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Chapitre 2. Au milieu de l’Atlantique, 23 ans de découvertes sur l’édifice Tour Eiffel

2.4. Biologie et écologie de Bathymodiolus azoricus

2.4.1. Phylogénie

Le genre Bathymodiolus forme un groupe monophylétique au sein de la famille des mytilidés dont il aurait divergé il y a 23 à 74 millions d’années (Jones et Vrijenhoek, 2006; Miyazaki et al., 2010). La principale hypothèse actuellement est que des moules des écosystèmes marins peu profonds auraient peu à peu colonisé les écosystèmes profonds, et se seraient adaptées en internalisant progressivement la symbiose avec des bactéries (Miyazaki et al., 2010). Cependant, ce sujet est encore débattu (Fontanez, 2013; Génio et al., 2012; Thubaut et al., 2013). Bathymodiolus se retrouve dans des écosystèmes variés, aussi bien dans les sources hydrothermales que dans les sources froides, les carcasses de baleine et les bois coulés (Distel et al., 2000; Duperron et al., 2009; Lorion et al., 2009). Les modioles du genre Bathymodiolus se séparent en 3 clades (Duperron et al., 2009) :

Le clade « childressi » contient Bathymodiolus childressi, des sources froides, Bathymodiolus japonicus et Bathymodiolus platifrons, des sources hydrothermales et froides ;

Le clade « thermophiles » contient les modioles Bathymodiolus azoricus, Bathymodiolus brevior, Bathymodiolus puteoserpentis, Bathymodiolus septemdierum, Bathymodiolus thermophilus (des sources hydrothermales) et les espèces de sources froides Bathymodiolus cf. boomerang, Bathymodiolus brooski, et Bathymodiolus heckerae ;

Le troisième clade est composé de Bathymodiolus aduloides et d’espèces non décrites du bassin de Manus ;

Les Bathymodiolus ont la particularité de présenter une association avec une grande variété de symbiontes, bien que plusieurs d’entre eux soient thiotrophes (Duperron et al., 2009). Comme cela est généralement le cas pour les endosymbioses, les bactéries thiotrophes sont de la classe des Gammaproteobacteria

Cependant, plusieurs espèces de Bathymodiolus abritent deux types de symbiontes, thiotrophes et méthanotrophes. C’est le cas, par exemple, de B. heckerae (Duperron et al., 2007), B. puteoserpentis (Distel et al., 1995; Duperron et al., 2006) et de B. boomerang (Fisher et al., 1993). Il y aurait 5 à 6 cas observés jusqu’à aujourd’hui (Duperron et al., 2009), incluant B. azoricus (Duperron et al., 2006; Fiala-Médioni et al., 2002). B. azoricus (Von Cosel et al., 1999) est présente sur les champs hydrothermaux Menez Gwen, Lucky Strike et Rainbow. Sa plus proche parente phylogénétique est B. puteoserpentis, une modiole qui domine les champs au sud des Açores (TAG, Snake Pit, Logatchev). Les faibles profondeurs à Menez Gwen (~800 m) ont permis l’observation mais aussi la remontée et la survie des modioles à pression atmosphérique, et la plupart des données obtenues sur la biologie de cette espèce viennent de spécimens provenant de ce champ.

2.4.2. Nutrition

2.4.2.1. Un organisme adapté régime trophique varié

Bathymodiolus azoricus est dotée de branchies hypertrophiées, munies de cellules épithéliales spécialisées dans la zone latérale des filaments branchiaux (Figure 32). Ces cellules spécialisées sont des bactériocytes et abritent dans des vacuoles de la région apicale de la cellule (proches de l’eau de mer) deux types de Gammaproteobacteria (Distel et al., 1995; Duperron et al., 2006; Fiala-Médioni et al., 2002).

