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Les carences des études théoriques, positives et générales sur la péréquation

« Comme cela est souvent le cas lorsque sont invoqués des exemples étrangers, on n’en prend que ce qui convient plus particulièrement pour appuyer une certaine thèse, et on ne les considère point dans leur spécificité, ni dans leurs relations avec les autres

99 Article 107 de la Loi fondamentale allemande.

100 Ces relations sont principalement prévues à l’article 104 de la Loi fondamentale allemande.

101 V. HOFFMANN-MARTINOT Vincent, Finances et pouvoir local : l’expérience allemande, Paris, PUF, 1987, 223 p. et BALME R., GARRAUD P., HOFFMANN-MARTINOT V., RITAINE E., Le territoire pour politiques, Paris, L’Harmattan, 1994, 303 p.

institutions »102. Les théories étrangères sont importées dans ces circonstances et la péréquation est conçue au fil de son évolution, sur une notion relativement fluctuante, ce qui contribue à la fois aux hésitations récurrentes du législateur et à la complexification des finances locales.

Lle premier objectif attribué à la péréquation par le rapport du Sénat, « Refaire la France », en 1994, témoigne de ce besoin de s’inspirer du système allemand : « Premier objectif : réduire les inégalités de ressources entre collectivités, c’est le plus impératif. Les écarts à corriger sont si importants qu’il faudra, en s’inspirant d’exemples étrangers, tels que celui de la RFA, fixer les limites inférieures et supérieures des disparités jugées acceptables »103. Il est vrai que l’inspiration n’est pas neutre. M. Jean François-Poncet, président de nombreuses missions d’information sur l’aménagement du territoire104, est un spécialiste du modèle fédéral allemand105. Un an après la parution du rapport106, la loi d’orientation du 4 février 1995 concrétise, pour les régions, le vœu du sénateur que nous pensons contestable. D’une part, le fédéralisme solidaire est un pilier du système outre-Rhin, ce qui n’est pas le cas d’un Etat unitaire comme la France, et d’autre part, les limites fixées en Allemagne sont remises en cause à l’heure actuelle (déresponsabilisation des élus, frein du développement de l’Ouest sans permettre le comblement du retard de l’Est…). D’autant que si le choix de fixer une borne inférieure peut se discuter, celui de fixer une borne supérieure, porte une atteinte à l’autonomie financière des collectivités « aisées ». Au

102 HERTZOG Robert, « A propos de la péréquation dans les finances locales », R.F.F.P., n° 34, Paris, LGDJ, 1991, p. 57.

103 Mission d’information chargée d’étudier les problèmes de l’aménagement du territoire et de définir les éléments d’une politique de reconquête de l’espace rural et urbain, Rapport d’information n° 343 : Refaire la France, les propositions de la Mission d’information sur l’aménagement du territoire, Jean François-Poncet (prés.), Paris, Sénat, 1993-1994, 470 p.

104 Parmi celles auxquelles nous nous référons dans le cadre de nos recherches : Délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire, Rapport d’information n° 252 : Actes du colloque « La décentralisation : un nouvel élan pour l’aménagement du territoire », Jean François-Poncet, Paris, Sénat, 2003-2004, 74 p. ; Mission d’information chargée d’étudier les problèmes de l’aménagement du territoire et de définir les éléments d’une politique de reconquête de l’espace rural et urbain, Rapport d’information n° 343 : Refaire la France, les propositions de la Mission d’information sur l’aménagement du territoire, op. cit.

105 Jean François-Poncet passe son enfance outre-Rhin et dispose d’une très bonne connaissance de la langue et de la civilisation allemandes. Son père, André François-Poncet, germaniste distingué, est ambassadeur à Berlin de 1931 à 1938 et nommé, à Bonn, haut commissaire de la France en Allemagne de 1949 à 1956. Jean François-Poncet consacre sa thèse de doctorat en sciences économiques sur miracle économique allemand d’après-guerre.

106 V. supra. Article 68 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire : « Elles [les ressources des régions] ne peuvent être inférieures à 80 p. 100 ni excéder 120 p. 100 de la moyenne nationale par habitant des ressources des collectivités territoriales et de leurs groupements ».

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cours de nos recherches, nous nous référons, entre autres, aux travaux du début du siècle de Popitz107 ainsi qu’aux travaux plus récents de Laurent Guihéry108.

