• Aucun résultat trouvé

Vers un premier modèle : l’espèce fondatrice Bathymodiolus azoricus

Chapitre 3. Des connaissances aux concepts

3.2. Application à l’édifice Tour Eiffel

3.2.2. Vers un premier modèle : l’espèce fondatrice Bathymodiolus azoricus

Bathymodiolus azoricus

3.2.2.1. Définition du système

Un modèle de flux de carbone centré sur Bathymodiolus azoricus a été publié en 2008 par Martins et al. Ce modèle avait pour but d’étudier la contribution relative de chaque source de nourriture de la modiole en fonction de sa taille. Il se compose de deux variables d’état : la

biomasse d’endosymbiontes et la biomasse de modioles. La biomasse d’endosymbiontes croît grâce à l’oxydation de l’hydrogène sulfuré et du méthane et décroît par la consommation par l’hôte. L’hôte gagne en biomasse grâce au carbone transféré des endosymbiontes et à la filtration de matière particulaire en suspension, et en perd par la respiration. Ce modèle constitue une première tentative pour expliquer la relation entre les symbiontes et l’hôte et participe aux réflexions sur la contribution de la matière particulaire en suspension dans la nutrition de la modiole.

Cependant, si le modèle a été testé à différentes concentrations en méthane et sulfures dissous, il ne prédit pas l’évolution de ces concentrations suite à la consommation par les moules. De plus, de nombreuses expériences ont depuis permis de mieux quantifier les flux de carbone vers et depuis la modiole et ses endosymbiontes. En particulier, Riou et al. (2008, 2010) ont mesuré pour la première fois les incorporations des sources présupposées de matière organique de la modiole : le méthane, l’hydrogène sulfuré (Riou et al., 2008) ainsi que les POC et les DOC (Riou et al., 2010). Petersen et al. (2011) ont montré que Bathymodiolus puteoserpentis était également capable d’incorporer le carbone grâce à l’oxydation de l’hydrogène à des taux similaires à ceux de l’oxydation des sulfures dans les sites ultramafiques. Ils donnent également quelques valeurs pour les sites basaltiques.

L’objectif était donc d’actualiser ce modèle à partir des données issues de ces nouvelles études et de le lier aux conditions du milieu.

Le modèle de flux de carbone créé au cours de cette thèse et basé sur Bathymodiolus azoricus est passé par différentes versions, au fur et à mesure que les données étaient récoltées et que les tentatives d’utilisation révélaient des erreurs de conceptualisation. Le principe de base est cependant toujours resté le même (Figure 44) : le système représente 1 m² de l’édifice recouvert de modioles. La hauteur du système est la hauteur de colonne d’eau à laquelle la modiole a accès, ou sur laquelle elle a une influence. Il s’agit d’un premier paramètre du système. Le volume ainsi créé est traversé par un flux unidirectionnel qui renouvèle les concentrations des espèces chimiques à chaque pas de temps.

Figure 44. Représentation du système du modèle sur Bathymodiolus azoricus. Le volume est donné par la surface (1 m²) et la hauteur du système (à paramétrer). Un flux renouvelle l’eau du volume à

chaque pas de temps.

Le système comprend une certaine biomasse de modioles (variable d’état du modèle), et un mélange eau de mer/fluide hydrothermal homogène qui correspond à certaines concentrations en différents éléments chimiques (également variables d’entrée). L’activité des moules et des symbiontes fait évoluer les concentrations par consommation ou rejet de certaines substances. Le flux hydrothermal transporte ce qui n’a pas été consommé et ce qui est rejeté hors du système à chaque pas de temps.