Les symbiontes sulfo-oxydants (SOX) font 0.35 µm de diamètre et sont de forme cocoïde ou en bâton. Ils sont liés aux bactéries libres thiotrophes et utilisent le cycle de Benson Bassham (CBB) avec la ribulose 1,5 bisphosphate carboxylase/oxygénase type 1 (RubisCO I, Bettencourt et al., 2010; Fiala-Médioni et al., 2002). Les symbiontes méthanotrophes (MOX) font 1.25 µm de diamètre, ont une forme cocoïde et présentent des empilements dans la membrane cytoplasmique typique des méthanotrophes (Fiala-Médioni et al., 2002). Ils sont liés aux bactéries méthanotrophes de type 1 (i.e. Gammaproteobacteria). Les deux types de bactéries possèdent une double membrane caractéristique des bactéries gram-négatives. Ils possèdent le même phylotype d’ARNr 16S que les bactéries libres, mais des analyses génétiques suggèrent que les symbiontes sont d’une souche différente (Duperron et al., 2006; Won et al., 2003). Une analyse transcriptomique récente (Bettencourt et al., 2010) a permis d’identifier des transcriptions d’origine bactérienne, confirmant la dominance des endosymbiontes thiotrophes et méthanotrophes dans les branchies, mais révélant également la présence d’un microorganisme proche des Epsilonproteobacteria (Egas et al., 2012).

Chez Bathymodiolus puteoserpentis, Duperron et al. (2016) ont mesuré la surface branchiale (1491.4 cm² chez une modiole de 80.8 mm, soit environ 2.4 fois la surface d’une feuille A4) et

ont estimé la quantité de bactériocytes allant de 3.4. 1011 à 8.6.1012 par spécimen. La surface branchiale est 6 à 12 fois plus grande chez B. puteoserpentis que chez les grands bivalves non symbiotiques (Duperron et al., 2016). En revanche, les filaments sont moins denses que chez Mytilus edulis (9.9 filaments/mm de longueur de branchies chez B. puteoserpentis contre 13.5 filaments/mm chez M. edulis), différence que les auteurs expliquent par l’élongation de la zone latérale chez la modiole hydrothermale.

Figure 32. Localisation des filaments branchiaux, des zones ciliaires et latérales et des bactériocytes dans les branchies de moules au microscope électronique. En haut : vue générale des branchies

montrant où ont été prélevés les éléments montrés en coupe. A : filaments branchiaux vus au microscope électronique à balayage B : section transversale d’un filament branchial montrant la zone

ciliée (CZ) et la zone latérale (LZ), où sont situés les bactériocytes. Tirée de Duperron et al., 2009.

Le système digestif de B. azoricus est fonctionnel, avec un sillon et des palpes labiaux bien développés, mais un estomac réduit (Fiala-Médioni et al., 2002; Von Cosel et al., 1999). Au contraire de symbioses plus intégrées, dans lesquelles la modification de l’appareil digestif est plus importante, cette particularité anatomique a mené les scientifiques à supposer un régime trophique reposant au moins en partie sur l’assimilation hétérotrophe de matière organique dissoute, et à s’interroger sur les contributions relatives entre les différentes sources de carbone organique de la modiole : l’oxydation du soufre et/ou du méthane par les symbiontes et la matière organique en suspension ou dissoute.

2.4.2.2. Voies de la nutrition chez Bathymodiolus azoricus

Symbiose

La symbiose de Bathymodiolus azoricus fournit de l’énergie à son hôte à travers 2 mécanismes principaux : l’oxydation du soufre et celle du méthane.

La production de carbone organique par sulfo-oxydation

Les taux de consommation de sulfure n’ont pas été mesurés chez B. azoricus. Une expérience récente menée en aquarium pressurisé sur des espèces symbiotiques (Beinart et al., 2015) a montré chez la modiole Bathymodiolus brevior des taux de consommation de sulfures de 7.4 ± 0.52 µmol /g branchies fraîches/h (pour une concentration initiale comprise entre 1.4 et 3.9 µmol/L de sulfures) et de thiosulfate de 4.02 ± 0.84 µmol /g branchies fraîches/h (pour une concentration en thiosulfate comprise entre 67 et 188 µmol/L). Sur la même espèce, une étude précédente employant des aquariums pressurisés (Henry et al., 2008) avait mesuré des taux de consommation de sulfures dissous de 3.43 µmol/g poids sec total/h pour une concentration supérieure à 200 µmol/L. Les taux de consommation sont cependant très variables selon les individus. Les mêmes études ont montré une relation décroissante entre la consommation de sulfures dissous et la température (Henry et al., 2008), et une forte disparité de taux de fixation du carbone en fonction de la proximité de l’individu à la source de sulfures (Beinart et al., 2015). Ces deux exemples soulignent la nécessité de réaliser des expériences supplémentaires pour évaluer la variabilité interindividuelle de ces taux de consommation.

