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Partie 3 : Préconisations

2. L’acheteur chef de projet

Tel un chef d’orchestre, l’acheteur est en quelque sorte un chef de projet. Nous avons vu très clairement à travers l’étude empirique que l’un des enjeux principal pour un service achat est celui de protéger son environnement interne des risques extérieurs « risk manager ». Nous pouvons aussi souligner que tel un chef de projet, l’acheteur doit commander une prestation avec un budget limité et en respectant des jalons majeurs à la survie de son projet. Enfin, l’acheteur gère des ressources internes et externes en s’assurant de la valeur ajoutée de chacune d’elles.

2.1.

L’acheteur « risk-manager »

Dans tous les projets, le chef de projet évalue les risques potentiels et en les hiérarchisant, il effectue des provisions pour pouvoir y répondre en cas d’occurrence. Les objectifs recherchés dans toute analyse de risque dans la conduite de projet sont :

 Le respect de la qualité (performances, processus, spécifications),  Le respect du coût,

 Le respect du délai.

Nous avons souligné dans la revue de littérature que ces trois objectifs, même s’ils sont restrictifs, existent depuis toujours et sont la base minimale dans les missions de l’acheteur (figure 9 Vs figure 10).

Plusieurs outils sont à la disposition de l’acheteur ou du chef de projet pour mener à bien une analyse des risques. Le plus utilisé étant l’AMDEC21, qui signifie « Analyse

des modes de défaillance, de leurs effets et de leur criticité ». L’intérêt de cet outil ou de tous les autres est d’impliquer un maximum de personnes en lien avec le projet. Ceci est primordial dans le travail de l’acheteur qui, nous l’avons vu dans la partie précédente, ne doit pas être un solitaire. Pour que le travail soit efficace et exhaustif il faut qu’il soit partagé avec le plus grand nombre. Cela permet de récupérer un maximum d’informations et d’être ainsi au plus proche du besoin. En effet, un point qui peut paraitre majeur pour un acheteur ne le sera peut-être pas pour l’utilisateur final du produit. Enfin, l’intérêt étant aussi, ne nous le cachons pas, de mettre chaque acteur en face de ses responsabilités.

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AMDEC : Outil d’analyse de risque, chaque mode de défaillance étant approché en identifiant, ses causes et indice de fréquence, ses effets et indice de gravité, les mesures mises en place pour détecter la défaillance et l'indice de détection. Le produit de ces trois facteurs donnant la criticité et selon son seuil on engage des actions correctives ou pas.

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L’acheteur dans sa grille d’évaluation peut aussi décider d’agir ou pas sur des risques en les positionnant dans une « matrice de criticité » figure 42.

Figure 42 : Matrice de criticité

Il arrive aussi que l’acheteur ait à gérer des réclamations « claims » entrantes ou sortantes. Dans le premier cas il se peut que l’acheteur ne les voit pas arriver suite à des litiges sur un chantier ou parfois même suite à un changement brutal de rythme sur un projet. C’est alors le fournisseur qui envoie une réclamation au service achat en manifestant officiellement son mécontentement et en demandant des réparations, souvent d’ordre financières. Dans le cas d’une réclamation sortante, l’acheteur doit être informé de l’intention de son client ou d’autres protagonistes de son site d’effectuer une réclamation auprès du fournisseur pour un non-respect contractuel. Il existe plusieurs stratégies projets ou d’entreprise pour le déploiement de tels outils. Chez AREVA-NP, les réclamations sortantes sont souvent utilisées comme « contre- réclamation » c’est-à-dire pour contrer une attaque non justifiée d’un fournisseur.

L’objet de cette étude n’est pas de citer tous les outils qui peuvent contribuer à l’analyse de risque dans un projet mais nous pouvons aussi mentionner dans le cas d’une étude de marketing achat

« les cinq ou six Forces de Porter »

figure 43 qui vont permettre d’identifier les facteurs clefs de succès à travers la structure concurrentielle d’un projet ou d’un produit.

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Figure 43 : Les 6 forces de Porter

L’acheteur devra donc anticiper tous les risques internes ou externes des projets qui lui seront confiés afin de protéger son client interne et son entreprise et ainsi gagner la confiance de ces derniers qui attendent beaucoup de ce service. 86% des personnes interrogées au questionnaire ont jugé ce critère indispensable ou très important à leurs yeux.

2.2.

L’acheteur « cost manager »

Sur ce point, il existe de nombreux outils qui permettent à l’acheteur de mener à bien sa mission en tant que chef de projet. Comme nous l’avons vu précédemment nous partons tout d’abord du principe que le client va communiquer son budget à l’acheteur, associé à l’expression de son besoin et son cahier des charges (selon le type de client voir partie a) acheteur pédagogue interne). Nous pouvons nous appuyer une fois de plus sur l’étude empirique qui a révélé que 61% des clients internes communiquent systémiquement ou souvent un budget à leur demande et 81% un cahier des charges.

