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Définition de la notion de concession de services

Chapitre III.- La délimitation du champ d’application des directives « marchés publics »

Section 5.- Le cocontractant du pouvoir adjudicateur

A. Définition de la notion de concession de services

§ 3.- L’exclusion des concessions de services

A. Définition de la notion de concession de services

258.- Les directives « marchés publics » 2004/17/CE et 2004/18/CE définissent les concessions de service comme des contrats « présentant les mêmes caractéristiques qu’un marché public de services, à l’exception du fait que la contrepartie de la prestation des services consiste soit uniquement dans le droit d’exploiter le service, soit dans ce droit assorti d’un prix » (article 1er

, point 4., de la directive 2004/17/CE ; article 1er, 3., b), de la directive 2004/18/CE).

Les définitions de la notion de concession de services étant en substance identiques dans les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE, cette notion doit être interprétée de la même manière dans les domaines d’application de ces deux directives847

. La définition de la notion de concession de services relevant du droit européen, les qualifications nationales sont indifférentes848.

Tout comme les marchés publics, les concessions sont des contrats à titre onéreux849.

Aujourd’hui, la Cour distingue les concessions de services et les marchés publics de services suivant d’autres critères que le caractère « onéreux » ou non du contrat850

. Ce sont en effet le mode de rémunération et la prise en charge du risque économique qui permettent de distinguer la concession de services du marché public de services :

843 Arrêt de la Cour du 22 décembre 2010, Mehiläinen, C-215/09, points 36 et 37 ; arrêt de la Cour du 19 avril 1994, Gestión Hotelera Internacional, C-331/92, point 26 ; arrêt de la Cour du 6 mai 2010, Club Hotel Loutraki, C-145/08 et C-149/08, points 48, 49 et 50 ; cf. également l’arrêt de la Cour du 5 décembre 1989, Commission/Italie, C-3/88, points 18 et 19.

844

Arrêt de la Cour du 22 décembre 2010, Mehiläinen, C-215/09, points 36 ; arrêt de la Cour du 6 mai 2010, Club Hotel Loutraki, C-145/08 et C-149/08, point 48 ; cf. en ce sens également l’arrêt de la Cour du 5 décembre 1989, Commission/Italie, C-3/88, point 19.

845 Arrêt de la Cour du 22 décembre 2010, Mehiläinen, C-215/09, point 46.

846

Cf. au sujet de cette règle également ci-dessus, no 242.

847 Arrêt de la Cour du 10 novembre 2011, Norma-A SIA, C-348/10, point 39 ; arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, WAZV Gotha/Eurawasser, C-206/08, points 42 et 43.

848

Arrêt de la Cour du 10 novembre 2011, Norma-A SIA, C-348/10, point 40 ; arrêt de la Cour du 10 mars 2011, Stadler, C-274/09, point 23 ; arrêt de la Cour du 15 octobre 2009, Acoset, C-196/08, point 38 ; arrêt de la Cour du 18 juillet 2007, Commission/Italie, C-382/05, point 31.

849

Cf. à ce sujet, les explications ci-dessus au nos 240 et s.

850

Voir le dispositif de l’arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, Eurawasser, C- 206/08 ; arrêt de la Cour du 10 novembre 2011, Norma-A SIA, C-348/10, points 39 et s. Cf. également ci-dessus, no 242.

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1) « Le marché de services comporte une contrepartie qui est payée directement par le pouvoir adjudicateur au prestataire de services alors que, dans le cas d’une concession de services, la contrepartie de la prestation de services consiste dans le droit d’exploiter le service, soit seul, soit assorti d’un prix »851

.

La perception d’une rémunération de la part de tiers et non du pouvoir adjudicateur indique que le concessionnaire exploite le service852. Il s’agit-là d’après un arrêt de la Cour du 10 septembre 2009 « de l’une des formes que peut prendre l’exercice du droit, reconnu au prestataire, d’exploiter le service »853

. Les versements de tiers envisagés dans cet arrêt provenaient des utilisateurs. Les versements peuvent également provenir d’un tiers autre que les utilisateurs854. Dans un arrêt du 18 décembre 2007, la Cour paraît avoir exclu la qualification de concession lorsque le prestataire est exclusivement rémunéré par le pouvoir adjudicateur855. Dans l’arrêt Hans & Christophorus Oymans du 11 juin 2009, au contraire, la Cour a considéré implicitement que le pouvoir adjudicateur pouvait être le seul débiteur de la rémunération du concessionnaire856.