3.2.2.2. Concept et mise en équation

Le premier modèle (Figure 45) se compose de quatre variables d’état : la biomasse de modioles (en g C/m²), la concentration en sulfures totaux dissous (S, en mol TdS/L), en méthane (M,mol CH4/L) et en matière organique particulaire (POC, mol POC/L). Afin de limiter le nombre de variables inconnues, les endosymbiontes ne sont pas modélisés. Le modèle représente 1 m² de substrat recouvert par les modioles et parcouru par le flux hydrothermal. La biomasse de modioles croît grâce à la thiotrophie, la méthanotrophie et la filtration de matière particulaire et décroît par la respiration, la production de fèces et la mortalité naturelle. Les concentrations en espèces chimiques sont renouvelées par le flux entrant à chaque pas de temps, diminuées par la consommation des modioles puis transportées hors du système. La formation de fèces par les modioles vient enrichir le stock de matière particulaire organique sur lequel peut se nourrir la modiole. Pour la validation, il faudra estimer les biomasses de plusieurs assemblages de modioles afin de les comparer aux biomasses prédites par le modèle.

Figure 45. Modèle conceptuel sur Bathymodiolus azoricus. S : sulfures dissous totaux (TdS). M: méthane ; POC= Particulate Organic Matter

Ce modèle conceptuel est ensuite traduit sous forme d’équations différentielles. Celles des espèces chimiques sont assez simples :

𝑑

𝑀

𝑑𝑡 =

𝑀

𝑖𝑛𝑝𝑢𝑡−𝑀𝑢𝑝𝑡𝑎𝑘𝑒

M

𝑜𝑢𝑡𝑝𝑢𝑡 Eq.4 𝑑𝑆 𝑑𝑡 =𝑆𝑖𝑛𝑝𝑢𝑡𝑆𝑢𝑝𝑡𝑎𝑘𝑒𝑆𝑜𝑢𝑡𝑝𝑢𝑡 Eq.5 𝑑𝑃𝑂𝐶 𝑑𝑡 = 𝑃𝑂𝐶𝑖𝑛𝑝𝑢𝑡+𝐸𝑔𝑒𝑠𝑡𝑖𝑜𝑛𝑃𝑂𝐶𝑢𝑝𝑡𝑎𝑘𝑒𝑃𝑂𝐶𝑜𝑢𝑡𝑝𝑢𝑡 Eq.6

En effet, les flux d’entrée (notés « input »), de sortie (notés « output ») et de consommation (notés « uptake ») sont des flux des espèces chimiques et s’expriment donc en mol POC,TdS ou CH4/m²/jour. Cependant, la biomasse des modioles s’exprime en mol C/m² donc les flux participant à l’augmentation de la biomasse (et, en particulier les flux de consommation de sulfures dissous et de méthane, qui ne sont pas en carbone) doivent être convertis en mol C/m²/jour. Pour cela, des paramètres de conversion doivent être utilisés : il s’agit des rendements de la thiotrophie (ys, en mol C/mol TdS) et de la méthanotrophie (ym, en mol C/ mol CH4).

𝑑𝑀𝑢𝑠𝑠𝑒𝑙𝑠

𝑑𝑡 =𝑃𝑂𝐶𝑢𝑝𝑡𝑎𝑘𝑒+ ym ×𝑀𝑢𝑝𝑡𝑎𝑘𝑒+ ys ×𝑆𝑢𝑝𝑡𝑎𝑘𝑒𝐸𝑥𝑐𝑟𝑒𝑡𝑖𝑜𝑛 −𝑅𝑒𝑠𝑝𝑖𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛−𝑀𝑜𝑟𝑡𝑎𝑙𝑖𝑡𝑦

Eq.7

De plus, les quantités transportées par les flux ne sont pas intégralement intégrées à la biomasse à cause des pertes du catabolisme (voir 3.1.1). Il faut donc utiliser d’autres paramètres, permettant de quantifier l’efficacité des transferts entre les différentes étapes de l’intégration de la biomasse (ingestion, assimilation, et incorporation).

Enfin, d’autres paramètres doivent être utilisés pour quantifier les flux, comme indiqué par l’équation Eq.2 : les taux maximums ainsi que les taux de limitation et d’inhibition.

