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Première condition : l’entité doit avoir été créée pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial

Chapitre III.- La délimitation du champ d’application des directives « marchés publics »

C. Examen des conditions d’existence d’un organisme de droit public

1. Première condition : l’entité doit avoir été créée pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial

Cette interprétation doit être large556. Elle doit être autonome et uniforme dans toute l’Union557.

Une entreprise publique peut être un organisme de droit public, si elle en remplit les conditions558. De même, le statut de droit privé d’une entité ne constitue pas à lui seul un motif excluant sa qualification d’organisme de droit public559.

L’inscription sur les listes d’organismes de droit public à l’annexe III de la directive 2004/18/CE ne constitue pas une condition suffisante pour retenir la qualification d’organisme de droit public560

. Inversement, qu’une entité n’y figure pas, ne signifie pas que la qualification d’organisme de droit public est à exclure. Ainsi que le précise d’ailleurs la directive 2004/18/CE, ces listes ne sont pas exhaustives561.

C. Examen des conditions d’existence d’un organisme de droit public

1. Première condition : l’entité doit avoir été créée pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial

206.- Cette condition présente des divergences notables suivant les versions linguistiques. Ainsi, par exemple, le sens littéral de la version allemande des directives est radicalement différent, le texte

554 Arrêt de la Cour du 13 janvier 2005, Commission/Espagne, C-84/03, point 27.

555

Arrêt de la Cour du 1er février 2001, Commission/France, C-237/99, point 43 ; arrêt de la Cour du 12 décembre 2002, Universale-Bau e.a., C-470/99, point 53 ; arrêt de la Cour du 15 mai 2003,

Commission/Espagne, C-214/00, point 53 ; arrêt de la Cour du 16 octobre 2003, Commission/Espagne, C-283/00, point 73 ; arrêt de la Cour du 10 avril 2008, Ing. Aigner, C-393/06, point 37 ; arrêt de la Cour du 13 décembre 2007, Rundfunkanstalten, C-337/06, points 37. Cf. au sujet de l’interprétation fonctionnelle des directives ci-dessus, les points nos 185 et s. Dès lors que le législateur européen a pris soin de définir une notion de manière fonctionnelle, l’interprétation de cette notion devrait à notre avis s’en tenir aux termes utilisés par le législateur. En ce sens, l’affirmation de la Cour que la notion d’organisme de droit public doit elle-même être interprétée de manière fonctionnelle est critiquable.

556

Arrêt de la Cour du 16 octobre 2003, Commission/Espagne, C-283/00, point 73 ; arrêt de la Cour du 15 mai 2003, Commission/Espagne, C-214/00, point 53.

557 Arrêt de la Cour du 13 janvier 2005, Commission/Espagne, C-84/03, point 27.

558 Voir, en ce sens, l’arrêt de la Cour du 16 octobre 2003, Commission/Espagne, précité, point 76 et l’arrêt de la Cour du 13 janvier 2005, Commission/Espagne, C-84/03, point 30.

559 Arrêt de la Cour du 13 janvier 2005, Commission/Espagne, C-84/03, point 28 ; arrêt de la Cour du 15 mai 2003, Commission/Espagne, précité, point 55.

560

Arrêt de la Cour du 11 juin 2009, Hans & Christophorus Oymanns GbR, C-300/07, points 42 à 45 ; voir en ce sens également, l’arrêt de la Cour du 12 septembre 2013, Ärztekammer Westfalen-Lippe, C-526/11, point 18.

561 Article 1er, paragraphe 9, in fine , de la directive 2004/18/CE ; cf. également pour l’ancienne directive « marchés publics de fournitures » 93/36/CEE, l’arrêt de la Cour du 27 février 2003, Adolf Truley GmbH, C-373/00, point 39 ; pour l’ancienne directive « marchés publics de travaux » 93/37/CE voir l’arrêt de la Cour du 16 octobre 2003, Commission/Espagne, C-283/00, point 77.

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allemand indiquant que l’entité doit avoir été « créé avec l’objectif spécifique d’accomplir des tâches non commerciales d’intérêt général »562. Dans cette version, l’accent est donc mis sur les tâches à accomplir plutôt que sur la nature du besoin auquel répond l’entité concernée.

