tendant à préserver la liberté de l’électeur ou l’indépendance de l’élu ; que ces principes de valeur constitutionnelle s’opposent à toute division par catégories des électeurs ou des éligibles ; qu’il en est ainsi pour tout suffrage politique, notamment pour l’élection des conseillers municipaux » et en déduit que « la règle qui, pour l’établissement des listes soumises aux électeurs, comporte une distinction entre candidats en raison de leur sexe est contraire aux principes constitutionnels ci-dessus rappelés »224.

Le Conseil constitutionnel confirme cette jurisprudence dans sa décision du 14 janvier 1999 en censurant une disposition prévoyant que « chaque liste assure la parité entre candidats féminins et masculins » aux élections régionales225.

Dans ce contexte, seule la révision constitutionnelle est de nature à permettre au législateur de poursuivre sa volonté d’agir contre les inégalités réelles, de « contourner » la rigueur du juge constitutionnel et le respect de l’égalité civile et politique sur laquelle le droit français est fondé. La révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 permet, par exemple,

223 Dans le même esprit, le Conseil rappelle que chaque parlementaire est l’élu de la Nation tout entière et non le délégué de la population de sa circonscription, il juge comme inconstitutionnels la notion de peuple corse et le principe selon lequel les locuteurs de langues minoritaires peuvent constituer un groupe disposant de droits collectifs, enfin il émet des réserves sur les différents dispositifs tendant à instaurer des discriminations en faveur de certains citoyens de Nouvelle-Calédonie.

224 Conseil constitutionnel, décision n° 82-146 DC du 18 novembre 1982 portant sur la loi modifiant le code électoral et le code des communes et relative à l’élection des conseillers municipaux et aux conditions d’inscription des Français établis hors de France sur les listes électorales.

225 Conseil constitutionnel, décision n° 98-407 DC du 14 janvier 1999 portant sur la loi relative au mode d’élection des conseillers régionaux et des conseillers à l’Assemblée de Corse et au fonctionnement des Conseils régionaux.

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au législateur, par la loi du 6 juin 2000226, d’imposer des « quotas de sexe » aux élections locales se déroulant au scrutin de liste227.

2. Les positions souples du juge constitutionnel

A l’inverse, le principe d’égalité appelle, dans certains domaines, à des modulations plus souples que d’ordinaires. C’est le cas du domaine fiscal visé par l’article 13 de la DDHC qui dispose que « pour les dépenses de l’administration une contribution commune est indispensable » et qu’ « elle doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés ».

Si les révolutionnaires français sont favorables à l’impôt proportionnel, le Conseil constitutionnel, en vertu de l’article 13, accorde à la progressivité de l’impôt une valeur constitutionnelle228. Toutefois, si le prélèvement doit croître avec les capacités contributives, il ne doit pas être manifestement disproportionné comme le rappelle le Conseil constitutionnel : « L’exigence résultant de l’article 13 de la Déclaration de 1789 ne serait pas respectée si l’impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives. Dès lors, dans son principe, le plafonnement de la part des revenus d’un foyer fiscal affectée au paiement d’impôts directs, loin de méconnaître l’égalité dont l’impôt, tend à éviter une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques »229. Le juge rappelle que le principe d’égalité peut s’apprécier de manière globale : « Si, en règle générale, le principe d’égalité s’apprécie impôt par impôt, le dispositif de plafonnement consistant à restituer à un contribuable les sommes qu’il a versées au titre des impôts

226 V. Délégation aux droits des femmes, Rapport d’information n° 95 sur le projet de loi tendant à promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives : Une étape nouvelle pour la parité, Catherine Troendle, Paris, Sénat, 2006, 206 p.

227 Conseil constitutionnel, décision n° 2000-429 DC du 30 mai 2000 portant sur la loi tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives : « Considérant, en premier lieu, que rien ne s’oppose, sous réserve des prescriptions des articles 7, 16 et 89 de la Constitution, à ce que le pouvoir constituant introduise dans le texte de la Constitution des dispositions nouvelles qui, dans les cas qu’elles visent, dérogent à des règles ou principes de valeur constitutionnelle ; qu’il en est ainsi des dispositions précitées qui ont pour objet et pour effet de lever les obstacles d’ordre constitutionnel relevés par le Conseil constitutionnel dans les décisions susmentionnées ; qu’en conséquence, les saisissants ne sauraient utilement se prévaloir de l’autorité de chose jugée attachée aux dites décisions ».