Il n’importe pas de savoir si la rémunération est régie par le droit privé ou par le droit public857.

En fin de compte, le critère de la rémunération ne peut pas être considéré comme décisif à lui seul858.

2) En outre, « la concession de services implique que le concessionnaire prenne en charge le risque lié à l’exploitation des services en question. L’absence de transfert au prestataire du risque lié à la prestation des services indique que l’opération visée constitue un marché public de services et non pas une concession de services »859.

Il s’agit pour la Cour d’une conséquence de ce que le mode de rémunération du concessionnaire consiste du moins partiellement dans le droit d’exploiter sa propre prestation860. Le droit d’exploiter sa propre prestation implique une « certaine liberté économique pour déterminer les conditions d’exploitation de ce droit »861

.

Il faut que le pouvoir adjudicateur transfère au concessionnaire « une part significative du risque lié à l’exploitation qu’il encourt »862

. Cette part peut être « très limitée »863, à tout le

851

Arrêt de la Cour du 10 novembre 2011, Norma-A SIA, C-348/10, point 41 ; voir également l’arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, WAZV Gotha/Eurawasser, C-206/08, point 51, ainsi que l’arrêt de la Cour du 15 octobre 2009, Acoset, C-196/08, point 39.

852

Cf. en ce sens, les arrêts de la Cour du 10 novembre 2011, Norma-A SIA, C-348, point 42, et du 10 septembre 2009, WAZV Gotha/Eurawasser, C-206/08, point 57.

853

Arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, WAZV Gotha/Eurawasser, C-206/08, point 53.

854

Arrêt de la Cour du 10 mars 2011, Stadler, C- 274/09, point 26.

855 Arrêt de la Cour du 18 décembre 2007, Frigerio Luigi, C-357/06, point 17.

856

Arrêt de la Cour du 11 juin 2009, Hans & Cristophorus Oymans, C-300/07, point 73. La Cour a cependant refusé la qualification de concession, vu l’absence de liberté économique du prestataire et l’absence « de risque considérable lié à l’exploitation de ses prestations » (point 73).

857

Arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, WAZV Gotha/Eurawasser, C-206/08, point 55.

858

Voir en ce sens, G. ERVYN, « Le droit d’exploiter ou quand le marché public devient concession », in Chronique des marchés publics, Constant De Koninck, 2011-2012, pp. 233 et s., no 12.

859 Arrêt de la Cour du 10 novembre 2011, Norma-A SIA, C-348/10, point 44 ; voir également l’arrêt de la Cour du 10 mars 2011, Stadler, C-274/09, point 26, ainsi que l’arrêt de la Cour du 15 octobre 2009, Acoset, C-196/08, point 39.

860

Arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, WAZV Gotha/Eurawasser, C-206/08, point 59.

861

Arrêt de la Cour du 11 juin 2009, Hans & Cristophorus Oymans, C-300/07, point 71.

862

Arrêt de la Cour du 10 novembre 2011, Norma-A SIA, C-348/10, point 50 ; cf. également l’arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, WAZV Gotha/Eurawasser, C-206/08, point 74.

863

Arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, WAZV Gotha/Eurawasser, C-206/08, point 77 ; cf. également l’arrêt de la Cour du 10 novembre 2011, Norma-A SIA, C-348/10, point 50. A ce propos, la Cour retient ce qui suit dans l’arrêt WAZV Gotha/Eurawasser :

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moins « lorsque la rémunération du prestataire provient exclusivement de tiers »864. En revanche, en l’absence complète de transfert de risque au prestataire, l’opération constitue un marché public de services et non une concession de services865 .

Le risque d’exploitation « doit être compris comme le risque d’exposition aux aléas du marché (voir en ce sens, arrêt Eurawasser, précité, point 67), lequel peut notamment se traduire par le risque de concurrence de la part d’autres opérateurs, le risque d’une inadéquation entre l’offre et la demande de services, le risque d’insolvabilité des débiteurs du prix des services fournis, le risque d’absence de couverture des dépenses d’exploitation par les recettes ou encore le risque de responsabilité d’un préjudice lié à un manquement dans le service (voir en ce sens, arrêt Privater Rettungsdienst und Krankentransport Stadler, précité, point 37) »866.

