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SITUATION ACTUELLE DE LA PÊCHE DANS LES PROVINCES DE L’ESTUAIRE

Carte 8 : Densité de poisson dans la zone nord et sud du Cap Lopez en

5.3. L'impact de la pêche sur l'environnement

Du fait de l’absence de suivi scientifique des pêcheries industrielles et artisanales dans la ZEE du Gabon, il n’existe pas de données au sujet des impacts possibles de la pêche sur l’environnement. Les autorités gabonaises ne disposent que d’informations très partielles sur le travail des navires licenciés, y compris les caractéristiques des engins utilisés.

5.3.1. L’impact de la pêche crevettière côtière sur l’environnement

Concernant les pêcheries de crevettes côtières, les impacts de cette pêche sur l'environnement commencent à être relativement bien connus grâce aux données collectées dans plusieurs pêcheries mondiales. Il est de notoriété internationale que la pêche chalutière crevettière est peu sélective. Pour chaque kilogramme de crevette capturée, on estime que ce sont en moyenne 5,2 kg de poissons qui sont également pris à bord, et souvent rejetés car intégrant des espèces non-commercialisables et/ou de petites taille (Alverson et al, 1994). Ce ratio moyen tient compte de pêcheries "sales" (pêcherie crevettière de Trinidad & Tobago) qui a un ratio de 1 pour 14, et des pêcheries plus propres, comme la pêcherie crevettière du Sénégal à 1 pour 3 environ. Il n'existe pas de données relatives à la composition des prises accessoires au Gabon. On peut simplement supposer que vu la taille des mailles des chaluts (40 mm), les prises accessoires doivent inclure toutes sortes de poissons dont les juvéniles d'espèces commerciales qui passent les premiers stades de leur existence dans les zones propices à la pêche à la crevette (zones côtières peu profondes riches en apports terrigènes). Les pêcheries crevettières côtières sont également régulièrement mises en cause pour les mortalités accidentelles de tortues marines qu'elles génèrent. La pêcherie gabonaise ne fait probablement pas exception, d'autant plus que les plages du pays sont des sites remarquables de reproduction. Il n'existe aucune donnée sur l'ampleur de ces prises accidentelles responsable de la pollution du milieu marin.

Le caractère non-sélectif des pêcheries crevettières a fait l'objet d'attentions particulières. L'axe principal de recherche a été la modification des chaluts utilisés, avec l'introduction de panneaux ou de dispositifs permettant l'échappement des espèces prises accidentellement. Il existe maintenant des dispositifs de nappes séparatrices qui permettent aux poissons de s'échapper, mais avec un fonctionnement qui n'est pas satisfaisant. Pour le cas spécifique des tortues marines, l'introduction de grilles (les Turtle Excluding Devices) donne des résultats fiables et ont pu être intégrée dans la législation de certains pays.

5.3.2. La pêche chalutière de crevettes profondes

La pêche de la crevette profonde se pratique à l’aide de chaluts de fonds à panneaux comparables à ceux utilisés pour exploiter la langoustine dans les eaux européennes. Ces chaluts sont prévus pour bien décoller les espèces du fond, incluant l’usage possible de

racleurs type chaînes, et ont une ouverture verticale limitée, inférieure à 2 m. L'impact de la pêcherie de crevette profonde sur l'environnement peut être apprécié par comparaison avec les études qui ont été réalisées en Angola. A l'occasion de campagnes océanographiques menées avec des engins de pêche expérimentaux (campagne du Viszconde de Eza), on a pu évaluer que la capture d'1 kg d'A. varidens s'accompagne de la capture de 3 à 7 kg de merlus, et que la capture d'1 kg de P. longirostris s'accompagne de la prise de 3 à 25 kg de Sparidae. Par analogie avec les pêcheries de langoustines dans les eaux européennes, la présence de merlus dans les traits de chaluts à faible ouverture verticale laisse présager qu’il s’agit de formes juvéniles qui vivent plus près du fond que les adultes.

La zone de travail des chalutiers profonds correspond à l'aire de distribution de certains coraux profonds type Isididae ou Lophelia. Encore une fois, il n'existe aucune donnée spécifique quant à une éventuelle coïncidence des zones de travail des chalutiers et des zones de coraux dans les couches profondes des eaux du Gabon.

