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a. Les faibles inégalités régionales avant péréquation

En 2008, la fiscalité professionnelle représente 43,9 % du montant total des « quatre vieilles », soit 28 Md€, autrement dit 15,5 % de l’ensemble ressources des collectivités344, soit respectivement 41,2 %, 44,6 % et 63,6 % des impôts directs des communes (et de leurs groupements), des départements et des régions. Ainsi, ces dernières sont proportionnellement les plus affectées par les conséquences de la répartition des bases de la taxe professionnelle. Ceci étant, les inégalités régionales constatées sont inférieures aux inégalités relevées pour les autres collectivités. Plutôt que de constater de manière purement technique et statistique les différences entre régions, notre objectif est de savoir si la péréquation est en mesure, à elle seule et sans aliéner l’autonomie financière et fiscale des collectivités, de satisfaire les objectifs d’un développement territorial homogène et de permettre aux élus régionaux de proportionner convenablement l’offre de service à la pression fiscale.

344 Observatoire des finances locales, Les finances locales en 2009 - Etat des lieux, André Laignel (prés.) et Charles Guené (rap.), Observatoire des finances locales, Paris, Ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des collectivités territoriales, 2009, p. 85 et 190.

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Selon un rapport du Sénat de 2004345, les bases de taxe professionnelle les plus élevées (Haute-Normandie) représentent 2,4 fois les bases les plus faibles (Languedoc-Roussillon). À l’échelle de la région, les dispersions concernant cet impôt sont peu accentuées. Ainsi, 11 régions sur 21 possédent des bases de taxe professionnelle comprises entre + ou - 20 % de la moyenne. Sur ces 11 régions, 2 ont des bases de taxe professionnelle inférieures de plus de 30 % à la moyenne (Languedoc-Roussillon : 937 €/hab. et Limousin : 1 137 €/hab.).

Un rapport plus récent met en lumière que huit régions sur vingt-deux en métropole n’atteignent pas, en 2009, le seuil de 85 % du potentiel fiscal moyen par habitant. De prime abord, ce constat inquiétant requiert une forte péréquation en faveur des collectivités au faible potentiel fiscal et au détriment de l’autonomie financière et fiscale des collectivités les mieux pourvues. Nous pensons qu’il n’en est rien. A l’examen de l’ensemble des potentiels, nous constatons que seule la Corse et le Languedoc-Roussillon ont un potentiel inférieur de 80 % de la moyenne nationale346, autrement dit en-deçà de l’objectif « plancher » imposé par la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, qui prévoit que les ressources des régions, rapportées, par an, au nombre des habitants de l’espace régional considéré, « sont corrigées afin de tenir compte des charges des collectivités concernées et de leurs groupements » et qu’elles « ne peuvent être inférieures à 80 p. 100 ni excéder 120 p. 100 de la moyenne nationale par habitant des ressources des collectivités territoriales et de leurs groupements ».

Or, cet objectif « plancher » tient compte des concours de toute nature reçus de l’Etat, ce qui réduit les écarts constatés pour le potentiel fiscal. En effet, la part forfaitaire de la DGF diminue, par exemple, du fait de sa répartition sur la seule base de la population (ou de la superficie), les écarts de potentiels de ressources. De plus, aucune dotation étatique n’a d’effets latents contre-péréquateurs.

Faut-il préciser enfin, que l’objectif « plancher » des 80 % est un objectif après-péréquation, ce qui conforte notre avis sur la faculté de la péréquation à corriger durablement les inégalités régionales en termes de ressources, si tant est qu’elle soit mise en œuvre efficacement par le législateur.

345 Commission des Affaires économiques et du Plan, Délégation du Sénat pour l’aménagement et le développement durable du territoire et Commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation, Rapport d’information n° 342 sur la péréquation en faveur des régions : vers une nouvelle égalité territoriale, Christian Poncelet et Claude Belot, Paris, Sénat, 2003-2004, p. 6.

346 Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation, Rapport d’information n° 556 sur le bilan de la péréquation régionale, Pierre Jarlier, Paris, Sénat, 2008-2009, 151 p.