3.2.2.3. Revue bibliographique des flux

Consommation de POC : POCuptake

L’ingestion de particule par les bivalves filtreurs se fait grâce à la filtration. Le taux de filtration chez les mollusques représente la quantité d’eau qui passe à travers le siphon par unité de temps. Il est souvent évalué indirectement à travers la mesure du taux d’élimination (« clearance rate »), qui représente la quantité d’eau nettoyée de toutes ses particules par unité de temps. A cause de l’importance écologique et économique des bivalves, de nombreuses études sur le milieu côtier ont analysé les variations de ces taux de filtration et d’élimination selon différents facteurs.

Des facteurs individuels comme :

o l’espèce (e.g. Gardner, 2002; Riisgård, 1988) ;

o la taille, le poids, le volume ou l’indice de condition de l’individu (e.g. Riisgård, 2001; Thompson et Bayne, 1974; Widdows, 1978) : ceux-ci auraient un impact sur l’élimination mais pas sur la filtration chez certaines espèces (e.g. Horgan et Mills, 1997)

Les conditions du milieu comme :

o la température (e.g. Denis, 1999; Kittner et Riisgård, 2005; Schulte, 1975); o la concentration, la taille et la qualité des particules (e.g. Bayne et al., 1993;

Horgan et Mills, 1997) ;

o la vitesse du courant (e.g. Widdows et al., 2002) ;

o la densité d’individus (Bertness et Grosholz, 1985; Fréchette et Bacher, 1998; Grant et al., 2007).

La filtration et l’élimination sont cependant différentes de ce qui est ingéré par la moule. Elle est capable de sélectionner les particules grâce à ses palpes labiaux (Shumway et al., 1985).

Certains auteurs calculent l’ingestion à partir du taux d’élimination et d’un coefficient d’ingestion de matière organique µ (Ren et Ross, 2005) qui représente la quantité réellement ingérée après l’élimination ou la filtration.

Tableau 5. Valeurs de paramètres possibles pour contraindre la croissance des moules sur la filtration de matière particulaire dans l’eau. W : poids sec de moules en g. µ: coefficient d’ingestion de matière

particulaire ; AE: efficacité d’assimilation; POCsat : constante de demi-saturation de la réponse fonctionnelle de la consommation de matière particulaire; H: hauteur du système définie par la hauteur de

colonne d’eau sur laquelle un assemblage de moule peut influer. 1 : Espèces côtières. ; 2 : Espèces des sources hydrothermales ; 3 : Espèces des sources froides. Les valeurs de paramètres utilisées dans le

modèle sont dans les cases grises (paramètres utilisés par Martins et al., 2008).

La quantité ingérée est ensuite assimilée avec une certaine efficacité. La matière non-assimilée est rejetée sous forme de fèces. Cette efficacité d’assimilation (AE : assimilation efficiency : énergie assimilée/énergie ingérée) diminue quand augmente la taille de l’individu (Widdows, 1978) ou en est indépendant (Gardner, 2002). Elle diminue exponentiellement avec

Paramètre Valeur (gamme

biblio) Espèce Référence

Filtration

(L/h/g) 18 Mytilus edulis 1 Clausen et Riisgård (1996) Elimination (L/h) Entre parenthèse: pour un individu de 1 g poids sec

7.45 × W0.66 (7.45) Mytilus edulis 1 Järnegren et Altin (2006) 13.36 x W0.48 (13.36) Acesta excavata1 Järnegren et Altin (2006) 25.88 x W0.67 (25.88) Pinctada margaritifera1 Pouvreau et al. (1999) 11.60 x W0.67 (11.60) Cerastoderma edule1 Møhlenberg et Riisgård

(1979)

8.85 x W0.66 (8.85) Perna perna1 Berry et Schleyer (1983) 7.45 x W0.66 (7.45) Mytilus edulis1 Molhenberg et Riisgard

1979

7.98 x W0.72 (7.98) Mytilus californianus1 Meyhöfer (1985)

6.00 x W0.75 (6.00) Modiolus modiolus1 Møhlenberg et Riisgård (1979)

