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LA PREMIÈRE SÉRIE DANS LA CRÉATION DES POSTES DE MISSION

OCCUPATION MISSIONNAIRE DU HAUT-UBANGI

1.2. FONDATION DES MISSIONS

1.2.1. LA PREMIÈRE SÉRIE DANS LA CRÉATION DES POSTES DE MISSION

L’arrivée des missionnaires dans l’Ubangi se passa à un mauvais moment parce que la présence européenne ne jouissait pas d’une perception favorable dans la région. En fait, les agents de l’État avaient reçu l’ordre de collecter une quantité prescrite de caoutchouc et d’ivoire. La région de Banzyville, par exemple, devait fournir mensuellement 7000 kilos de caoutchouc et 500  kilos d’ivoire. Afin d’obtenir cette quantité, les agents étaient obligés d’engager des soldats qui débarquaient avec leurs canots à rame et réquisitionnaient aussitôt toute la nourriture. Poursuivant les habitants en fuite, ils arrêtaient toutes les femmes et les gardaient en otage jusqu’à la livraison par le chef de clan du caoutchouc exigé. Cette opération se terminait par la revente des femmes pour un couple de chèvres ! Cette façon d’agir suscita le trouble et le mécontentement dans toute la région, ainsi qu’une grande hostilité vis­à­vis de tout ce qui était Blanc. De 1902 à 1910, les responsables coloniaux envoyèrent des expéditions punitives pour soumettre la population indigène à son autorité absolue. Des villages entiers déménagèrent dans l’espoir de se soustraire à l’occupant blanc (Teuns 2010 : 220).

Les premiers missionnaires installés à Banzyville qui se mirent à accueillir et soigner les nombreux malades couverts de plaies et d’ulcères eurent du succès. Mécontente, l’autorité locale de l’EIC interdit les soins des malades au poste même. Mais au mois de mars 1911, le père Baziel Tanghe créa une petite classe en plein air. Tous les matins, il apprenait aux enfants comment tracer les lettres de l’alphabet. Ce fut un succès.

Mais Banzyville ne se révéla pas propice à l’installation des missionnaires parce que la population locale n’était pas très encline à leur vendre ses produits. En plus, il se posait le problème d’espace, les bons terrains étant déjà occupés soit par le poste d’État soit par un village. Les missionnaires avaient compris que les renseignements officiels étaient tronqués. Dans sa lettre du 10  décembre 1910 au directeur général du ministère des Colonies, le père Fulgence Carnonckel, supérieur des capucins de l’Ubangi, ironisait en ces termes  : « […] Quel beau pays ! C’est sans doute un des coins les plus pittoresques du Congo. Malheureusement, le sol n’est pas fertile : sur le haut, des pierres rocailleuses ; dans le bas, un terrain marécageux, par suite des inondations aux eaux hautes. Les plantations de caoutchouc ne réussissent pas, même le manioc ne donne pas un rendement suffisant. Ce n’est pas le pays de cocagne comme on s’est plu à nous le dire » (AAAE Fonds M (596) 1).

1938 : « Fabrication de la farine de manioc en chefferie Mbongo : femme écrasant les cassaves après rouissage ».

(AP.0.2.1125, collection MRAC Tervuren ; photo H. Rosy, 1938 © MRAC Tervuren.)

Femme ngbandi préparant un repas.

(AP.0.2.1128, collection MRAC Tervuren ; photo H. Rosy, 1938 © MRAC Tervuren.)

1911 : Mgr Fulgence Carnonckel.

(Teuns 2010 : 31.)

C’est en  avril 1911 que parut le décret érigeant la nouvelle mission en préfecture apostolique de l’Ubangi ; le père Fulgence Carnonckel fut nommé préfet trois mois après, le 11 juillet.

a) L’éphémère mission de Lembo : mars-août 1911C’est à Lembo que fut installé à partir de mars 1911 le premier poste de mission, les bonnes terres autour de Banzyville étant déjà occupées par l’État et la population locale. À première vue, ce lieu présentait des avantages avec un espace boisé, de la terre argileuse et fertile. Le 26 avril, le père Fulgence Carnonckel acheta 35  moutons et 5  chèvres à des commerçants arabes. Il avait racheté quelques esclaves auxquels il donnait des cours. C’était l’embryon d’un internat d’où sortit plus tard l’école pour catéchistes.

