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SITUATION ACTUELLE DE LA PÊCHE DANS LES PROVINCES DE L’ESTUAIRE

4- les pirogues en fibre de verre ou plastique industriel : Fabriquées dans les zones industrielles à Libreville et Port Gentil.

4.4. La pression environnementale

4.4.1. La pression sur la zone côtière

Espace de rencontre entre la terre et la mer, la zone côtière se compose à la fois de territoires marins et terrestres qui partagent les mêmes enjeux, mais sont uniques de par leurs richesses et leurs spécificités (Corlay, 1993). Plus qu’un simple trait, c’est un espace à géométrie variable dont les limites se définissent en fonction de l’enjeu ou du problème posé et des réponses à apporter (Corlay, op.cit).

Selon Bignoumba (2002), la zone côtière gabonaise, en dépit d’indéniables potentialités, ne fait pas encore l’objet d’une exploitation rationnelle et massive de ces ressources à l’exception des hydrocarbures, mais avec tout de même une anthropisation croissante qui n’est pas sans conséquence pour l’environnement et pour les ressources qui s’y trouvent.

On notera en effet, que la mer et le littoral des provinces de l’Estuaire et de l’Ogooué Maritime et même de l’ensemble de la zone côtière gabonaise suscitent peu à peu l’intérêt des

locaux, des pêcheurs et des scientifiques ; bien que cela reste un écosystème méconnu dans sa diversité et dans les interactions qui se mettent en place avec et entre les populations du littoral (Sabinot, 2008).

Il faut dire qu’après son accession à l’indépendance, le Gabon a mis l’accent sur la croissance économique, mais sans véritable plan de développement. C’est ainsi qu’apparaîtront de façon non rationnelle, dans les villes côtières notamment, des unités de production industrielle telles que les industries pétrolières à Port-Gentil et Gamba, les industries alimentaires (brasseries Port-Gentil, Libreville…), les industries de textile et de tabac à Libreville, les industries de transformation de bois disséminées dans tout le pays, les pompes funèbres à Libreville, Port- Gentil, etc. Dans la même période, le boom industriel a favorisé l’exode rural et l’immigration incontrôlée vers les centres urbains de populations en quête de prospérité.

Le processus d’urbanisation au Gabon est caractérisé par la rapidité et l’ampleur de la croissance urbaine : 20% de citadins en 1960, 73% en 2009, soit une progression de près de 400% en moins de 50 ans (Agondogo et Ngomo, 2009). Les villes côtières (Libreville et Port- Gentil notamment) voient donc leur population s’accroître, et dans le même temps elles s’étirent, se déploient sur des espaces sans cesse plus larges. Pour Gaulme (1988), la zone côtière gabonaise semble avoir pris un avantage décisif sur le reste du pays, avant même l’époque coloniale où elle apparaissait déjà comme une destination prisée par les populations de l’arrière-pays. C’est dans ces lieux que les richesses étaient les plus abondantes, d’abord grâce au troc entre autochtones et les occidentaux, ensuite grâce à l’exploitation forestière et enfin dans la mise en valeur des hydrocarbures (Bignoumba, 2002).

Ainsi, l’attrait qu’exerce le littoral du Gabon sur les populations du pays est donc lié à l’abondance de ces ressources et à la diversité des secteurs économiques qu’elles provoquent. Par ailleurs, l’absence d’une véritable politique d’urbanisation a entraîné un surpeuplement des villes littorales, avec l’apparition de l'habitat spontané dit « quartiers sous-intégrés », qui fait que Libreville et Port-Gentil n’échappent pas à la réalité de la plupart des villes africaines, où coexistent, souvent dans un désordre et une anarchie permanents, constructions modernes et bidonvilles. L’expansion urbaine se fait surtout sous la pression des populations pauvres. Celles-ci, en effet, occupent illégalement des espaces parfois non constructibles en bâtissant avec des matériaux de récupération et à moindre coût.

Certes, les villes gabonaises n’ont pas encore atteint des densités préoccupantes sur leur bande côtière (3hbt/km²)63, hormis quelques industries (citées plus haut) et des groupements de pêcheurs artisans disséminés le long du littoral, et qui se concentrent autour de Libreville et Port-Gentil. L’intensification des activités industrielles et l’urbanisation anarchique ont considérablement modifié le cadre de vie de l’homme, l’exposant à des risques environnementaux. Dans les villes côtières ces risques sont très nombreux. A coté des pollutions de tout genre, on peut citer les déchets simples, les déchets dangereux, les dégradations des sols, les contaminations alimentaires, la perte de la biodiversité, les inondations et l’érosion côtière.