Riou et al. (2008) ont mesuré, ex situ et sous pression atmosphérique, des taux d’incorporation médian de carbone isotopique de 0.28 ± 0.06 µmol C/g poids sec de branchie/h, avec une concentration en sulfures de 6 µmol/L. En admettant qu’il faille 5 moles de soufre pour oxyder une mole de carbone (Kelly, 1999), cette concentration équivaudrait à une concentration en carbone de 1.2 µmol/L (Riou et al., 2008). Cependant cette valeur est difficile à comparer aux taux de consommation mesurés dans les expériences présentées précédemment, puisqu’il ne s’agit pas des mêmes espèces et que ces taux ne sont pas exprimés dans les mêmes unités.

Les bactéries SOX ont également un pouvoir de détoxification, car certaines formes de sulfures dissous sont toxiques. C’est le cas du HS- qui inhibe la cytochrome c oxydase, une enzyme indispensable de la respiration cellulaire chez les métazoaires. Afin d’assurer un apport suffisant en soufre aux bactéries, les vers tubicoles et les palourdes stockent le soufre inorganique sous forme de granules (Fiala-Médioni et Métivier, 1986; Pflugfelder et al., 2004), ce qui n’est pas le cas des modioles. Beinart et al. (2015) ont observé des taux de consommation similaires pour le thiosulfate, non toxique et moins sensible à l’oxydation abiotique, et le soufre. Les auteurs suggèrent que la consommation de plusieurs sources de soufre substituerait le stockage sous forme de granules comme méthode de détoxification.

La production de matière organique par méthanotrophie

Les modioles sont capables de grandir avec le méthane comme source de carbone et d’énergie (Cary et al., 1988; Childress et al., 1986).

Tout comme pour le soufre, la consommation du méthane n’a pas été mesurée chez B. azoricus. Une étude très complète a cependant été menée sur des Bathymodiolus non-décrites de sources froides par Kochevar et al. (1992). Les modioles collectées ainsi que des préparations de symbiontes ont été soumises à diverses concentrations en méthane et en oxygène afin de mesurer leurs consommations de ces deux gaz, ainsi que le rejet de CO2 (Figure 33). Parallèlement, le décompte de symbiontes au cours des phases de l’expérimentation a été effectué. L’expérience montre des taux de consommation d’O2 et de production de CO2 augmentant linéairement avec la consommation en CH4. Cette augmentation se poursuit jusqu’à une concentration de environ 200 µmol de CH4/L, après quoi elle se stabilise. Une concentration supérieure à 300 µmol/L inhibe la consommation de méthane par les bactéries (Figure 33). Ce phénomène pourrait être dû à l’accumulation de produits intermédiaires de la méthanotrophie (formaldéhydes, formate), potentiellement toxiques (Kochevar et al., 1992). Une augmentation similaire de la consommation en CH4 et en O2 avec des concentrations en oxygène croissantes a également été observée.

Kochevar et al. (1992) mesurent un taux de consommation maximum de 9.23 µmol CH4/g poids frais entier sans coquille/h à des concentrations supérieures à 250 µmol CH4/L et suggèrent une très forte efficacité du métabolisme microbien, avec un tiers du méthane consommé rejeté sous forme de CO2, c’est-à-dire qu’il faudrait 1 mole de méthane pour produire 0.7 moles de carbone organique. Ce résultat est en désaccord avec les estimations basées sur les rendements énergétiques qui estiment le rendement de la méthanotrophie à

Figure 33. Effet de la concentration en méthane sur la consommation en oxygène (A) et en méthane (B)

par Bathymodiolus sp. Tirée de Kochevar et al., 1992.