0.9-1.8 Mytilus edulis1 Thomson et Bayne 1972

Coefficient d’ingestion de matière

particulaire (mol C/cm3)

6.69 × 10−5 Perna caniculus1 Ren et Ross (2005)

Ingestion

(mg TPM/h) 12.66 x W0.619 Mytilus galloprovincialis1 Camacho et al. (2000)

AE (no unit)

63% Non identifiée 3 Page et al. (1991)

85.9% Mytilus edulis1 Page et al. (1991)

0.753 0.26-0.9) Bathymodiolus azoricus2 Martins et al. (2008)

0-89% Mytilus edulis1 Thompson et Bayne

(1972)

14 - 88% Invertebrés Welch (1968)

Incorporation (µmol C/g poids sec muscle /h)

0.29 Bathymodiolus azoricus2 Riou et al. (2010)

POCsat (mol POC/L)

1.63× 10−5 Perna caniculus1 Ren et Ross (2005)

0.008-0.04 Mytilus edulis1 A partir de Filgueira et al., (2011); Li et al., (2010)

la concentration en particules (Thompson et Bayne, 1972, 1974) : au-delà d’une certaine concentration, les moules trient moins bien les particules, et une plus grande part de la matière prélevée est rejetée sous forme de pseudo-fèces (matière non digestible). C’est également le cas lorsque les particules sont de moins bonne qualité (en termes de matière organique).

Tous ces taux étant en partie liés aux dimensions de l’individu, il est fréquent de les mesurer sur une large gamme de tailles ou de poids et de lier les taux aux dimensions dans les relations allométriques (Tableau 5).

Dans un premier temps, le modèle créé ici ne prend en compte que l’effet limitant des faibles concentrations en particules, et ignore l’effet négatif que peut avoir une surcharge en particules sur la biomasse des modioles. L’effet de la charge en particules est typiquement modélisé par une réponse type Monod (Figure 41), où le taux de consommation atteint la moitié de son maximum lorsque la concentration en particules atteint la valeur POCsat, la constante de demi-saturation de la fonction. Pour ce flux, les paramètres choisis (Tableau 5) sont ceux utilisés par Martins et al. (2008).

Consommation de méthane M

uptake

et de sulfure dissous S

uptake

L’ingestion de méthane et de sulfures dissous (e.g. H2S et HS-) se fait grâce à la méthanotrophie et la thiotrophie par les bactéries symbiotiques (voir 2.4.2.2). Les données quantitatives sur les apports en carbone par la symbiose des modioles hydrothermales sont difficiles à obtenir. La consommation de méthane ou de soufre a été mesurée sur d’autres Bathymodiolus des sources hydrothermales ou de sources froides qui ne possèdent qu’un type de symbionte (Beinart et al., 2015; Henry et al., 2008; Kochevar et al., 1992). La quantité de substrat consommé n’est pas entièrement transformée en carbone. Des calculs thermodynamiques permettent d’estimer les rendements probables de la chimiosynthèse (Heijnen et Van Dijken, 1992).

L’incorporation de carbone suite à l’exposition de Bathymodiolus azoricus à du méthane ou du sulfure d’hydrogène a été mesurée ex situ (Riou et al., 2008, voir 2.4.2.2). Les étapes et l’ordre de grandeur des différents flux entre la consommation par les symbiontes et l’incorporation par la modiole (incorporation et croissance des symbiontes, processus de transfert de la matière organique des symbiontes vers la modiole, assimilation de la production bactérienne par la modiole) sont encore inconnus.

Les paramètres choisis dans le modèle (Tableau 6) sont ceux utilisés par Martins et al. (2008), à l’exception du taux maximum de consommation de sulfures, qui était obtenu par calibration, et était bien plus élevé que les valeurs de la bibliographie.

