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HABILLEMENT ET ESTHÉTIQUE DU CORPS

ART ET CULTURE NGBANDI

2.2. HABILLEMENT ET ESTHÉTIQUE DU CORPS

Les Ngbandi ignoraient tout des pagne en tissu de raphia, très répandu chez les peuples de la savane au sud de la grande forêt équatoriale. L’habillement était le nguba, pagne fait d’écorces d’arbre battues ; l’arbre lui­même s’appelait bongo ; de là, bongo est devenu un nom générique attribué au vêtement : pagne, jupe, blouse, pantalon, chemise, etc. De l’arbre bongo, on enlevait l’écorce de 30 à 40 cm de large sur 50 à 60 cm de longueur ; l’écorce était mise sur un morceau de gros tronc d’arbre et battue avec une massue en bois ; l’écorce ramollie était séchée au soleil et devenait le pagne­nguba. Les hommes le portaient en le passant entre les jambes ; il était retenu par une ceinture faite de fibres de liane (wi) pour les femmes.

Malgré le développement du courant commer­

cial du XIXe siècle qui avait mis le Haut­Ubangi en relation avec le Soudan et le bassin du lac Tchad, les Ngbandi n’eurent pas accès aux tissus en coton ou en soie d’origine européenne ou asiatique avant l’occu­

pation coloniale. Ces échanges avaient permis aux Ngbandi d’acquérir des moutons, des chevillières en plomb et surtout des perles (de Dampierre 1983 : 19) mais pas de tissus en coton. Les sultans zande et nzakara, par qui transitaient les marchandises d’origine européenne ou asiatique, ne pouvaient lais­

ser passer les tissus en coton, articles très précieux, qu’ils gardaient pour eux ou pour les membres de leur cour, comme ils le faisaient avec les armes à feu, qu’ils échangeaient contre l’ivoire (Kalck 1959 : 95­96 ; Ngbakpwa 1992 : 184). La deuxième expé­

dition Vangele dans le Haut­Ubangi remarqua que

« les indigènes » avaient dans leur chevelure une pro­

fusion de perles, qu’ils disaient provenir de Bangasu (Liénart 1888 : 393) ; Bangasu était le roi des Nzakara dans le Mbomu. Le capitaine Vangele lui­même dans ses nombreuses expéditions pour l’occupation du Haut­Ubangi n’apporta pas de tissus européens,

mais des caisses de perles pour les échanger contre l’ivoire. Le tissu européen arriva chez les Ngbandi beaucoup plus tard, au début de la colonisation belge. Aujourd’hui, dans les villages ngbandi, des hommes portent encore le pagne de leurs épouses en le passant entre les jambes ; ils se promènent ainsi dans le village ou vont aux champs, une survivance de la culture du nguba.

L’esthétique du corps. Les Ngbandi accordaient une attention particulière à la toilette de leur corps.

Le pagne nguba servait surtout à couvrir le sexe ; aussi bien chez l’homme que chez la femme, la

partie du corps restée libre devait être embellie ; le tatouage (faye en ngbandi) devenait le critère de beauté. Les femmes ngbandi donnaient alors libre cours au tatouage sur leur corps. Les forgerons bila et gembele fabriquaient les instruments nécessaires : lamelles très tranchantes (kpeka) pour faire des incisions, lamelles (zoinwe) pour se raser, pointes (ngalangele) pour faire des lignes et pour tres­

ser, etc. Il n’y avait pas de règles imposées, chaque femme choisissait la partie du corps qu’elle voulait mettre en valeur. Le tatouage du bras de la femme sango avait comme motifs le poisson et les arêtes : c’était la fierté de la vie de pêcheur (EP.0.0.14446.) ; le tatouage du bras et du dos de l’autre femme sango manque de motifs bien définis (AP.0.0.12281). Les deux autres femmes ont choisi de mettre en valeur leur ventre, les tatouages partant du bas du nombril jusqu’à la poitrine, avec chaque fois, deux petites lignes courtes parallèles ou encore un losange entre les deux seins (AP.0.0.12283, AP.0.0.6669). Sans exa­

gération, les tatouages du mollet et du dos étaient de l’art (AP.0.0.12282, EP.0.0.14447, AP.0.0.12280, EP.0.0.1470). Il est incroyable que ce peuple sans écriture ait pu réaliser de telles formes géométriques.

Les hommes recouraient aussi aux tatouages pour se faire beaux ; le front et le visage étaient l’en­

droit indiqué pour les tatouages. Certains tatouages constituaient une marque tribale, comme les « ché­

loïdes » (cicatrices en forme des bourrelets) sur le front, aussi bien chez les hommes que chez les femmes ngbandi. Ces tatouages furent interdits par

Féticheur, homme qui prédit l’avenir et jette le sort bon ou mauvais.

