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II.5.a.1.L’écriture du laboratoire chez Delaume

III. Le fragment relique et le cheminement du deuil

Le deuil se doit de remplir une mission psychique définie qui consiste à établir une séparation entre les morts dřun côté, les souvenirs et les espérances des survivants de lřautre.

Freud, Totem et tabou.

Le deuil renvoie à un processus psychique déclenché chez le sujet après la perte dřun être cher ou dřun objet abstrait souvent idéalisé. Toutefois, le deuil se présente comme une réaction normale dřun sujet souffrant de la perte et du manque, et non pas comme un état pathologique. Le travail du deuil vise surtout à arracher le sujet de lřespace de lřabsence dans lequel il sřest enfermé, et à le pousser à reconstruire un moi « libre et sans inhibition396».

395

DELAUE, Ch., Une femme avec personne dedans, Paris, Seuil, 2012, p.112.

396

FREUD, S., « Deuil et mélancolie » [1916], in : FREUD, S., Métapsychologie, Paris, Gallimard, 2005 (1ière édition 1940), p. 148.

101

Le deuil, selon Freud, est un cheminement qui met en exergue la révolte du sujet contre lřabsence et/ ou la perte de lřobjet aimé. Cette révolte, dynamisant le processus du deuil, est mise en exergue à travers lřacte dřécriture puisque « le travail dřécriture présuppose une plaie et une perte, une blessure et un deuil, dont lřœuvre sera la transformation visant à les recouvrir par la positivité fictive de lřœuvre 397

». Effectivement, les auteurs-narrateurs sřinterrogent dans leurs œuvres sur lřacte dřécriture et sa contribution à leur (re)construction identitaire.

A la lumière des travaux de Freud et de ceux de Pierre Fédida traitant de la notion du deuil, nous tenterons de déceler les différentes stratégies mises en œuvre par les trois auteurs-narrateurs afin de dynamiser leur processus de deuil. Le concept de la relique proposé par Pierre Fédida dans un prolongement de la pensée freudienne, sera un concept clé pour effectuer cette analyse. Fédida insiste sur lřimportance de la relique dans le travail du deuil et la définit en ces termes :

Fragment dřun corps disparu en lequel se recueille le souvenir de lřêtre dans sa totalité, la relique est objet sacralisé qui, à la faveur dřune véritable dérision du quotidien, interdit au disparu de séjourner désormais parmi les habitudes et lui assigne pour résidence quelques pauvres restes retenus de lui ou prélevés de son apparence398.

La relique est donc un fragment que la personne engagée dans le processus du deuil retient comme objet fétiche de lřobjet perdu. Cependant, ce fragment relique « retenu au cœur du quotidien, il cesse cependant de communiquer ou dřéchanger, au travers dřune fonction dřusage, avec les autres objets domestiques399

».

Dans nos trois œuvres autofictionnelles le fragment relique se manifeste sous différentes formes. Signalons que nous traiterons la notion de la relique dans un sens plus large que celui avancé par Fédida, cřest-à-dire que ce concept ne représentera pas seulement un objet concret mais il peut aller jusquřà représenter un aspect abstrait de lřobjet perdu que le sujet endeuillé sřacharne à conserver et à intégrer à son vécu.

397

GREEN, A., La déliaison : psychanalyse, anthropologie et littérature, Paris, Belles Lettres, 1992, p.57.

398

FEDIDA, P., L’absence, Paris, Gallimard, 1978, p.76.

399

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Dans le cas de Folle, il ne sřagit pas de faire le deuil dřune personne morte et avec qui on ne peut plus avoir de contact, mais cřest surtout faire le deuil dřune relation amoureuse achevée et donc celui dřun amour perdu, « la relique prend sens dans le désir de conserver