Mais Lembo fut assez vite abandonné. Tout le cheptel avait péri, car l’emplacement n’était pas viable. Il était situé au milieu de marécages et la totalité du terrain était complètement inondée pendant la saison des pluies. En outre, les plantations étaient constamment ravagées par les éléphants et les cochons sauvages. Sur les recommandations de l’agent Vaes, responsable de l’élevage à Yakoma, Lembo fut abandonné au mois d’août et la mission partit s’installer à Mbindu.

b) La mission de Banzyvlle-Saint-Michel : 15 janvier 1912

Le 29 octobre 1911, dans une lettre adressée au supérieur général des capucins, le père Carnonckel

attribuait les difficultés des missionnaires à obtenir un bon terrain à Banzyville au fait que l’État s’était réservé toutes les bonnes terres du poste pour les plantations du caoutchouc. « […] On nous avait certifié, d’après les rapports officiels, que nous aurions facilement un terrain convenable pour l’établissement d’une mission. Il n’en fut rien. Tout le terrain quelque peu fertile était pris par les plantations d’irechs du poste » (ACB/Anvers, Carnonkel au père général, 29.12.1911).

En septembre 1911, sur ordre de l’administrateur du territoire, les anciens soldats qui s’étaient établis à vingt minutes au sud du poste déplaçaient leur village ; les capucins purent alors occuper cet emplacement. Le terrain avait une superficie de trente­quatre hectares, quarante ares. Les missionnaires bâtirent leur première station en pisé.

La construction comprenait une chapelle, deux maisons, une école pouvant accueillir deux cents enfants et un potager. La mission fut baptisée « Saint­

Michel ». La station de Banzyville avait pour champ d’action : l’évangélisation des chefferies situées autour du poste ; c’est­à­dire les trois chefferies sango  : (Kumbu, Mune et Ziamba) ; mais aussi les groupes situés à l’intérieur. Les Ngonda et les Lite à l’ouest ; les Nzakara et les Basa à l’est du poste.

Même si les missionnaires avaient choisi Lembo pour fonder une grande mission, Banzyville gardait toute son importance au vu de son poids politique et de sa population. Au départ, les missionnaires voulurent y construire une annexe au poste de Lembo comprenant une chapelle, une maison et une école.

La construction commença en  octobre 1911 avec

Rachat d’un premier groupe d’esclaves par les missionnaires.

Source : Teuns 2010 : 221. La première chapelle payée par l’administrateur Rossi à Banzyville. (Teuns 2010 : 32.)

l’ouverture d’une école et d’un catéchuménat. Aussi, assez vite, on ouvrit un dispensaire à cause des ravages de la maladie du sommeil fort répandue dans la région. Le 14 novembre 1912, le ministre revenait sur la question du terrain à accorder aux pères capucins, en insistant pour que le choix du terrain soit laissé aux missionnaires (AAAE Fonds M (596) 1 Minis.

au GG, 14.11.1912). C’est en 1929 que fut construite l’église en brique, la première de l’Ubangi.

c) La mission de Mbindu : du 22 janvier 1912 au 19 août 1914

C’est aussi l’agent Vaes qui conseilla aux missionnaires le choix de Mbindu. Les enfants qui résidaient à Lembo furent transférés à ce nouveau poste en  juillet 1912. Le directeur de l’école des

catéchistes, le père Benjamin Lekens s’installa en décembre 1912. Mais là, la maladie du sommeil sévissait, tout le bétail périt et l’endroit s’avéra mal adapté. Même l’évangélisation ne réussit pas, malgré la chapelle construite à Sokoro et Kengulu. Fin mars 1913, la rivalité entre les Ndekere rendit le travail d’apostolat quasi impossible.