(EP.0.0.4874, collection MRAC Tervuren ; photo J.-F. Hens, 1886-1889.)

Jeune fille ngbandi en deuil.

(EP.0.0.4868, collection MRAC Tervuren ; photo J.-F. Hens, 1886-1889.)

Un chef sango.

(AP.0.0.3091, collection MRAC Tervuren ; mission Laurent, 1903.)

Femme jogboma chez les Sango du chef Zanga dans le clan Mofunga.

(EP.0.0.14446, collection MRAC Tervuren ; photo mission A. Hutereau, 1913.)

Femme sango : tatouages de dos.

(AP.0.0.12280, collection MRAC Tervuren ;

photo mission A. Hutereau, 1913.) Tatouage de la région de Pambwa (Banzyville).

(EP.0.0.1470, collection MRAC Tervuren ; photo H. Vachaudez, s.d.) Femme assise : « Wato − Tatouages du dos,

femme sango de Banzyville, Dingo ».

(EP.0.0.14447, collection MRAC Tervuren ; photo mission A. Hutereau, 1913.)

Femme sango - tatouages des bras.

(AP.0.0.12281, collection MRAC Tervuren ; photo A. Hutereau, 1913.) Femme sango : tatouages.

(AP.0.0.12264, collection MRAC Tervuren ; photo mission A. Hutereau, 1913.)

(AP.0.0.12283, collection MRAC Tervuren ;

photo mission A. Hutereau, 1913.) (AP.0.0.6669, collection MRAC Tervuren ; photo Zambelli, 1904.)

Dongo : tatouages du ventre

Tatouages des mollets.

(AP.0.0.12282, collection MRAC Tervuren ; photo A. Hutereau, 1913.)

Femme sango.

(AP.0.0.12267, collection MRAC Tervuren ; photo mission A. Hutereau, 1913.)

Un homme sango.

(AP.0.0.12268, collection MRAC Tervuren ; photo mission A. Hutereau, 1913.) Notable de Guga, Ngbandi de la Ngiri.

Tatouages, collier à dents de léopard, calotte en peau de léopard et chasse-mouches en queue de buffle.

(EP.0.0.4915, collection MRAC Tervuren ; photo A. Bal, vers 1935 © MRAC Tervuren.)

l’autorité coloniale ; les Ngbandi optèrent alors pour le tatouage de la commissure des yeux ; on rencontre encore aujourd’hui des Ngbandi qui en portent.

Les dents aussi devaient être mises en valeur.

Les Ngbandi avaient deux façons de tailler les dents pour les embellir : le ngbaga, appelé parfois kangba, parce qu’après l’opération, les dents ressemblaient aux pattes de crabe ; c’est ce que les Européens appelaient la « mutilation de la denture ». Elle fut interdite par la colonisation. L’autre façon de tailler les dents était appelée panya. C’était une légère taille (limage) de deux incisives ; elle rencontrait beaucoup de succès chez les jeunes garçons et les jeunes filles jusqu’après 1960.

La coiffure était aussi bien soignée pour plaire.

Les échanges commerciaux de la fin du XVIIIe siècle dans le Haut­Ubangi et le Mbomu apportèrent aux Ngbandi des perles (lenge ou bisi en ngbandi) de toutes les couleurs. Les perles étaient devenues les principaux articles de parure chez les danseuses de lenge, mais aussi chez les hommes et chez les femmes adultes ngbandi. Le capitaine Vangele écrivait : « Ils sont fous de perles, surtout les rouges et les blanches » (Vangele, lettre du 25 octobre 1889, archives MRAC).

Les perles étaient tantôt enfilées dans le cheveu, tantôt portées comme collier, comme bracelet ou encore comme ceinture à la hanche. Les hommes rivalisaient en parure de cheveux avec les perles.

Voici ce que disait Basile Tanghe : « En Europe, ce sont les filles qui tentent de plaire aux garçons ; chez les Ngbandi, ce sont les garçons qui tentent d’ama­

douer les filles pour qu’elles s’enfuient chez eux : ils se parent de toutes sortes d’ornements pour surpas­

ser les autres, avec le but évident d’attirer sur eux les regards et les grâces des jeunes filles » (Tanghe 1928 : 41). Pendant la colonisation, les jeunes adolescents ngbandi mettaient encore, comme les filles, du ver­

nis à ongles de couleur rouge.