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I.2.1.Les emprunts scientifiques

I.4. Pratiques intertextuelles : citation et allusion

Jřai découvert ainsi ce que les écrivains ont toujours su (et que tant de fois ils nous ont dit): les livres parlent toujours dřautres livres, et chaque histoire raconte une histoire déjà racontée623.

Gérard Genette présente la citation comme lřune des pratiques les plus explicites de lřintertextualité et la distingue du plagiat et de lřallusion :

[lřintertextualité] Sous sa forme la plus explicite et la plus littérale, cřest la pratique traditionnelle de la citation (avec guillemets, avec ou sans référence précise) ; sous une forme moins explicite et moins canonique, celle du plagiat (chez Lautréamont, par exemple), qui est un emprunt non déclaré, mais encore littéral ; sous forme encore moins explicite et moins littérale, celle de lřallusion, cřest-à-dire dřun énoncé dont la pleine intelligence suppose la perception dřun rapport entre lui et un autre auquel renvoie nécessairement telle ou telle de ses inflexions, autrement non recevable […]624

622BACHI, S., Autoportrait avec Grenade, op. cit., p. 132.

623

ECO, U., Apostille au Nom de la rose, Paris, Grasset, 1980.

624

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Nous remarquons que nos trois auteurs usent largement de la pratique intertextuelle, notamment de la forme de la citation explicite mise souvent en italique, et parfois de lřallusion. Examinons de plus près la particularité de cette pratique dans notre corpus.

En effet, Autoportrait avec Grenade est riche de citations intertextuelles, nous retenons cependant quatre références qui font écho dans le texte de Bachi : La Divine Comédie de Dante, L’Age de fer625 de J.M. Coetzee, La Chute de Camus et les Mille et une nuits. Le texte de Bachi est en relation intertextuelle explicite avec lřœuvre du poète italien Dante Alighieri, La Divine comédie626dont une citation est mentionnée dans lřépigraphe du récit de Bachi :

Au milieu du chemin de notre vie, Je me trouvais dans une forêt sombre, La route où l’on va droit s’étant perdue. Dante627

Bachi calque ainsi son récit sur celui de Dante en lřimitant sur les deux plans : thématique et structurel. La Divine Comédie est écrite en trois parties : L’Enfer, Le

Purgatoire et Le Paradis, Bachi reprend dans Autoportrait avec Grenade cette même

distribution des chapitres et aussi leur appellation, mais il modifie leur succession. En effet, il décide de bouleverser lřordre du récit dantien permutant les deux premiers chapitres ainsi : Purgatoire, Enfer et Paradis ; cette modification de Bachi sřinscrit dans la logique même de lřintertextualité car, comme lřécrit Julia Kristeva,« tout texte est absorption et transformation d'un autre texte 628». De plus, tout comme le personnage dantien qui se lance dans un voyage initiatique et surnaturel, et qui rencontre une centaine de personnalités (des grandes figures mythiques de l'Antiquité comme les philosophes, et des personnalités contemporaines de Dante), lřauteur-narrateur dřAutoportrait avec Grenade entreprend également un voyage imaginaire, déclenché par la prise de calmants, et rencontre une multitude de figures représentant son mythe personnel comme ses personnages issus de ses romans antérieurs mais aussi dřillustres figures littéraires (Shakespeare, FedericoGarcia Lorca, Kafka…). En outre, le récit de Bachi est truffé de poèmes, une tentative destinée à rendre hommage au poème de La Divine Comédie.

625

COETZEE, J.-M., L’Age de fer, Paris, Seuil, 2002.

626

DANTE, I., La divine comédie, Paris, Charpentier, 1845.

627

DANTE, cité in BACHI, S., Autoportrait avec Grenade, op. cit., p.7.

628

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Bachi cite aussi dans son récit un autre texte, L’Age de fer629 de J.M. Coetzee, qui semble sur le plan thématique correspondre à lřhistoire dřAutoportrait avec Grenade :

Je lisais L’Age de fer de Coetzee. Le roman décrivait la déchéance physique dřune femme atteinte dřun cancer dans lřAfrique du Sud de lřapartheid. Elle mourait lentement pendant que son pays sombrait dans la violence (…) Cette femme me touchait au plus haut point. Pour soulager ses douleurs, elle prenait des médicaments qui la plongeaient dans des états limites. Et il pleuvait sur le Cap, il pleuvait sans cesse sur le Cap, comme il pleuvait sur Grenade pendant que je parcourais la vie dřune femme au bord de lřabîme. Je ressentais avec elle le froid, la fatigue, la peine quand tout ce qui nous est cher se dissout, quand nos illusions se disloquent, sřévanouissent630

.

