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Chapitre II.- Les directives « marchés publics » actuelles

Section 2.- La directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services330

D. Les accords-cadres

D. Les accords-cadres

140.- L’article 1er, paragraphe 5, l’article 9, paragraphe 9 (méthode de calcul du seuil) ainsi que les articles 32 et 35, paragraphe 4, alinéas 1er et 2, de la directive 2004/18/CE ont trait aux accords-cadres. Sous le régime de la directive 2004/18/CE, l’« accord-cadre », désigne autre chose que sous la directive 2004/17/CE384. Bien que ces deux directives définissent « l’accord-cadre » de la même manière (article 1er, paragraphe 5 de la directive 2004/18/CE ; article 1er, paragraphe 4 de la directive 2004/17/CE), le régime des accords-cadres n’y est pas le même385.

Dans la directive 2004/18/CE, comme sous le régime de la directive 2004/17/CE, l’accord-cadre n’est parfois rien d’autre qu’un marché public conclu après une mise en concurrence386

. Cependant la directive 2004/18/CE envisage le mécanisme de l’accord-cadre également comme une mise en concurrence à deux niveaux : une première mise en concurrence pour déterminer ceux qui sont admis à l’accord-cadre - on pourrait dire également, ceux qui sont présélectionnés - puis pour désigner celui à qui une commande précise est passée. Il est regrettable que les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE utilisent la même expression pour désigner des choses distinctes.

Tout comme pour le régime des accords-cadres dans la directive 2004/17/CE, les dispositions de la directive 2004/18/CE concernant les accords-cadres comportent des lacunes, ce qui rend leur compréhension difficile.

Les Etats-membres peuvent prévoir la possibilité pour les pouvoirs adjudicateurs de conclure des accords-cadres (article 32, paragraphe 1er). Un Etat membre peut donc interdire aux pouvoirs adjudicateurs de conclure des accords-cadres, ce qui n’est pas prévu dans la directive sectorielle 2004/17/CE (article 14, paragraphe 1er). Cela tient à ce que la notion n’est pas la même dans les deux directives.

Pour les accords-cadres, la valeur à prendre en considération au regard des seuils d’application de la directive est la valeur maximale estimée hors tva de l’ensemble des marchés envisagés pendant la durée totale de l’accord-cadre (article 9, paragraphe 9). Cela signifie que des commandes qui n’auraient normalement pas été soumises à la directive le seront, le cas échéant, pour la raison qu’elles interviennent dans un accord-cadre. En effet, d’une façon générale, pour le calcul de la valeur estimée en cas de marchés de fournitures ou de services présentant un certain caractère de régularité ou destinés à être renouvelés au cours d’une période donnée, la directive prescrit de tenir compte en principe des commandes prévues pendant une durée de douze mois (article 9, paragraphe 7).

La directive 2004/18/CE envisage des accords-cadres conclus avec un opérateur économique et des accords-cadres conclus avec plusieurs opérateurs économiques (article 32, paragraphes 3 et 4). Dans cette dernière hypothèse, il faut qu’il y en ait en principe au moins trois (article 32, paragraphe 4). Ce que la directive envisage, lorsqu’elle parle de contrats-cadres conclus avec plusieurs opérateurs économiques, ce ne sont pas des contrats conclus avec plusieurs opérateurs économiques ayant formé un groupement en vue d’exécuter ensemble des marchés, mais bien des contrats-cadres auxquels participent plusieurs opérateurs économiques agissant comme concurrents les uns des autres dans le

complémentaires éventuels ». Cf. sur ces questions, notamment, B. HEUNINCKX, « The EU defence and Security Procurement Directive : Trick or Treat ? », Public Procurement Law Review, 2011, 1, pp. 9 et s., point 4.2.1.

383

Voir, par exemple, la Fiche explicative – Dialogue compétitif – Directive classique (CC/2005/04 FR – Revision 1 du 5.10.2005) de la Commission, p. 1, note 2.

384

Cf. pour les accords-cadres sous la directive 2004/17/CE, ci-dessus, nos 84 à 86.

385 Cf. en ce sens également la « Fiche explicative – Accords-cadres – directive classique » de la Commission du 14 juillet 2005, p. 2 (document CC/2005/03_rev1 FR).

386

Nous avons cependant vu que sous la directive 2004/17/CE, l’accord-cadre ne répond pas toujours à la définition stricte des marchés publics (cf. ci-dessus, no 86).

