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Chapitre II.- Les directives « marchés publics » actuelles

Section 3.- Les marchés publics de défense et de sécurité (directive 2009/81/CE)

E. Dispositions diverses

171.- La directive 2009/81/CE comporte des dispositions relatives à la sécurité de l’information451 . Bien que les directives 2004/18/CE ou 2004/17/CE ne l’aient pas prévu explicitement avant la directive 2009/81/CE, les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices pouvaient déjà recourir à ce même type de clauses452. L’énumération que donne l’article 22 de la directive des engagements et des informations que le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice peuvent demander n’est qu’exemplative.

L’article 23 de la directive 2009/81/CE indique de façon non exhaustive des clauses que les documents peuvent contenir pour garantir la sécurité d’approvisionnement. Là encore, rien qui n’ait déjà été permis avant. En revanche, cet article interdit d’exiger du soumissionnaire qu’il obtienne «un engagement d’un Etat membre qui porterait atteinte à la liberté de cet Etat membre d’appliquer, conformément au droit international ou communautaire pertinent, ses critères nationaux en matière d’autorisation des exportations, transferts ou transits, dans les circonstances prévalant au moment de la décision d’autorisation» (article 23, dernière phrase).

§ 3.- Les dispositions strictement identiques ou très similaires à celles de la directive 2004/18/CE 1. Nécessité d’un avis de marché en vue de la mise en concurrence

172.- Comme dans la directive 2004/18/CE, la publication d’un avis de marché est indispensable (article 30, paragraphe 2) pour la passation des marchés qui dépassent les seuils d’application de la directive 2009/81/CE. La publication d’un avis de préinformation n’est pas suffisante. On se rappellera que dans le système de la directive 2004/17/CE, l’équivalent de l’avis de préinformation,

449 On n’y retrouve cependant pas l’indication figurant dans la directive 2004/18/CE concernant le calcul de la valeur des marchés concernant les services bancaires et autres services financiers (article 9, paragraphe 8). Le législateur européen a sans doute estimé que de pareils marchés ne peuvent entrer dans le champ d’application de la directive 2009/81/CE.

450

Cf. ci-dessous, nos 333 et s.

451

Article 22 de la directive 2009/81/CE.

452 Voir en ce sens également, B. HEUNINCKX, « The EU Defense and Security Procurement Directive : Trick or Treat ? », Public Procurement Law Review, 2011, 1, pp. 9 et s., point 7 ; M. TRYBUS, « The Hidden Remedies Directive : Review and Remedies Under the EU Defense and Security Procurement Directive », Public Procurement Law Review, 2013, pp. 145 et s., no 3.3.

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appelé « avis périodique indicatif », peut être utilisé comme moyen de mise en concurrence (article 42 de la directive 2004/17/CE). De même, la mise en concurrence par un avis sur l’existence d’un système de qualification, prévue par la directive 2004/17/CE, n’existe pas sous la directive 2009/81/CE.

2. La publication d’un avis de préfinformation est facultative

173.- Tout comme sous le régime des directives 2004/17/CE et 2004/18/CE, la directive 2009/81/CE prévoit que la publication d’un avis de préinformation est facultative. L’absence de publication d’un avis de préinformation a pour seul conséquence que le pouvoir adjudicateur ne pourra pas réduire le délai de réception des offres conformément à l’article 33, paragraphe 3.

3. Marchés négociés sans publication d’un avis de marché

174.- La procédure négociée sans publication d’un avis de marché n’est admise que dans les cas limitativement énumérés à l’article 28. Ce sont en principe les mêmes cas qui permettent de recourir au marché négocié sans publication d’un avis de marché sous le régime de la directive 2004/18/CE. S’y ajoutent les marchés portant sur des services de recherche et de développement autres que ceux déjà exclus du champ d’application de la directive en vertu de l’article 13 de la directive453 .

La directive 2009/81/CE prévoit encore deux autres cas non prévus par la directive 2004/18/CE. Il s’agit du cas d’« urgence résultant de situations de crise »454, pour lequel les conditions sont moins strictes que le cas d’urgence « impérieuse »455

.

D’autre part, il s’agit des « marchés liés à la fourniture de services de transport maritime et aérien pour les forces armées ou les forces de sécurité d’un Etat membre, qui sont ou vont être déployées à l’étranger, lorsque le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice doivent obtenir ces services d’opérateurs économiques qui garantissent la validité de leur offre uniquement pour des périodes très brèves de sorte que les délais applicables à la procédure restreinte ou à la procédure négociée avec publication d’un avis de marché, y compris les délais réduits456

visés à l’article 33, paragraphe 7, ne peuvent être respectés » (article 28, paragraphe 5).

