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Partie 1 : Etat de l’art

2. Qui sont les clients internes et leurs attentes ?

2.2. Les prescripteurs

Les prescripteurs ou clients internes sur un site sont nombreux et d’horizons vraiment très différents. Sur un site comme AREVA-NP Romans qui compte environ 800 personnes il y a environ 150 à 200 personnes qui sont potentiellement habilités à émettre une demande d’achat sous l’ERP17 utilisé : « SAP ». Bien évidemment cela

n’empêche pas aux autres personnes du site d’exprimer des besoins qui sont traduits par les personnes habilités sous ERP. En effet, avant de se faire par informatique les

14 Risk-manager : Capable d’organiser la gestion des risques, il a vocation à gérer les risques de

l'entreprise qui l'emploie. Dans le cadre des achats en protégeant par exemple la propriété intellectuelle ou en contrant des réclamations fournisseurs.

15 Design to cost : Conception à coût objectif (CCO) consiste à intégrer l’optimisation du « coût »

du produit dès sa conception.

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Make or buy : analyse qui permet de déterminer si l’outil de production interne est adapté à la production d’un produit ou s’il vaut mieux acheter l’existant.

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ERP : Acronyme qui signifie « Enterprise Ressources Planning ». Applications dont le but est de coordonner l'ensemble des activités d'une entreprise (activités dites verticales telles que la production, l'approvisionnement ou bien horizontales comme le marketing, les forces de vente, la gestion des ressources humaines, etc.) autour d'un même système d'information.

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échanges avec un acheteur sont d’abord verbaux : via le téléphone ou au minimum en face à face, quand les personnes sont sur le même site. C’est déjà cette multitude de demandes qui va falloir gérer et hiérarchiser dans l’équipe d’un service achat où chaque acheteur/approvisionneur aura une quantité importante de demandes à gérer. Le second point est effectivement la pluridisciplinarité des clients internes qui viennent de tous les services d’un site ou de plusieurs sites. Nous pouvons donc avoir des demandes de service comptable, juridique, production, qualité, R&D, méthodes, ressources humaines, maintenance, projet, etc. A ceux-ci vont s’ajouter les profils des clients internes qui peuvent, là aussi, varier énormément. Nous pouvons donc retrouver des chefs d’installation (dans le cadre d’un site nucléaire) ou des chefs d’atelier, des assistantes de service, des opérateurs, des techniciens, etc. Pour autant, quel que soit leur profil, leur demande sera à satisfaire. Par contre le degré de service et d’urgence ne sera effectivement pas le même si une assistante nous demande de lui approvisionner des crayons pour son service (souvent elle le fera par elle-même, acheteur délégué), vis-à-vis d’une demande du chef d’installation de la fabrication des assemblages combustible qui a besoin d’une assistance technique pour dépanner une machine tombée en panne inopinément. C’est effectivement là l’art de l’acheteur et de son réseau de clients internes qui va connaitre et discerner, pour des cas plus subtils, le juste nécessaire et les différents degrés d’urgence des demandes qu’il recevra.

N’oublions pas aussi que l’acheteur ne doit pas attendre les demandes, il doit les dominer, aller à leur rencontre. En effet, il doit animer des revues périodiques avec ses clients internes principaux pour détecter et anticiper leurs besoins à venir. Ceci pas uniquement pour l’exercice annuel budgétaire mais pour lisser sa charge et lui dégager du temps pour pouvoir réaliser son travail correctement et ainsi donner de la cohérence et le plus d’impact possible à ses demandes envers son portefeuille de fournisseurs. Car n’oublions pas non plus que l’acheteur doit posséder cette ambidextrie à savoir gérer ses clients internes et ses relations fournisseurs. Ces dernières passant justement par la visibilité que l’acheteur sera leur donner en ayant regroupé par exemple de multiples demandes de différents clients internes.