Ces références ne constituent point un ancrage pour déceler les avantages à emprunter et les inconvénients à laisser au système allemand. Elles nous servent à engager une réflexion intégrale sur la péréquation, en toute connaissance du modèle le plus ambitieux en termes d’équité et le plus restrictif en terme d’autonomie fiscale et financière [au niveau des recettes perçues] ; et en toute connaissance des conceptions d’un droit à la péréquation différentes des visions françaises. L’Allemagne nous assure un excellent complément à l’analyse des finances françaises. Son pilier qu’est le fédéralisme solidaire présente l’éventail de dispositifs de péréquation que le législateur français n’a jamais appliqué ; et le droit constitutionnel à la péréquation est suffisamment précis pour imposer au législateur allemand un cadre d’action limité. En ce sens, la dimension du droit comparé avec l’Allemagne est adaptée à l’ensemble de nos recherches.

La péréquation française est aujourd’hui au cœur des débats en finances publiques locales sans que son concept ne soit appréhendé dans son intégralité et/ou soigneusement délimité, comme il l’est outre-Rhin, dans un contexte où le droit à la péréquation souffre d’un manque de précisions constitutionnelles, législatives, jurisprudentielles et doctrinales au regard de sa force juridique. Chaque décision d’instaurer, de modifier, voire de supprimer une péréquation est à aborder sous un angle élargi en vue de construire un ensemble de dispositifs complémentaires rendus accessibles par l’éventail de formes péréquatrices (financière, fiscale, horizontale, verticale, passive, active…). Il en va de la cohérence des réformes. Les aspects théoriques et positifs sont peu étudiés alors qu’ils sont les fondements de toute réforme de la péréquation. Les recherches se concentrent sur les modalités d’application et les moyens de perfectionnement des dispositifs, pris séparément.

107 Johannes POPITZ, personnalité politique allemande, débute ses travaux sur son projet de loi sur l’attractivité du budget de l’Etat fédéral (Gesetzes von der Anziehungskraft des zentralen Etats) en 1922 en tant que professeur honoraire de fiscalité et de finances à l’Université de Berlin. Il publie son projet en 1927 dans un recueil juridique Popitzsches Gesetz. Johannes Popitz est condamné à mort par le Volksgerichtshof, tribunal politique visant la condamnation pour haute trahison et atteinte à la sureté de l’Etat contre le régime nazi.

108 Nous nous appuierons notamment sur les travaux de doctorat de Laurent Guihéry : Fédéralisme fiscal et redistribution : fondements et enseignements du fédéralisme allemand, et les articles suivants : « Le budget social de la RFA à la lumière des enseignements de la théorie du fédéralisme fiscal : contradiction ou confirmation du modèle ? », « La redistribution interrégionale « sous le feu » des critiques : expériences canadiennes et allemandes », « Fédéralisme fiscal en Allemagne : quelle réforme de la péréquation financière allemande ? », « Les inégalités fiscales entre les Länder allemands : quels impacts de la réforme de la péréquation financière de juin 2001 », « Finances publiques locales en Allemagne : quel arbitrage entre autonomie locale et solidarité nationale ? », « Les finances publiques en Allemagne : quelles réformes », op. cit.

La première conséquence est une confusion empêchant un décryptage de l’étendue de son existence dans les finances locales. Les rapports du Sénat109 se restreignent à quelques dispositifs ; Patrice Raymond110 cantonne la péréquation à un registre lié au seul souci législatif de l’égalité de situation ; et Alain Guengant, Guy Gilbert et Sylvie Homont111 font preuve d’une ouverture plus large sans guère de justifications… De fait, chaque intervenant112, fournit sa propre conception de la péréquation, ce qui n’est pas sans interaction sur les conclusions et décisions prises en la matière. La complexité des finances locales a un rôle prépondérant dans la restriction de la notion, les élus préférant réserver l’emploi du terme à quelques dispositifs. Il s’agit d’un gain de clarté qui jette un voile sur la partie de la péréquation qui coexiste aux côtés des dispositifs « phares » et tronque la réalité de la conciliation entre l’égalité et la liberté, ainsi que les efforts produits et la pertinence des analyses sur la péréquation au sein des finances locales. C’est d’ailleurs le développement de ces dernières via les transferts de compétences et la reconnaissance de l’autonomie financière qui modifie le « statut » de la péréquation. Elle apparaît ainsi comme un élément incontournable, difficile à maîtriser, source d’écarts dans les prévisions budgétaires locales à court et moyen termes. Nous jugeons opportun de fixer un cadre « commun » compris, connu et reconnu, à une notion d’avenir dont les enjeux méritent des fondations stables. Nous ne saurions avoir la prétention de fixer ce cadre mais nous en exprimons la nécessité et faisons part de notre réflexion sur ce point.

