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ART ET CULTURE NGBANDI

2.3. LES DANSES

Les Ngbandi pratiquaient plusieurs danses parmi lesquelles on peut citer  : lenge, gbaduma, lenze, ngope, etc.

Lenge est une vieille danse séculaire ngbandi et la plus connue. Elle était exécutée par des filles impu­

bères. Lenge était plutôt un véritable ballet ngbandi avec une organisation rigoureuse. Au départ, il y avait la maîtresse du ballet (la conceptrice ou l’organisa­

trice), une femme respectée du village qui décidait

Femme sango : mutilation dentaire.

(AP.0.0.12279, collection MRAC Tervuren ; photo mission A. Hutereau, 1913.)

Chez les Sango : mutilation de la denture.

(AP.0.0.12266, collection MRAC Tervuren ; photo mission A. Hutereau, 1913.)

Lenge : danseuse parée, peinture faciale.

(EP.0.0.8956, collection MRAC Tervuren ; photo C. Zagourski, s.d.)

La danse lenge est une très ancienne coutume ngbandi.

Seules des fillettes impubères peuvent y participer ; elles chantent pour s’accompagner, au rythme du tam-tam

et des battements de mains.

Après un an, les danseuses sont remplacées. Alors, la lenge partage ses bénéfices entre sa formatrice, ses parents, les chanteuses qui l’accompagnent et elle-même. Puis elle se marie ou attend un mari.

(P.0.0.209, collection MRAC Tervuren ;

(EP.0.0.8219, collection MRAC Tervuren ; photo Ch. Dandoy (Inforcongo), 1946 © MRAC Tervuren.)

Les Sango vus à Banzyville.

(AP.0.0.101, collection MRAC Tervuren ; photo F.L. Michel, 1894.)

Coiffures de jeunes gens sango.

(AP.0.0.160, collection MRAC Tervuren ; photo F.L. Michel, 1894.)

de former un groupe lenge ; elle se faisait aider par un jeune homme. Toutes les jeunes filles nubiles étaient convoquées pour une séance de danse qui équiva­

lait à une présélection ; après deux ou trois séances, les concepteurs retenaient les meilleures danseuses.

Une nouvelle élimination intervenait encore après quelques séances : c’était à partir de ce moment que le groupe définitif se formait, comprenant quinze à vingt filles et pour une durée de trois à quatre mois.

L’organisation comprenait : la responsable, la femme ta lenge, et son assistant, le jeune homme to lenge, les maquilleuses, les batteurs de tam­tam et d’autres instruments de musique, enfin les surveillants. Les

règlements internes étaient stricts : aucun garçon ne pouvait s’approcher des filles, elles restaient sous la surveillance constante des responsables. Après plu­

sieurs semaines de préparation et de répétition, on fixait la date de la première production. La danseuse qui présentait un talent exceptionnel était choisie pour être la leader : gbia lente. Les danseuses por­

taient des parures : des clochettes fixées à la cheville, des perles de toutes les couleurs enfilées et atta­

chées aux cheveux déjà tressés, des ceintures de grosses perles croisées sur la poitrine et d’autres sur la hanche. Tout le corps était peint de poudre rouge ngola (mbio) mélangée à l’huile de palme, les bras et

Parées de plumes d’autruche, de dards de porc-épic et de perles multicolores, le corps teint au ngola (poudre rouge) et luisant d’huile de palme, le visage orné de dessins blancs tracés au kaolin, les petites danseuses lenge évoluent en chantant, au son du tam-tam où se mêle le tintement de leurs bracelets de métal. La gracieuse danse lenge est une très ancienne coutume des

Une danseuse lenge du territoire de Banzyville.

(HP.2009.3.323, collection MRAC Tervuren ; photo J. Mulders (Inforcongo), 1950 © MRAC Tervuren.)

le front ornés de dessins en poudre blanche de kao­

lin. Les danseuses portaient des jupes en raphia.