Les habitants de Mbindu qui avaient jadis été maltraités par un agent de l’État se méfiaient des missionnaires. Seuls les malades venaient se faire soigner. L’école ne progressait pas. Le ravitaillement était difficile, les habitants ne voulaient rien vendre aux missionnaires. La décision d’abandonner le poste de Mbindu prise en août 1913 fut exécutée le 19 août 1913.

d) Abumombazi-Saint-Fidèle : à partir du 24 avril 1913

Le projet prévoyait l’extension de la mission de l’Ubangi par la fondation d’une seconde mission à Yakoma. Mais le terrain sur lequel les missionnaires devaient s’installer était constitué de vastes marais et infecté de mouches tsé­tsé ; par ailleurs, en 1913, un missionnaire scheutiste parcourut la région d’Abumombazi à la recherche d’un terrain pour fonder une mission. Ce fait décida les capucins à mettre en veilleuse le projet de Yakoma et à fonder le 24  avril 1913 la station d’Abumombazi baptisée

« Saint­Fidèle », coupant ainsi la route aux pères de Scheut (ACB/Anvers, Dos. n° 221 : 123).

La mission fut établie sur le terrain de l’ancien village des Bwato qui s’était fixé au­delà de la rivière

La chapelle-école à Abumombazi.

(Teuns 2010 : 30.)

Abumombazi : l’église construite par le frère Innocent.

(Teuns 2010 : 36.) Ce même édifice vu à partir de l’arrière.

Ici on voit que le clocher a été rajouté à l’extérieur, car l’ancien intégré à l’origine dans le bâtiment ne fonctionnant plus est devenu

difficile à entretenir. (Photo équipe locale, 17 juillet 2015.)

Legbala (rive gauche) en 1912. Le terrain occupé mesurait cent trente et un hectares. La mission d’Abumombazi devait christianiser les dix­sept chefferies et neuf sous­chefferies que comptait le territoire administratif d’Abumombazi. L’action de la station s’étendait encore sur la région nord­est, c’est­

à­dire les chefferies Mbongo, Nzamba et Lite de l’est.

L’établissement de la mission d’Abumombazi ne fut rendu possible que grâce au deuxième groupe de missionnaires arrivé en  juin 1912. Le milieu présentait plus d’avantages au vu de sa démographie et de la présence d’une population largement gagnée par la présence européenne.

Le 24 avril 1913, le père Ferdinand Peeters et le frère Humilis Ceulemans arrivés sur place se mirent à construire les bâtiments provisoires et à ouvrir une école où affluèrent les enfants. D’où la décision de transférer l’école des catéchistes de Mbindu à Abumombazi. L’église construite fut consacrée le 24 avril 1938.

e) Molegbe-Saint-Antoine : 19 août 1913

Après la station d’Abumombazi, les capucins fondèrent le 19  août 1913 la mission de Molegbe, dénommée « Saint­Antoine », à l’ouest de Banzyville.

Molegbe était un ancien poste de caoutchouc de l’État situé à neuf lieues de Banzyville dont il dépen­

dait administrativement. Ce poste fut abandonné en 1912. La mission fut établie en plein cœur des chef­

feries Lite, Molegbe, Kawele et Gbau. C’était sur ces

populations que devait porter en premier lieu l’apos­

tolat des capucins. La mission étendit ensuite son action sur les Mbanza à l’ouest.

Tout commença au mois de juin 1913 lorsqu’un agent de l’État invita le père Augustin Van den Eynde à visiter Molegbe. Près de la rivière Pinda se trouvait un poste agricole abandonné en 1908. Mgr Fulgence Carnonckel qui se rendit sur le lieu décida de fonder une mission. La charge revint au père Julien Bourgaux et au frère Amand De Lonoy. Malheureusement, la région fut troublée par un assassinat politique qui conduisit à la guerre opposant deux villages. Son ampleur fut telle que les militaires durent intervenir pour rétablir l’ordre ; ce qui paralysa l’action d’évan­

gélisation pendant plusieurs années.

Une fois le calme revenu, le père Bougaux ouvrit une école et l’État lui confia quelques enfants esclaves. Cela permit la fondation d’un internat. La construction de l’église commencée en 1928 s’acheva en 1932. Molegbe devint le centre de la mission. C’est là que résidaient le préfet apostolique et ses succes­

seurs. En 1930, le petit séminaire d’Abumombazi fut transféré à Molegbe ainsi que la congrégation des filles de Marie. Les frères d’Oostakker construisirent une école normale en 1936 et la congrégation des frères de Saint­Joseph fut fondée ici en 1940.