4. Procédure négociée avec publication d’un avis de marché

175.- Les dispositions de la directive 2009/81/CE (article 1er, paragraphe 20 et article 26) concernant la procédure négociée avec publication d’un avis de marché préalable sont identiques à celles de la directive 2004/18/CE. Quant au déroulement de la procédure négociée avec publication d’un avis de marché, la directive 2009/81/CE fournit à l’article 26 les mêmes précisions que les paragraphes 2, 3 et 4 de l’article 30 de la directive 2004/18/CE457

. 5. Accords-cadres

176.- La réglementation des accords-cadres est identique à celle de la directive 2004/18/CE458, sauf que la durée des accords-cadres ne peut en principe excéder sept ans et non seulement quatre ans (article 29).

453 Article 28, paragraphe 2, a), de la directive 2009/81/CE.

454 Article 28, paragraphe 1er, c), de la directive 2009/81/CE.

455

Voir quant à cette exception, nos 432 et 433.

456 En cas d’urgence, l’article 33, paragraphe 7, de la directive 2009/81/CE permet de réduire les délais minimaux pour les demandes de participation dans les procédures restreintes à quinze jours à compter de la date d’envoi de l’avis (dix jours en cas de transmission de l’avis par voie électronique conformément à la directive) et le délai de réception des offres à dix jours à compter de la date d’envoi de l’invitation à soumissionner. Cette disposition correspond à l’article 38, paragraphe 8, de la directive 2004/18/CE.

457

Nous renvoyons aux nos 131 et s. ci-dessus pour une description de la procédure négociée d’après les directives 2004/18/CE et 2004/17/CE (cf. en particulier le no 131 en note).

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6. Enchères électroniques

177.- Les dispositions de la directive 2009/81/CE sont à cet égard identiques à celles des directives 2004/18/CE et 2004/17/CE.

7. Centrales d’achat

178.- D’après la directive 2009/81/CE, la centrale d’achat peut être un pouvoir adjudicateur au sens de la directive 2004/18/CE, une entité adjudicatrice soumise à la directive 2004/17/CE, mais également « un organisme public européen » (article 1er, paragraphe 18). Pour des marchés soumis à la directive 2009/81/CE, des entreprises publiques pourraient donc faire fonction de centrales d’achat pour d’autres pouvoirs adjudicateurs ou des entités adjudicatrices, ce qui n’est pas le cas sous le régime de la directive 2004/17/CE.

Lorsque c’est un organisme de droit public européen qui fait fonction de centrale d’achat, il faut que « les règles de passation de marché qu’elle applique soient conformes à l’ensemble des dispositions de la présente directive [la directive 2009/81/CE] » (article 10, paragraphe 2, premier tiret). L’attribution des marchés doit « faire l’objet de recours efficaces comparables à ceux prévus au titre IV de la directive » (article 10, paragraphe 2, second tiret)459.

§ 4.- Marchés mixtes

179.- L’article 3 de la directive 2009/81/CE édicte des règles particulières quant au régime de passation des marchés mixtes qui entrent en partie dans le champ d’application de la directive 2009/81/CE et en partie dans celui de la directive 2004/17/CE ou celui de la directive 2004/18/CE. Ces règles de conflit sont différentes de celles qui existent entre les directives 2004/18/CE et 2004/17/CE, d’après lesquelles il y a lieu de prendre en considération en tout premier lieu l’activité à laquelle le marché est principalement destiné (article 9 de la directive 2004/17/CE) 460. Les règles de conflit de la directive 2009/81/CE diffèrent également de la règle de conflit générale retenue par la Cour pour les marchés mixtes.

1. Principe général retenu par la Cour pour les marchés mixtes

180.- La Cour a en effet décidé que lorsqu’un marché comprend différents objets qui, séparément, seraient soumis à des régimes différents, les règles applicables à la passation du marché sont déterminées d’après « l’objet principal du contrat ou l’élément prépondérant du contrat »461 à condition que les différents volets du contrat soient « liés d’une manière inséparable et forment ainsi un tout indivisible »462. En particulier, si l’objet principal d’un marché est étranger aux directives « marchés publics », le marché échappe pour le tout à leur emprise, même si certains aspects, envisagés isolément, y seraient soumis.

Ainsi, dans l’affaire Club Hotel Loutraki463, la Cour a considéré que l’objet principal du contrat était une cession de parts. En conséquence, la passation de l’ensemble du contrat échappait à la directive 2004/18/CE, alors même que le contrat comportait également des travaux soumis normalement à la directive 2004/18/CE.

459

Quant aux dispositions de la directive 2009/81/CE concernant les recours, voir ci-dessus, no 35.

460 Cf. ci-dessus nos 93 et s.

461

Arrêt de la Cour du 6 mai 2010, Club Hotel Loutraki, C-145/08 et C-149/08, points 48 et 49 ; arrêt de la Cour du 22 décembre 2010, Mehiläinen Oy, C-215/09, point 36 ; cf. également l’arrêt de la Cour du 19 avril 1994, Gestión Hotelera International, C-331/92, points 23 et 26 qui, sans utiliser cette formule, s’exprime dans le même sens.

462

Arrêt de la Cour du 6 mai 2010, Club Hotel Loutraki, C-145/08 et C-149/08, points 48 et 49 ; arrêt de la Cour du 22 décembre 2010, Mehiläinen Oy, C-215/09, points 36, 39 et 45.

