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L’Accord sur les marchés publics a-t-il un effet direct dans l’ordre juridique de l’Union européenne ?

Chapitre III.- La délimitation du champ d’application des directives « marchés publics »

B. L’Accord sur les marchés publics a-t-il un effet direct dans l’ordre juridique de l’Union européenne ?

294.- La Cour de Justice ne s’est pas encore prononcée sur la question de savoir si l’Accord sur les marchés publics a un effet direct dans l’ordre juridique communautaire971. L’importance pratique de la question ne doit cependant pas être sous-estimée.

1. Intérêt de la question

295.- D’ordinaire, il est supposé que les directives européennes sont conformes à l’Accord sur les marchés publics972. Dans ce cas, en effet, l’intérêt de la question se réduit à savoir si un ressortissant d’un Etat non membre de l’Union européenne peut invoquer directement les dispositions de l’Accord sur les marchés publics973. En revanche, si - ainsi que nous l’avons montré plus haut - le champ d’application de l’obligation de mise en concurrence dans les directives marchés publics n’est pas conforme à l’Accord sur les marchés publics, les ressortissants de l’Union européenne ont également un intérêt à pouvoir invoquer directement les dispositions de l’Accord sur les marchés publics. Dans ce cas, les dispositions de l’Accord sur les marchés publics doivent l’emporter et les dispositions contraires des directives devront être écartées.

966 Considérant 7 de la directive 2004/18/CE ; considérant 14 de la directive 2004/17/CE.

967

Considérant 14 de la directive 2004/17/CE.

968

Voir en ce sens également, mais en des termes plus généraux, H. DIEHL, Völkerrechtliche Beschaffungsabkommen: Inhalt und Wirkung im Gemeinschaftsrecht, éditions Peter Lang, 2009, p. 173 ; K. ODENDAHL, Europäische Zeitschrift für Wirtsehaftsrecht, 2004, pp. 647 et s., p. 651 ; H.-J. PRIEβ, Handbuchdes europäischen Vergaberechts, 3e éd., Köln-Berlin-München, 2005, S. 32 ; P. MANIN, « A propos de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce et de l’accord sur les marchés publics : la question l’invocabilité des accords internationaux conclus par la Communauté européenne », Revue trimestrielle de droit européen, 1997, pp. 399 et s., p. 412.

969 Arrêt de la Cour du 11 septembre 2007, Merck, C-431/05, point 35.

970 Cf. l’article XV (Appel d’offres limité).

971

Le septième considérant de la directive 2004/18/CE et le quatorzième considérant de la directive 2004/17/CE indiquent que l’aAcord sur les marchés publics n’a pas d’effet direct. L’opinion ainsi exprimée par le législateur européen n’a cependant pas d’effet contraignant.

972

Voir par exemple H. DIEHL, Völkerrechtliche Beschaffungsabkommen: Inhalt und Wirkung im Gemeinschaftsrecht, éditions Peter Lang, 2009 a examiné cette question. Cet examen n’a cependant porté que sur des aspects qui ne soulèvent pas de problème ; voir également K. ODENDAHL, Europäische Zeitschrift für Wirtschaftsrecht, 2004, pp. 647 et s., pp. 651 et 652.

973

Ainsi H. DIEHL, Völkerrechtliche Beschaffungsabkommen: Inhalt und Wirkung im Gemeinschaftsrecht, éditions Peter Lang, 2009, p. 50.

179

S’il faut reconnaître un effet direct à l’Accord sur les marchés publics, le champ d’application de l’obligation de mise en concurrence se trouvera élargi (cf., par exemple, l’exception de l’article 30 de la directive 2004/17/CE qui n’est pas couverte par l’Accord sur les marchés publics (entités exerçant une activité sectorielle directement exposée à la concurrence sur des marchés dont l’accès n’est pas limité), ainsi que les autres discordances relevées plus haut974). L’Accord amendé sur les marchés publics présentant nettement moins de divergences avec les directives « marchés publics » que l’Accord actuel, la question ne revêtira plus le même intérêt, une fois que l’Accord amendé sera entré en vigueur975. Si un effet direct était reconnu aux dispositions de l’Accord sur les marchés publics, quelles seraient les personnes pouvant l’invoquer devant les juridictions des Etats membres ? A notre avis, tant les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne que ceux d’Etats tiers976

. En effet, l’Accord sur les marchés publics ne restreint pas le bénéfice de ses dispositions aux seuls ressortissants des Etats tiers.