La complexité péréquatrice actuelle, démontrée par le fastidieux travail de recensement des dispositifs, est le reflet du besoin d’ouvrir un débat général sur les fondements théoriques et positifs pour définir la place de la péréquation dans les finances locales. En effet, la péréquation est avant tout, une conciliation entre les principes de liberté et d’égalité. Dans les finances locales françaises et allemandes, les péréquations sont les adaptations de deux courants post-welfaristes dont les visions sur la conciliation entre ces

109 V. Commission des Affaires économiques et du Plan, Délégation du Sénat pour l’aménagement et le développement durable du territoire et Commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation, Rapport d’information n° 342 sur la péréquation en faveur des régions : vers une nouvelle égalité territoriale, Christian Poncelet et Claude Belot, Paris, Sénat, 2003-2004, 70 p. ; Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation, Rapport d’information n° 40 sur la péréquation interdépartementale, Christian Poncelet et Claude Belot, Paris, Sénat, 2003-2004, 148 p.

110 V. RAYMOND Patrice, Solidarité et finances locales, Thèse doct. : droit public : Université de Paris II, 1996, 612 p.

111 V. Direction générale des collectivités locales, Indicateurs de performance de la péréquation entre collectivités territoriales : actualisation 2002-2006, Guy Gilbert et Alain Guengant, Paris, Ministère de l’Intérieur, 2008, 21 p. et HOMONT-LAPLANCHE Sylvie, Les systèmes de péréquation entre les collectivités locales, Thèse de doct. : droit public, Université Paris X, 1996, 423 p.

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deux grands principes, s’opposent113. Or, ces conceptions déterminent directement le niveau et les types de péréquation mis en œuvre. Les discussions et les débats plus « concrets » prennent l’ascendant sur une réflexion dont ils sont censés découler. La jurisprudence constitutionnelle et la réforme du 28 mars 2003 font émerger un droit d’une force juridique nouvelle pour les collectivités. Le pouvoir constituant dérivé est resté sommaire sur sa portée et ses limites.

Les dernières contributions majeures sur la péréquation datent du milieu des années 1990 avec les thèses de Patrice Raymond, Sylvie Homont et Jean-Claude Eog, l’ouvrage de Jacques Blanc et les contributions de plusieurs experts au colloque de Limoges114. Ces travaux ont pour point commun d’avoir recenser les nombreux dispositifs existants. L’évolution des finances locales au cours de la dernière décennie nous achemine à en faire de même. En revanche, nos travaux sur ces dispositifs tâcheront de dépasser les commentaires et observations régulièrement lus dans la doctrine. Les auteurs précédemment cités se sont principalement attachés à distinguer plusieurs typologies de péréquation, à juger du bien-fondé de tel ou tel dispositif, à mettre en lumière les avantages ou inconvénients des décisions législatives… Nos recherches ont pour objet, au-delà de ses observations dont nous ne pourrions nous passer115, d’engager une réelle réflexion sur un fait très ancien, la confrontation entre l’égalité et la liberté, ainsi que sur la portée et les limites du droit à la péréquation. Car l’ensemble des recherches précédemment cité, évincent quelque peu, un principe juridique sacré, s’il en est un, la liberté. En ce point, nous nous opposerons à la vision de Jean-Claude Eog, pour qui la péréquation financière et fiscale est un facteur de renforcement de l’autonomie des collectivités. La conciliation entre égalité et liberté se trouvant altérée par chaque décision portant sur les modalités des

113 V. suprra. Nous observons que les péréquations française et allemande sont des applications aux collectivités des théories post-welfaristes développées par John Rawls, Ronald Dworkin, Amartya Sen et John Roemer. L’école de « l’égalisation des ressources » (Rawls et Dworkin) correspond au modèle de péréquation outre-Rhin alors que l’école de « l’égalisation du domaine de choix » (Sen et Roemer) possède des fondements théoriques semblables à ceux de la péréquation française.

