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Des critères « objectifs et rationnels »

CONFIRMATION DE LA JURISPRUDENCE

A. L ES TROIS POINTS DE VERIFICATION DU JUGE CONSTITUTIONNEL

2. Des critères « objectifs et rationnels »

Des deux premiers éléments vérifiés en découlent un troisième, le choix législatif de critères « objectifs et rationnels ». Pour cela, le juge constitutionnel contrôle, dès 1991, que le législateur utilise des critères, d’une part en corrélation avec l’objet de la loi, et d’autre part en lien avec l’intérêt général :

« Considérant que l’article L. 263-15 détermine, dans un paragraphe I, les catégories de communes qui bénéficient d’une attribution du fonds, à l’effet de tenir compte de

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l’insuffisance de leurs ressources fiscales et des charges particulièrement élevées qu’elles supportent ; que le paragraphe II de l’article L. 263-15 fixe les critères généraux de répartition des ressources du fonds »248.

Le Conseil conserve ainsi une ligne identique à celle qu’il adopte régulièrement en matière de fiscalité249, de cotisations et de prestations sociales250, voire au-delà251. Le juge français ne s’engage pas dans la voie d’un contrôle plus approfondi des choix du législateur. La décision du 29 décembre 2004252 illustre sa retenue à contrôler la pertinence et la légitimité des critères sélectionnés.

Les griefs des saisissants s’appuient sur la jurisprudence de 1991 à la différence près qu’ils contestent, sur le fondement de l’intérêt général et du rapport avec l’objet de la loi, non pas les éléments retenus par le législateur mais ceux qu’il ne souhaite pas retenir :

« Cette différence de traitement [entre les départements urbains et non-urbains] n’est absolument pas justifiée au regard des objectifs de la loi […]. En particulier, aucun motif qu’il soit d’intérêt général ou lié à l’objectif de la loi ne justifie que les écarts en terme de nombre de bénéficiaires du revenu minimum d’insertion (RMI) ne soient pas pris en compte pour les départements " non urbains ", alors même que la compétence en matière de financement du RMI a précisément été transférée à l’ensemble des départements par la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d’insertion et créant un revenu minimum d’activité ».

Pour les saisissants, les articles 47 et 49 de la loi déférée réformant la dotation globale de fonctionnement des communes, des groupements de communes et des départements, méconnaissent le dernier alinéa de l’article 72-2 de la Constitution en ne tenant pas compte « de la réalité des écarts de ressources et de charges entre les départements notamment dans le cadre de la réforme des critères d’attribution des dotations de péréquation urbaine prévue

248 Conseil constitutionnel, décision n° 91-291 DC, 6 mai 1991, op. cit., cons. 18.

249 Conseil constitutionnel, décision n° 2007-555 DC, 16 août 2007 portant sur la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, cons. 3 ; décision n° 96-385 DC du 30 décembre 1996 portant sur la loi de finances pour 1997, cons. 4, 29 et 30 ; décision n° 2003-488 DC du 29 décembre 2003 portant sur la loi de finances rectificative pour 2003, cons. 10, décision n° 2004-504 DC du 12 août 2004 portant sur la loi relative à l’assurance maladie, cons. 45 et 46.

250 Conseil constitutionnel, décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997 portant sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, cons. 14, 17 et 37 ; décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000 portant sur la loi de financement de la sécurité sociale, cons. 32.

251 Conseil constitutionnel, décision n° 2006-539 DC du 20 juillet 2006 portant sur la loi relative à l’immigration et à l’intégration, cons. 18.

252 Conseil constitutionnel, décision n° 2004-511 DC du 29 décembre 2004 portant sur la loi de finances pour 2005.

à l’article L. 3334-6-1 du code général des collectivités territoriales et de la dotation de fonctionnement minimale prévue à l’article L. 3334-7 »253.

Le Conseil constitutionnel, rappelant la marge de manœuvre législative, se borne à contrôler que la décision du législateur ne soit pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. Le législateur est ainsi libre de classer les collectivités par catégories, de les soumettre à des processus de répartition différents selon les critères de son choix :

« Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes du dernier alinéa de l’article 72-2 de la Constitution : " La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales " ; qu’il est loisible au législateur de mettre en œuvre la péréquation financière entre ces collectivités en les regroupant par catégories, dès lors que la définition de celles-ci repose sur des critères objectifs et rationnels ; qu’en l’espèce, en distinguant les départements urbains des autres départements et en les définissant comme ceux ayant une densité de population supérieure à 100 habitants au kilomètre carré et un taux d’urbanisation supérieur à 65 %, le législateur a retenu des critères objectifs et rationnels ; Considérant, en troisième lieu, que, pour répartir la dotation de fonctionnement minimale entre les départements non urbains, le législateur a conservé le critère lié à la longueur de la voirie et remplacé la notion de potentiel fiscal par la notion plus large de potentiel financier ; que, pour la répartition de la dotation de péréquation urbaine, il a retenu un indice synthétique de ressources et de charges déterminé par la combinaison de plusieurs critères qu’il a énumérés, à savoir, outre le potentiel financier, le nombre des bénéficiaires d’aides au logement, celui des allocataires du revenu minimum d’insertion, ainsi que le revenu moyen par habitant ; Considérant qu’en tenant spécialement compte des charges supportées par les départements ruraux au titre de la gestion de l’espace, et de celles pesant sur les départements urbains au titre des difficultés sociales, le législateur n’a pas entaché son appréciation d’une erreur manifeste ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’article 49 de la loi de finances ne méconnaît pas l’article 72-2 de la Constitution »254.

Le législateur peut, à son gré, créer, supprimer et modifier les systèmes de péréquation, si tant est, qu’il respecte les trois points que nous venons de distinguer et qui constituent un contrôle, à notre sens incomplet, du juge constitutionnel.

253 Ibid., cons. 27.

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La récente réforme constitutionnelle n’altère que très modérément le pouvoir législatif dans la conceptualisation de la péréquation car seule la suppression « intégrale » de la péréquation est hors de portée du législateur.

B. L

A REFORME CONSTITUTIONELLE DU

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MARS

2003 :

LA RECONNAISSANCE