2. Examen de la question

296.- L’Accord sur les marchés publics est un accord mixte, c’est-à-dire qu’il a été conclu tant par la Communauté que par ses Etats membres977. Tant l’Union que les Etats membres, ou du moins la plupart d’entre eux978

, y sont donc parties.

Les Accords internationaux auxquels l’Union européenne est partie font partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union979

et les dispositions de tels accords ont un caractère européen980. Dans la hiérarchie des normes en droit européen, ils se situent au-dessus du droit dérivé981,mais en dessous du droit primaire982.

(a) Principe

297.- Afin de déterminer si un Accord international conclu par l’Union produit des effets directs, il convient en premier lieu d’examiner si cet Accord ne règle pas lui-même la question983. Si tel n’est pas le cas, l’effet direct n’est reconnu aux dispositions que si elles sont inconditionnelles et suffisamment précises pour produire un effet direct984. Dans ce cas, la Cour estime pouvoir procéder à l’examen de

974 Cf. ci-dessus, nos 287 et 290. 975 Cf. ci-dessus, no 292. 976

Voir en sens contraire, mais sans explication, E.H. PIJNACKER HORDIJK, G.W. VAN DER BEND, J.F. VAN NOUHUYS, Aanbestedingsrecht. Handboek van het Europese en het Nederlandse Aanbestedingsrecht, 4e édition, Den Haag, Sdu Uitgevers, 2009, p. 13, note 10 ; de même, mais sans s’expliquer, S. ARROWSMITH, « The law of public and utilities procurement », Sweet & Maxwell, London, 2e éd. 2005, p. 146.

977 Que les Etats membres soient individuellement liés par un accord international n’a pas pour effet de le faire entrer dans l’ordre juridique de l’Union (cf. l’arrêt de la Cour du 3 juin 2008, Intertanko, C-308/06, points 52 et 53). Les Etats membres n’ont d’ailleurs pas tous ratifié l’accord sur les marchés publics. Du moins, le Grand-Duché de Luxembourg ne l’a pas fait.

978

Cf. la note précédente.

979

Arrêt de la Cour du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie VLK, C-240/09, point 30.

980 Arrêt du 26 octobre 1982, Kupferberg, affaire 104/81, points 13 et 14 ; voir également par exemple les

arrêts du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie VLK, C-240/09, point 30 et l’arrêt de la Cour du 21 décembre 2011, Air Transport Association of America, C-366/10, point 73, pour le protocole de Kioto.

981 Cf. en ce sens l’arrêt de la Cour du 10 septembre 1996, Commission/Allemagne, C-61/94, point 52. Cf. également par exemple l’arrêt de la Cour du 21 décembre 2011, Air Transport Association of America, C-366/10, point 50. D’après l’article 216, paragraphe 2, TFUE, les accords conclus par l’Union lient les institutions de l’Union et les Etats membres.

982

Cf. W. FRENZ, Handbuch Europarecht, Band 5, Wirkungen und Rechtsschutz, Berlin Heidelberg, Springerverlag, 2010, no 599 ;A. EGGER, Europäisches Vergaberecht, NOMOS, Baden-Baden, 2008, no 323.

983

Arrêt du 16 octobre 1982, Kupferberg, affaire 104/81, point 17 ; arrêt du 23 novembre 1999, Portugal/Conseil, C-149/96, point 34 ; arrêt du 14 décembre 2000, Christian Dior, C-300/98 et C-392/98, point 41 ; arrêt de la Cour du 21 décembre 2011, Air Transport Association of America, C-366/10, point 49.