En décrivant le personnage féminin de L’Age de fer, Bachi semble faire son propre autoportrait présenté dans son récit. En effet, tout comme le personnage de Coetzee, lřauteur-narrateur est atteint dřune maladie rare (Drépanocytose631

) provoquant des douleurs similaires à celle dřun cancer, et en pleine souffrance cet auteur-narrateur pense à son pays natal (lřAlgérie) qui sombre dans la violence terroriste. Un autre point commun entre les deux narrateurs est celui des « états limites » dans lesquels ils se trouvent après la prise de calmants et leur combat contre la maladie.

En outre, Bachi fait référence à La Chute de Camus en parlant de « malconfort » : « Mon corps est une prison. Impossible de sřen délivrer. (…) Jamais je ne suis à mon aise. Cellule du Moyen Age. Tazmamart632. Impossible de sřallonger. Jřai mal. Jřai. Malconfort. Camus. Tu třen souviens ? Dis ? La Chute. Il en parle. Pour lřâme. Lui, cřétait à lřâme633

». Le « malconfort634 » est un néologisme camusien quřil a utilisé dans La Chute pour parler de la cellule dans laquelle est enfermé son personnage Clamence, cette cellule est très particulière par ses dimensions qui augmentent la torture physique et morale du détenu. A

629

COETZEE, J.M., L’Age de fer, op. cit.

630

BACHI, S., Autoportrait avec Grenade, op. cit., p.164.

631

Ibid., p.61.

632

« Tazmamert, était une prison secrète pour prisonniers politiques à l'est du Maroc dans l'Atlas. Réputée pour ses conditions d'incarcération très difficiles, elle était considérée comme la pire prison du monde, elle se trouvait dans une zone désertique près d'Er-Rich, entre Errachidia et Midelt, dans la région de Meknès-Tafilalet » in Wiképedia encyclopédie en ligne :https://fr.wikipedia.org/wiki/Discussion:Tazmamart (consulté le 18-04-2013).

633

BACHI, S., Autoportrait avec Grenade, op.cit., p.74.

634

« Cette cellule de basse-fosse quřau Moyen Age on appelait le « Malconfort ».En général, on vous y oubliait pour la vie. Cette cellule se distinguait des autres par dřingénieuses dimensions. Elle nřétait pas assez haute pour quřon sřy tînt debout, mais pas assez large pour quřon pût sřy coucher. Il fallait prendre le genre empêché, vivre en diagonale; le sommeil était une chute, la veille un accroupissement. », CAMUS, A., La

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lřinstar des deux prisons « Malconfort » et « Tazmamart » où les conditions dřincarcération sont atroces, le corps de lřauteur-narrateur se présente comme un lieu de torture infligeant à lřâme de lřauteur-narrateurs des douleurs intenses le conduisant souvent au seuil de lřagonie. La souffrance trouve ainsi des échos dans les lectures antérieures de Bachi, lui-même devenu personnage au sein de son récit autofictionnel, il comprend et partage alors la douleur de Clamence personnage de La Chute.

Par ailleurs, Bachi reconnaît que Les Mille et une nuits est lřhypotexte principal sur lequel sřest construite toute son œuvre. En effet, la figure de Shéhérazade est récurrente dans ses œuvres avec la présence de figures de « conteurs » renversant la tradition, puisque à la différence des Mille et une nuits, Bachi campe dans ses récits des conteurs masculins qui racontent souvent des histoires à un personnage de sexe féminin, il instaure ainsi la figure de la « Shahrazade au masculin ». Dans La Kahéna cřest le personnage Hamid Kaim qui raconte une histoire à un personnage féminin qui deviendra par la suite la narratrice principale du roman ; et dans Autoportrait avec Grenade cřest lřaïeul de lřauteur-narrateur qui raconte des histoires à sa grand-mère et qui fait lřobjet dřune certaine ironie de la part de lřécrivain à travers lřallusion au sonnet de Du Bellay, « Heureux qui comme Ulysse… ». Il confère ainsi au grand-père une dimension héroï-comique, le « caïd » se voyant assimilé à Ulysse. En outre, il souligne la prudence du grand-père, qui édulcore les passages trop osés des contes, sans doute pour ne pas donner de mauvaises idées à sa femme :