0.3 à 0.55 mol C/mol CH4 (Heijnen et Van Dijken, 1992). La consommation de méthane a été mesurée pour des concentrations en méthane sous le seuil de détection (environ 5 µmol/L), suggérant une très forte affinité des bactéries pour le méthane. Une expérience précédente (Robinson et al., 1998), a permis de mesurer des taux de consommation de 9.6 nmol/min/mg de protéine dans des homogénats de branchies incubés avec 200 µmol/L de méthane. Les équivalences protéine/poids sec étant indisponibles, il est difficile de comparer les différentes valeurs.

Riou et al. (2008) ont mesuré des taux d’incorporation médians de méthane de 0.07±0.07 µmol C/g poids sec de branchie/h chez B. azoricus, à des concentrations de 28 µmol CH4/L. L’enzyme utilisée par les bactéries MOX serait la méthanol deshydrogénase (Bettencourt et al., 2010; Fiala-Médioni et al., 2002).

Autres substrats

Le fluide hydrothermal est riche en composés réduits et les sources potentielles d’énergie pour l’oxydation du dioxyde de carbone ou du méthane sont multiples. Il est désormais de plus en plus évident que les espèces du genre Bathymodiolus sont capables de profiter de ces autres ressources disponibles. Les résultats d’une étude montrent une consommation d’ammonium et d’acides aminés en présence de méthane par les bactéries méthanotrophes d’une Bathymodiolus non décrite de suintements froids du Golfe du Mexique (Lee et al., 1992). Récemment, la découverte de champs ultramafiques riches en dihydrogène a conduit à l’hypothèse que cette espèce chimique pourrait y être la principale source d’énergie (Perner et al., 2013). De plus, une étude récente montre que le dihydrogène est bien oxydé par les bactéries sulfo-oxydantes de la modiole Bathymodiolus puteoserpentis, qui domine le champ hydrothermal Logatchev, au sud de la MAR (Petersen et al., 2011). Les auteurs mesurent des taux de consommation de 650 ± 200 nmol H2/g poids frais/h pour des pressions partielles de ~100 ppm, avec des taux de fixation équivalents à ceux obtenus en présence de soufre. Des mesures similaires faites sur des sites plus pauvres en dihydrogène montrent également une consommation de H2, mais à des taux 20 à 30 fois plus faibles (Petersen et al., 2011). Ce résultat laisse penser que le dihydrogène n’est pas une source principale de nourriture chez B. azoricus sur Tour Eiffel, étant données les faibles concentrations mesurées dans le fluide pur (Charlou et al., 2000).

Transfert de la production symbiotique

En comparant les taux d’incorporation dans les différents tissus de la modiole, Riou et al. (2008) montrent que le carbone est d’abord incorporé par les bactéries puis transféré aux autres tissus, incluant le système digestif, les organes vitaux, le manteau et les muscles. Le carbone peut être transféré à l’hôte soit par digestion des symbiontes (« farming » ou

« butchering »), soit par transfert de composés organiques par les bactéries vivantes (« milking », Goreau et al., 1973). Le mode de transfert entre les symbiontes et l’hôte est peu compris, mais des structures lipidiques observées à la base des bactériocytes suggèrent une digestion intracellulaire des symbiontes par les lysosomes de la modiole (et donc du « farming », Fiala-Médioni et al., 2002), comme cela avait été observé chez d’autres bivalves profonds (Fiala-Médioni et al., 1994; Fisher et Childress, 1986; Streams et al., 1997). Cependant, une analyse cytochimique associée à des observations au microscope à électrons et à des analyses à rayon X des bactériocytes a montré peu ou pas de produits de la réaction enzymatique dans le lysosome de l’hôte, ce qui va à l’encontre de l’hypothèse de digestion des symbiontes évoquée précédemment (Kádár et al., 2007b).

