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Partie 3 : Préconisations

1. L’acheteur pédagogue et l’intelligence émotionnelle

1.3. L’intelligence émotionnelle

Nous venons dans la partie précédente d’aborder des notions qui sont le savoir être de l’acheteur et non pas ses compétences techniques, ou du niveau de son quotient intellectuel. L’acheteur doit faire face à un environnement qui le mettra souvent sous pression à travers des sollicitations internes et externes et nous l’avons vu précédemment dans ce mémoire à travers des clients de plusieurs profils ou niveaux hiérarchiques. L’acheteur n’est pas un solitaire, il doit fédérer, savoir écouter et ressentir les choses pour pouvoir les retranscrire au plus juste à travers les demandes et échanges qu’il véhiculera à l’externe, chez les fournisseurs.

D.Goleman (1995)

a contribué à populariser le concept d’intelligence

émotionnelle et il va défendre l'idée que l’intelligence émotionnelle a des effets positifs sur le plan relationnel, professionnel ainsi que sur la santé. Sans faire d’exposé médical sur de la neuroscience, quand nous sommes sous le coup de l’émotion (colère, peur) nous réalisons souvent des actes irréfléchis, parfois instinctif. C’est le centre limbique de notre cerveau qui prend alors le pouvoir au détriment du néocortex qui lui correspond justement au côté « pensant, réfléchi » de notre

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cerveau. Le couplage de cet aiguillage se nomme « l’amygdale » (mémoire affective), c’est elle qui commande toutes les émotions et qui va dans certains cas réagir avant que le néocortex est pu prendre une décision et nous conduire à des actes irrationnels et impulsifs. Nous pouvons donc affirmer que les émotions nous guident parfois dans nos choix. « Une coopération entre la pensée, le cœur et les sentiments semble essentielle ».

Mayer, Salovery et Caruso (2004)

définissent un test d’intelligence

émotionnelle

« Mayer-Salovey-Caruso Emotional Intelligence Test (MSCEIT) »

qui mesure les quatre branches majeures de l’intelligence émotionnelle :

 « Perceiving emotion » : Défini la capacité à percevoir et identifier des émotions sur soi-même et chez les autres.

 « Use of emotion to facilitate thought » : C’est la capacité à utiliser les émotions pour attirer l’attention et penser de façon plus rationnelle, logique et créative. Utiliser ses émotions implique une grande maîtrise et connaissance de soi et de ses sentiments.

 « Understanding emotion » : Comprendre les émotions c’est avoir la capacité de les analyser. C’est surtout être capable d’avoir une connaissance approfondie du lexique des émotions et de leur capacité à combiner entre elles, à évoluer d’un état à un autre. Cela demande aussi aux personnes ayant cette maitrise d’avoir un vocabulaire qualifiant ces émotions riches pour pouvoir les nommer et les identifier et surtout une sensibilité aigue pour les ressentir (1ère branche).

 « Managing emotion » : La capacité à réguler les humeurs et les émotions chez soi et les autres. Cela demande de savoir distinguer et identifier ces humeurs avec précisions pour pouvoir utiliser des stratégies appropriées à leur changement. Nous pouvons prendre l’exemple de notre capacité, quand un proche n’a pas le moral, à utiliser les leviers que nous leur attachons et pour lesquels nous savons qu’ils leur changeront les idées.

Ces quatre branches doivent permettre à l’acheteur 2.0 voire 3.0 à rester en alerte sur les signaux qu’il va recevoir que ce soit en interne ou en externe. L’étude

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empirique a confirmé l’importance aux yeux des clients internes de sentir que l’acheteur est disponible et à l’écoute de leur besoin. L’empathie est un sentiment et un levier important dans de nombreux cas de figure. L’acheteur doit continuellement se projeter à la place de son client pour comprendre et ressentir dans quel contexte se trouve être la demande qu’il reçoit. Bien souvent il y a une différence entre le phrasé et le ressentiment. Cette capacité à ressentir les choses doit permettre à l’acheteur de pouvoir dégager des marges de manœuvre utiles pour mener à bien sa mission. En effet un client interne peut avoir l’air pressé mais en s’y intéressant subtilement de plus près, le degré d’urgence peut s’avérer plus large que celui annoncé en premier lieu. Même si un client interne ne devrait pas ou ne doit pas prendre des marges vis-à-vis de son service achat (ou autres fonctions supports) dans la réalité nous pouvons nous apercevoir que cette pratique est fréquente. C’est forcément dommageable pour les deux parties à plusieurs niveaux :

 La confiance : de l’un envers l’autre. L’acheteur se rendra compte d’une manière ou d’une autre que la date spécifiée n’était pas la bonne ou que le jalon ne correspond pas à celui donné par la direction. Cela aura pour effet de décrédibiliser le travail du client et l’acheteur se sentira trompé dans sa relation.