114 V. RAYMOND Patrice, Solidarité et finances locales, Thèse doct. : droit public : Université de Paris II, 1996, 612 p. ; HOMONT-LAPLANCHE Sylvie, Les systèmes de péréquation entre les collectivités locales, Thèse de doct. : droit public, Université Paris X, 1996, 423 p. ; EOG Jean-Claude, La péréquation financière et fiscale effectuée au profit des collectivités locales françaises : un facteur de renforcement de l’autonomie financière locale et de dynamisation de l’aménagement du territoire, Thèse doct. : droit public : Université Reims, 1998, 415 p. ; BLANC Jacques, Les péréquations dans les finances locales, Paris, Collection Systèmes, LGDJ, 1996, 135 p. ; GILBERT Guy (dir.), « La péréquation financière entre les collectivités locales », Actes du colloque international « A la recherche de la péréquation », Limoges, 12-13 octobre 1995, Paris, PUF, 1996, 247 p.

115 La typologie de la péréquation est, par exemple, un facteur qui permet de varier les degrés d’atteinte à l’autonomie financière et le recensement des dispositifs est nécessaire à la vision élargie de la péréquation que nous souhaitons avoir au cours de nos travaux.

mécanismes (types de péréquations, critères de sélection des collectivités, modes de répartition…).

En 1995, Robert Hertzog souligne, lors du colloque de Limoges, qu’en France, « le terme de péréquation n’a pas eu une utilisation juridique précise et constante ». « Il se rencontre à l’occasion de telle ou telle ressource sans qu’apparaisse dans cet archipel un régime d’ensemble. Il ne désignait aucune formule particulière et n’appelait aucune règle ni aucun principe déterminés. La péréquation n’existait que par chacune de ses incarnations. C’est dire que le législateur, et derrière lui l’administration, étaient libres de leurs projets et décisions comme d’ailleurs de leurs abstentions »116.

L’inscription de la péréquation dans la Constitution, en 2003, donne à la péréquation, une force juridique qu’aucune recherche doctrinale n’a, à ce jour, approfondi. Les seuls écrits significatifs font suite aux décisions du Conseil constitutionnel, notamment celle du 6 mai 1991117.

116 HERTZOG Robert, « La péréquation dans les finances locales : à la recherche d’un régime juridique », « La péréquation financière entre les collectivités locales », Actes du colloque international « A la recherche de la péréquation », Limoges, 12-13 octobre 1995, Paris, PUF, 1996, p. 181 à 214.

117 V. PHILIP Loïc, « Jurisprudence du Conseil constitutionnel », Revue française de droit constitutionnel, Paris, 1991, p. 497 à 501; ROUSSEAU Dominique, Revue du droit public, Paris, 1992, p. 58-59 ; PRÉTOT Xavier, « Libre administration des collectivités territoriales et solidarité nationale », Revue de droit sanitaire et social, Paris, 1991, p. 639 ; AVRIL Pierre et GICQUEL Jean, Pouvoirs, Paris, 1991, p. 195 et 212 ; HERTZOG Robert, « A propos de la péréquation dans les finances locales », Revue française de finances publiques, Paris, 1992, p. 57 ; JEGOUZO Yves, « La recherche d’une meilleure solidarité financière entre les communes », Revue française d'administration publique, Paris, 1991, p. 322.