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contrat-cadre envisagé, chose que n’envisage pas la directive 2004/17/CE. Dans sa fiche explicative387, la Commission appelle ces accords-cadres des « accords-cadres multiples ».

Pour la conclusion de l’accord-cadre, les pouvoirs adjudicateurs suivent les procédures prévues dans la directive (article 32, paragraphe 2, de la directive 2004/18/CE), ce qui veut dire, la procédure ouverte, la procédure restreinte, la procédure négociée ou celle du dialogue compétitif dans les cas où ces deux dernières sont permises388. L’article 32, paragraphe 2, 1er

alinéa, de la directive 2004/18/CE renvoie expressément à l’article 53 de la directive concernant les critères d’attribution, lequel prévoit l’attribution du marché soit à l’offre économiquement la plus avantageuse, soit à celle dont le prix est le plus bas.

La durée des accords-cadres est limitée à quatre ans, sauf cas exceptionnels (article 32, paragraphe 4, alinéa 4, de la directive 2004/18/CE)389. La directive 2004/18/CE dispose que « les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent recourir aux accords-cadres de façon abusive ou de manière à empêcher, à restreindre ou à fausser la concurrence » (article 32, paragraphe 2, dernier alinéa, de la directive 2004/18/CE)390.

Conformément à l’article 35, paragraphe 4, de la directive 2004/18/CE, les pouvoirs adjudicateurs doivent envoyer un avis d’attribution après la conclusion de l’accord-cadre, mais non après les marchés individuels conclus en vertu de l’accord-cadre.

1. Accords-cadres avec un seul opérateur économique

141.- Les marchés individuels passés sur base de l’accord-cadre ne font plus l’objet d’une mise en concurrence (article 32, paragraphe 3, de la directive 2004/18/CE). Dans ce cas, la façon de procéder est donc identique à ce qui se passe lorsqu’un accord-cadre est conclu sous le régime de la directive 2004/17/CE391 .

Bien que la directive omette de le préciser, lorsque plusieurs opérateurs économiques ont formé un groupement pour la conclusion de l’accord-cadre, ils doivent être considérés comme un seul opérateur économique.

La directive indique que « pour la passation de ces marchés [les marchés à conclure sur la base de cadre], les pouvoirs adjudicateurs peuvent consulter par écrit l’opérateur partie à l’accord-cadre, en lui demandant de compléter, si besoin est, son offre » (article 32, paragraphe 3, alinéa 2, de la directive 2004/18/CE)392.

Comme la directive dispose que lors de la passation des marchés fondés sur l’accord-cadre, les parties ne peuvent apporter de modifications substantielles aux termes fixés dans l’accord-cadre (article 32, paragraphe 3, alinéa 2), seuls des termes non substantiels devraient pouvoir rester ouverts. Sinon, le principe d’égalité de traitement se trouverait d’ailleurs violé. En effet, si les modifications avaient été connues lors de la procédure d’attribution de l’accord-cadre, l’un des concurrents aurait éventuellement été en mesure de faire une offre plus avantageuse que celle de l’adjudicataire393.

387

« Fiche explicative – Accords-cadres – directive classique » de la Commission du 14 juillet 2005 (CC-2005/03_rev1 FR, p. 4).

388 Pour le dialogue compétitif, la note 12 en bas de la page 4 de la « Fiche explicative – Accords-Cadres – Directive Classique » de la Commission du 14 juillet 2005 (document CC/2005/03_rev1 FR) observe qu’il est difficile d’imaginer des cas dans lesquels les conditions pour le recours à un dialogue compétitif seraient remplies et où un accord-cadre serait praticable.

389 Selon, S. ARROWSMITH, la limite des quatre ans viserait probablement la dernière commande passée en vertu de l’accord-cadre (The law of public and utilities procurement, 2e éd., London, Sweet & Maxwell, 2005, point 11.39, page 700).

390

Voir, à ce sujet, N. POURBAIX, « Droit des marchés publics et droit de la concurrence. Le yin et le yang de la commande juridique ? » in Chronique des marchés publics, Constant De Koninck en EBP, 2011-2012, pp. 927 et s., nos 21 et s.

391 Cf. ci-dessus, no 84 à 87.

392

Cette précision n’est pas donnée par la directive 2004/17/CE.

