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CADRE GÉNÉRAL DE L’ÉTUDE

1.3. Impact des activités halieutiques sur la ressource et son environnement

1.3.1. La surexploitation des ressources halieutiques

1.3.1.2. Le gaspillage et la pêche illicite

La problématique de la surexploitation des ressources en mer n’est pas simplement le fait d’une augmentation des débarquements, elle est aussi due à l’importance des captures considérées par les marins pêcheurs comme inutiles et donc rejetées en mer, ou encore aux produits invendus, d’une part, mais également au développement de la pêche illicite, d’autre part.

a) Le gaspillage des ressources halieutiques

Les pêches chalutières, industrielles ou artisanales, très largement répandues, capturent d’importantes quantités de poissons dont certains sont commercialement intéressants, d’autres moins, voire pas du tout : c’est ce que l’on appelle le" faux-poisson"(Corlay, 2004). Il faut dire que le gaspillage est actuellement intense : une partie des captures n’est pas commercialisée, pour cause de fraîcheur douteuse ou de marché sans intérêt (Miossec, 1998). En effet, du fait des carences en infrastructures et installations commerciales et des températures tropicales, le pourcentage de pertes après capture et de détérioration de la qualité des produits est élevé dans les pays en développement, avec les risques que cela comporte pour la santé du consommateur : en Afrique, on estime ces pertes entre 20 et 25 % selon la FAO.

Une part importante des captures est rejetée après parce qu’elles sont prises accidentellement et sont sans intérêt commercial (oiseaux de mer, requins, tortues, etc.) (FAO, 2009). En effet, la plupart des activités de pêche ne sont pas suffisamment sélectives pour ne retirer de l'océan que les mises souhaitées et, ne le seront probablement jamais. Cela conduit à la capture accidentelle d'autres espèces (prises accessoires). Il est difficile de quantifier le volume total des prises accidentelles, étant donné le manque d’informations, mais aussi du fait que les

définitions du phénomène varient d’un Etat à l’autre. Toutefois, une première tentative d'aborder la question au niveau mondial a été faite dans les années 1990 par la FAO (1997c) et la première estimation de l'ampleur mondiale du problème (environ 27 millions de tonnes de ressources déversés par an, ces taux pourraient atteindre les 39,5 millions de tonnes métriques) a été publié par cette organisation (Alverson et al., 1994). Un récent examen de la question a été entrepris par Cook (2003). Ces chiffres impressionnants ne représentent pourtant pas la mortalité totale (et inconnue), qui comprend notamment les poissons dit «échappés». 10 à 30 % selon les cas sont récupérés et expédiés vers la réduction minotière, l’essentiel étant rejeté à la mer avec les abats de la transformation du poisson à la mer. L'effet est d'augmenter la disponibilité de la nourriture pour les espèces au trésor (y compris les oiseaux de mer) et, lorsqu'elle est concentrée dans le temps, peut entraîner une anoxie17 locale de l'environnement marin. Le phénomène concerne les pêches des pays du Nord mais aussi celles du Sud, en particulier les pêches crevettières : en Afrique, les premiers responsables de cette situation sont les pêcheurs des bateaux étrangers notamment ciblés sur la crevette. Les crevettes se pêchent dans les petits fonds côtiers faunistiquement très riches or, 1 kg de crevette pêché prélève entre 8 et 10 kg de poissons divers perdus car rejetés, alors que ces zones côtières constituent les principales zones de travail des pêches artisanales vivrières de ces pays. S’y ajoutent les pertes au moment du débarquement, surtout dans les pays du Sud où les infrastructures de mise en vente sont déficientes, les pertes liées au traitement industriel des captures (le filetage d’un poisson génère 40 à 50 % de son poids en déchets) et les pertes dues aux mécanismes de certains marchés ; ainsi, l’Union Européenne protège ses pêcheurs en fixant des prix planchers aux espèces vendues en criée, ce qui est une bonne mesure en soi, mais conduit à retirer du marché une part non négligeable des débarquements qui rejoint la réduction ou les déchets18.

Enfin, une grande partie des captures (pêches minotières) sert à fabriquer des farines pour engraisser des animaux. En effet, plus de 40 % des captures mondiales sont ainsi transformées

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La diminution ou l’absence d’oxygène du milieu marin. On parle d’anoxie dès que la consommation d’oxygène devient supérieure aux apports ou à la production, le taux d’oxygène peut diminuer et passe sous le seuil de 1 mg/L. (Antoine Chaudon, 2005).