quelque chose de ce dont on se sépare sans, pour autant, devoir renoncer à sřen

séparer 400». Le fragment relique se représente alors dans la tentative de la narratrice autodiégétique de retenir un bout de cette personne aimée en tombant enceinte : « en sentant venir ton départ, jřai voulu faire quelque chose et jřai fait un enfant, à ce moment il me restait quatre mois à vivre. Cet enfant je lřai fait sans y croire vraiment, trop dřobstacles devaient être surmontés pour parvenir à une éclosion401». Au sein dřun espace psychique envahi par la pulsion de mort, puisquřelle a programmé son suicide à lřâge de trente ans, lřauteure-narratrice bien que dans lřattente de cet évènement fatidique, sřest quand même engagée dans le cheminement du deuil, et elle sřest accrochée à un fragment relique qui pourrait lui rappeler son bien aimé perdu. La grossesse est dans ce sens une manière de garder lřautre absent, bien présent en soi, et dřaller parfois jusquřà simuler une permutation entre le fragment relique et la figure de lřabsent comme lřexplique si bien lřauteure-narratrice : « je suppose aussi que depuis le début des temps, les femmes ont usé de cette capacité redoutable de rendre les pères et les bébés interchangeables, et cřest peut-être en vertu de cette capacité que bien souvent elles se désintéressent des pères une fois les bébés mis au monde402 ». Lřauteure-narratrice est ainsi incapable de faire le deuil puisquřelle nřaccepte pas la rupture, et comme cřest lřamant qui a mis fin à leur histoire amoureuse, elle décide alors de le devancer en ayant cette fois-ci un pouvoir sur lui puisque, par permutation avec le bébé, cřest lui quřelle emprisonne dans ses entrailles : « Pour la première fois entre nous tu étais le plus petit, pour la première fois je te surplombais avec de mauvaises intentions. Cřest moi qui désormais étais en mesure de voir le dessus de ta tête, certes tu ne pourrais pas třéchapper parce que de cette cage, cřest moi qui avais la clé

403

».

La grossesse, non consentie par lřamant, serait à cet effet un acte dřattachement, et de vengeance ou peut-être même de désespoir, dřailleurs lřauteure-narratrice commence à songer à lřéventuelle réaction de son ex-amant lorsquřil apprendrait cette nouvelle :

400

FEDIDA, P., L’absence , op. cit., p.76.

401

ARCAN, N., Folle, op. cit., p.167-168.

402

Ibid., p.69.

403

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Je me demande ce que tu aurais dit si tu avais su que jřétais enceinte de toi au mois de mars dernier (…) si entre nous tu aurais installé une distance, ou si dans ton malaise tu aurais bredouillé comme tu le faisais quelquefois devant les hommes dřautorité. Faire un bébé à une femme quřon nřaime plus ressemble à de lřimpuissance chez les hommes, on nřen parle pas, on tient ça mort404

.

Etre enceinte de son ex-amant confère à lřauteure-narratrice un statut de pouvoir, cřest pour cette raison quřelle compare la réaction que pourrait avoir son amant devant elle à celle quřil pourrait avoir devant « les hommes dřautorité ». Et toujours en endossant la posture dřun psychanalyste, lřauteure-narratrice explique le refus de son amant dřavoir des enfants par le comportement de sa mère : « je třai dit que si avoir des enfants te paraissait puéril, cřétait peut-être parce que les poupons ressemblaient trop à des petits chiots qui, eux, ressemblaient trop à celui pour qui ta mère třa abandonné405

». En outre, ce que lřamant conçoit comme un acte odieux, lřauteure-narratrice le prend pour droit légitime :

Quand on est rentré ce soir-là on sřest disputé, je voulais savoir si un jour, tu voudrais un enfant de moi, et toi tu voulais savoir si un jour, je nřaurais pas le culot de te faire un enfant dans le dos. Tu as dit que, pour les hommes de ta génération, le potentiel des femmes à négocier seules la reproduction était un cauchemar parce quřil pouvait hypothéquer un début de carrière (…) ce soir-là je třai répondu que par égocentrisme les hommes transformaient des désirs légitimes en mauvaises intentions à leur égard, que les hommes avaient le don de se croire à lřorigine du moindre battement de cils des femmes406

.