393

Cf. ci-dessous, nos 389 concernant les exigences de mise en concurrence déduites du droit primaire. Dans sa « Fiche explicative – Accords-Cadres – Directive Classique » du 14 juillet 2005, p. 6, point 2.2 (document

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2. Accords-cadres avec plusieurs opérateurs économiques

142.- Dans ce cas, l’accord-cadre doit être conclu avec au moins trois opérateurs économiques (article 32, paragraphe 4). Comme « le choix des parties à l’accord-cadre se fait par application des critères d’attribution établis conformément à l’article 53 » (article 32, paragraphe 2), c’est-à-dire suivant l’offre économiquement la plus avantageuse ou alors en fonction du prix seul, ainsi que le prévoit l’article 53 de la directive, l’accord sera conclu avec les soumissionnaires les mieux placés. La directive envisage deux catégories d’accords-cadres avec plusieurs opérateurs économiques (article 32, paragraphe 4, alinéa 2).

(a) Tous les termes du marché sont fixés dans l’accord-cadre

143.- Ou bien tous les termes du marché ont été fixés dans l’accord-cadre. Dans ce cas, l’attribution du marché se fait « par application des termes fixés dans l’accord-cadre sans remise en concurrence » (article 32, paragraphe 4, 2e alinéa).

La directive omet cependant d’indiquer suivant quel critère les marchés individuels seront attribués. Dans sa « Fiche explicative - Accords-Cadres - Directive Classique » de la Commission du 14 juillet 2005, p. 8 (document CC/2005/03_rev1 FR) la Commission dit que dans de pareils cas, le choix doit simplement se faire en respectant les principes de base d’égalité, de non-discrimination et de transparence, l’une des méthodes pouvant consister à d’abord contacter celui qui a fait la meilleure offre, puis le second, etc…. La Commission indique que le pouvoir adjudicateur pourrait avoir recours au second placé si le premier placé n’est pas intéressé394. Ceci supposerait que l’accord-cadre permette au premier placé de décliner la commande du pouvoir adjudicateur. Pareille rédaction d’un accord-cadre ou d’un cahier des charges nous semble cependant à proscrire, sauf cas exceptionnels. Sinon, en effet, pour être bien placés, les soumissionnaires seraient tentés de faire des offres excessivement avantageuses, quitte à refuser ensuite d’exécuter le marché, s’ils disposent, le moment venu, d’opportunités plus intéressantes. En fin de compte, la concurrence serait faussée et l’égalité entre les soumissionnaires se trouverait rompue.

(b) Tous les termes du marché ne sont pas fixés dans l’accord-cadre

144.- Lorsque tous les termes n’ont pas été fixés dans un accord-cadre multiple, le système de la directive 2004/18/CE requiert une mise en concurrence supplémentaire.

CC/2005/03_rev1 FR), la Commission estime que même le prix pourrait ne pas avoir été fixé dans l’accord-cadre conclu avec un seul opérateur économique. La Commission invoque à cet égard l’article 54, paragraphe 2, de la directive qui prévoit que « l’enchère électronique peut être utilisée lors de la remise en concurrence des parties à un accord-cadre visé à l’article 32, paragraphe 4, deuxième alinéa, deuxième tiret ». Cette interprétation de la directive est très certainement contraire aux principes régissant les marchés publics que la Cour a déduits du droit primaire. Etant donné que le prix est un critère d’attribution essentiel, une mise en concurrence pour la désignation du titulaire de l’accord-cadre qui n’en tiendrait pas compte, violerait les principes d’égalité et de transparence. La disposition relative à l’enchère électronique qu’invoque la Commission suppose d’ailleurs que l’on se trouve dans le cas où il y a au moins trois opérateurs économiques participant à l’accord. L’hypothèse est donc différente de celle où il n’y a qu’un seul opérateur économique.

394

D’après la Commission, les accords-cadres fixant tous les termes correspondraient en réalité à la définition des marchés publics traditionnels, car tous les éléments sont fixés de façon contraignante (cf. « Fiche explicative – Accords-Cadres – Directive Classique » de la Commission du 14 juillet 2005, p. 3 en haut (document CC/2005/03_rev1 FR). Dans l’hypothèse envisagée, ce ne serait donc pas le cas, les cocontractants du pouvoir adjudicateur restant libres de ne pas exécuter les marchés individuels. A cela s’ajoute que dans un « marché public traditionnel », une fois le marché conclu, le pouvoir adjudicateur n’a plus de choix à faire quant à l’exécutant.