Le secteur industriel n’a globalement pas encore de gros impacts sur l’environnement, mais déjà ça et là, des problèmes de pollution liée aux rejets des usines existantes sont dénoncés par les populations. Les activités industrielles des villes côtières (Libreville, Port-Gentil, Gamba) et pétrolières off-shore (photo 2) font légitimement craindre une contamination de la mer par divers polluants chimiques et/ou organiques, suite par exemple aux vidanges sauvages des bateaux et aux rejets des usines de raffinerie de pétrole. Il faut souligner que les rejets en mer de produits pétroliers sont nocifs pour les captures. D’après Bignoumba (2002), dans la zone du Cap-Lopez, à Port-Gentil, certains poissons montrent des signes de pollution marine qu’atteste le goût de gazole qu’auraient ces produits (ibid). Une étude approfondie permettant de mesurer l’ampleur de ce phénomène s’avère cependant nécessaire afin d’en déterminer l’étendue et de prendre les mesures qui s’imposent.

En effet, les pollutions pétrolières peuvent, non seulement, avoir une incidence négative sur la vie de certaines espèces, mais également affecter les habitats marins, notamment les zones de reproductions (Lacaze, 1996).

La pollution industrielle a de multiples conséquences sur la santé des populations. Elle affecte l’eau, l’air et le sol, dégradant l’environnement et appauvrissant la flore et la faune, notamment en milieu aquatique en cas de déversement des déchets dans les cours d’eau et les océans.

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Photo 2 : Une vue aérienne des installations pétrolières de Total Gabon au Cap-Lopez à Port-Gentil (province de l’Ogooué Maritime)

Source : Total-Gabon

En effet, il se trouve qu’à Libreville comme à Port-Gentil, beaucoup d’unités de production industrielle sont dépourvues des dispositifs anti pollution ou de traitement de leurs déchets. Elles effectuent alors des déversements délibérés de ceux-ci dans l’environnement. De telles pollutions conduisent presque toujours à la destruction massive et quasi-instantanée d’organismes vivants, soit par empoisonnement (suite à l’ingestion brutale d’hydrocarbures toxiques, par exemple), soit par suffocation ou asphyxie (suite à leur engluage dans les produits déversés, par exemple).

Les activités de transformation des produits halieutiques ne sont pas en reste. En effet, les villages de Pont-Nomba et Grande Poubelle à Libreville sont les plus grands débarcadères d’ethmaloses, et le fumage y est très développé. Cette pratique n’est pas sans conséquence sur l’environnement et les habitants vivants aux environs se plaignent des fumées émanant des fumoirs.

On observe également des déversements tous azimuts de déchets solides, des eaux usées domestiques dans la mer par les populations installées sur le littoral, notamment les pêcheurs artisans. En effet, l’évacuation des excrétas et des eaux usées s’y fait dans des latrines traditionnelles ou dans des fosses septiques et puisards, mais aussi dans le lit de certains ruisseaux ou rivières, comme c’est le cas des riverains du quartier Haut de Gué Gué (Ayo,

1998) à Libreville. Les plages sont parfois défigurées par l’amoncellement de déchets non biodégradables que les vagues finissent par drainer vers la mer (photo 3).

De même, l’extraction de sédiments marins tels que le sable peut avoir des impacts négatifs sur l’environnement et sur les autres activités marines. Le premier de ces impacts est sans nul doute l’érosion côtière : en effet, le prélèvement non contrôlé de sable au voisinage de la côte peut déséquilibrer localement le plan sédimentaire, et entraîner l’intensification de l’érosion côtière avec éboulement de falaises, réduction ou disparition de plages, etc. et, in fine, une modification de la morphologie du littoral et du paysage côtier.

L’extraction anarchique du sable côtier affecte l’écosystème marin en dégradant les bancs d’algues et en détruisant les récifs coralliens. Or, les bancs d’algues stabilisent les sédiments et servent également d’habitat à divers types de poissons indispensables pour l’homme.

Photo 3 : Dégradation d’une plage à Cocobach (province de l’Estuaire)

Cliché : Landry Ekouala, avril 2009

Comme on peut l’observer aujourd’hui à la Sablière et au Cap Estérias à Libreville (photo 4), l’extraction intensive de sable a favorisé et accéléré l’avancée de la mer sur la plate-forme continentale, et les habitations situées le long du littoral sont à présent directement menacées.

Photo 4 : Dégradation de la route de la Sablière (Libreville nord) due à l’extraction du sable.

Cliché : Landry Ekouala, avril 2009.

Ainsi, pour Agondogo et Ngomo (2009), aujourd’hui, à cause des pressions exercées par la croissance urbaine et l’expansion économique basée pour l’essentiel sur l’exploitation des richesses naturelles, l’environnement côtier au Gabon est sérieusement menacé. En effet, ses écosystèmes sont, d’une part, victimes d’une exploitation souvent incontrôlée qui contribue à leur appauvrissement et rend difficile leur préservation ; d’autre part, ils subissent le contrecoup du développement mal maîtrisé. L’état des forêts de mangroves à Libreville et à Port-Gentil est emblématique de cette situation : les mangroves y subissent toutes sortes de pollution, quand elles ne disparaissent pas pour faire place aux projets immobiliers.

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