Ma grand-mère maternelle me parlait souvent de son oncle paternel, un homme à la peau dřébène (…)Il combattit pendant la première hécatombe du nouveau siècle : la Grande Guerre. Il retourna chez les siens, plein dřusage et de raison (…) il devint un notable, un caïd. Cřétait une sorte dřexplorateur qui lisait les Mille et une nuits dans la traduction de Charles Mardrus. Et tous les soirs, il contait à ma grand-mère, en prenant soin de les édulcorer, les soirées de Bagdad, la cour dřHaroun Al Rachid, et les jardins enchantés dřIspahan. Il oralisait à partir dřécrits, inversant le processus, cherchant à retrouver lřâme de ces contes en les retraduisant en arabe dialectal635.

Lřauditrice de lřaïeul est donc la grand-mère de lřauteur-narrateur qui à son tour poursuit le rituel de la narration et transmet ces histoires à ses petits enfants : « Ma grand-mère était une conteuse qui déroulait Les Mille et une Nuits comme une sorcière, assurée

635

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de son pouvoir et de sa force636 ». Bachi souligne ainsi lřimportance du rôle de la femme dans la conservation et la transmission de lřHistoire, elle est à cet effet la gardienne de la mémoire.

Dans Autoportrait avec Grenade cřest lřauteur-narrateur qui assume ce rôle de transmission de la mémoire, il est donc un « Shahrazed au masculin » qui sřengage à faire perdurer la tradition en proposant un récit plein dřemboitements et dřenchâssements présenté dans une chaîne intertextuelle. En effet, Bachi varie ses renvois littéraires dans son récit, entre intratextualité en évoquant des personnages de ses romans antérieurs (Le

Chien d’Ulysse et La Kahéna) et intertextualité en citant des figures littéraires comme

Kafka, Shakespeare, García Lorca, Camus, Coetzee etc.

Dans ma maison sous terre est également riche en références issues des lectures de

lřauteure, en effet elle y cite Rimbaud, Zola, Christine Angot et les psychanalystes : Freud et Lacan. Lřauteure-narratrice évoque Christine Angot parmi une liste de raisons qui la poussent à écrire un livre capable de tuer sa grand-mère : « Ceux qui ont des univers sains et ouverts, leurs livres sont moches et débiles, Christine Angot, L’Usage de la vie637 ». Lřauteure-narratrice pense donc que ce sont la souffrance et le drame qui nourrissent une écriture originale et sa logique résonne dans les propos dřAngot qui est un écrivain emblématique de lřécriture autofictionnelle en France. Elle évoque aussi Thérèse Raquin638

pour parler de son physique : « Je me regarde et me dégoute. Peau blanche, plis et replis. Gonflée, comme les noyées dřune morgue option Thérèse Raquin 639

», la mémoire littéraire de lřauteure-narratrice émerge donc pour décrire chaque détail du vécu en correspondance avec des images issues de ses lectures antérieures, ainsi son physique gonflé lui rappelle le cadavre du mari de Thérèse noyé dans la rivière. A la noyade physique sřajoute la noyade de lřesprit dans lřunivers littéraire comme lřexplique Delaume en donnant la parole à son personnage Théophile :

Jřai grandi dans les pages de Lagarde et Michard640, jřerrais des heures durant dans le XIXe siècle, cřest là que jřai connu mon tout premier vertige. A la page 636 Ibid., p.20. 637 Ibid., p.117. 638

ZOLA, E., Thérèse Raquin, 1867.

639

DELAUME, Ch., Dans ma maison sous terre, op. cit., p.128.