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Dans ce cas, les parties à l’accord-cadre - et uniquement celles-ci - seront remises en concurrence « sur base des mêmes termes, si nécessaire en les précisant, et, le cas échéant, d’autres termes indiqués dans le cahier des charges de l’accord-cadre » (article 32, paragraphe 4, 2e

tiret, de la directive 2004/18/CE) 395.

Selon le législateur européen, il pourrait donc y avoir deux catégories de critères d’attribution, les uns pour l’attribution de l’accord-cadre, les autres pour l’attribution des marchés individuels396

. Tout comme les systèmes d’acquisition dynamiques397, les accords-cadres multiples dont tous les termes n’ont pas été fixés représentent un mode de mise en concurrence supplémentaire s’ajoutant aux quatre modes de mise en concurrence que la directive 2004/18/CE indique de manière explicite398. Ni la directive - ni la fiche explicative de la Commission - ne fournissent de réponse à la question de savoir comment il peut y avoir deux sortes de critères d’attribution sans porter atteinte aux principes d’égalité de traitement et de transparence, les uns pour la conclusion de l’accord-cadre, les autres pour la conclusion de marchés fondés sur l’accord-cadre. D’après la Commission, il serait même « tout à fait possible de baser la conclusion des accords-cadres exclusivement sur des critères « qualitatifs» dans le cadre du critère de l’offre économiquement la plus avantageuse et de baser l’attribution des marchés spécifiques sur le critère du prix le plus bas uniquement » (pp. 9 et 10). Ces solutions sont difficiles à concilier avec les exigences du droit primaire de la mise en concurrence. En effet, d’après la Cour, le principe d’égalité, ainsi que le principe de transparence qui en découle, requièrent des critères d’attribution pertinents au regard de l’objectif du marché qui demeurent inchangés tout au long de la procédure d’attribution399

. Tel ne serait pas le cas, si le pouvoir adjudicateur employait des critères d’attribution différents lors de deux phases successives d’une même procédure.

(c) Conclusion

145.- Sous le régime de la directive 2004/18/CE, les accords-cadres ne correspondent pas nécessairement à la définition stricte des marchés publics.

Après une mise en concurrence initiale, l’accord-cadre implique parfois - c’est le cas des accords-cadres multiples dont tous les termes ne sont pas fixés à l’avance - des mises en concurrence supplémentaires lors des différentes commandes fondées sur cadre. Dans ce cas, l’accord-cadre constitue un mode de mise en concurrence présentant certains traits communs avec les systèmes d’acquisition dynamiques : dans les deux cas, sélection en fonction des capacités des candidats, remise d’offres suivie d’une admission au système d’acquisition si l’offre est conforme au cahier des charges ou, en cas d’accord-cadre, admission à ce dernier, si les critères d’attribution fixés dans le cahier des charges du contrat-cadre le permettent. Par la suite, mise en concurrence pour les marchés individuels. L’impossibilité pour de nouveaux opérateurs économiques d’adhérer à un contrat-cadre et de participer dans l’avenir aux mises en concurrence pour les marchés individuels constitue cependant une différence majeure entre ces deux modes de mise en concurrence.

Les accords-cadres dont tous les termes ne sont pas fixés peuvent poser un problème de conformité avec le droit primaire.

395 La Commission observe dans sa fiche explicative que « les accords-cadres constituent un système clos dans lequel personne ne peut entrer, ni du côté des acheteurs, ni du côté des fournisseurs » (page 5).

396

Cf. également la « Fiche explicative - Accords-Cadres - Directive Classique » de la Commission du 14 juillet 2005 (document CC/2005/03_rev1 FR), pp. 6,7, 9 et 10.

397 Cf. ci-dessus, nos 114 à 118.

398

En sens contraire, semble-t-il, S. ARROWSMITH et P. KUNZLIK « EC regulation of Public Procurement » in Social and Environmental Policies in EC Procurement Law. New Directives and New Directions, S. ARROWSMITH et P. KUNZLIK (éditeurs), Cambridge, Cambridge University Press, 2009, p. 102, puisqu’ils considèrent sans réserve que les accords-cadres « ne constituent pas des procédures d’attribution, mais un mécanisme employé dans le cadre des procédures d’attribution usuelles » (« a mecanism used within the usual award procedures »). Tel n’est pas le cas des accords-cadres multiples dont tous les termes ne sont pas fixés, car ce type d’accord-cadre, une fois attribué suivant l’une des procédures nommément désignées par la directive 2004/18/CE, donne lieu à des mises en concurrence subséquentes.

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