 L’efficacité et l’efficience : Si l’acheteur ne connait pas le budget réel de son client il ne pourra pas déployer la stratégie appropriée à son besoin. Le client interne n’aura peut-être pas le niveau de service qu’il aurait souhaité et l’acheteur aura certainement fermé des portes sur d’autres propositions qu’il aurait pu challenger pour qu’elles deviennent acceptables par son client interne. La force d’une entreprise est clairement d’avancer tous dans le même sens avec des objectifs communs et partagés et de définir ensemble la stratégie pour y parvenir.

 La capitalisation ou REDEX : Si une demande est faussée par un biais, il sera difficile de la capitaliser et de l’utiliser pour une demande similaire en apparence mais avec d’autres contraintes inconnues ou mal identifiées car cachées par le demandeur.

L’acheteur est un navigateur au milieu d’un océan qui comporte des vagues plus ou moins hautes, des tempêtes, des accalmies. Pour optimiser sa navigation et son parcours, il doit composer avec les éléments et non pas aller contre eux. Si un fournisseur rentre en conflit avec lui, le réflexe limbique pourrait être la défense en

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répliquant proportionnellement à l’agression. La vraie question est de comprendre pourquoi le fournisseur est mécontent et comment en l’écoutant et en ayant identifié ses sentiments nous allons arriver à le faire changer d’état. Ceci pour revenir à la discussion et trouver une issue satisfaisante pour lui et nous. C’est l’objectif de l’intelligence émotionnelle pour l’acheteur. Ce métier basé sur les relations avec autrui doit faire la part à cette sensibilité et non pas uniquement à la valeur de l’acheteur dans sa capacité à nous faire gagner de l’argent ou à nous protéger des risques extérieurs.

Attention tout de même car cette faculté même si elle ne s’apprend pas sur les bancs d’école se travaille et résulte d’un effort sur soi au quotidien et d’une hygiène de vie.

Le Dr T.Bradberry (2015)

a défini dix-huit signes qui indiquent un savoir- faire émotionnel : « Vocabulaire émotionnel diversifié ; la curiosité vis-à-vis des autres ; l’évolution du regard ; la connaissance de ses points forts et faibles ; être un bon juge du caractère des autres ; ne pas être susceptible ; arriver à dire non ; ne pas ressasser ses erreurs ; donner sans attendre en retour ; ne pas être rancunier ; savoir neutraliser les personnes toxiques ; ne pas chercher la perfection ; ce suffire de ce que l’on a pour son bonheur ; être capable de déconnecter ; limiter les consommations de caféine ; dormir suffisamment ; ne pas ruminer des pensées négatives ; ne laisser personne gâcher son bonheur. »

La réciproque n’est pas vraie non plus, à savoir que l’acheteur qui a une intelligence émotionnelle aigue mais qui est incompétent dans son métier, sera perçu avec une qualité de service médiocre par ses clients. Nous pouvons affirmer, que pour que l’acheteur développe d’autres facultés liées à son éducation, sa sensibilité (soft-skills) il doit avoir des fondations et une assisse technique importante (hard- skills) qui lui permettront de prendre le recul nécessaire.

Nous allons justement aborder dans cette deuxième partie le rôle de « chef de projet » que doit assumer un acheteur qui devra agiter plusieurs leviers pour mener à bien ses actes d’achats tels de multiples projets.

107 Synthèse :

En résumé de cette première partie nous avons vu qu’en réponse à l’étude empirique et à l’importance donnée au relationnel par les clients internes l’acheteur doit faire preuve de pédagogie et d’intelligence émotionnelle aussi bien pour les clients internes que pour les fournisseurs. L’acheteur doit favoriser la fluidification des échanges entre les services, mettre les personnes en contact pour profiter des forces et de la valeur ajouté de chaque service. Nous avons vu que son degré d’implication est directement lié au profil du client interne qui va le solliciter. Il va ainsi laisser plus ou moins d’autonomie à son client pour que chaque partie y trouve son compte.

Nous avons vu aussi au travers les six profils de « process communication » que les profils de personnalité ont aussi un rôle important à jouer dans les vecteurs ou canaux de communications que l’acheteur va utiliser en interne ou en externe.

Concernant les interfaces externes nous avons défini une matrice qui montre en fonction du niveau de pouvoir le rôle que pourra endosser l’acheteur pour favoriser la relation avec son fournisseur et donc donner satisfaction au final à son client interne.

Pour finir nous avons abordé et défini les quatre branches de l’intelligence émotionnelle qui semble être une clef de facteur de succès pour l’acheteur dans son environnement. Nous avons montré que l’acheteur 3.0 doit et devra tenir compte des sentiments ou émotions de ses clients internes pour pouvoir appréhender les enjeux de leurs demandes et leurs motivations réelles. Il pourra ainsi connaissant ses sentiments les faire évoluer pour que le climat soit le plus propice à l’avancée du projet commun. Nous avons défini les règles de vie que représentent cette sensibilité et les compétences de l’intelligence émotionnelle. Nous avons d’ailleurs précisé que le « soft skil » représenté par ses compétences ne peut pas se suffire aux yeux des clients internes. En effet les fondations techniques et professionnelles devant être acquises pour permettre à l’acheteur de prendre du recul et donc de performer dans ces compétences supplémentaires.

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