Hétérotrophie

Plusieurs études ont montré la capacité de plusieurs espèces de la sous-famille des Bathymodiolinae à filtrer la matière particulaire d’origine hydrothermale ou photosynthétique (Fiala-Médioni et al., 1986; Le Pennec et Prieur, 1984; Le Pennec et al., 1995; Page et al., 1991). Cette capacité a été démontrée par des expériences en laboratoire, ex situ et à pression atmosphérique, à partir d’isotopes stables du carbone et de l’azote (Riou et al., 2010). Les résultats indiquent des incorporations maximales de 0.50 µmol C/g poids sec de muscle/h pour une concentration en carbone organique dissous (DOC) de 302 µmol/L, issu des acides aminés libres dissous lors de l’expérience. La matière organique particulaire (POC) a été incorporée à des taux maximaux de 0.29 µmol C/g poids sec de muscle/h à 263 µmol POC/L de cyanobactéries. La matière particulaire organique peut provenir de la production par les microorganismes libres du fluide, de la dégradation de la matière détritique en suspension, ou de la surface. Contrairement à ce que l’on pourrait attendre, la matière organique photosynthétique ne constitue pas une part plus grande des ressources nutritives de la modiole dans les champs hydrothermaux plus superficiels comme Menez Gwen (Colaço et al., 2009, Portail et al., en préparation). En effet, les acides gras typiques de la matière organique produite en surface se retrouvent en faibles quantités chez B. azoricus de Menez Gwen, même lors des efflorescences planctoniques des couches superficielles de la colonne d’eau (Colaço et al., 2009), et les variations saisonnières observées (forts niveaux lipidiques en janvier et août) sont probablement dues à des processus physiologiques liés à la reproduction.

Trois sources de carbone organiques participent donc à la nutrition de B. azoricus. Les études ont cependant montré que la contribution relative de chaque source pouvait varier, conférant à la modiole sa grande plasticité trophique.

2.4.2.3. Plasticité de la nutrition : contribution relative des trois

sources

Cette plasticité s’observe dans les données d’isotopes stables et dans les proportions relatives des symbiontes dans les branchies.

Variabilité de la signature isotopique

Contribution relative des symbioses

L’analyse des isotopes stables des acides gras des modioles de Menez Gwen a permis d’estimer la contribution de la méthanotrophie et de la thiotrophie à environ 15-25% et 20% de la nutrition de l’hôte respectivement (Pond et al., 1998). De manière générale, sur l’édifice Tour Eiffel, les signatures isotopique de B. azoricus varient de -27 à -34‰, indiquant une contribution des deux symbiontes à son alimentation, mais avec une prédominance de la thiotrophie (De Busserolles et al., 2009). Une étude plus récente a permis d’évaluer la contribution relative de chacun des métabolismes dans la nutrition de B. azoricus. Cette contribution serait sur Lucky Strike de 78% pour la thiotrophie et de 22% pour la méthanotrophie (Portail et al., en préparation). La même étude montre que cette proportion varie selon les champs hydrothermaux, un résultat qui vient s’ajouter à la longue liste d’observations suggérant une variabilité et une adaptabilité de la nutrition de B. azoricus aux conditions du milieu (Colaco et al., 2002; De Busserolles et al., 2009; Fiala-Médioni et al., 2002; Trask et Van Dover, 1999, Portail et al., en préparation). Plusieurs auteurs soulignent que ces variations de signature sont fortement liées aux différences de composition chimique des fluides, à petite échelle (De Busserolles et al., 2009) ainsi qu’entre les différents champs étudiés le long de la MAR (Colaço et al., 2002).