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La péréquation entre collectivités doit son existence à la situation inégalitaire de richesse rencontrée par les entités territoriales. En vue d’assurer un rééquilibrage national, le législateur concentre des moyens significatifs par l’intermédiaire d’une péréquation financière et verticale, et depuis la récente réforme fiscale, par une péréquation fiscale et horizontale. Ce faisant, la péréquation n’est pas le seul moyen de corriger des inégalités. La répartition des ressources et des compétences entre collectivités étant la source des inégalités, toute réforme en ce sens altère la nature et l’ampleur des inégalités et se présente comme une solution plus radicale que la péréquation, qui peut parfois s’avérait inefficace ou insuffisante. Toute mise en œuvre de la péréquation implique des choix qui reposent sur une perception théorique et positive précise [ou tout au moins, qui le devrait]. Le choix d’une théorie de l’égalité, d’un modèle de justice redistributive qui conditionne les axes privilégiés : autonomie, égalité, fraternité, responsabilisation…, et qui influe sur les formes de péréquation retenues, les moyens alloués à corriger la situation inégalitaire, les objectifs du système… Aux fondements théoriques, s’ajoutent les piliers positifs du droit à la péréquation. Les conceptions de la solidarité, de l’égalité réelle et de l’autonomie déterminent la valeur du droit à la péréquation, sa portée et ses limites. En la matière, l’articulation de ces principes juridiques et le contenu du droit à la péréquation restent à définir, ou tout au moins à préciser. Conséquences du [trop] faible intérêt, porté, tant par les institutions que par la doctrine, à ces questions, les dispositifs visant la correction des inégalités locales se sont étendus à l’ensemble des finances et les limites du droit à la péréquation ne sont pas fixées. Une réflexion générale sur la cadre péréquateur nous semble opportune afin de fixer les formes de péréquations retenues, les objectifs poursuivis, le nombre de dispositif différent, l’interaction entre ceux-ci, le rôle du pouvoir législatif et du pouvoir réglementaire, le mode du processus de répartition, les critères de richesse de nature à corriger les inégalités dans le sens visé... et les limites du droit à la péréquation pour concilier au mieux deux notions antagonistes.

Grâce à la reconnaissance constitutionnelle du droit à la péréquation et aux efforts législatifs dans la mise en œuvre de la péréquation pour restreindre les conséquences néfastes des inégalités, la péréquation dispose d’une solide assise dans les finances publiques locales (PARTIE I). L’amélioration de l’efficacité du système péréquateur et de l’efficience de ce droit récent dépend de la faculté du pouvoir constituant dérivé, du juge constitutionnel et du législateur à résoudre les maux récurrents exposés au cours de nos travaux (PARTIE II).

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Le droit français à la péréquation est un droit récent, principalement issu de la jurisprudence constitutionnelle de 1991 et de la réforme du 28 mars 2003. Ce faisant, les fondements théoriques et positifs, sur lequel il s’appuie, font l’objet de contributions philosophiques, économiques et juridiques depuis le siècle des Lumières (TITRE I). Le développement de la péréquation est directement lié au mouvement de décentralisation engagée à partir des lois Defferre. Depuis, un besoin péréquateur croissant émerge. Le législateur s’efforce de le satisfaire, principalement à l’aide de dispositifs financiers ou fiscaux conçus à l’échelle nationale (TITRE II).

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Les théories de la justice redistributive issues de l’utilitarisme118, du welfarisme119 et du post-welfarisme120 représentent une influence majeure dans la conception idéologique de l’égalité entre individus. La conception de l’égalité entre collectivités repose sur des fondements identiques. L’organisation des péréquations française et allemande ainsi que les débats qui l’entourent nous le démontrent. L’évolution doctrinale, constitutionnelle, législative et jurisprudentielle des fondements positifs du droit à la péréquation (CHAPITRE I), c’est-à-dire les principes de solidarité et d’égalité réelle, permet l’essor de ce droit, dont le juge constitutionnel est, à la fois, le précurseur et le gardien (CHAPITRE II).

118 Doctrine éthique qui prescrit d’agir (ou ne pas agir) de manière à maximiser le bien-être global de l’ensemble des êtres sensibles, représenté au dix-neuvième siècle, entre autres, par Bentham et John Stuart Mill.

119 Au vingtième siècle, le courant welfarisme succède à l’utilitarisme (la « nouvelle économie du bien-être). Ces principaux représentants sont Edgeworth, Sidgwick, Marshall et Arthur Pigou.

120 Les critiques à l’égard de l’utilitarisme et du welfarisme sont à l’origine du post-welfarisme qui se développe dans la seconde moitié du vingtième siècle par l’intermédiaire de Rawls, Dworkin, Sen, et Roemer.

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Les péréquations allemande et française sont des adaptations aux collectivités territoriales des théories post-welfaristes sur l’égalité entre les individus et la répartition des richesses entre eux. En liminaire, nous prenons soin de souligner que seuls les grands fondements sont interprétés dans nos travaux en vue de tenir compte des spécificités et des différences existantes entre un individu et une collectivité (SECTION I) car la péréquation, à l’instar des mesures édictées en vue d’une égalité réelle entre personnes physiques, est le fruit de la mise en œuvre d’une forme de justice redistributive. Le législateur ne se réfère