984

Arrêt du 16 octobre 1982, Kupferberg, C-104/81, point 23 ; voir également arrêt du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C-280/93, point 110 ; arrêt de la Cour du 16 juin 1998, A. Racke GmbH & Co/ Hauptzollamt

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la validité d’un acte du droit de l’Union au regard du traité international en question, à moins que la nature ou l’économie de ce dernier ne s’y opposent985

.

(b) Jurisprudence de la Cour concernant le GATT et l’OMC

298.- La Cour a considéré que la nature et l’économie du GATT et des accords OMC s’opposaient à ce que la conformité d’actes du droit de l’Union soit examiné au regard de ces accords986

.

Dans un arrêt du 5 octobre 1994, la Cour avait considéré que le GATT était « caractérisé par la grande souplesse de ses dispositions, notamment de celles qui concernent les possibilités de dérogation, les mesures pouvant être prises en présence de difficultés exceptionnelles et le règlement des différends entre les parties contractantes »987 et a considéré que ces différentes particularités « font apparaître que les règles de l’Accord général sont dépourvus de caractère inconditionnel et que l’obligation de leur reconnaître valeur de règles de droit international immédiatement applicables dans les ordres juridiques internes des parties contractantes ne peut pas être fondée sur l’esprit, l’économie ou les termes de l’Accord »988

. La Cour ajoutait cependant « qu’en l’absence d’une telle obligation découlant de l’Accord lui-même, ce n’est que dans l’hypothèse où la Communauté a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre du GATT ou dans celle où l’acte communautairerenvoie expressément à des dispositions précises de l’accord général, qu’il appartient à la Cour de contrôler la légalité de l’acte communautaire en cause au regard des règles du GATT »989. La Cour a suivi les mêmes principes dans un arrêt du 23 novembre 1999990 au sujet des Accords OMC qui ont succédé au GATT. Pour refuser de reconnaître à ces dispositions un caractère inconditionnel, la Cour s’est référée au mémorandum d’Accord sur les règles et les procédures régissant le règlement des différends qui constitue l’annexe 2 de l’Accord OMC991. Elle conclut qu’« imposer aux organes juridictionnels l’obligation d’écarter l’application des règles de droit internes qui seraient incompatibles avec les accords OMC aurait pour conséquence de priver les organes législatifs ou exécutifs des parties contractantes de la possibilité, offerte par l’article 22 dudit mémorandum, de trouver, fût-ce à titre temporaire, des solutions négociées »992 et qu’« il s’ensuit que les accords OMC, interprétés à la lumière de leur objet et de leur but, ne déterminent pas les moyens de droit propres à assurer leur exécution de bonne foi dans l’ordre juridique interne desdites parties contractantes »993. La Cour en conclut que « compte tenu de leur nature et de leur économie, les accords OMC ne figurent pas en principe parmi les normes au regard desquelles la Cour contrôle la légalité des actes des institutions communautaires »994.

La Cour ajoute toutefois, tout comme elle l’avait fait à propos du GATT : « Ce n’est que dans l’hypothèse où la Communauté a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l’OMC, ou dans l’occurrence où l’acte communautaire renvoie expressément à des

Mainz, C-162/96, point 31 ; l’arrêt de la Cour du 3 juin 2008, Intertanko, C-308/06, points 64 et 65 ; arrêt de la Cour du 21 décembre 2011, Air Transport Association of America, C-366/10, point 54 ; arrêt de la Cour du 12 juillet 2012, Association Kokopelli, C-59/11, point 86.

985

Arrêt de la Cour du 21 décembre 2011, Air Transport Association of America, C-366/10, point 53 ; arrêt de la Cour du 9 septembre 2008, FIAMM, C-120/06P et C-121/06P, point 110.

986 Cf. expressément en ce sens, l’arrêt de la Cour du 23 novembre 1999, Portugal/Conseil, C-149/96, point 47 ; l’arrêt de la Cour du 9 septembre 2008, C-120/06P et C-121/06P, point 111.

