• Aucun résultat trouvé

D ES INEGALITES COMMUNALES INSURMONTABLES

b. Des inégalités encore fortement corrigées

B. D ES INEGALITES COMMUNALES INSURMONTABLES

Plus le nombre de collectivités est élevé, plus les collectivités sont « petites », plus les probabilités qu’elles s’écartent de la moyenne nationale sont importantes. Il s’agit d’une spécificité française à laquelle la péréquation s’adapte très difficilement. Les communes françaises représentent, à elles seules, plus de la moitié des communes recensées dans les 15 premiers Etats membres de l’Union européenne. En 2004, l’Europe des quinze compte près de 75 000 communes réparties pour l’essentiel en France (36 500), en Allemagne (14 000), en Espagne (8 000), en Italie (8 000) et en Autriche (2 300). Les autres pays européens comptent tout au plus, quelques centaines de communes.

La population médiane des communes métropolitaines est de 380 habitants. La population moyenne par commune est de 1 542 habitants. 87 % des communes

métropolitaines ont moins de 2 000 habitants et ne concentrent qu’un quart de la population totale (31 927 communes)359.

Le Danemark, la Suède et la Finlande comptent, à eux trois, guère plus de 1 000 communes pour vingt millions d’habitants (soit environ 20 000 habitants par communes). Le Royaume-Uni et l’Irlande comptent 518 communes pour 66 millions d’habitants (soit plus de 120 000 habitants par communes). L’ampleur des disparités et la grande diversité des situations constituent des contraintes extrêmement prégnantes et déterminantes pour toute politique de péréquation. Plusieurs pays entreprennent de redessiner la carte communale en procédant à des fusions et en redistribuant les compétences entre les différents niveaux de collectivités. La réforme menée de 1965 à 1977 en Allemagne, dans l’ancienne république fédérale, permet de réduire le nombre de communes de 25 000 à 8 500360. Contrairement à ces Etats, le législateur français préfère la voie de la fusion à l’initiative des intéressés. La loi de 1971 visant à favoriser les fusions des communes a des effets très limités et parfois réversibles. De même, la campagne de fusion de communes lancée au Luxembourg en 1972 s’est soldée par un échec. La spécificité française aboutit à de nombreuses péréquations communales malgré le fait intercommunal qui réduit les inconvénients de l’émiettement du découpage administratif au prix d’une complexité accrue des finances locales.

Dans ce contexte historico-administratif, les fortes inégalités communales et leurs évolutions (1) mettent aujourd’hui en lumière les limites de la péréquation et la nécessité d’apporter une solution complémentaire [autre que le redécoupage administratif] (2).

1. De trop fortes inégalités avant péréquation

« Si l’on se limite aux communes de métropole de plus de 500 habitants, le potentiel fiscal par habitant s’échelonne entre quelques dizaines d’euros et près de 25 000 euros (Saint-Vulbas, dans le département de l’Ain). Si l’on prend en compte l’ensemble des communes de métropole, l’écart va de 0 euro à plus de 30 000 euros (Omonville-la-petite, dans le département de la Manche). Dans les deux cas, le fort potentiel fiscal s’explique par

359 Pour informations, 3 764 communes entre 2 000 et 10 000 habitants (25,5 %), 762 communes entre 10 000 et 50 000 habitants (25,3 %), 102 communes entre 50 000 et 200 000 habitants (14,4 %), 10 communes de plus de 200 000 habitants (8,9 %). Par ailleurs, plus de 10 000 communes ont moins de 200 habitants.

360 La réforme territoriale se poursuit dans la partie orientale de l’Allemagne pour diminuer le nombre de petites communes.

159

la présence d’une installation nucléaire, respectivement la centrale nucléaire du Bugey et l’usine de la COGEMA à La Hague. La moyenne est de l’ordre de 500 euros par habitant »361.

Tels sont les constats établis par la Commission des finances du Sénat sur la proposition de loi d’orientation sur les finances locales de 2007. Dans un cadre géographique restreint, deux communes voisines enregistrent des bases d’imposition très variables. Les indices de Gini sont très explicites en la matière362. Les communes sont confrontées aux plus hauts indices : 0,28 avant répartition et 0,18 après répartition (contre 0,13 et 0,07 pour les départements ; contre 0,11 et 0,06 pour les régions).

L’exode fiscal local est devenu une réalité. Preuve en est, les arguments commerciaux, régulièrement présentés par les agences immobilières dès que l’occasion s’y prête, sur les avantages présentés par un logement en matière de taxe foncière, de taxe d’habitation, d’accessibilité à un service public local de qualité et à leurs tarifs.

Deux communes limitrophes peuvent présenter de fortes disparités dès lors que l’une dispose d’une ressource exceptionnelle grâce à une ou plusieurs grandes entreprises implantées sur son territoire.

Le malaise est national. Il touche aussi bien les zones rurales qu’urbaines. Le monde rural car la faiblesse du budget d’une commune rurale est fortement impacté par une ressource « exceptionnelle » ; le milieu urbain car l’opposition entre les « quartiers d’affaires » et les banlieues modestes se reflètent dans les budgets communaux.

2. L’impuissance de la péréquation face aux inégalités communales

persistantes

Les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle n’ont pas suffit pas à diminuer les écarts de potentiels de ressources disponibles entre deux communes limitrophes tout en étant privatifs de liberté fiscale et financière pour la commune « contributrice ».

361 Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation, Rapport d’information n° 59 sur la proposition de loi d’orientation sur les finances locales relative à la solidarité financière et la justice fiscale, Michel Mercier, Paris, Sénat, 2007-2008, p. 9.