Aussi, la condition en question ne peut faire l’objet d’une interprétation littérale563. Ci-après, nous examinerons les différents éléments qu’elle comporte selon la jurisprudence de la Cour.

(a) L’entité concernée doit d’abord avoir pour objectif la satisfaction d’un besoin d’intérêt général

207.- Il importe peu que les tâches d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial aient seulement été confiées à l’entité en question après sa création564.

Comme le texte ne contient aucun renvoi exprès au droit des Etats membres, la notion de « besoin d’intérêt général » est à considérer comme une notion autonome du droit communautaire qui doit recevoir une interprétation autonome et uniforme dans toute l’Union565

. Ont été considérés comme des besoins d’intérêt général :

- les activités visant à l’organisation de foires, d’expositions et d’autres initiatives semblables. En effet, « l’impulsion pour les échanges qui en résulte peut être considérée comme relevant de l’intérêt général »566

;

- le chauffage d’une agglomération urbaine par un procédé respectueux de l’environnement567

;

- la création de zones d’activités par les collectivités territoriales, dans la mesure où elles sont susceptibles de donner une impulsion aux échanges ainsi qu'au développement économique et social de la collectivité territoriale concernée568.

- Les services mortuaires et de pompes funèbres569.L’existence d’une disposition légale qui oblige une autorité publique à prendre en charge l’inhumation ou la crémation si elles n’ont eu lieu dans un délai de cinq jours à dater de l’établissement du certificat de décès constitue « un indice du fait que les activités en cause sont susceptibles de satisfaire un besoin d'intérêt général »570.

562 Notre traduction littérale de la version allemande.

563

D’après une jurisprudence que la Cour qualifie elle-même de constante, « la formulation utilisée dans une des versions linguistiques spécifique d’une des dispositions du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques » (arrêt de la Cour du 15 mars 2010, Helmut Müller, C-451/08, point 38 à propos de la directive marchés publics générale 2004/18/CE ; cf. également les arrêts de la Cour du 27 mars 1990, Cricket St. Thomas, C-372/88, point 18, et du 19 avril 2007, Velvet & Steel Immobilien, C-455/05, point 19 au sujet de la sixième directive tva).

La Cour considère que « la nécessité d’une interprétation uniforme des règles communautaires exclut de considérer un texte déterminé isolément, mais exige, en cas de doute, qu’il soit interprété à la lumière des versions établies » dans d’autres langues (arrêt de la Cour du 27 mars 1990, Cricket St. Thomas, C-372/88, point 19). La Cour ajoute « que les diverses versions linguistiques d’un texte communautaire doivent être interprétées de façon uniforme et, dès lors, en cas de divergence entre ces versions, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément » (arrêt de la Cour du 27 mars 1990, Cricket St. Thomas, C-372/88, point 19, voir également l’arrêt de la Cour du 25 mars 2010, Helmut Müller, C-451/08, point 58).

564

Arrêt de la Cour du 12 décembre 2002, Universale-Bau AG, C-470/99, point 57.

565

Arrêt de la Cour du 27 février 2003, Adolf Truley GmbH, C-373/00, points 35, 36 et 45.

566

Arrêt de la Cour du 10 mai 2001, Agora, C-223/99 et C-260/99, points 33 et 34.

567 Arrêt de la Cour du 10 avril 2008, Ing. Aigner, C-393/06, point 39.

568

Arrêt de la Cour du 22 mai 2003, Korhonen, C-18/01, point 45.

569

Arrêt de la Cour du 27 février 2003, Adolf Truley GmbH, C-373/00, points 51 et 52.

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(b) Le besoin d’intérêt général en question doit avoir un caractère autre qu’industriel ou commercial

208.- Suivant une jurisprudence constante de la Cour, constituent « en général des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial (...) des besoins qui, d’une part, sont satisfaits d'une manière autre que par l'offre de biens ou de services sur le marché et que, d’autre part, pour des raisons liées à l'intérêt général, l'État choisit de satisfaire lui-même ou à l'égard desquels il entend conserver une influence déterminante »571.

La Cour a indiqué que pour vérifier si les besoins que satisfait l’entité en question ont un caractère autre qu’industriel ou commercial, « il convient de prendre en compte l’ensemble des éléments juridiques et factuels pertinents, tels que les circonstances ayant présidé à la création de l’organisme concerné et les conditions dans lesquelles il exerce son activité »572 .