Tableau 6. Valeurs de paramètres possibles pour contraindre la croissance des moules par les apports de la double symbiose (gammes de valeurs par la bibliographie entre parenthèses). Msat et Ssat : constantes

de demi saturation de la réponse fonctionnelle de la modiole aux concentrations en méthane et sulfures respectivement. TS : Sulfures totaux (H2S et HS-).1 : Espèces côtières. ; 2 : Espèces des sources hydrothermales ; 3 : Espèces des sources froides. Les valeurs de paramètres utilisées dans le premier

modèle sont dans les cases grises

Paramètre Valeur (gamme) Espèce Référence

Taux max de consommation de M

9.23 µmol CH4/g poids frais branchies/h à >250 µmol CH4/L

Bathymodiolus sp.3 Kochevar et al. (1992)

Msat 1 µmol/L Bathymodiolus sp.3 Kochevar et al.

(1992)

Rendement méthanotrophie

0.3 (0.3-0.55) mol C/mol CH4 Estimations

thermodynamiques

Heijnen et Van Dijken (1992) 0.7-0.8 mol C/mol CH4 Bathymodiolus sp.3 Kochevar et al.

(1992) Taux max de consommation de S 743 (14-96) µmol H2S/g poids frais branchies/d Bathymodiolus

azoricus 2 Martins et al. (2008) 7.4±0.52 µmoles TdS /g poids

frais branchies/h à 14 µmol TdS /L.

4.02±0.84 µmoles thiosulfate/g poids frais branchies/h à 103 µmol thiosulfate /L

Bathymodiolus

brevior2 Beinart et al. (2015)

3.43 µmol H2S/g poids sec/h à >200 µmol H2S /L

Bathymodiolus

brevior2 Henry et al. (2008)

Ssat 20 µmol/L Bathymodiolus

azoricus2 Martins et al. (2008) Rendement thiotrophie 0.16 (0.013-0.03) mol C/mol H2S Estimations thermodynamiques Heijnen et Van Dijken (1992) Transfert de la production symbiotique

0.43 (sans unité) Bathymodiolus

azoricus2 Martins et al. (2008) Incorporation de

C à partir de M par la modiole

0.23 µmol C/g poids frais branchies/h à 30 µmol CH4/L

Bathymodiolus

azoricus2 Riou et al. (2008) Incorporation de

C à partir de S par la modiole

0.37 µmol C/g poids frais branchies/h à 6 µmol H2S/L

Bathymodiolus

azoricus2 Riou et al. (2008)

Pertes de biomasse de la modiole: Respiration, excrétion et mortalité

La respiration est ici considérée au sens de taux d’oxydation du carbone assimilé afin de produire des composés utiles à l’organisme. Il existe plusieurs niveaux de respiration qui correspondent à différents niveaux d’activité métabolique.

La respiration basale, ou « standard », est le taux de consommation du carbone permettant d’assurer le métabolisme de base de l’individu (Bayne, 1973; Bayne et Scullard, 1977). Ce taux est mesuré lorsque l’individu est affamé jusqu’à ce que son taux de respiration se stabilise. L’activité de nutrition a un coût mécanique (e.g. agitation des branchies chez la moule) et physiologique (énergie utilisée dans la digestion et l’assimilation, Warren et Davis, 1967), ce qui augmente le taux de respiration.

Le taux de respiration est modulé par les conditions environnementales comme la température (Barber et Blake, 1985; Widdows, 1973a). Il est mesuré par la consommation en oxygène puis converti en carbone oxydé par le quotient respiratoire RQ (respiratory quotient : carbone oxydé/ oxygène consommé). Ce paramètre évolue en fonction du type de carbone catalysé par l’individu : il est d’environ 1 lorsque l’individu catabolise des carbohydrates et descend à environ 0.7 lorsqu’il catabolise des protéines ou des lipides. Il peut atteindre des valeurs supérieures à 1 lorsque les carbohydrates sont changés en lipides, ce qui peut arriver lors de cycles de reproduction ou de stress (e.g. Barber et Blake, 1985).

La mortalité représente ici la perte d’individus (et donc de biomasse) suite à la prédation, la maladie, le parasitisme, ou la mortalité naturelle. Il n’existe pas de données chez Bathymodiolus azoricus. Mallet et al. (1987) a suivi la mortalité de populations naturelles de Mytilus edulis entre novembre et décembre 1986. Il trouve une mortalité de 10 à 30% par an selon les populations.