Pendant la danse (spectacle), le surveillant muni d’un petit fouet ne quittait pas les filles des yeux, rap­

pelait à l’ordre d’un petit coup sur la tête celle qui était distraite ou qui ne suivait pas correctement le rythme. Les danseuses formaient un grand cercle autour de leur leader gbia lenge, les musiciens pos­

tés derrière les danseuses. Le son des tam­tams et d’autres instruments de musique, doublés des batte­

ments des mains et des chants, rythmaient la danse.

Les danseuses interpellaient les passants et leur récla­

maient quelque chose, celui qui n’avait rien pouvait toujours continuer son chemin, les danseuses lui lançaient quelques quolibets. C’était un grand dés­

honneur de ne pas donner un petit cadeau.

Le groupe (ballet) se déplaçait de chefferie en chefferie. Le jour de la production constituait une grande attraction pour tout le village. Les parents, surtout les femmes, amenaient leurs fillettes au spec­

tacle pour s’en inspirer plus tard ; c’était une grande fierté de voir sa fille danser la lenge.

Le jour du spectacle, si le chef du village assistait à la danse et se levait pour déposer sur la tête de gbia lenge un petit cadeau, celle­ci deviendrait son épouse

à la fin du cycle lenge. Quelquefois, des compétitions intervillages pour désigner le meilleur groupe lenge avaient lieu et lors de grands événements, tel ou tel chef de village pouvait l’inviter.

Lenge était la danse préférée du président Mobutu, qui avait cherché à la relancer dans sa forme origi­

nelle. Après quelques compétitions intervillages, le président choisit le groupe lenge de Tongu près de Yakoma ; lenge constituait pour lui un grand moment de divertissement. Ce groupe recevait régulièrement des invitations à danser à l’aéroport de Moanda (Gbado­Lite) pour l’accueil d’un hôte important présidentiel, comme lors de l’arrivée du roi Baudouin ou du retour du président de l’étranger ou de Kinshasa. Certains chants étaient composés à la gloire du président.

L’occupation coloniale et la scolarisation des filles ont fait perdre à lenge toute son importance en tant que groupe organisé. Les missionnaires de leur côté ne pouvaient accepter que les filles dansent les seins nus. La danse lenge existe toujours, mais le groupe se forme pour un événement précis et se dissout aus­

sitôt après, avec le partage immédiat des cadeaux, comme en 2011 à Yakoma, lors de l’arrivée d’Olive Lembe Kabila ; elle exécuta quelques pas de danse avec les danseuses de lenge. Ou encore à Kinshasa à l’occasion de l’élection de Kengo à la présidence du Sénat. Les danseuses ne sont plus des filles pubères.

Gbaduma est une danse ngbandi vieille et clas­

sique. C’est la danse la plus populaire encore de nos jours, alors que la lenge tend à disparaître. Gbaduma est exécutée à diverses occasions  : fiançailles, mariage, retrait de deuil, anniversaire, nomination politique, etc.  ; et jouit d’une notoriété publique.

Aujourd’hui, elle se danse au village, en ville, à Kinshasa et même en Europe ; c’est un grand élément de la culture ngbandi. C’est une danse d’adultes, mixte, hommes et femmes dansent ensemble. Les chants sont tirés de thèmes de société. L’extrait qui suit en est un exemple  : « une femme est comme une chikwange, de même que vous exigez à la ven­

deuse de vous montrer l’échantillon pour apprécier la qualité avant d’acheter, vous devez faire de même avec une femme, coucher avec elle, apprécier ses performances au lit, son courage au travail, avant de l’épouser ». Les danseurs forment un cercle, les musiciens sont à côté, ils jouent de grands et petits tam­tams et du xylophone. Les Ngbandi possédaient les mêmes tam­tams que les Bandia. Le mélange de ces instruments donnait un son merveilleux ; au son de la musique, les danseurs ajoutaient les battements

des mains. Le meilleur danseur ou la meilleure dan­

seuse se mettait au milieu du cercle, les chants, les battements des mains, la musique l’accompagnaient, pendant sa danse ; après 30 ou 40 minutes, essouf­

flée, la vedette se faisait remplacer. Une personne moins douée pour cette danse ne pouvait se risquer au milieu du cercle.