987

Arrêt du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C-280/93, point 106.

988 Arrêt du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C-280/93, point 110.

989 Arrêt de la Cour du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C-280/93, point 111 ; voir également arrêt de la Cour de Justice du 7 mai 1991, Nakajima, C-69/89, point 31, ou encore l’arrêt de la Cour du 23 novembre 1999, Portugal/Conseil, point 49 et l’arrêt de la Cour du 1er mars 2005 (grande chambre), Léon Van Parys, C-377/02, point 40 ; arrêt de la Cour du 27 septembre 2007, Ikea Wholesale, C-351/04, point 30.

990

Arrêt de la Cour du 23 novembre 1999, Portugal/Conseil, C-149/96, point 49.

991

Arrêt de la Cour du 23 novembre 1999, Portugal/Conseil, C-149/96, points 36 à 39.

992 Arrêt de la Cour du 23 novembre 1999, Portugal/Conseil, C-149/96, point 40 ; cf. également l’arrêt de la Cour du 14 décembre 2000, Christian Dior, C-300/98 et C-392/98, point 44.

993

Arrêt de la Cour du 23 novembre 1999, Portugal/Conseil, C-149/96, point 41.

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dispositions précises des accords OMC, qu’il appartient à la Cour de contrôler la légalité de l’acte communautaire en cause au regard des règles de l’OMC »995

.

(c) Application de cette jurisprudence à l’Accord sur les marchés publics

299.- Que signifie ceci pour l’accord sur les marchés publics qui ne fait pas partie intégrante des accords OMC, mais qui a été conclu sous son égide par un certain nombre ses Etats membres996 ? A première vue, l’Accord sur les marchés publics ne paraît pas produire d’effets directs en droit européen, car, sauf qu’il prévoit quelques dispositions spécifiques997, il soumet les différends pouvant survenir au même mémorandum d’accord auquel la Cour se réfère dans son arrêt du 23 novembre 1999998, sauf qu’il prévoit quelques dispositions spécifiques999

.

Il convient cependant de remarquer que l’article XXIV, paragraphe 5., a) de l’Accord prévoit que chaque partie « assurera, au plus tard à la date où ledit accord [l’Accord sur les marchés publics] entrera en vigueur en ce qui le concerne, la conformité de ses lois, règlements et procédures administratives, ainsi que des règles, procédures et pratiques appliquées par les entités reprises dans ses listes annexés au présent Accord, avec les dispositions dudit Accord »1000. A cela s’ajoute que l’article XX, paragraphe 2, de l’Accord sur les marchés publicsdisposent que « chaque partie établira les procédures non discriminatoires, rapides, transparentes et efficaces permettant aux fournisseurs de contester de prétendues violations de l’Accord dans le cadre de la passation de marchés dans lesquels ils ont, ou ont eu, un intérêt »1001. Le paragraphe 6 du même article prévoit que « les contestations seront soumises à un tribunal ou à un organe d’examen impartial et indépendant n’ayant aucun intérêt dans le résultat de l’adjudication et dont les membres sont à l’abri d’une influence extérieure pendant la durée du mandat »1002. Ces dispositions s’expliquent difficilement si l’Accord n’entend pas produire des effets directs. En effet, à quoi bon prévoir que les Etats doivent établir des procédures en faveur des particuliers, si l’Accord sur les marchés publics n’entend leur conférer aucun droit1003

.

995 Arrêt de la Cour du 23 novembre 1999, Portugal/Conseil, C-149/96, point 49 ; cf. également ; l’arrêt de la Cour du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C-280/93, point 111 ; l’arrêt de la Cour du 14 décembre 2000, Christian Dior, C-300/98 et C-392/98, point 49.