Dans ce cas précis où l’acheteur possède un budget, son rôle sera au minimum une tenue du budget et au mieux une performance budgétaire, c’est-à-dire un coût d’achat en dessous du budget. C’est justement avec cette casquette là que l’acheteur

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va pouvoir demander une décomposition des coûts d’une offre pour pouvoir comprendre comment est réalisée la structure de coût du fournisseur et la challenger si besoin. L’acheteur chef de projet devra aussi dans des cas précis d’investissement s’intéresser au « coût total de possession » afin d’inclure aux coûts directs les coûts indirects actualisés sur les années de possession de l’équipement. Autre outil qui permet à l’acheteur en tant que chef de projet de s’impliquer dans l’optimisation du service ou du produit à son client. Ceci par le biais du découpage fonctionnel du produit et de la notation de chaque fonction par la population concernée (interne ou externe à l’entreprise selon l’utilisateur final du produit), c’est « la conception à coût objectif (CCO) ». Ainsi l’objectif réside à travers un produit ou un service à moindre coût de répondre à toutes les fonctions attendues par le client.

Attention le but n’est pas de retomber dans les travers de l’acheteur 1.0 et de passer de « cost manager » à « cost killer ».

2.3.

L’acheteur « ressource manager »

La figure 12 représentant la chaine de valeur de Porter nous a montré que les achats font partie d’un maillon de la « supply chain ».

P.Y Bareyre (1992)

définit les différents modes d’impartition en fonction de la stratégie d’une entreprise dans son activité propre. L’acheteur a donc cette responsabilité première qui est de manager les ressources externes. Il se trouve face à un écosystème international où il va devoir gérer les compétences des différents intervenants à un projet. Une fois de plus, c’est grâce à ses aptitudes ; que nous avons évoqué précédemment comme l’intelligence émotionnelle ou son sens de la pédagogie ; qu’il devra tenir compte des différentes cultures qui l’entourent. Les cultures pouvant différer d’un pays à un autre, d’une région à une autre mais aussi d’une entreprise à une autre. L’acheteur sera le chef de projet qui va décider de confier une prestation à un fournisseur ou à un autre, qui va réaliser le casting et mener le projet au succès. En amont de cela il validera avec les différents protagonistes la politique de « Make or Buy » en fonction des compétences en présence dans sa société et de la stratégie de cette dernière.

L’acheteur a vocation à apporter des solutions pouvant venir de l’externe sur des points précis où sa société ne veut ou ne peut pas avancer seule. Mais attention, son rôle ne se limite pas seulement à celui de recruteur en tant que chef de projet. Il est aussi logisticien et il doit s’assurer que le flux de pièces ou composants sera au bon endroit au bon moment. Souvent l’acheteur est rattaché à la supply-chain de son entreprise voir même au magasin de son site. Les ressources dont on va alors parler concernent ici par exemple les pièces de rechange mais aussi la matière première

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qui concerne la fabrication des composants du projet. Dans tous les cas, l’acheteur comme tout chef de projet, devra effectuer une revue de planning fréquente avec les acteurs du projet pour être certain de détecter les éventuelles dérives. Cette analogie avec l’acheteur chef de projet se fait aussi quand on parle de contrats réalisés par le service achat pour un client et de gestionnaires de contrats qui vont s’assurer que les clauses sont respectées aussi bien pour l’entreprise que pour le fournisseur.

Nous pouvons aussi indiquer que l’acheteur chef de projet est aussi le garde-fou des prestations et des ressources qu’il va pouvoir amener au projet. L’exemple type est celui d’une prestation demandée dans le cadre d’un projet et un encadrement de l’entreprise demandeuse qui va se vouloir trop directif à l’égard du prestataire. La ligne rouge n’est jamais bien loin et le délit de marchandage non plus. Nous avons vu précédemment que l’acheteur avait un rôle très attendu de risk manager et sur ce point précis c’est souvent ce que l’on peut lui demander.

Autre flux concerné par l’acheteur chef de projet après les hommes, les produits, l’argent. Les flux de trésorerie sont multiples et l’acheteur est garant du bon paiement de ses fournisseurs suite à leurs prestations ou respectant les termes de paiement dans les contrats concernés. Ne pas payer un fournisseur, c’est s’exposer à plusieurs sanctions pénales, mais aussi fatalement, sur l’impact (or pénalités) que cela peut avoir sur les comptes de l’entreprise. En effet elle prévoit une sortie d’argent et donc des flux de trésorerie qui n’ont pas lieu au bon moment et qui vont potentiellement impacter son Besoin en Fond de Roulement (BFR). Puisque le BFR correspond : (stock + créances clients) – (dettes fournisseurs + autres dettes non financières).

Cette dernière partie va être orientée sur les préconisations que je pourrai appliquer dans le cadre de mon poste de responsable des achats du site de fabrication du combustible AREVA-NP de Romans sur Isère.

Synthèse :

En résumé de cette deuxième partie nous avons vu suite aux demandes issues de l’étude empirique que l’acheteur doit se comporter comme un chef de projet avec toutes les composantes que cela implique. A savoir qu’il doit être le « risk manager » qui va protéger ses clients et son entreprise des agressions extérieures (ou intérieures). Il doit aussi maitriser le périmètre des coûts à travers une casquette de « cost manager » où en plus du respect de budget qui lui est communiqué doit avoir une démarche entrepreneuriale sur le besoin et les fonctions essentielles liés à ce besoin à juste coût. C’est la démarche CCO. Ou encore être capable de mener une décomposition de coûts pour challenger un fournisseur et travailler avec lui sur ses marges par exemple, démarche « coût total de revient ». Enfin nous avons abordé la casquette de ressource manager où l’acheteur agira en tant que maillon de la supply chain sur les ressources humaines, matérielles et financières dans le cadre des projets qui lui sont confiés.

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