Ainsi :

- En particulier, « il importe notamment de vérifier si l’organisme en question exerce ses activités en situation de concurrence »573, ce fait n’étant cependant pas concluant à lui seul574. Une concurrence développée peut être un indice575 que l’activité ne répond pas à un besoin d’intérêt général autre qu’industriel ou commercial, mais ne permet pas nécessairement de conclure que l’entité en question n’est pas un organisme de droit public576.

- Il y a également lieu de tenir compte des circonstances ayant présidé à la création de l’organisme577

.

- Constitue un indice que l’entité satisfait des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, le fait que l’entité fonctionne « selon des critères de rendement, d'efficacité et de rentabilité » et qu’« aucun mécanisme ne soit prévu pour compenser d'éventuelles pertes financières », l’entité supportant ainsi elle-même le risque économique de ses activités578.

- De même, le fait que la recherche de bénéfices ne constitue pas l’objectif principal de l’entité concernée ou un financement public sont des indices dans le même sens579

.

- La Cour a retenu que « si l'organisme opère dans des conditions normales de marché, poursuit un but lucratif et supporte les pertes liées à l'exercice de son activité, il est peu probable que les besoins qu'il vise à satisfaire soient d'une nature autre qu'industrielle ou commerciale »580.

- Il convient de tenir compte des activités que l’entité exerce effectivement581

.

571

Arrêt de la Cour du 27 février 2003, Adolf Truley GmbH, C-373/00, point 50 ; arrêt de la Cour du 22 mai 2003, Korhonen, C-18/01, point 47 ; arrêt de la Cour du 16 octobre 2003, Commission/Espagne, C-283/00, point 80.

572

Arrêt de la Cour du 10 avril 2008, Ing. Aigner, C-393/06, point 41.

573 Arrêt de la Cour du 10 avril 2008, Ing. Aigner, C-393/06, point 41 ; arrêt du 22 mai 2003, Korhonen, C-18/01, points 49.

574

Arrêt de la Cour du 22 mai 2003, Korhonen, C-18/01, points 50 ; arrêt de la Cour du 27 février 2003, Adolf Truley GmbH, C-373/00, points 61.

575 Arrêt de la Cour du 10 novembre 1998, BFI, C-360/96, point 49.

576

Arrêt de la Cour du 27 février 2003, Adolf Truley GmbH, C-373/00, points 61 et 66.

577 Arrêt de la Cour du 27 février 2003, Adolf Truley GmbH, C-373/00, point 61 ; arrêt de la Cour du 22 mai 2003, Korhonen, C-18/01, point 48 ; arrêt de la Cour du 10 avril 2008, Ing. Aigner, C-393/06, point 41.

578

Arrêt de la Cour du 10 mai 2001, Agora, C-223/99 et C-260/99, point 40.

579

Arrêt de la Cour du 22 mai 2003 Korhonen, C-18/01, point 54 ; arrêt de la Cour du 10 avril 2008, Ing. Aigner, C-393/06, point 42.

580

Arrêt de la Cour du 16 octobre 2003, Commission/Espagne, C-283/00, point 82 ; arrêt de la Cour du 22 mai 2003 Korhonen, C-18/01, point 51.

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En revanche, n’ont pas été considérés comme pertinents pour la qualification d’organisme de droit public :

- Le fait que ces besoins soient également satisfaits par des entreprises privées ou puissent l’être en théorie582

. A cet égard, la Cour a fait remarquer « qu'il est difficilement concevable que des activités ne puissent en aucun cas être exercées par des entreprises privées, la condition qu'il n'y ait pas d'entreprises privées qui puissent satisfaire les besoins pour lesquels l'organisme concerné a été créé risquerait de vider de sa substance la notion d'organisme de droit public »583.

- De même, n’est pas pertinent qu’« outre sa mission d’intérêt général, ladite entité accomplit également d’autres activités dans un but de lucratif, dès lors qu’elle continue à se charger des besoins d’intérêt général qu’elle est spécifiquement obligée de satisfaire »584.

- « la part qu’occupent les activités exercées dans un but lucratif dans le cadre des activités globales de cette entité est sans importance »585.

- Le fait que les statuts de l’entité n’aient pas été adaptés pour couvrir son activité réelle586.

- La forme juridique de l’entité est indifférente587

.