996 La Cour ne s’est pas encore prononcée de manière expresse sur la question de l’effet direct de l’Accord sur les marchés publics. Un arrêt du 23 avril 2009, (Commission/Belgique, C-292/07) pourrait être interprété comme refusant de façon implicite à reconnaître un effet direct à l’Accord sur les marchés publics. La Commission, estimant que l’Accord sur les marchés publics était susceptible de conférer dans certaines circonstances plus de droits aux opérateurs économiques des pays tiers que ne le fait la directive 2004/18/CE en faveur des opérateurs des Etats membres, avait reproché à la Belgique de ne pas avoir transposé correctement l’article 5 de la directive 2004/18/CE. Cet article impose aux Etats membres d’appliquer « dans leurs relations des conditions aussi favorables que celles qu’ils réservent aux opérateurs économiques des pays tiers en application de l’accord sur les marchés publics conclu dans le cadre des négociations unilatérales du cycle de l’Uruguay ». La Cour a rejeté le grief de la Commission en considérant qu’ « en prévoyant une égalité de traitement entre ces différents opérateurs économiques, la législation belge prescrit nécessairement que les entreprises issues de pays tiers parties aux accords conclus au sein de l’OMC ne peuvent disposer de conditions plus avantageuses que les entreprises issues des Etats membres » (point 84). Ce raisonnement ne s’explique qu’en admettant que l’Accord sur les marchés publics n’a pas d’effets directs dans l’ordre juridique de l’Union.

997

Voir à ce sujet, B. M. HOEKMAN et P. C. MAVROIDIS, « The WTO’s Agreement on Government Procurement : Expanding Disciplines, Declining Membership ? », Public Procurement Law Review, 1995, pp. 63 et s., pp. 69 et s.

998 Cf. l’article XXII, paragraphe 1er, de l’Accord sur les marchés publics. Il en est de même pour l’Accord amendé (article XX, 3.).

999 Voir à ce sujet, B. M. HOEKMAN et P. C. MAVROIDIS, « The WTO’s Agreement on Government Procurement: Expanding Disciplines, Declining Membership ? », Public Procurement Law Review, 1995, pp. 63 et s., pp. 69 et s.

1000

L’article XXII, 4., de l’Accord amendé contient une disposition équivalente.

1001 L’article XVIII, 1., de l’Accord amendé contient une disposition similaire.

1002

L’article XVIII, 4., de l’Accord amendé dont la teneur est similaire.

1003

En général, la doctrine refuse de reconnaitre un effet direct à l’Accord sur les marchés publics. Voir en ce sens, par exemple, Hanna DIEHL, Völkerrechtliche Beschaffungsabkommen: Inhalt und Wirkung im

182

La proposition de décision du Conseil1004 déclarant que le protocole portant amendement de l’Accord sur les marchés publics est conclu au nom de l’Union européenne prend soin de préciser - ce que n’a pas fait la décision par laquelle le Conseil a approuvé l’Accord sur les marchés publics en 1994 - que « le protocole ne peut être interprété comme conférant des droits ou imposant des obligations susceptibles d’être invoquées directement devant les juridictions de l’Union ou des Etats membres ». Il est douteux qu’une telle déclaration unilatérale au moment de la ratification de l’Accord amendé puisse avoir un effet juridique quelconque1005.

(d) Contrôle de la conformité des directives « marchés publics » par rapport à l’Accord sur les marchés publics en cas d’absence d’effets directs de celui-ci 300.- L’absence d’effet direct de l’Accord sur les marchés publics n’empêcherait pas tout contrôle de conformité des directives par rapport à cet Accord.

Conformément à la jurisprudence de la Cour, un contrôle de conformité serait possible, en l’absence d’effet direct, si le législateur communautaire avait entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l’Accord sur les marchés publics ou si les directives marchés publics renvoyaient expressément à des dispositions précises de l’accord sur les marchés publics1006.

Cette dernière condition n’est pas remplie, car les directives se contentent de renvoyer à l’Accord sur les marchés publics en général, sans se référer à des dispositions précises de celui-ci.

