• Aucun résultat trouvé

D ES INEGALITES DIFFICILEMENT QUANTIFIABLES

CONFIRMATION DE LA JURISPRUDENCE

C ONCLUSION DU TITRE PREMIER

A. D ES INEGALITES DIFFICILEMENT QUANTIFIABLES

Amavi Kouevi analyse les inégalités financières comme des fondements de la solidarité financière. Pour lui, « les causes des inégalités entre collectivités locales sont nombreuses […] elles sont surtout de natures diverses […], leur correction est indispensable et les remèdes proposés sont aussi divers qu’empiriques »322.

A ce titre, il distingue cinq types d’inégalités :

- les inégalités financières liées à la position géographique ; - les inégalités financières dues aux situations fiscales ;

322 KOUEVI Amavi, « La problématique générale de la solidarité financière territoriale Actes du colloque : « La solidarité en droit public », Université de Franche-Comté, 21-22 avril 1999, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 97 à 135.

137

- les inégalités financières générées par la pratique des exonérations et dégrèvements législatifs des impôts locaux ;

- les inégalités financières consécutives aux transferts de compétences ;

- les inégalités financières consécutives à des maladresses de gestion des finances locales.

Nous pensons qu’une péréquation satisfaisante permet de corriger des disparités « raisonnables » en les ramenant à un niveau permettant un développement homogène du territoire, ne mettant pas en péril la responsabilisation des élus et en respectant la libre concurrence territoriale. A ce titre, la péréquation doit absorber les inégalités de potentiel d’interventions en termes de ressources disponibles. C’est bien une situation inégalitaire globale sur laquelle il faut travailler en prenant soin d’écarter le cinquième type d’inégalités dégagés par l’auteur : les maladresses de gestion.

Corriger séparément les différents types d’inégalités, c’est-à-dire instaurer un dispositif pour les inégalités liées à la position géographique, un second pour les inégalités financières dues aux situations fiscales, etc.… n’aurait que des inconvénients car, d’une part, les inégalités ne sont pas exhaustives et d’autre part, la lisibilité financière pour les collectivités et les citoyens doit être sauvegardée. Toutefois, la connaissance de ces inégalités n’est pas dépourvue d’intérêt. Elle peut servir, en premier lieu, à réformer les finances publiques en vue d’une répartition correcte des bases d’imposition et en second lieu, de sélectionner des critères représentatifs des disparités dans les processus de redistribution.

Afin de savoir si la péréquation est en mesure de corriger les inégalités locales françaises, il est indispensable de les chiffrer de la manière la plus exacte qu’il soit.

Pour ce faire, il faut évaluer les potentiels de ressources disponibles de chaque collectivité. Ils se construisent à partir des potentiels de ressources, des charges obligatoires et prennent en compte les différences de coût des interventions locales (c’est-à-dire le coût incombant aux collectivités pour réaliser une opération ou un objectif identique). Notre analyse de la péréquation calédonienne nous démontre à quel point ce facteur ne doit pas être négligé323. Les travaux réalisés pour une même opération peuvent variés du simple au

double selon qu’ils sont engagés à Nouméa ou à Lifou (coût du transport, coût des matières premières, coût de la main d’œuvre supérieur en province des Iles Loyauté…). Les charges consenties par la collectivité dépendent de la physionomie de la population, de la situation géographique ou économique du territoire… Par exemple, les régions ne sont pas à la même enseigne lorsqu’il s’agit de parvenir à un objectif donné dans leur domaine de compétences en matière économique. Le contexte économique étant plus favorable dans certaines régions.

Nous laissons soin aux économistes de déterminer au plus juste les potentiels de ressources disponibles des collectivités. Nous appuierons notre réflexion sur les travaux les plus aboutis en la matière, principalement ceux d’Alain Guengant et de Guy Gilbert. Notre travail d’interprétation des résultats constatés, nous permet d’obtenir de précieuses informations sur le degré des inégalités territoriales, élément qui façonne le lancement d’un processus de redistribution si tant est que celui-ci soit en mesure de résoudre à lui seul les impacts néfastes de ces inégalités. Nous restons ainsi à l’écart de toutes observations sur les moyens macro-économiques et statistiques mis en œuvre pour obtenir les données que nous utilisons. Dans ces quelques propos introductifs, nous émettons toutefois quelques réserves et observations sur la pertinence des données observées.

Le travail d’Alain Guengant et de Guy Gilbert, aussi complet soit-il, n’intègre pas toutes les péréquations que nous avons dégagées dans les finances publiques françaises. Les procédures de cofinancement, la technique des douzièmes provisoires, les fonds structurels européens ne sont pas retenus dans leurs méthodes de calcul. La notion de pouvoir d’achat occulte les disparités liées aux différences de coûts d’une intervention pouvant être constatées d’un territoire à un autre. Enfin, l’utilisation de l’indice de Gini pour les collectivités permet de mesurer les niveaux des inégalités en termes de pouvoir d’achat mais il ne doit être, en aucun cas, analysé et comparé aux mêmes indices calculés pour les revenus des ménages. Les indices pour les revenus des ménages sont nécessairement plus élevés que ceux des collectivités puisqu’ils intègrent un facteur étranger aux personnes morales de droit public : les revenus procurés par le « travail »324.

324 Avec une logique semblable à celle que nous développons pour les collectivités, l’indice de Gini s’appuierait pour les ménages sur leur potentiel à tirer une rémunération de leur travail au lieu de leurs revenus procurés par le travail.

139

Les fondements de la péréquation diffèrent selon les catégories de collectivités dès lors que les inégalités ont des ampleurs et des sources distinctes. La faculté du législateur et les efforts qu’il doit consentir en termes de péréquation varient alors ostensiblement.

En l’état actuel, le législateur est en mesure d’assurer un développement homogène aux départements et aux régions en ayant recours à une péréquation modérée, respectueuse des libertés des élus des conseils régionaux et généraux. S’agissant des communes, il en est tout autre. La péréquation est un correctif plus isolé, moins adapté et incapable de relever le défi d’un niveau d’inégalités acceptable en respectant au mieux l’autonomie financière accordée aux communes. Les multiples péréquations instituées et les résultats constatés en témoignent325.

B. D

ES OBJECTIFS PEREQUATEURS VARIABLES SELON L

AMPLEUR DES