362 V. Direction générale des collectivités locales, Indicateurs de performance de la péréquation entre collectivités territoriales : actualisation 2002-2006, Guy Gilbert et Alain Guengant, Paris, Ministère de l’Intérieur, 2008, p. 2 à 5.

Les communes bénéficient de la performance péréquatrice la plus faible (- 37,2 % contre - 47,7 % pour les départements et - 45,2 % pour les régions). Les évolutions des indices de Gini sont légèrement orientées à la baisse avant redistribution (0,30 en 1994 et 0,28 en 2006) comme après redistribution (0,20 en 1994 contre 0,18 en 2006). Le développement de l’intercommunalité et tous les efforts consentis en matière de péréquation au travers d’une dizaine de dispositifs n’enrayent pas durablement une hétérogénéité fiscale hors de portée de la péréquation et dont les conséquences n’ont que trop pénalisé le développement cohérent et homogène, tant au niveau national que local.

La région francilienne est particulièrement affectée par la répartition des bases d’imposition. L’étude menée en 2008 sur le projet du Grand Paris363 (projet concrétisé par la loi du 3 juin 2010364), consciente d’une réalité rurale et urbaine freinant le développement économique et social attire notre attention sur ce phénomène : « Une des principales raisons de construire le Grand Paris tient à l’augmentation des inégalités que l’on constate dans l’agglomération entre ses habitants et, parallèlement, à l’accroissement des différences de ressources entre les collectivités qui augmente encore les disparités. Plus les habitants d’une commune sont pauvres, plus celle-ci a des ressources limitées et plus elle est sollicitée pour fournir des services publics et plus ses taxes locales sont élevées. La pauvreté nourrit la pauvreté » ; avant de prôner « d’instaurer une véritable péréquation si l’on souhaite apporter une réponse au naufrage des territoires de banlieue déjà à la dérive ». L’idée d’une nouvelle péréquation n’est pas concrétisée pas la loi relative au Grand Paris, mais la loi de finances pour 2011 remplace le FSRIF par un fonds de péréquation des recettes fiscales communales et intercommunales dont l’objectif est d’atteindre en 2015, un volume financier égal à une fois et demie le niveau du FSRIF de 2009365. De surcroît, l’article 21 de la loi du 3 juin 2010 prévoit la possibilité de contrats de développement territorial entre le représentant de l’Etat dans la région et les communes et EPCI définissant les objectifs et priorités en matière d’urbanisme, de logement, de transports, de déplacements et de lutte contre l’étalement urbain, d’équipement commercial, de développement économique, sportif et culturel, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers et des paysages et des ressources naturelles. En s’inscrivant dans des objectifs de développement territorial, ces contrats ont une vocation péréquatrice certaine.

363 V. Observatoire de la décentralisation, Rapport d’information n° 262 sur les perspectives d’évolution institutionnelle du Grand Paris, Philippe Dallier, Paris, Sénat, 2007-2008, 255 p.

364 Loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris.

161

Un an après cette étude sénatoriale sur le Grand Paris, « La descente aux enfers de Grigny » fait les titres du Monde366et regroupe en un seul article les craintes de nombreux maires. Elle nous rappelle que les efforts péréquateurs (multiplication des dispositifs, réévaluation du plafond des contributions des communes « riches », augmentation des dotations péréquatrices étatiques…) sont désuets face à des situations qui les dépassent :

« Ville symbole des banlieues françaises, parmi les plus pauvres et les plus sensibles d’Île-de-France, la commune de Grigny, dans l’Essonne (26 000 habitants), connaît une crise budgétaire sans précédent, signe de la fragilité des quartiers les plus difficiles. Endettée, croulant sous les dépenses dues à la pauvreté et à la jeunesse de ses habitants, disposant de ressources très limitées, elle n’arrive plus à faire face à ses obligations financières. De 1,9 million d’euros en 2006, le déficit est passé à 9,8 millions en 2008 et 15,5 millions en 2009, soit un tiers du budget communal. Cette situation, qualifiée d’"inextricable" par des experts, a conduit la préfecture de l’Essonne à prendre une mesure spectaculaire : selon nos informations, le préfet, Jacques Reiller, s’est substitué à la municipalité communiste pour régler le budget et vient de décider d’augmenter de 50 % les taxes foncières et de 44,26 % la taxe d’habitation dans la ville, suivant les recommandations de la chambre régionale des comptes (CRC) d’Île-de-France. Cette mesure, qui prolonge des hausses de 3 % en 2007 et 10 % en 2008, également décidées par le préfet, s’accompagne de la réduction autoritaire des dépenses de personnel et des subventions aux associations ».

La conclusion des rapporteurs de l’étude précédemment citée, « La pauvreté nourrit la pauvreté », prend tout son sens et demande une réflexion de fond au-delà de la seule péréquation. Une réforme de la fiscalité se présente comme une solution. La pertinence et l’efficacité d’une telle réforme sont seuls vecteurs d’une amélioration sensible des maux territoriaux auxquels nous venons de nous référer. Par le gel des anciennes recettes fiscales et le dynamisme de la contribution économique, nous regrettons que la réforme des lois de finances pour 2010 et 2011 s’inscrive dans la continuité de réguler les inégalités par le biais de [nouvelles] péréquations et non par la [nouvelle] répartition fiscale en elle-même.

§ 2. U

NE NOUVELLE REPARTITION DES RESSOURCES A PARTIR DE

2010

L’évolution future des inégalités est modifiée par la nouvelle répartition des ressources introduite par la loi de finances pour 2010. Ce faisant, les inégalités fiscales actuelles restent présentes en étant « gelées » au sein de transferts financiers dits de compensation (A) qui ne traduisent pas une situation exacte (B).