En revanche, ainsi que nous l’avons déjà relevé plus haut, l’article XXIV, paragraphe 5, point a)1007, de l’Accord sur les marchés publics oblige les Etats membres d’« assurer » la conformité de leurs lois, règlements et procédures administratives aux dispositions de l’Accord. La fonction primordiale des directives « marchés publics » n’est certes pas de donner suite à l’Accord sur les marchés publics. Incontestablement toutefois, les directives « marchés publics » visent accessoirement à donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l’Accord sur les marchés publics, à savoir celle d’assurer la conformité de la législation européenne par rapport à l’Accord sur les marchés publics, conformément à l’article XXIV, paragraphe 5, a), de ce dernier1008

. Même à considérer que l’Accord sur les marchés publics ne produise pas d’effet direct dans l’ordre juridique européen, un contrôle de conformité des directives « marchés publics » par rapport à l’Accord sur les marchés publics paraît donc possible1009.

Gemeinschaftsrecht, éditions Peter Lang, 2009, pp. 86 à 88) ; L. RICHER, L’Europe des marchés publics. Marchés publics et concessions en droit communautaire, Paris, L.G.D.J., 2009, no 929 ; S. BRACONNIER, Précis du droit des marchés publics, 4e édition, Paris Moniteur, 2012, p. 54 ;G. KUNNERT, WTO-Vergaberecht, 1re édition, Baden-Baden, Nomos, 1998 ; D. DAHLGAARD DINGEL, « Direct Effect of the Government Procurement Agreement », Public Procurement Law Review, 2000, pp. 245 et s. Le législateur européen est également d’avis que l’Accord sur les marchés publics n’a pas d’effet direct, ainsi qu’il l’a indiqué au septième considérant de la directive 2004/18/CE et au quatorzième considérant de la directive 2004/17/CE. Voir cependant en faveur de l’effet direct, E.H. PIJNACKER HORDIJK, G.W. VAN DER BEND, J.F. VAN NOUHUYS, Aanbestedingsrecht - Handboek van het Europese en het Nederlandse Aanbestedingsrecht, 4e édition, Den Haag, Sdu Uitgevers, 2009,

[p. 13].

1004 COM/2013/0143 final – 2013/0086 (NLE).

1005

Voir en ce sens également,A. EGGER, Europäisches Vergaberecht, NOMOS, Baden-Baden, 2008, no 332 et 333 ; de même G. KUNNERT, WTO-Vergaberecht, 1re édi., Baden-Baden, Nomos, 1998, pp. 415 et 416.

1006 Arrêt de la Cour du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C-280/93, point 111 ; voir également arrêt de la Cour de Justice du 7 mai 1991, Nakajima, C-69/89, point 31, ou encore l’arrêt de la Cour du 23 novembre 1999, Portugal/Conseil, point 49, l’arrêt de la Cour du 1er mars 2005 (grande chambre), Léon Van Parys, C-377/02, point 40ou encore l’arrêt de la Cour du 27 septembre 2007, Ikea Wholesale, C-351/04, point 30.

1007

Cf. dans le même sens, l’article XXII, 4., de l’accord amendé.

1008

Voir en ce sens également,A. EGGER, Europäisches Vergaberecht, NOMOS, Baden-Baden, 2008, no 333 pour qui il en résulterait que l’Accord sur les marchés publics aurait un effet direct.

1009 Voir en ce sens également H. PÜNDER, « Völkerrechtliche Vorgaben » in Kompendium des Vergaberechts. Systematische Darstellung unter Berücksichtigung des EU-Vergaberechts, M. MÜLLER-WREDE (éditeur), Bundesanzeiger Verlag, 2008, p. 72.On pourrait au demeurant se poser la question de savoir si l’article 5 de la directive 2004/18/CE, bien que ne faisant pas référence à des dispositions précises de l’Accord sur les marchés

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(e) De quelle manière l’invalidité d’une disposition des directives « marchés publics » restreignant le champ d’application de l’obligation de mise en concurrence pourrait-elle être invoquée d’un point de vue procédural ?

301.- On peut exclure d’emblée un recours en annulation (article 263 TFUE (ancien article 230)) qui doit être intenté dans un délai de deux mois à partir de la publication des directives. De toute