On comptait quelques meilleurs danseurs ou danseuses par village ; il en était de même avec les batteurs de tam­tam, qui étaient les vedettes du vil­

lage. Il y avait un spécialiste pour le grand tam­tam, un autre pour le petit tam­tam. L’apprentissage par le jeune, sur le modèle choisi, pouvait durer jusqu’à un an, parfois deux ans. La façon de danser la gba-duma n’a pas varié depuis des siècles. C’est l’un des éléments de la culture ngbandi qui n’est pas altéré par l’occupation coloniale.

Lenze était aussi une veille danse pratiquée uniquement par les femmes mariées à l’occasion de grandes cérémonies  : le retrait de deuil d’un ancien chef de village ou d’une personne impor­

tante, l’intronisation d’un nouveau chef coutumier, le mariage du chef ou l’accueil d’un de ses illustres hôtes, etc. Elles étaient parfois parées d’une coif­

fure en plumes, de petits grelots aux chevilles, d’un couteau de parade giango et d’un petit balai ou chasse­mouches à la main. Les danseuses formaient un grand cercle, la conductrice de la danse, munie de la grande sonnette jumelée en fer, entonnait le

Mobutu et le roi Baudouin accueillis par les lenge à Gbado-Lite en 1985. (Capture d’écran du film sur la visite du roi Baudouin

au Congo en 1985 ; droits réservés.)

Danseuses lenge : la cadence est donnée par le tam-tam, les chansons, le battement de mains des fillettes et les clochettes fixées à la cheville des danseuses.

Les lenge sont des filles impubères choisies comme danseuses, à raison d’une par village, par les chefs de village mongwandi et sango. Elles sont instruites par une femme qui les conduit de village en village. Elles vivent des dons reçus au cours des réunions, et qui peuvent atteindre 200 F, pour un gros village, par danseuse. Les danses très rythmées représentent entre autres la vie d’une jeune fille jusqu’à son mariage. Après un an, les danseuses sont remplacées. Alors, la lenge partage les bénéfices avec sa dirigeante, ses parents et les chanteuses-accompagnatrices. Puis, elle se marie ou attend un mari.

(EP.0.0.8150, collection MRAC Tervuren ; photo Ch. Dandoy (Inforcongo), 1946 © MRAC Tervuren.)

À Molegbe, quatre lenge.

(EP.0.0.1439, collection MRAC Tervuren ; photo H. Vachaudez, s.d.)

Les quatre ngaza qui forment l’orchestre de danse des Abandia.

(EP.0.0.7259, collection MRAC Tervuren ; photo mission A. Hutereau, 1913.)

chant repris en chœur par les danseuses. Le petit tam­tam, combiné aux différents sons de cloches jumelées, donnait le rythme qui accompagnait les danseuses. Comme lenge, lenze tend aujourd’hui à disparaître.

Ngope était une exhibition des guerriers lombes, uniquement exécutée à l’occasion de l’intronisation

d’un grand chef coutumier. Les danseurs portaient sur eux les instruments de combat : bouclier, cha­

peaux en peau de carnassiers soro ou de singe ; par cette démonstration, ils rassuraient le chef et lui prouvaient qu’ils étaient prêts à défendre le village.

L’histoire du village, de son passé glorieux et sur­

tout de ses victoires était évoquée, les défaites étant

Musiciens ngbandi.

(EP.0.0.7229, collection MRAC Tervuren ; photo H. Rosy, 1938 © MRAC Tervuren.)

Le dessous du xylophone.

(AP.0.2.2572, collection MRAC Tervuren ; photo H. Rosy, 1938 © MRAC Tervuren.)

Instruments de musique dans la chefferie Mbongo.

(AP.0.2.2571, collection MRAC Tervuren ; photo H. Rosy, 1938 © MRAC Tervuren.)

Basoa, instrument de musique.

(AP.0.2.2575, collection MRAC Tervuren ; photo H. Rosy, 1938 © MRAC Tervuren.)

passées sous silence. La danse ne durait pas plus d’une heure (Ngbakpwa 1980 : 87).