Mgr Carnonckel est transporté en tipoi, lors de ses voyages.

(Teuns 2010 : 76.)

Église de la mission de Molegbe.

(HP.1956.15.5262, collection MRAC Tervuren ; photo J. Mulders.)

Vue rapprochée de cette même cathédrale en novembre 2017.

(Photo de l’équipe locale.)

f) Mission de Dondo-Notre-Dame secours des chrétiens : du 6 décembre 1913 au 13 novembre 1918

Profitant des dispositions favorables du chef Sombi que le père Augustin Van den Eynde avait soigné d’une maladie, les capucins ouvrirent une chapelle­école, avec catéchiste, le 23  janvier 1912.

En 1913, la décision d’établir une mission suivit.

L’abandon d’un entrepôt par un commerçant arabe offrit au père Libérat Maes venu de Mbindu d’im­

planter le nouveau poste.

Le terrain provisoirement concédé mesurait 15,76 hectares. La mission fut établie sur le terrain appartenant à la chefferie Dondo. Elle devait abriter la principale station de cultures et de fermes d’éle­

vage de la mission de l’Ubangi. La station de Dondo avait pour vocation d’évangéliser les Dondo et les Vôtê. À la mission de Dondo fut annexée l’école­cha­

pelle de Kengulu, chez les Ndekere.

Mais Dondo restait isolé, les villages environnants étant peu nombreux. D’ailleurs, un ouragan détruisit

en 1917 l’église provisoire. À cela s’ajouta le conflit qui opposa les missionnaires à un notable polygame.

La population prit fait et cause pour le polygame et fit le vide autour de la station. Le 13 novembre 1918, on décida d’abandonner Dondo où un catéchiste resta, tandis qu’un père de Banzyville s’y rendait régulièrement pour rendre visite aux chrétiens. On y retourna plusieurs années après.

g) Mission de Yakoma-Saint-Jean : à partir du 23 septembre 1923

La mission de Yakoma fut fondée en  août 1923. Elle aurait pu l’être bien avant les autres, mais l’unique terrain favorable pour une mission, notamment l’emplacement de l’ancienne ferme de l’État, fut déclaré insalubre par le service médical.

Le préfet apostolique de l’Ubangi pensait que le prétexte d’insalubrité était une action malveillante de l’autorité territoriale qui visait à retarder

l’établissement des missionnaires à Yakoma. Voici ce qu’il écrivait  : « J’ai été assez souvent à Yakoma et la question d’insalubrité n’a jamais été soulevée par l’autorité devant moi. Je n’insiste pas. Seulement j’ai trouvé très singulier que le Représentant de la Mission n’ait jamais été consulté au sujet des négociations engagées pour un terrain à Yakoma » (AAAE Fonds M (596) A­XVIII 1 Capucins­Divers).

C’est à partir de 1922 qu’un missionnaire allait séjourner régulièrement dans le village. En 1923, la décision d’ériger une mission fut prise. Pendant les trois premières années, le feu la détruisit trois fois.

En 1927, la foudre tomba sur l’église. En mai 1930, l’église fut incendiée par des habitants en furie et elle brûla une fois de plus à Noël 1935.

Les missionnaires ne voulurent pas l’abandon­

ner, d’autant plus qu’en 1935 les protestants avaient placé des catéchistes dans les villages et que l’État y

Yakoma : la vieille église.

(Teuns 2010 : 43.)

L’église de Yakoma.

(Teuns 2010 : 49.)

avait déporté des kimbanguistes originaires du Kasaï.

Ils fondèrent même un nouveau poste à Wapinda.

Malgré cette présence religieuse nombreuse, la région fut perturbée en 1936­1937 par le mouvement Kitawala dont les membres avaient aussi été déportés.

La mission de Yakoma occupait une grande partie du territoire appartenant à la mission d’Abumombazi ; son champ d’apostolat s’étendait également sur les chefferies situées à l’ouest : Tongu, Kando et Nzale.

La fondation de la station de Yakoma, considérée comme la limite est de la préfecture, marqua la prise de possession religieuse du Haut­Ubangi.

1.2.2. LA DEUXIÈME SÉRIE DE POSTES DE MISSION :