Tableau 7. Valeurs de paramètres possibles pour contraindre la croissance des moules par la respiration. RQ : Quotient respiratoire (carbone oxydé/ oxygène consommé). W : poids de l’individu (g poids sec). 1 :

Espèces côtières. ; 2 : Espèces des sources hydrothermales ; 3 : Espèces des sources froides. Les valeurs de paramètres utilisées dans le premier modèle sont dans les cases grises

Paramètre Valeur (gamme biblio) Espèce Référence

RQ 0.9 (0.85-1) Bathymodiolus thermophilus2 Smith (1985)

Respiration

e2.69W0.76-1 µmol C/g poids sec/h1 Bathymodiolus

azoricus2 Martins et al. (2008) 7.4x10-3 x W-0.24 g C/g C/d Toutes espèces

profondes Mahaut et al. (1995) 0.475xW0.663 ml O2/h Mytilus edulis1 Hamburger et al. (1983) 0.48 à 1.32 ml O2/h Mytilus galloprovincialis1 Camacho et al. (2000)

0.12 ml O2/h/g Acesta excavata1 Järnegren et Altin (2006)

0.006-0.08 ml O2/h/g Modiolus modiolus1 Navarro et Thompson (1996)

0.25-0.54 ml O2/h/g Mytilus edulis1 Bayne (1976); Vahl (1973)

0.083-0.098 ml O2/g/h Bathymodiolus

thermophilus2 Smith (1985) 0.23xW0.38 ml O2/g/h Bathymodiolus thermophilus2 Smith (1985)

0.098xW0.48 ml O2/g/h Bathymodiolus thermophilus2 Smith (1985)

1 L’équation présentée dans le papier de Martins et al. (2008) était e2.69W0.76 et avait pour unité des mol O2/ g poids sec total/h. Cette équation est une fonction croissante du poids, alors que la respiration par gramme d’individus devrait être une fonction décroissante du poids. Nous avons donc pris la liberté de corriger cette équation telle que montrée dans le Tableau 7

L’excrétion est la partie non assimilée de l’énergie ingérée. Elle est donc sensible, du moins pour les moules côtières, aux mêmes paramètres que l’efficacité d’assimilation, notamment la concentration en particules de l’environnement : des pseudos-fèces sont produites à des concentrations supérieures à 20 000 cellules (de plancton, en général)/mL (Foster-Smith, 1975; Thompson et Bayne, 1972, 1974).

Flux d’entrée alimentant le système et flux de sortie.

Les valeurs de flux d’entrée (variables de forçage) bénéficient de données de concentrations mesurées sur les sites de Tour Eiffel lors de la campagne MoMARETO (2006). Les concentrations en sulfures totaux dissous et les températures relevées sur 12 unités d’échantillonnage (Sarrazin et al., 2015) sont utilisées comme valeurs d’entrée du système. Le méthane d’entrée est calculé à partir d’une relation linéaire méthane-température calibrée sur le site (Sarradin, communication personnelle). La concentration en POC est une valeur moyenne mesurée également sur l’édifice (Desbruyères et al., 2000, Khripounoff et al., 2008). Ces concentrations doivent être transformées en flux (i.e. en mol /L/j) afin de connaitre les quantités qui passent au-dessus des moules par unité de temps.

Un flux est une vitesse de courant que multiplie une section d’entrée. La vitesse du courant est donnée par la relation linéaire avec la température décrite dans Sarrazin et al. (2009):

𝑣 (𝑚𝑚/𝑠) = 11.566 × 𝑇𝑒𝑚𝑝é𝑟𝑎𝑡𝑢𝑟𝑒 (°𝐶) − 7.8433 Eq.8

La hauteur H du système est définie par la hauteur de colonne d’eau sur laquelle les moules ont une influence. Ce paramètre dépend de la vitesse du courant (Fréchette et al., 1989) mais cette variabilité ne sera pas prise en compte dans ce modèle. Cette grandeur a été mesurée de nombreuses fois au-dessus des moules côtières en observant la décroissance de la concentration en particules en fonction de la distance au fond (Dolmer, 2000; Edwards et al., 2005; Fréchette et al., 1989).