640

« Le Lagarde et Michard est un manuel scolaire illustré regroupant des biographies et des textes choisis d'auteurs français, accompagné de notes, de commentaires et de questions destinées aux élèves, qui a

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520, en plein milieu des strophes, émergeant des quatrains : Oui, tu mourus,

enfant, par le fleuve emporté !641Les mots devenaient mouvants et entre deux virgules Ophélie se noyait. Jřen restais muet et à genou642

.

Lřauteure-narratrice explique donc, à travers la parole de son double Théophile643, sa passion pour la littérature, une passion quřelle exploite parfaitement dans ses écrits, en les enrichissant avec des références hyper-allusives. En effet, en évoquant par exemple le personnage Tom, Delaume fait allusion au personnage fictif de Marie Darrieussecq dans son roman Tom est mort644 et au célèbre procès quřa tenu Camille Laurens contre Darrieussecq lui reprochant de lřavoir plagiée textuellement et psychiquement en piratant son roman autobiographique Philippe645, puisque selon Laurens, Darrieusecq nřayant pas perdu un enfant elle ne pourrait décrire le deuil dřune mère ayant vécu ce drame. Delaume intègre alors sciemment ce personnage dans son texte pour prendre position et défendre Darrieussecq et surtout montrer que la littérature nřa ni foi, ni limites. La psychanalyse tient également une très grande part dans lřécriture de Delaume puisque lřécriture autofictionnelle est définie comme une écriture de lřinconscient. Ainsi, en songeant à la mort de sa mère, lřauteure-narratrice évoque les propos du père de la psychanalyse, Freud : « Je pense à Sigmund Freud, Au fond, personne ne croit à sa propre mort, et dans son

inconscient, chacun est persuadé de son immortalité646 » ; le thème de la mort est un thème principal dans Dans ma maison sous terre puisque lřauteure-narratrice déambule dans un cimetière où sont enterrés ses proches que la mort lui a arrachés et où elle sřentretient avec la voix des morts. Toujours au sein dřun espace de mort, Delaume fait référence aux propos de lřécrivain français Jean-Jacques Schuhl « la mort saisit le vif, les morts veulent hériter des vivants, de tous sans exception647» ; cette citation renversant les situations entre vivants et morts représente lřétat de lřauteure-narratrice amputée de la vérité que les morts, et notamment sa mère, ont emportée avec eux. La citation de Schuhl est mentionnée comme épigraphe juste au- dessous du titre de lřune des trente-huit séquences du roman de

longtemps servi de base à l'enseignement du français dans l'enseignement secondaire en France et dans d'autres pays francophones » in Wiképédia, encyclopédie en

ligne :https://fr.wikipedia.org/wiki/Lagarde_et_Michard (consulté le 24-05-2012).

641

RIMBAUD, A., « Ophélie », cité in DELAUME, Ch., Dans ma maison sous terre, op. cit. p.145.

642

DELAUME, Ch, Ibid., p.145-146.

643 Nous avons exploité cette figure de double en détails dans la deuxième partie.

644

DARRIEUSEQ, M., Tom est mort, Paris, P.O.L., 2007.

645

LAURENS, C., Philippe, Paris, P.O.L., 1995.

646

DELAUME, Ch, Dans ma maison sous terre, op. cit., p.152.

647

SCHUHL, J.-J., Ingrid Caven, Paris, Gallimard, 2000.Cite in DELAUME, Ch., Dans ma maison sous

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Delaume « Roses, poussières 648», ce titre fait allusion également à lřœuvre de Schuhl Roses poussières649. La référence à Schuhl est très significative car cřest lřun des écrivains qui ont expérimenté la technique du collage ou du cut-up. Delaume multiplie ses références en combinant titre, qui renvoie à un auteur, et épigraphe renvoyant à un autre auteur, elle fait alors allusion au chanteur français Etienne Daho en donnant à lřune de ses séquences le titre de sa chanson « Bleu comme toi 650» et comme épigraphe une citation de Lacan : « Řř le réel cřest quand on se cogneřř651