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2. Contrats entrant partiellement dans le champ d’application de la directive 2009/81/CE et en partie dans celui de la directive 2004/81/CE ou de la directive 2004/17/CE

181.- La directive 2009/81/CE464 prévoit que la passation d’un contrat entrant partiellement dans le champ d’application de cette directive et partiellement dans celui de la directive 2004/18/CE ou 2004/17/CE, suivra les règles de la directive 2009/81/CE pour le tout (article 3, paragraphe 2), à condition que la conclusion d’un contrat unique soit justifiée par des raisons objectives. Ainsi, les règles de la directive 2009/81/CE sont prioritaires par rapport à celles des deux autres directives, même si, d’après son objet principal, le contrat relevait de l’une d’elles.

3. Contrat entrant pour partie dans le champ d’application de la directive 2009/81/CE et ne relevant pour le reste ni de la directive 2004/17/CE ni de la directive 2004/18/CE

182.- Lorsque l’objet du contrat entre pour partie dans le champ d’application de la directive 2009/81/CE et qu’il ne relève pour le reste ni de la directive 2004/17/CE, ni de la directive 2004/18/CE, aucune des trois directives ne s’applique (article 3, paragraphe 2, de la directive 2009/81/CE). Ici encore, la directive requiert que la conclusion d’un contrat unique soit justifiée par des raisons objectives. Que le choix doive être objectivement justifié ne signifie pas que les différents volets du marché doivent être inséparables. Le fait qu’il soit utile ou avantageux de passer par un marché unique devrait suffire. Cette solution diverge également de la règle générale posée par la Cour.

4. Appréciation

183.- La condition posée par les règles de conflit de la directive 2009/81/CE que la conclusion d’un contrat unique soit objectivement justifiée réserve forcément un certain pouvoir d’appréciation au pouvoir adjudicateur. Si le choix doit être objectivement justifié, cela ne signifie pas pour autant qu’il doit s’agir du seul choix possible.

La directive indique que la décision de passer un marché unique ne peut pas être prise dans le but de soustraire des marchés à l’application de la directive 2009/81/CE, de la directive 2004/17/CE ou de la directive 2004/18/CE (article 3, paragraphe 3).

Dans la plupart des cas, le respect de cette disposition sera difficile, voir impossible à contrôler. Un pouvoir adjudicateur préférera nécessairement un régime de passation de marchés moins contraignant (en l’espèce, la procédure négociée admise de manière générale par la directive 2009/81/CE) au régime plus astreignant de la directive 2004/18/CE qui impose en principe la procédure ouverte ou la procédure restreinte. La possibilité de recourir à la procédure négociée sera en général un argument s’ajoutant à toutes les autres « justifications objectives » du choix de conclure un seul contrat.

En général, ce n’est que si les différents volets du marché sont réellement inséparables ou alors si le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice n’ont pas recours à la procédure négociée que l’on pourra vraiment dire que la décision de passer un marché unique n’a pas été prise en vue d’échapper à l’application de l’une des directives « marchés publics ».

C’est des directives « marchés publics » et non du droit primaire que la Cour a déduit la règle qu’en présence d’un contrat ayant plusieurs volets inséparables, l’objet principal du contrat détermine le régime de passation à appliquer465. Il ne paraît donc à première vue pas y avoir d’empêchement à ce que la directive 2009/81/CE impose une autre règle.

Il faut cependant se poser la question de savoir si la règle retenue par la Cour ne s’impose pas également en vertu de la libre prestation des services, de la liberté d’établissement et du principe d’égalité de traitement. La Cour déduit l’obligation de mise en concurrence du droit primaire à partir de ces principes466. Il existe des exceptions à cette obligation, par exemple, pour des motifs impérieux

464

L’article 3, paragraphe 1er, de la directive 2009/81/CE s’exprime comme suit : « Un marché ayant pour objet des travaux, fournitures ou services entrant dans le champ d’application de la présente directive et en partie dans le champ d’application de la directive 2004/17/CE ou de la directive 2004/18/CE est passé conformément à la présente directive, sous réserve que la passation d’un marché unique soit justifié par des raisons objectives ».

465

Voir l’arrêt de la Cour du 19 avril 1994, Gestiόn Hotelera International, C-331/92, points 26 à 27.

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d’intérêt général467

. De simples considérations de commodité ou d’opportunité, même objectivement justifiées, ayant fait réunir en un seul marché divers volets, dont le principal ne se prête pas à une mise en concurrence, ne devraient donc pas dispenser d’une mise en concurrence pour le tout.

Il convient toutefois de remarquer que si l’article 3 de la directive 2009/81/CE dispose que dans certains cas qu’il indique, la directive 2009/81/CE ne s’applique pas, cela ne signifie pas que le législateur entend exclure toute mise en concurrence, y compris celle imposée par le droit primaire. Ce n’est que si l’on interprétait les règles de conflit de l’article 3 de la directive 2009/81/CE en sens opposé qu’elles heurteraient le droit primaire.

Chapitre III.- La délimitation du champ d’application des directives