D’après

M.Pellicier (2014-2015),

selon le secteur d’activité et la stratégie d’entreprise, les clients internes ont des rôles différents :

 « Experts techniques » : Ils connaissent souvent mieux que l’acheteur et que quiconque leur besoin avec toutes les caractéristiques qui y sont liées. Ils savent définir le niveau de qualité exigé pour répondre aux

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besoins par exemple des standards de l’entreprise ou normes industrielles en application. De plus, ils connaissent en général aussi le marché fournisseurs avec ceux qui seront capables de répondre favorablement à leur besoin. Ils ont un estimatif assez proche de la réalité du prix associé à leur demande (le budget doit être donc cohérent). Le plus appréciable pour l’acheteur qui travaillera avec eux c’est que le cahier des charges est en général détaillé pour pouvoir consulter correctement les fournisseurs.  « Le demandeur » : Souvent la demande sera simpliste et, à l’inverse de

l’expert technique, il ne rédige pas de cahier des charges et ne connait encore moins le marché fournisseur capable de répondre favorablement à sa demande. Souvent le demandeur est un client interne qui va sortir de sa zone de confort ou de son scope opérationnel pour faire une demande exclusive pour lui. Nous pouvons prendre l’exemple d’un responsable de maintenance qui a l’habitude d’acheter des pièces sur plan et des composants mécaniques. Cette personne a besoin d’acheter un bungalow. Dans ce cas il devient simple « demandeur » c’est-à-dire que sa valeur ajouté va se limiter à définir son besoin (superficie nécessaire, sanitaire, place au sol définie pour l’entreposer etc.). L’acheteur aura alors par la force des choses une place prépondérante en amont du projet pour rédiger le cahier des charges avec « le demandeur ». Attention cela n’enlève rien au fait que « le demandeur » garde son pouvoir de décision et de pondération des différents critères définissant son besoin.

 « Les consommateurs finaux ou utilisateurs » : Leur rôle est encore plus simple car ils se soucient uniquement du fait que le produit ou service arrive et soit conforme au besoin qu’ils en ont. Ils ne se préoccupent pas du tout en amont du processus achat et des étapes qui ont précédé l’arrivée du produit ou service sur le site.

Nous pouvons donc facilement imaginer que les missions de l’acheteur seront différentes selon la catégorie de client qu’il aura en face de lui pour définir leur besoin. Ceci sans perdre de vu que, comme présenté précédemment sur la « figure 11 : Chaine de Valeur de Porter (2003) », le service achat fait partie des activités de soutien aux activités de base. Cela implique que les clients internes appartenant aux activités de base ont une responsabilité très importante dans les missions et le

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déroulement du processus du site auxquels ils appartiennent. Car la finalité est la même pour tous « satisfaire le client final ».

Attention aussi, le rôle de l’acheteur ne diffère pas seulement sur le seul paramètre de catégorie de client interne qui le sollicite. Le type d’achat conditionne pour beaucoup ses actions et même sa stratégie pour mener à bien ses missions. La référence étant la définition de la stratégie des familles d’achat présenté par exemple par la matrice de

Kraljic (1983)

« figure 12 ». Nous pouvons faire un parallèle avec les différentes demandes qui peuvent être formulées par les clients internes et le type d’achat ou plutôt de stratégies qui vont être déclenchées ensuite pour les satisfaire. Car, même si nous avons traité dans l’analyse de ce mémoire les clients internes et la direction dans deux parties distinctes, la façon dont le service achat va les traiter vis- à-vis de sa stratégie, découlera toujours de la stratégie d’entreprise (voir partie « I -1) La performance Entreprise Vs performance service achat »). Prenons un exemple : Un client interne, quel que soit son profil et ses responsabilités, me demande de lui fournir une prestation de maintenance pour un équipement. Un autre client d’un atelier voisin me fait une demande pour une prestation de maintenance d’un équipement similaire. L’objectif primaire est de contenter deux clients internes qui m’ont formulé une demande suite à un besoin. La stratégie d’entreprise et les objectifs qui en découlent sont de réaliser une performance budget de X €, d’harmoniser les actions transverses sur les sites (contrat de maintenance par exemple). Pour y répondre je vais donc prendre en compte les deux demandes en lançant une seule et unique consultation qui regroupera les deux besoins. Je pourrai même en anticipation et en ayant consulté au préalable tous les clients internes ayant les mêmes équipements (sur le site voir même sur plusieurs sites), mettre en place avec eux un contrat de maintenance pour la prise en charge de tous ces équipements. Cet exemple illustre parfaitement comment de deux demandes je peux répondre à la stratégie d’entreprise que j’ai décliné dans mon service et satisfaire

l’intégralité de mes clients internes ainsi que mon fournisseur. En effet cette

action lui donnera de la visibilité sur le long terme au lieu de le solliciter au coup par coup sans lui permettre de s’organiser et de se gréer correctement.