». Les propos de Lacan représentent lřamertume et la douleur de lřauteure-narratrice confrontée (cognée) à la réalité de son cas dřenfant illégitime, une réalité qui anéantit son existence et quřelle dissèque dans son texte au risque de se faire mal : « Cřest un livre qui mřabîme. Je suis hantée et je nřy peux rien. Je ferme les yeux et les rouvre, mon ADN ne change pas, jřai beau me concentrer, rien ne se modifie. Philip K. Dick : la réalité, c’est ce qui ne disparaît pas quand on arrête d’y

croire652. » La citation de lřauteur américain Philip K. Dick vient donc accentuer le

désarroi de lřauteure-narratrice face à une identité difficile à accepter et à changer. Déchirée par cette nouvelle qui a brisé son moi, lřauteure-narratrice exprime ainsi sa souffrance grâce au mariage de plusieurs références évoquant la même réalité mais avec des discours variés. Ainsi, la pratique de la citation ou de lřallusion chez Delaume, donne à son texte un aspect à la fois foisonnant et hybride.

A la différence dřAutoportrait avec Grenade et de Dans ma maison sous terre, Folle nřest pas très riche en références littéraires. En effet, Arcan cite dřabord lřœuvre de Catherine Millet La Vie sexuelle de Catherine M., une œuvre qui traverse lřesprit de lřauteure-narratrice au moment où elle entre dans le Cinéma L’Amour, un lieu de pratiques sexuelles : « (…) au Cinéma LřAmour (…) les femmes entrent sans payer (…) il paraît que dans ce genre de lieux les femmes sont accommodantes, dřailleurs la première des choses qui frappe à la lecture de La Vie sexuelle de Catherine M., cřest lřaccommodation653». Le choix de cette référence nřest pas innocent, puisque Catherine Millet est un critique littéraire et une figure de lřart contemporain en France, elle est connue par le grand public avec son œuvre scandale mais à succès La Vie sexuelle de Catherine M, publiée en 2001, lřannée même où Nelly Arcan a fait aussi son irruption dans lřunivers littéraire avec Putain

648DELAUME, Ch., Dans ma maison sous terre, op. cit.,p.197.

649

SCHUHL, J.-J., Rose poussière, Paris, Gallimard, « Le Chemin », 1972.

650

DAHO, E., « Bleu comme toi », cité in DELAUME, Ch., Dans ma maison sous terre, op. cit., p.193 .

651 LACAN, J., cité in DELAUME, Ch., Dans ma maison sous terre, op. cit., p.193.

652

DELAUME, Ch., Dans ma maison sous terre, op. cit., p.155.

653

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racontant lřhistoire dřune ex-prostituée, donc ayant le même aspect scandaleux que celui de lřœuvre de Millet. Toutefois, à maintes reprises Arcan refuse quřon lie son œuvre à celle de Millet puisque à la différence de cette dernière, Arcan ne décrit pas dans ses textes la mise en scène du sexe avec «accommodation », mais dénonce plutôt sa marchandisation et lřaliénation du corps féminin. Arcan fait référence ensuite à des livrets de messe titrés Le

jour du seigneur :

Aujourdřhui beaucoup de choses de lui (le grand-père) me sont restées comme (…) ses livrets de messes des années trente titrés Le Jour du Seigneur. A la première page des livrets avait été prévu un endroit pour écrire nom et adresse, et depuis ce droit de propriété sur les prières, elles nřont plus été les mêmes pour moi, il me semblait que lřadresse indiquait avant tout la possibilité que le message se perde en cours de route, jřai donc arrêté de prier pour ne pas risquer dřatteindre le mauvais destinataire654

.

La figure du grand-père est liée intimement à la dimension religieuse dans Folle puisque cřest lui qui sřest occupé de lřéducation de lřauteure-narratrice, une éducation qui était basée sur les principes de la religion chrétienne catholique. De ce fait tout le texte de

Folle est truffé de réflexions sur la religion et le regard divin.

Par ailleurs, Arcan sème son texte de références en rapport avec les médias et la presse écrite. En effet, au sein dřune société réifiée et où lřimage définit lřêtre humain, lřauteure-narratrice fait référence dans son texte à des films (« The Man WhoWasn’t There655 »), des

séries télévisées(« Jřai loué toutes les télé-séries américaines populaires, jřai vu tout

Soprano, tout Six Feet Under, tout Sex in the City, tout Low and Order (…) X-Files656», des dessins animés (Les Simpson657), et des journaux (« dřailleurs tu avais préparé ton terrain en te liant dřamitié avec les critiques dřIci, de Voir, de La Presse et du Journal 658