Le courant qui passe au-dessus des moules traverse la section d’entrée latérale du système (Figure 44). Cette section a une aire de H x 1=0.5 m². Le flux d’entrée FE qui apporte les différentes concentrations est donc FE= 0.5 x v (m3/s)

Au sein du système, ce flux va rester au-dessus des moules pendant une période nommée le temps de résidence TR, qui vaut le volume (H x 1m²) du système divisé par le flux (en s), soit ici : TR= (1 x H)/FE =0.5/(0.5 x v) =1/v (s). La dilution est l’inverse du temps de résidence. Elle permet d’appliquer le flux au volume du système. Les flux de POC, de TdS et de CH4 au-dessus des moules sont donc obtenus en multipliant les concentrations par la dilution.

Tableau 8. Paramètres utilisés pour la définition du système et des variables de forçage du modèle. H : hauteur du système, désignant la hauteur de colonne d’eau sur laquelle les moules ont une influence.

[POC] : concentration en matière particulaire. 1 : Espèces côtières. ; 2 : Espèces des sources hydrothermales ; 3 : Espèces des sources froides. Les valeurs de paramètres utilisées dans le premier

modèle sont dans les cases grises.

On fait l’hypothèse que les flux de sortie emportent ce qui n’a pas été consommé et ce qui a été rejeté à chaque pas de temps.

3.2.2.4. Paramétrisation

Tous les paramètres sélectionnés ont été convertis afin que les unités soient homogènes (rappel : l’unité de surface est le m², l’unité de temps est le jour) : la biomasse de moules étant en g C/m², les flux qui partent ou arrivent aux modioles sont en g C/m²/j, et les variables d’état chimiques (POC, TdS et CH4) étant en mol/L les flux en mol/m²/j sont convertis en mol/L/j.

3.3. Conclusions

Afin de modéliser la réponse de la faune hydrothermale aux changements physico-chimiques du fluide, deux composantes de la dynamique des espèces ont été sélectionnées : le réseau trophique et l’effet structurant de la composition du fluide sur la distribution des espèces. Les données récoltées sur la faune de Tour Eiffel ont permis de sélectionner les espèces pour lesquelles les régimes trophiques sont bien connus. Un modèle trophique basé sur ces espèces a été conceptualisé. Un deuxième modèle concernant la biogéochimie du fluide a été mis au point en dehors de cette thèse et prédit la concentration en divers éléménts le long du gradient de dilution ainsi que la production primaire potentielle microbienne. En couplant ces deux modèles, il sera possible de représenter la dynamique de la faune hydrothermale de Tour Eiffel à travers sa réponse aux changements physico-chimiques du fluide et les relations trophiques.

Un bloc important du modèle trophique est Bathymodiolus azoricus, l’espèce la plus étudiée de l’édifice. Sa prépondérance dans l’environnement lui confère sans doute un rôle important dans le fonctionnement de l’écosystème. Un précédent modèle a été construit sur cette espèce. Il est ici mis à jour et modifié afin de modéliser la réponse de la biomasse de la modiole aux changements du fluide hydrothermal. Le modèle a de nombreuses fois évolué au cours

Paramètre Valeur (gamme

biblio) Espèce Référence

H (m) 0.5 Mytilus edulis1 Dolmer (2000) ; Fréchette

et al. (1989)

[POC] 392 µM Edifices Tour Eiffel et Sintra Desbruyères et al. (2000),

de la thèse. Un premier concept a été présenté dans ce chapitre. Il bénéficie de données de la littérature (voir 2.4) et de données de forçage environnemental récoltées en 2006 sur l’édifice (Sarrazin et al., 2015). Pour le valider, il faut comparer les biomasses prédites dans