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L A COMPETENCE DE PRINCIPE DU LEGISLATEUR

CONFIRMATION DE LA JURISPRUDENCE

L ’ ENSEMBLE DES COLLECTIVITES

A. L A COMPETENCE DE PRINCIPE DU LEGISLATEUR

Comme nous le verrons par la suite, la principale limite jurisprudentielle de la péréquation est l’autonomie financière, principe sous-jacent de la libre administration.

A plusieurs reprises, le juge constitutionnel vérifie le respect de ce principe sans jamais censurer le législateur pour l’instauration d’un dispositif de péréquation.

La fixation d’un seuil de ressources propres pour chaque catégorie de collectivités est sans effet sur la liberté parlementaire et le juge tolère à de multiples reprises les « atteintes » aux principes de la libre administration et de l’autonomie financière lorsque ceux-ci se trouvent confrontés à d’autres principes constitutionnels, tels que l’égalité, la solidarité nationale ou la légalité fiscale.

La péréquation se présente sous une multitude de formes alors que la Constitution n’impose aucune forme précise au législateur. La loi est en mesure de concevoir des péréquations horizontales ou verticales, fiscales ou financières. Dans sa décision de 1991, le juge constitutionnel est confronté à différentes formes de péréquation, ce qui contribue en grande partie, à faire de sa décision, la pierre angulaire à toute construction de la péréquation. Il déclare conforme la péréquation verticale et financière conçue dans le cadre de la DGF et la péréquation horizontale et fiscale élaborée à travers le FSRIF. En la matière, le pouvoir constituant dérivé consacre la jurisprudence constitutionnelle et confirmé la liberté décisionnelle du législateur.

Avant même la réforme de 2003, le législateur a la main mise sur le pouvoir décisionnaire. L’article 34 et le principe de la légalité fiscale imposent respectivement l’autorité législative en matière de péréquation financière et de péréquation fiscale.

S’agissant de la péréquation financière, l’article 34 de la Constitution (« les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l’Etat dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ») n’interdit pas que les péréquations prévues lors de transferts financiers entre l’Etat et les collectivités fassent l’objet d’une loi ordinaire mais impose que l’impact de cette législation soit inscrit dans une loi de finances, sous forme de prélèvement sur les recettes de l’Etat.

S’agissant de la péréquation fiscale, le Conseil constitutionnel ne conteste pas le principe de l’autonomie financière mais fait prévaloir la légalité fiscale sur la libre administration des collectivités locales. Au regard de sa compétence générale et obligatoire pour fixer les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures, le législateur est autorisé à ne pas laisser chaque collectivité territoriale déterminer seule le montant de ses impôts locaux et à décider « que le produit d’un impôt communal pourra, en partie, être attribué à une autre collectivité territoriale »272.

Nous savons également que le législateur dispose du large éventail de formes de péréquation sans nulle exception et que le Conseil constitutionnel se livre à un contrôle incomplet des critères péréquateurs où il recherche uniquement « l’erreur manifeste d’appréciation » afin de ne pas exercer un « contrôle de proportionnalité » le conduisant à faire œuvre de législateur. La multitude de critères démographiques, sociaux, financiers ou fiscaux soumis au juge démontre l’étendue de la liberté législative dans les modalités

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d’éligibilité, de contribution et de répartition des ressources273. L’erreur manifeste dans le choix des modalités se résume à une contradiction avec l’intérêt général, à un rapport non établi avec l’objet de la loi, à des critères servant les collectivités les plus riches ou à des critères inappropriés et non révélateurs des réelles inégalités (le nombre de boulangerie dans une commune, le nombre d’infrastructures sportives dans un département ou une région… seraient a priori entachés d’une erreur manifeste d’appréciation).

Nous savons enfin que le droit à la péréquation n’impose pas au législateur d’instaurer un dispositif de péréquation pour toutes les relations entre l’Etat et les collectivités. Le juge précise à deux reprises, dans ses décisions du 17 juillet 2003 et du 18 décembre 2003274, un point, qui à notre sens ne souffre d’aucune contestation, tant il paraît évident. Que le législateur est l’obligation de prévoir des dispositifs est une chose, qu’il en ait l’obligation dans chaque relation financière en est une autre, qui ne saurait découler du dernier alinéa de l’article 72-2 de la Constitution. Ce serait, en tout cas, un moyen de complexifier une péréquation atteinte d’un mal persistant et de définitivement entacher les relations entre l’autonomie et la péréquation. Nous nous félicitons de la sagesse parlementaire d’avoir refuser les amendements tendant à prévoir la péréquation en accompagnement systématique de l’accroissement des compétences locales et du développement de l’autonomie financière275.

Ce faisant, le droit à la péréquation reste limité par l’absence de « plancher » de fonds qui lui est consacré et par l’absence d’objectifs pesants sur le législateur, comme le résume le sénateur Pierre JARLIER :

« Si un consensus s’est progressivement dessiné autour de la péréquation, au point d’en faire une ardente obligation, force est de constater que cet impératif se caractérise par son imprécision. Ses contours flous laissent donc une liberté importante au stade de la définition de ses mécanismes de mise en œuvre. Il convient également de souligner que

273 V. Conseil constitutionnel, décision n° 2004-511 DC du 29 décembre 2004 et décision n°91-291 du 6 mai 1991.

274 Conseil constitutionnel, décision n° 2003-474 DC du 17 juillet 2003, cons. 18 et décision n° 2003-487 DC du 18 décembre 2003.

275 Commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République,

Rapport n° 1674 sur le projet de loi organique (n° 1638) pris en application de l’article 72-2 de la Constitution relatif à l’autonomie financière des collectivités territoriales, Guy Geoffroy, Paris, Assemblée nationale, 2004, 26 p.

l’absence d’objectifs quantitatifs fixés à cette politique ne facilite pas une évolution rigoureuse de ses performances »276.