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Figure 13 : Matrice de Kraljic (1983)

Comme

M.Pellicier (2014-2015)

le fait pour les clients internes,

P.Y. Barreyre

et D. Lentrein (1988)

abordent les différents rôles de l’acheteur dans son entreprise :

 « L’initiateur » : Dans ce cas-là, les idées viennent de lui et il est force de propositions mais n’a en aucun cas le pouvoir de décision. Il peut en fonction de sa connaissance de son panel ou marché fournisseur orienter techniquement un service qui est dans le besoin. Il pourra alors fournir des informations de type « technico-économiques » qui limiteront les risques à choisir une solution technique plutôt qu’une autre.

 « Le facilitateur » : C’est une des subtilités du positionnement de l’acheteur entre les fournisseurs et les clients internes. Il pourra effectivement jouer ce rôle avec des fournisseurs de type « partenaire » en donnant des informations utiles ou des engagements d’investissements pour faire avancer un projet. C’est effectivement dans ce rôle aussi que l’acheteur va montrer la plus-value qu’un client interne a à passer par lui plutôt que de contacter en direct un fournisseur.

 « Le leader » : Dans ce rôle l’acheteur va assumer totalement les différentes étapes passées du processus avec les risques associés. Bien

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évidemment les étapes sont passées en collaboration avec d’autres services de l’entreprise.

Nous pouvons mesurer les différents degrés d’implication de l’acheteur dans le processus qui le lie aux différents clients internes du site. Nous pouvons donc faire l’exercice de croiser les rôles des clients internes avec ceux des acheteurs pour mettre en évidence les comportements associés aux besoins.

Figure 14 : Les rôles du client interne Vs les rôles de l'acheteur (C.Blay 2017)

En résumé l’expert technique sera donc attaché à un acheteur plutôt de type facilitateur dans le sens où toutes les composantes « définitions du besoin » seront très bien définies par le client interne. L’acheteur jouera donc le rôle de facilitateur avec le fournisseur afin de tirer le maximum de la demande. Dans le cas où le client est un demandeur, l’acheteur sera alors initiateur car beaucoup plus entreprenant mais tout en laissant le pouvoir de décision au client interne. Enfin dans le rôle du client simple utilisateur, l’acheteur jouera le rôle de leader afin de s’occuper et d’assumer pleinement les risques qu’il pourra prendre lors de ses décisions.

L’acheteur à travers ces différents rôles doit convaincre ses clients internes de son utilité et de l’avantage qu’ils tirent à passer par lui. Le résultat sera donc à double tranchant si les clients sont satisfaits du service ils lui confieront alors d’autres besoins. A l’inverse, ils passeront outre les achats pour à minima prendre toutes les informations nécessaires et utiliser le service achat comme un lanceur de commande.

49 Synthèse :

En résumé de cette deuxième partie nous avons défini qui sont les clients internes du service achat en les regroupant sous deux catégories : les membres de la direction et les prescripteurs. Nous avons vu pour chacun d’eux qui ils pouvaient être en précisant à chaque fois leurs rôles et leurs attentes. Nous avons fait le lien avec les différents profils d’acheteurs existants en les associant aux profils des clients internes. Bien évidemment les critères de performance restent dans leur base. Fortement teinté finance pour la direction et plutôt qualité ou délais pour les prescripteurs opérationnels qui se soucient plus d’avoir leur pièce ou service en temps et en heure et surtout conforme à leurs attentes. Nous avons vu dans la partie précédente que cela n’empêche pas un échange bilatéral (« double loop learning ») entre les objectifs et indicateurs (KPIs) de la direction, déclinés sur les sites et justement les objectifs et indicateurs des services. C’est le principe même de l’amélioration continue avec un rebouclage dans les deux sens et non pas exclusivement du haut de la pyramide vers sa base.

Cette partie nous a permis de mettre en évidence que l’acheteur est un acteur aux multiples facettes dans son entreprise. Il doit être compétent dans son domaine de prédilection même si cela, comme beaucoup de métiers basés sur le contact et les échanges intra-services, ne suffit pas. Il doit aussi être le lien entre les strates internes de l’organisation de son entreprise ainsi que l’externe regroupant entre autres les fournisseurs.

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