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CADRE GÉNÉRAL DE L’ÉTUDE

1.3. Impact des activités halieutiques sur la ressource et son environnement

1.3.2. Les impacts sur l’écosystème marin

Un écosystème est une entité très complexe avec de nombreux éléments interactifs. Il peut être défini comme « un système d'interactions complexes de populations entre elles et avec leur environnement » ou comme « le fonctionnement et l'interaction conjointe de ces deux compartiments (les populations et l’environnement) dans une unité fonctionnelle de taille

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variable » (Odum, 1975; Ellenberg, 1973; Nybakken, 1982; Scialabba, 1998).

Les écosystèmes peuvent être considérés à différentes échelles géographiques, à partir d'un grain de sable avec sa microfaune riche, à une plage entière, une zone côtière ou un estuaire, une mer semi-fermée et, éventuellement, la Terre entière. Comme l'a déclaré Lackey (1999), les écosystèmes sont définis à un large éventail d'échelles d'observation « d'une goutte de rosée du matin d'un océan, ... à partir d'un caillou sur une planète ».

Les écosystèmes qui soutiennent la pêche sont, aujourd’hui, soumis à un certain nombre de modifications d'une pertinence significative à leur fonctionnement. En raison de notre compréhension imparfaite de la structure des écosystèmes et leur fonctionnement, et de la difficulté inhérente à distinguer entre les changements naturels et anthropiques, ces derniers ne sont pas toujours parfaitement prévisibles et / ou réversibles (Christensen et al., 1996).

La pêche demeure aujourd’hui comme la première activité humaine ayant eu un impact sur les écosystèmes côtiers (Jackson et al., 2001). Ces impacts de la pêche sur l'environnement ont été abondamment décrits et examinés (Dayton et al., 1995; Goñi, 1998; Kaiser et al., 2003; Gislason, 2003; Agardy, 2000). En effet, la situation de surexploitation est devenue d’autant plus préoccupante que les écosystèmes marins côtiers, s’ils sont souvent les plus productifs, comme notamment les concentrations des poissons juvéniles sur les aires de nourricerie, les peuplements d’invertébrés associés et les habitats eux-mêmes (Minet, 2002), sont aussi parmi les plus sensibles à l’impact halieutique. Les conséquences de la surexploitation des ressources halieutiques sont malheureusement nombreuses et souvent irréversibles. La surexploitation des ressources halieutiques constitue, dans un premier temps, un risque majeur de réduction des stocks d'espèces, visées ou non, et de destruction par effet indirect de l'écosystème marin. Elle peut entraîner la disparition des poissons les plus gros et les plus âgés d'une population ou d'un stock. Ces populations se caractériseront alors par la présence de poissons moins productifs et plus petits (indicateur du déclin des stocks). Mais, attaquer un maillon de la chaîne alimentaire revient à perturber un écosystème dans sa totalité. En ciblant et en réduisant l'abondance des prédateurs de grande valeur, la pêche modifie profondément la chaîne trophique et les flux de biomasse (énergie) à travers l'écosystème (Pauly et Murphy, 1982; Jackson et al , 2001). En effet, si l'on surexploite les grands prédateurs (requins, thonidés, marlin...), les stocks de poissons proies (rang inférieur) ne seront pas régulés et un déséquilibre se mettra en place (Trites, 2003; Cury . et al , 2003). L'enlèvement des prédateurs grâce à la pêche dans les récifs du Kenya a entraîné l'expansion de la population d'oursins, qui

a apparemment conduit à une diminution de coraux vivants et à la perte de la complexité topographique, la diversité des espèces et la biomasse des poissons (McClanahan et Muthiga, 1988). Inversement, si on surexploite les poissons servant de nourriture aux grands prédateurs, ceux-ci vont disparaître faute d’aliment (Bianchi, 2008). L'exemple du déclin des otaries de Steller, en Alaska est significatif. Il a été en partie attribué à la surexploitation de leurs principales sources d'alimentation, en l'occurrence le lieu, le cabillaud et le maquereau21. Les impacts peuvent également altérer les habitats, notamment par la destruction inquiétante de la topographie du fond et les habitats associés (par exemple, les herbiers et les algues, les récifs coralliens) et les communautés benthiques. En ce qui concerne les écosystèmes récifaux, par exemple, ils sont eux aussi victimes étant indirectement compromis par la pêche excessive. En effet, lorsque les poissons herbivores disparaissent des récifs de corail, les algues qui coexistent avec les coraux se multiplient et risquent d'envahir les récifs, en particulier si les eaux ont une forte teneur en azote. Comme elles bloquent souvent la lumière, elles contribuent à la destruction de ces colonies.

On notera aussi l’impact des engins de pêche abandonnés, perdus ou rejetés (EPAPR) sur cet écosystème marin.