Variabilité des signatures isotopiques le long de la MAR

Figure 34. Relation entre la composition du fluide pur (méthane et sulfures) et le δ13C des modioles de la MAR. (a) : concentrations en méthane vs sulfures du fluide pur ; (b) : signature δ13C des modioles vs la concentration en soufre du fluide pur. Les barres représentent l’écart-type, Lg : Logatchev, Rb : Rainbow,

Les analyses d’isotopes stables sur des B. azoricus provenant de différents champs ou édifices hydrothermaux montrent deux groupes de modioles (Colaço et al., 2002; Fiala-Médioni et al., 2002; Trask et Van Dover, 1999, Figure 34). Le premier a une signature en δ13C d’environ -30‰ et l’autre d’environ -20‰. Cette différence a également été observée à l’échelle du champ hydrothermal Lucky Strike, ainsi qu’entre deux édifices de ce champ, Tour Eiffel et Sintra (Trask et Van Dover, 1999). L’importance relative de la contribution de l’un ou l’autre type de symbiontes serait à l’origine de cette différence : le groupe des -20‰ dépendrait plus de la méthanotrophie et le groupe des -30‰ dépendrait plus de la sulfo-oxydation (Trask et Van Dover, 1999). Cependant, la composition du fluide pur seule ne peut expliquer la variabilité des signatures isotopiques intra-édifice (Le Bris et Duperron, 2010).

Variation des signatures isotopiques au sein de Tour Eiffel

En effet, la variation de la signature est forte entre les individus d’un même édifice. De Busserolles et al. (2009) ont montré que la signature isotopique de B. azoricus évoluait avec la taille, et donc avec la composition de l’environnement : les modioles plus grandes, plus proches du pôle chaud, présentent des signatures moins négatives, donc plutôt indicatrices d’un régime basé sur les apports des bactéries méthanotrophes, tandis que les plus petites présentent une signature plus négative, plus proche de celle attribuée à la sulfo-oxydation (Figure 35).

Variabilité des proportions relatives de symbiontes dans les branchies

Variation des proportions relatives de chaque symbionte selon les champs hydrothermaux Il a été de nombreuses fois montré que la proportion relative de chaque type de symbionte pouvait varier spatialement et temporellement. Les champs dont les fluides sont moins chargés en méthane sont habités par des moules qui abritent moins de méthanotrophes en proportion (Duperron et al., 2006; Fiala-Médioni et al., 2002; Halary et al., 2008; Trask et Van Dover, 1999, Figure 36).

Figure 35. Relation entre la longueur de la coquille de B. azoricus et la signature de ses tissus en δ13C, ainsi que les métabolismes associés. La couleur des points correspond aux différents échantillons, des échantillons associés à de faibles températures (gris

clair) à ceux associés aux températures plus élevées (gris foncé). Tirée de De Busserolles et al.,

Figure 36. Relation entre la concentration

maximale du fluide pur des champs hydrothermaux de la MAR et la proportion relative de bactéries sulfo-oxydantes. Figure issue du Tableau 3. La relation est une

tendance et n’a pas été testée statistiquement

Tableau 3. Synthèse des données de proportion de symbiontes sur la MAR. [H2S] : concentration maximale du fluide pur en sulfure (µmol/L) d’après Le Bris et Duperron, 2010. [CH4]/[H2S] : rapport des concentration maximales en méthane et en soufre .%SOX : Proportion relative, en volume ou en surface,

des bactéries sulfo-oxydantes ; Références : 1. Le Bris et Duperron, 2010 ; 2. Halary et al., 2008 ;3. Szafranski et al., 2015 .

Champ [H2S] [CH4]/ [H2S] %SOX Espèce Référence

Logatchev 3600 1.03 59.2% B. puteoserpentis 1

Lucky Strike 3300 0.30 70.5% B. azoricus 1

56.5% B. azoricus 1

68.5% B. azoricus 1

56.2% B. azoricus 2

68.5% B. azoricus 2

Menez Gwen 1500 1.75 52.6% B. azoricus 3

53.1% B. azoricus 2

Rainbow 2500 1.00 43.7% B. azoricus 3

39.4% B.azoricus 1

Variation des proportions relatives de chaque symbionte sur de petites échelles spatiales Peu d’études se sont à ce jour intéressées aux variations des abondances relatives des symbiontes de B. azoricus sur de petites échelles spatiales. Une étude menée sur les juvéniles de Bathymodiolus puteoserpentis à Logatchev (Wendeberg et al., 2012) a montré que les modioles prélevées au même endroit par le ROV ne présentent pas de différences