5.3.3. La pêche de poissons au chalut

Concernant les pêcheries chalutières de poissons, on ne dispose également d'aucune donnée sur leur impact environnemental au Gabon. Cette pêche se pratique probablement à l’aide de chaluts de fonds simples à panneaux sur fond mou, comme la pêche crevettière, et on peut supposer que l'impact sur l'environnement benthique est limité. Compte-tenu de la taille des mailles préconisée (40 mm, comme pour la crevette), on peut supposer que les taux de captures accessoires sont élevés et que des quantités importantes de poissons non commercialisables sont rejetées. Par ailleurs si les chalutiers chinois pêchent de la même manière que dans d’autres pays d’Afrique de l’ouest (Mauritanie par exemple), on ne peut exclure qu’ils travaillent en paire (chalutage en boeuf). Cette technique permet de traîner des chaluts d’une ouverture horizontale bien supérieure à celle des chalutiers simples classiques, avec donc un impact plus important.

5.3.4. Les habitats benthiques

En ce qui concerne la pêche dans les eaux côtières, il s’agit de fonds vaseux avec une turbidité en générale forte, des fonds meubles riches en matière organique, des eaux saumâtres (embouchures de rivières, zones lagunaires) et une présence fréquente de mangrove. Les

facteurs de risques concernant l’habitat sont attribuables pour la pêcherie industrielle aux effets de chalutage sur le fonds. Puisque les fonds exploités sont des fonds meubles détritiques, il est possible de présumer un impact relativement faible. Cependant, aucune information sur le degré réel de cet impact n’est disponible.

Le chalutage dans les eaux profondes présente un risque d'atteinte aux colonies de coraux profonds. Les informations issues de la campagne océanographique menée par l'Espagne en 2002 et les témoignages de représentants du Gabon qui se trouvaient à bord font état de débris de coraux profonds dans les chaluts. Le Southampton Oceanography Institute (UK) signale également la présence possible de coraux type Lophelia pertusa dans la zone gabonaise84. Dans le cas du Gabon, les pêches profondes sont spécialisées dans la crevette. On ignore si les chalutiers ciblant cette espèce travaillent sur des fonds susceptibles d'abriter des coraux ou s'ils s'en tiennent à l'écart.

La seule façon de s’en assurer est d’embarquer des observateurs scientifiques à bord, ce qui n’est pas envisagé par la DGPA à l’heure actuelle.

Conclusion

Les impacts des activités de pêche sont bien réels aussi bien sur les ressources que sur l’écosystème. En effet, malgré l’absence d’une réelle étude d’évaluation de ces impacts dans les deux pêcheries étudiées, l’analyse des données recueillies montre des profondes diminutions de l’abondance des ressources halieutiques, notamment pour les espèces dites nobles (les espèces démersales), très prisées pour leur valeur commerciale. Cet argument est soutenu grâce aux études (campagnes d’évaluation de la biomasse et du potentiel exploitable) déjà menées sur ces pêcheries, même si elles sont anciennes et demandent à être renouvelées. En effet, ces études montrent que le potentiel exploitable de certaines espèces telles que la crevette est souvent dépassé et crée par conséquent une surexploitation. Aussi, la zone côtière située entre 0 et 100 m de profondeur est la plus affectée par la diminution de l’abondance des ressources et particulièrement la zone du Nord du Cap Lopez, dans la province de l’Estuaire où se trouve la majorité des professionnels des deux sous secteurs (industriel et artisanal).

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Par ailleurs, les impacts sur les autres espèces et sur l’environnement sont également à relever dus à l’usage des engins et techniques souvent peu adaptés à une activité dont l’exploitation des ressources doit être responsable pour la gestion et le développement durable du secteur des pêches au Gabon et notamment dans ces deux provinces.

Dans le prochain chapitre de cette étude, il sera donc question d’analyser l’influence ou encore la place de ces activités de pêche au plan économique, social et organisationnel. Il sera aussi important de voir la participation du secteur des pêches dans le développement de ces deux provinces.

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