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CADRE GÉNÉRAL DE L’ÉTUDE

1.3. Impact des activités halieutiques sur la ressource et son environnement

1.3.1. La surexploitation des ressources halieutiques

1.3.1.1. L’effondrement des stocks halieutiques

Les ressources vivantes des océans ne sont pas infiniment renouvelables (Miossec, 1998). Elles sont vulnérables à une exploitation trop intensive, à une surexploitation des stocks (Miossec, 1998 ; Voituriez, 2003). La situation de la pêche n'a jamais été aussi difficile qu'aujourd'hui et l'on peut raisonnablement s'interroger sur les menaces qui pèsent sur l'avenir de la pêche et des pêcheurs (Denhez, 2008). En effet, depuis le début des années 1990, le niveau de la production mondiale, en prenant en compte les rejets (Alverson et al., 1994), les captures non reportées et la surestimation de la production chinoise (Watson et Pauly, 2001), atteindrait sa limite maximale (Garcia et De Leiva Moreno, 2003), bien que les estimations de cette limite puissent grandement varier selon les études (Pauly, 1996). Les données

concernant les écarts entre les prises et les capacités locales dans les différents pays de pêche montrent que la surpêche est quasi-générale16 ; elle ne se cantonne pas uniquement aux pêcheries industrialisées du Nord mais peut également avoir lieu dans certaines pêcheries artisanales (Dulvy et al., 2003). Selon de nombreuses études, 30% des stocks mondiaux seraient en danger d’extinction et 60% seraient surexploités ; dans les eaux européennes, la plupart de stocks connaissent un état de surexploitation (Laubier, 2003). Selon Dulvy et al. (2003), la pêche serait responsable, sur un total de 133 populations et espèces marines étudiées, de plus de la moitié des extinctions observées au niveau local, régional ou global. Dans le rapport de la FAO de 2010, la production mondiale des pêches de capture marines a atteint son niveau maximal en 1996 (86,3 millions de tonnes), puis a baissé légèrement pour s’établir à 79,5 millions de tonnes en 2008, avec de fortes fluctuations d’une année à l’autre. La proportion des stocks de poissons de mer sous exploités ou exploités modérément est passée de 40 % au milieu des années 70 à 15 % en 2008. En revanche, la proportion des stocks de poissons surexploités, épuisés ou en phase de reconstitution a augmenté, passant de 10 % en 1974 à 32 % en 2008. La plupart des stocks des dix principales espèces pêchées, qui représentent en volume environ 30 % de la production mondiale des captures marines sont pleinement exploités, et il n’existe donc aucune possibilité d’accroissement de la production; par ailleurs, certains stocks sont surexploités, et une augmentation de la production n’est envisageable qu’après la mise en application de plans efficaces de reconstitution des ressources. Les deux principaux stocks d’anchois du Pérou (Engraulis ringens) dans le Pacifique Sud-Est, les stocks de lieus de l’Alaska (Theragra chalcogramma) dans le Pacifique Nord et ceux de merlans bleus (Micromesistius poutassou) dans l’Atlantique sont pleinement exploités. Plusieurs stocks de harengs de l’Atlantique (Clupea harengus) sont pleinement exploités, mais certains sont épuisés. Les stocks d’anchois japonais (Engraulis japonicus) dans le Pacifique Nord-Ouest et de chinchards du Chili (Trachurus murphyi) dans le Pacifique Sud-Est seraient, selon les estimations, pleinement exploités. Il y aurait peut-être des possibilités limitées d’expansion pour quelques stocks de maquereaux espagnols (Scomber

japonicus), qui font l’objet d’une exploitation modérée dans le Pacifique-Est, alors que le

stock du Pacifique Nord-Ouest serait en phase de reconstitution. En 2008, on estimait que le stock de poissons-sabres (Trichiurus lepturus) était surexploité dans la principale zone de

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RAVIGNAN, Antoine de - ALTERNATIVES ECONOMIQUES, n°265, 2008/01, P. 18, http://www.ritimo.org/index.php

pêche du Pacifique Nord-Ouest.

En 2008, les captures totales de thons et thonidés se chiffraient à 6,3 millions de tonnes. Les captures des principales espèces vendues sur le marché germon, thon obèse, thon rouge (trois espèces), bonite et thon à nageoire jaune s’élevaient à 4,2 millions de tonnes, soit une baisse d’environ 0,2 million de tonnes par rapport au pic de 2005. Ces captures provenaient à 70 % du Pacifique. La bonite est le thon tropical le plus productif vendu sur le marché (environ 57 % des captures des principales espèces de thons en 2008); le thon à nageoire jaune et le thon obèse sont d’autres espèces tropicales productives (environ 27 et 10 % respectivement).

Selon la FAO (2010), la plupart des 23 stocks de thons sont, à peu de chose près, pleinement exploités (peut-être jusqu’à 60 % des stocks), d’autres sont surexploités ou épuisés (jusqu’à 35 % peut-être), et quelques stocks seulement semblent sous-exploités (stocks de bonites, principalement). En effet, le thon a toujours fait partie d'une des espèces les plus importantes dans le monde de la pêche (Cazeils, 2004). Toutefois, il n’est pas souhaitable d’accroître les captures de bonites, car cela pourrait avoir une incidence négative sur les thons obèses et les thons à nageoire jaune. A long terme, la demande très soutenue de thon et la surcapacité des flottes de pêche au thon devraient déboucher sur une nouvelle détérioration de l’état des stocks de thons (et par conséquent des captures) si on n’améliore pas la gestion de ces stocks. Pour Charles Clover (2008), la pêche moderne a conduit, en cinquante ans, à la disparition de 90 % de la biomasse des grands prédateurs océaniques (thons, baleines, requins…).

Bref, en l'espace d'un siècle et demi, des ressources qu'on pensait inépuisables ont été poussées au bord de l'effondrement par une surpêche qui prélève plus de cent millions de tonnes de poissons par an dans le monde. En pêchant toujours plus loin, toujours plus profond, l'homme est en train de transformer les océans du globe en désert liquide (Cury et Miserey, 2008). Des bateaux et des technologies toujours plus performants ne laissent aucune chance aux poissons. Du bateau-usine à la pirogue, toutes les embarcations capturent des espèces réputées inaccessibles ou non consommables. Le pillage est systématique et aveugle, car il est particulièrement difficile de sélectionner les espèces capturées. A ce rythme, ce sont des maillons entiers de la chaîne alimentaire marine qui ont déjà été rayés de la liste du vivant, avec comme conséquence, à terme, une déstabilisation inquiétante de tout l'écosystème marin. En effet, attaquer un maillon de la chaîne alimentaire revient à perturber un écosystème dans sa totalité. Ainsi, l'effondrement brutal et irréversible des ressources halieutiques n'est plus une hypothèse fantaisiste. Il convient tout de même de souligner que la

dégradation de la ressource halieutique n'est pas due uniquement à la pêche, mais aussi à la pollution, au changement climatique (Dauvin, 2002 ; Corlay, 2004 ; Le Sann, 2008). Les stocks sont aussi vulnérables aux modifications simplement écologiques qu’impose la nature : par exemple, les effondrements périodiques des pêches péruviennes du fait de l’existence du courant El Ni!o (phénomène El Niño, responsable des spectaculaires irrégularités dans l’abondance des stocks d’anchois et de sardines au large des côtes péruviennes et chiliennes).

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