Ainsi, la grossesse est à la fois un droit, un attachement et de lřamour, mais elle est aussi et surtout un fragment relique maintenant présent et proche de lřobjet vital quřest lřamant. Cependant, pour que le deuil atteigne sa fin il faudrait que le sujet se détache complètement du fragment relique. En effet, afin dřaller au bout de son deuil, lřauteure-narratrice décide dřavorter et à cet effet de sřévider de la présence-absente de lřamant : « pour me faire avorter jřai attendu la toute dernière minute légale, je suppose que ça a été une façon de te retenir le plus longtemps possible après ton départ407» ou encore : « jřai eu peur quřen plus de ton nom, je lui donne ton prénom408

». Cette décision dřavortement est aussi encouragée par la nature de son ex-amant qui nřaime pas les enfants : « un jour tu mřas dit quřen manquant de gêne, les enfants te gênaient et que de ta vie, tu nřen avais jamais pris un sur tes genoux409». Lřavortement qui est dans un sens le fait de se

404

ARCAN, N., Folle, op. cit., p.73.

405 Ibid., p.65. 406 Ibid., p.64. 407 Ibid., 69. 408 Ibid., p.70. 409 Ibid., p.74.

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débarrasser du fragment relique est surtout motivé par lřincapacité de ce fragment à aider lřauteure-narratrice à faire le deuil mais il accentue beaucoup plus la présence de lřobjet perdu (lřamant) :

Pendant le troisième mois, jřai beaucoup hésité. Dans lřennui quřétait devenue ma vie depuis ton départ, je voulais créer du suspense, sans doute que je voulais me réserver une bonne surprise, qui sait si le temps passant le bébé ne me déchargerait pas de ton poids. Durant ces trois moi ce nřest jamais arrivé, en aucun moment tu třes retiré de moi, cřest peut-être tout simplement parce que tu ne savais rien de ce qui était en train de mřarriver410

.

La présence du bébé nřa cessé donc de rappeler celle de lřamant mais aussi et surtout le caractère de ce dernier et notamment sa décision de quitter lřauteure-narratrice :

Jřai eu peur quřil soit comme toi, quřen naissant le bébé ait déjà un passé rempli dřautre femmes. Il me semblait que lřenfant te ressemblait déjà et que, même coincé entre les parois de mon ventre, il avait déjà ton indépendance, quřà la limite il se fabriquait tout seul avec cette force dřaffirmation venue de tes ancêtres, quřil mřimposerait son rythme en me martelant le ventre pour que je lui donne mes repas et quřà la sortie, il se désintéresserait aussitôt de moi. Il me semblait quřen venant de toi, cet enfant me quitterait411

.

Le fragment relique dans ce cas de figure ne remplit pas sa fonction qui est celle dřaider le sujet souffrant à se détacher progressivement de lřobjet perdu, mais il accentue davantage sa présence-absence qui torture lřauteure-narratrice. Cependant, selon Fédida « La relique tire son sens Ŕ à la fois sa nature et son pouvoir - du renversement possible dřune signification de lřobjet en sa signification contraire412

», en effet, lřauteure-narratrice renverse le lien du fragment relique, représenté par le bébé, ayant un lien explicite avec le père (lřex-amant) et le détourne vers elle en supposant quřil pourrait lui ressembler et tout hériter dřelle, donc dřêtre son clone : « puis finalement jřai eu peur quřil me ressemble, quřil soit comme moi sans avenir, que lassé de lui-même il finisse par te chercher pour tomber sur ta grandeur démesurée capable de le renier413». Ce premier glissement de la représentation du fragment relique va encore être réorienté vers un sens différent : cřest lřenfant qui décide de sřauto-éliminer dans le ventre :

Puis jřai eu peur quřil ne ressemble à rien, quřil ne soit déjà mort de chagrin avant terme, il paraît que les enfants se laissent mourir de faim dans le ventre

410

ARCAN, N., Folle, op. cit., p.69.

411

Ibid., p.70.

412

FEDIDA, P., L’absence, op. cit., p.78.

413

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des mères abandonnées et incapables de sortir de leur état de choc, quřils rompent avec elles toute communication en arrachant le cordon ombilical avec leurs propres mains (…) il paraît que les enfants aiment leurs mères à ce point-là414.