228 Conseil constitutionnel, décision n° 93-320 du 21 juin 1993 portant sur la loi de finances rectificative pour 1993.

229 Conseil constitutionnel, décision n° 2007-555 DC 16 août 2007 portant sur la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, cons. 24.

directs au-delà du plafond fixé par la loi ne peut procéder que d’un calcul global. Il s’ensuit que le grief tiré de ce que ce dispositif favoriserait les redevables de certains impôts est écarté »230.

Le Conseil constitutionnel admet que le législateur peut, au motif d’une différenciation de situation ou au motif d’intérêt général, édicter à situations différentes, des différenciations de traitement.

Deux conditions doivent être remplies en matière de fiscalité : le respect des principes et des règles de valeur constitutionnelle ainsi que l’objectivité et la rationalité au regard du but poursuivi, des critères de différenciation. Le juge appuie son argumentation sur un considérant désormais « standard » lorsqu’il se prononce sur le respect ou la rupture du principe de l’égalité devant les charges publiques et mentionne « qu’il appartient au législateur, lorsqu’il établit une imposition, d’en déterminer librement l’assiette, sous la réserve des principes et des règles de valeur constitutionnelle ; qu’en particulier, pour assurer le respect du principe d’égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels »231.

Enfin, le juge accepte des « mesures d’incitation par l’octroi d’avantages fiscaux »232

édictées pour « des motifs d’intérêt général »233 à la condition que cet octroi soit fondé sur des critères objectifs et rationnels au regard du but poursuivi par le législateur234. Dans le cas inverse, le juge soulève une « rupture de l’égalité » et censure le dispositif prévu235. Ce faisant, le contrôle du juge constitutionnel ne sanctionne que l’erreur manifeste

230 Ibid., cons. 27.

231 V. Conseil constitutionnel, décision n° 89-270 DC, 29 décembre 1989, cons. 4 ; décision 83-164 DC, 29 décembre 1983, cons. 7 à 10 ; décision n° 90-277 DC, 25 juillet 1990, cons. 19 et 20 ; décision n° 91-298 DC, 24 juillet 1991, cons. 28 à 30 ; décision n°90-285 DC, 28 décembre 1990, cons. 27 à 31 ; décision n° 95-369 DC, 28 décembre 1995, cons. 7 à 10 ; décision n° 96-385 DC, 30 décembre 1996, cons. 26, 27, 29 à 31 ; décision n° 97-393 DC, 18 décembre 1997, cons. 14 ; décision n° 97-393 DC, 18 décembre 1997, cons. 12 à 17 ; décision n° 2007-555 DC, 16 août 2007, cons. 12 et 13, Journal officiel du 22 août 2007 et décision n° 96-385 DC, 30 décembre 1996, cons. 2 à 7 (argumentaire donnant lieu à la censure du projet de loi).

232 V. COTTIN Stéphane et RIBES Didier, « Fiscalité incitative et égalité devant l’impôt : l’écotaxe devant le Conseil constitutionnel, Observations sur la décision n° 2000-441 DC du 28 décembre 2000, Loi de finances rectificative pour 2000 », Revue de la recherche juridique, 2001, p. 659 à 689.

233 Conseil constitutionnel, décision n° 84-184 DC du 29 décembre 1984 sur la loi de finances pour 1985, cons. 25 : « Considérant que le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte pour des motifs d’intérêt général des mesures d’incitation par l’octroi d’avantages fiscaux » et décision n° 93-320 DC du 21 juin 1993 sur la loi de finances rectificative pour 1993, cons. 18 : « le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte pour des motifs d’intérêt général des mesures d’incitation par l’octroi d’avantages fiscaux ».

234 Conseil constitutionnel, décision n° 2007-555 DC du 16 août 2007 sur la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, cons. 19.

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d’appréciation236. Comme nous le développerons de manière plus approfondie par la suite, le contrôle constitutionnel s’inscrit, en matière de péréquation, dans la continuité des décisions relatives au domaine fiscal.