La Cour a précisé dans l’arrêt Norma-A SIA du 10 novembre 2011 qu’« en revanche, des risques tels que ceux liés à une mauvaise gestion ou à des erreurs d’appréciation de l’opérateur économique ne sont pas déterminants aux fins de qualifier un contrat de marché public ou de concession de services, de tels risques étant, en effet, inhérents à tout contrat, que celui-ci corresponde à un marché public de services ou à une concession de services »867.

Cela revient à dire que si le prestataire ne supporte qu’un risque de disponibilité au sens des règles d’Eurostat sur le traitement comptable dans les comptes nationaux des partenariats public-privé, le contrat ne saurait être qualifié de concession de services868. Dans l’affaire

« Il doit demeurer loisible aux pouvoirs adjudicateurs, agissant en toute bonne foi, d’assurer la fourniture de services au moyen d’une concession, s’ils estiment qu’il s’agit de la meilleure manière d’assurer le service public concerné, et cela même si le risque lié à l’exploitation est très limité.

Il ne serait pas, par ailleurs, raisonnable de demander à une autorité publique concédante de créer des conditions de concurrence et de risque économique plus élevées que celles qui, en raison de la réglementation applicable au secteur concerné, existent dans ce dernier » (points 74 et 75).

Ce raisonnement n’est pas pertinent. En effet, même si la Cour avait défini la notion de concession de services de manière plus restrictive, les pouvoirs adjudicateurs ne seraient pas contraints de transférer un risque économique plus élevé pour pouvoir réaliser l’opération.

En revanche, le pouvoir adjudicateur a intérêt à ce que l’opération soit qualifiée de concession plutôt que de marché de services, parce que le régime de passation d’une concession est considérablement moins lourd que celui d’un marché public de services.

S’il s’était agi dans l’affaire en question d’un marché public de services, il aurait été soumis, d’après la Cour, à la directive 2004/17/CE. Cette dernière aurait permis de recourir à une procédure de passation négociée, tout comme en cas de concession de services. En cas de marché de services prioritaires soumis à la directive 2004/18/CE, il eût fallu suivre la procédure ouverte ou restreinte, c’est-à-dire que des négociations auraient été exclues. Ainsi, une définition restrictive de la notion de concession pourrait porter les pouvoirs adjudicateurs à transférer davantage de risques à l’opérateur privé afin que l’opération soit qualifiée de concession de services. Afin d’éviter que les pouvoirs adjudicateurs n’adaptent la répartition des risques en raison de telles considérations, il peut en effet paraître souhaitable d’interpréter la notion de concession de services de manière large. Ne serait-ce en définitive pas cela que la Cour a souhaité exprimer dans l’arrêt WAZV Gotha/Eurawasser ? Voir également l’arrêt de la Cour du 10 mars 2011, Stadler, C- 274/09, points 34 et 35, où la Cour adopte le même raisonnement.

864

Arrêt de la Cour du 10 mars 2011, Stadler, C-274/09, points 33 et 48.

865 Arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, WAZV Gotha/Eurawasser, C-206/08, point 68.

866

Arrêt de la Cour du 10 novembre 2011, Norma-A SIA, point 48.

867

Arrêt de la Cour du 10 novembre 2011, Norma-A SIA, point 49 ; cf. également l’arrêt de la Cour du 10 mars 2011, Stadler, C-274/09, point 38.

868 Voir la décision d’Eurostat sur le traitement comptable des partenariats public-privé du 11 février 2004, page 2 : « Une deuxième catégorie [de risques] est le « risque de disponibilité » dans lequel la responsabilité du partenaire est relativement évidente. Celui-ci ne peut pas être en mesure de livrer le volume contractuellement convenu ou de répondre, comme spécifié dans le contrat, aux normes de sécurité ou de certification publiques liées à la prestation de services aux utilisateurs finals. Ceci s’applique également lorsque le partenaire ne répond pas aux normes de qualité relatives à la prestation de services, requises dans le contrat et découlant d’un manque évident de « performance » du partenaire. L’Etat est réputé ne pas supporter un tel risque s’il lui est permis de réduire de façon significative (à titre de pénalité) ses paiements périodiques, comme tout « client normal » pourrait l’exiger dans un contrat commercial. Les paiements publics doivent dépendre du degré effectif de disponibilité fourni par le partenaire durant une certaine période de temps. Mais

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Norma-A SIA, la loi lettonne sur les partenariats public-privé paraissait permettre de considérer le contrat de services de transport en commun concerné comme un contrat de concession, le risque lié à la disponibilité étant assumé par le partenaire privé. La Cour n’a pas admis cette qualification.