L’analyse des inégalités de dépenses obligatoires et de potentiel de ressources disponibles, s’avère plus complexe et nous ne souhaitons pas recourir aux données chiffrées habituellement utilisées.

L’indice synthétique de ressources et de charges du Sénat est par exemple basé sur les dépenses relatives aux lycées sans prendre en compte la dotation d’équipement scolaire, l’ensemble des dépenses relatives à la formation qui dépend fortement de la volonté politique ou encore les dépenses de personnel qui dépendent du mode de gestion de la collectivité. Les données obtenues sont largement faussées par une comparaison entre un potentiel de ressources ignorant certaines dotations et des dépenses réelles dépassant très largement le cadre de l’obligation législative en incluant des choix politiques et de gestion.

Nous soulignons simplement que les inégalités régionales en matière de dépenses obligatoires ne peuvent être élevées compte tenu que le code général des collectivités territoriales ne mentionne que deux postes conséquents (hors dette) : les dépenses liées à la rémunération des agents régionaux et celles à charge des régions en matière d’éducation nationale347. Les dépenses de personnel relèvent principalement du fonctionnement propre à la région et de son mode gestion, tandis que les dépenses en matière d’éducation nationale, dont le principal poste est les lycées, sont financées majoritairement par la dotation d’équipement scolaire calculée à partir de données liées directement à ces charges obligatoires. De plus, les dépenses réelles afférentes aux lycées des régions se concentrent en-dessous de 120 % de la moyenne nationale.

Par ailleurs, nous notons que les dépenses réelles totales des régions [qui prennent en compte l’ensemble des modes de gestion et les choix politiques], oscillent entre 200 et 308

347 Article L. 4321-1 CGCT : « Sont obligatoires pour la région : 1° Les dépenses relatives au fonctionnement des organes délibérants et à l’entretien de l’hôtel de la région ; 2° Les dépenses relatives aux indemnités de fonction prévues aux articles L. 4135-15 à L. 4135-18 et aux frais de formation des élus visés à l’article L. 4135-12 ainsi que les cotisations des régions au fonds institué par l’article L. 1621-2 ; 3° Les cotisations au régime général de la sécurité sociale en application de l’article L. 4135-20-2 et aux régimes de retraites des élus en application des articles L. 4135-21 à L. 4135-24 ; 4° La cotisation au Centre national de la fonction publique territoriale ; 5° La rémunération des agents régionaux ; 5° bis Dans les conditions prévues à l’article 88-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les dépenses afférentes aux prestations mentionnées à l’article 9 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; 6° Les intérêts de la dette et les dépenses de remboursement de la dette en capital ; 7° Les dépenses dont elle a la charge en matière d’éducation nationale ; 8° Les dépenses résultant de l’entretien des biens transférés à la région en application des dispositions de l’article L. 318-2 du code de l’urbanisme ; 9° Les dettes exigibles ».

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euros par habitant (hors Corse et DOM-TOM)348, soit un coefficient de seulement 1,54 entre la région la moins dépensière et la plus dépensière.

Le rapport du Sénat fait part de données orientées vers une volonté de renforcer la péréquation et dont les résultats montrent des écarts qu’une « bonne » péréquation ne serait pas en mesure de corriger. En effet, nous ne pouvons concevoir une péréquation palliant les manques de potentiel de la région Champagne-Ardenne dont l’indice synthétique (autrement dit le potentiel) est inférieur de 95 % à la moyenne nationale (2,6 €/hab. contre 58,56 €/hab.). Selon ces mêmes données, le potentiel de la région Champagne-Ardenne, rapporté à celui de la région Île-de-France, lui est 40 fois inférieur (106,2 €/hab.). L’indice synthétique développé par le Sénat n’étant pas exploitable, les conclusions qui reposent sur celui-ci ne le sont pas davantage. Il est logique que des régions se retrouvent avec un potentiel extrêmement faible puisque les travaux parlementaires retranchent des dépenses réelles à un potentiel tronqué de ressources. Les méthodes employées sont, somme toute, symptomatiques de la volonté de certains élus de s’assurer, à travers la péréquation, un minimum de ressources pour leurs collectivités349.