Le changement d’échelle des activités de pêche et le progrès des technologies adoptées au cours des dernières décennies se sont traduits par une aggravation considérable de l’impact des engins de pêche abandonnés, perdus ou rejetés (EPAPR) et par l’élargissement des zones géographiques concernées en raison de l’utilisation accrue de matériaux de synthèse, de l’augmentation globale de la capacité de pêche et de l’exploitation de lieux de pêche de plus en plus éloignés et profonds. Les EPAPR sont l’objet d’inquiétudes grandissantes car ils ont de nombreuses répercussions négatives (pollution des océans). En effet, la possibilité que des EPAPR provoquent une «pêche fantôme»22 constitue l’un des impacts les plus graves. L'ampleur des impacts de la pêche fantôme reste fondamentalement inconnue mais il semblerait que ses effets ne soient pas négligeables (Goñi, 1998). Elle dépend de manière spécifique de divers facteurs. Ces facteurs sont entre autres le type d’engin en cause (qu’il ait été abandonné à l’état d’engin en configuration optimale de pêche ou perdu ou jeté là où il est le moins susceptible de pêcher) et la nature de l’environnement local (principalement en

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La capture inutile des ressources halieutiques pendant plusieurs années par des filets perdus ou abandonnés en mer ou dans les océans et affectent significativement les écosystèmes marins.

termes de courants, de profondeur et de localisation). Les impacts environnementaux des EPAPR peuvent être regroupés comme suit :

- capture prolongée d’espèces visées ou non visées. L’état où se trouve l’engin de pêche lors de son abandon est un point important. Par exemple, des filets perdus peuvent fonctionner avec une efficacité de pêche maximale et présenter en conséquence des taux élevés de captures fantômes, alors qu’un EPAPR qui s’affaisse immédiatement et perd son efficacité de pêche aura probablement moins de potentiel de pêche fantôme. Les cadavres des poissons pris dans les filets pourront par ailleurs attirer des espèces nécrophages, qui se prennent à leur tour dans ces filets, d’où un phénomène de pêche cyclique par le matériel en cause. De plus, la pêche fantôme par les filets maillants, les folles et les casiers est probablement plus importante que celle des autres EPAPR.

- interactions avec les espèces menacées ou en danger. Les EPAPR, et plus particulièrement ceux qui sont constitués de matériaux synthétiques non dégradables, peuvent avoir un impact sur la faune marine telle qu’oiseaux marins, tortues, phoques ou cétacés, à la suite de leur ingestion ou par enchevêtrement. De façon générale, l’enchevêtrement est considéré comme la cause de mortalité la plus fréquente.

- impacts physiques sur le benthos. Il est probable que l’EPAPR a un impact limité sur la faune benthique et le substrat du fond marin, excepté s’il rague sur le fond sous l’effet de forts vents ou courants ou du fait des tractions subies lors de sa récupération, cas dans lesquels il peut nuire à des organismes vulnérables tels que les coraux.

- accumulation de matériaux de synthèse dans la chaîne trophique marine. Les matières plastiques modernes ont une longévité pouvant atteindre 600 ans dans l’environnement marin, en fonction des conditions hydrologiques, de la pénétration de rayons UV et du degré d’abrasion physique auquel elles sont soumises. Cependant, on ignore l’impact des fragments et fibres microscopiques de plastique qui sont produits par la dégradation des engins de pêche. Thompson et al (2004) ont examiné l’abondance de particules de plastique sur les plages, ainsi que dans les sédiments estuariens et sublittoraux, et ont relevé une abondance nettement supérieure dans les sédiments sublittoraux.

- accidents et pertes de vies humaines. Il faut reconnaître que l’importance quantitative des EPAPR ainsi que les causes varient selon les pêcheries et à l’intérieur d’une même pêcherie. Si on considère qu’un engin de pêche peut être abandonné, perdu, ou rejeté, il est évident que sa désaffectation peut être intentionnelle ou non. De ce fait, les méthodes mises en œuvre pour réduire les abandons, pertes et rejets doivent être diversifiées en fonction des causes.

Les causes directes peuvent aussi venir de diverses pressions sur les pêcheurs, à savoir : les pressions de surveillance, qui poussent les braconniers à abandonner des engins; les pressions opérationnelles (y compris celles qui sont dues au mauvais temps), qui augmentent le risque d’abandon ou de rejet de matériel de pêche; la pression économique, qui entraîne le choix de rejeter à la mer le matériel inutilisable, plutôt que de l’éliminer une fois à quai; et les pressions spatiales, qui entraînent la perte ou les dégâts aux engins de pêche suite à des conflits portant sur les engins de pêche. Les causes indirectes comprennent le manque d’installations de collecte de déchets marin à terre, ainsi que leur accessibilité et le coût de leur utilisation.

Les tentatives de chiffrage global des déchets marins ne produisent qu’une approche grossière des EPAPR, qui représentent en volume, selon la FAO, moins de 10 % de l’ensemble des déchets marins, tandis que les sources terrestres de déchets marins sont l’origine prédominante en zone côtière.

Notons que les engins de pêche abandonnés, perdus ou rejetés tendent à converger et à s’accumuler dans des zones océaniques, où ils restent souvent durant de longues périodes. Les concentrations massives de déchets marins dans des zones telles que la zone de convergence équatoriale sont plus particulièrement préoccupantes, créant de véritables «radeaux» de déchets divers et variés, tels que différents plastiques, cordages, filets de pêche et déchets liés au fret.

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