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Depuis quelques années, devant cette situation très contestable, l’Union européenne a mis en place un système

de reports qui permet de stocker certaines quantités retirées du marché du frais afin de les transformer en

en farine et huile19. Cependant, le paradoxe est dans les chiffres : il faut 15 kg de poisson pour fabriquer 2,7 kg de farine de poisson qui vont entrer dans la fabrication de nourriture permettant de produire un saumon de 3 kg (Miossec, 1998). Certes, ces dernières années, les prises destinées à la transformation n’ont cessé de baisser. En revanche, la production de farine de poisson est demeurée stable, à mesure que cette production adoptait davantage comme matière première les déchets provenant de la transformation du poisson. La demande de farine de poisson a été vigoureuse en 2009, ce qui a entraîné une poussée très marquée des prix au cours de l’année. C’est la Chine qui reste le principal marché pour la farine de poisson.

En 2009, la production totale d’huile de poisson des cinq principaux pays exportateurs, à savoir le Pérou, le Chili, l’Islande, la Norvège et le Danemark, s’est chiffrée à 530 000 tonnes, soit une baisse de 100 000 tonnes par rapport à 2008. Le cours de l’huile de poisson a atteint 950 dollars EU/tonne en mars 2010, soit 50 % de plus qu’un an auparavant (FAO, 2010). S’agissant de l’huile de poisson, la part revenant à l’aquaculture est encore plus importante que pour la farine de poisson, puisque près de 85 % de la production sont utilisés comme ingrédient pour l’alimentation du poisson et des crevettes.

Notons que de nombreuses voix s’élèvent aussi pour dénoncer ces pêches minotières (entre 30 et 35 millions de tonnes par an) qui détournent une part importante du potentiel vers les élevages industriels avicoles et, de plus en plus, vers les filières d’aquaculture intensive, dont les productions sont destinées à une clientèle ne souffrant pas, en général, de déficit protéique.

b) La pêche illicite, non déclarée et non réglementée (PINDNR) et ses impacts

Notons qu’avec la révolution technique et technologique et l’émergence des pays du Tiers- Monde dans le secteur des pêches, la situation de la pêche est devenue problématique. En effet, dans le passé, quand déclinait la rentabilité d’une zone, les flottilles changeaient d’endroit ou de variété d’espèce à capturer. Aujourd’hui, les zones accessibles à tous sont limitées (ZEE) et les ressources de plus en plus rares (Miossec, 1998). Ce qui a eu pour effet, le développement de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée. En effet, la pêche INDNR est désormais un problème mondial et s’observe dans la quasi-totalité des pêcheries

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Du nord au Sud, pêcher pour vivre, aquaculture.

http://www.ritimo.org/dossiers_thematiques/peche/peche_intro.html, Ritimo, Crisla, décembre 2007, dossier mis

de capture, depuis les pêcheries relevant de la juridiction de pays côtiers jusqu’à la pêche en haute mer. Il est de plus en plus communément admis que la pêche INDNR vide de leur substance les mesures nationales et internationales de conservation et de gestion des ressources et conduit à l’épuisement de ces dernières.

Il y a de nombreuses formes de pêche illicite : la pêche sans licence, des registres de captures mal renseignés, la pêche dans les eaux fermées aux captures, ou encore la pêche à l’aide d’engins interdits ou captant des poissons trop petits. On estime que d’ici 2020, cette pratique représentera 10 milliards d’euros de pertes au niveau des captures (ce qui place la filière PINDNR au rang de deuxième producteur mondial de poisson en termes de valeurs, juste derrière la Chine), 8 milliards d’euros au niveau des stocks, et 27. 000 emplois détruits, dans la filière pêche.20Cette pêche compromet gravement la gestion durable des ressources marines à l’échelle mondiale, puisqu’elle a également un coût écologique élevé. A l’heure où 75 % des stocks halieutiques mondiaux sont exploités à leur niveau maximum, voire surexploités par la pêche licite, la PINDNR est un mal insidieux qui menace d’aggraver une situation déjà préoccupante. Cette menace pèse également sur les écosystèmes marins vulnérables, alors même que la communauté internationale s’efforce de protéger ces écosystèmes contre les pratiques de pêche destructeurs.

En Guinée par exemple, la pêche illicite, non déclarée, non réglementée (PINDNR) ruine les pêcheurs artisans et les stocks de poisson. Le pays est particulièrement touché par l'incursion de navires à pavillon de complaisance dans les zones réservées aux pêcheurs artisans (Gorez et Bours, 2005 ; Brun, 2006); il perd ainsi 34 100 tonnes de poisson (par rapport aux 54 000 tonnes de prises des bateaux guinéens et aux 70 000 emplois directs) (Brun, 2006). Las Palmas (Grande Canarie) est la porte d'entrée de ce poisson vers l'Europe.

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