Lřamour a donc motivé lřauteure-narratrice pour tomber enceinte en interprétant notamment un geste de son amant : « en me voyant pleurer, tu as posé la tête sur mon ventre et jřai supposé que ce geste faisait de toi un père. Trois mois plus tard, jřétais enceinte de toi415 ». La grossesse a toutefois remis en question son rapport avec la mort : « Peu après, un test de pharmacie a confirmé ma grossesse et les choses ont changé pour un temps, le moment de ma mort a été remis en question416 », ou encore : « Pendant ce troisième mois, jřai dřabord pensé que le bébé et moi on pourrait se sauver mutuellement la vie, quřen ayant tous les deux la corde au cou on établirait entre nous un pari dřendurance417

». Toutefois, le fragment relique nřa pas rempli sa fonction puisquřil est censé rappeler « que le deuil, avant de se concevoir en un travail, protège lřendeuillé contre sa propre destruction 418», en effet, la grossesse en tant que fragment relique nřa pas réussi à convaincre lřauteure-narratrice de changer dřavis et de reporter son suicide : « Ce nřest que le lendemain de lřavortement que ma décision est redevenue irrévocable et que jřai commencé à třécrire cette lettre419

». Lřauteure-narratrice a donc décidé de se débarrasser du fragment relique la reliant à son ex-amant, le deuil semble ainsi achevé et cela se révèle dans le changement de sentiments le jour de lřavortement : « Ce soir-là jřai commencé à te haïr et jusquřà ce jour cette haine est restée la même. La haine est une composante stable420 ».

Cependant, faire le deuil ne veut pas dire avoir le soulagement car en écrire cette lettre où lřauteure-narratrice avoue être tombée enceinte sans avoir le consentement de son amant, et avoir avorté pour lřoublier, ne lřa pas aidée à avoir la sérénité : « on dit souvent que lřaveu soulage. Pourtant jusquřà ce jour (avortement) je ne lřai pas senti en écrivant cette lettre, cřest peut-être parce quřelle ne sřadresse pas vraiment à toi421

». Si nous nous référons à Freud, lřauteure-narratrice, à ce stade, nřest plus en deuil mais plutôt envahie par la mélancolie qui est engendrée par la perte et surtout par le fait dřarriver au point de

414

ARCAN, N., Folle, op. cit., p.70.

415 Ibid., p.65. 416 Ibid., p.113. 417 Ibid., p.69. 418

FEDIDA, P., L’absence, op. cit., p.98.

419

ARCAN, N., Folle, op. cit., p.113.

420

Ibid., p.80.

421

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lřaccepter ; un vide immense sřempare alors du moi : « Dans le deuil, le monde est devenu pauvre et vide ; dans la mélancolie, cřest le moi lui-même422». Quant à Arcan, elle explique son cas ainsi : « En fait, j'écris sur l'impossibilité de faire le deuil de ma condition d'unique et d'irremplaçable. La folie n'est pas loin, car la non-folie serait d'accepter sa place dans le monde. Entre immense orgueil et immense modestie, l'écriture demeure pour moi une forme très sophistiquée d'autoflagellation423 ». Arcan revient, une fois encore, sur sa conception de lřécriture quřelle considère comme une manière de torture, de descente aux enfers afin dřarriver à une purgation qui nřest toutefois assurée quřen combinant deux alternatives : folie et mort. Le travail de deuil commence par le retour sur ce quřelle appelle des « ruines » de vie que seule lřécriture pourrait sublimer en beauté :

Cřest toujours tenter de retrouver une structure et une cohérence à travers la langue. Et cřest vrai que, dans mon cas, les histoires se déploient toujours à partir de ruines, à partir dřhistoires dont il ne reste plus rien : les ruines de lřenfance, les ruines de la comédie du sexe dans la prostitution et la pornographie, les ruines du rapport amoureux. Mon grand défi dans lřécriture est dřen montrer la part de beauté424

.

Quant au fragment relique, qui se présente chez lřauteure-narratrice sous forme de grossesse, il est investi comme motif déclencheur du deuil. Toutefois, la protagoniste de

Folle ne cherche pas à mettre un terme à son deuil puisquřil se transforme en une nouvelle

condition de vie, celle dřune auteure-narratrice endeuillée par les longues années de prostitution qui lřont consumée à feu doux et qui, à un moment de détresse causé par la rupture en amour, émergent comme un spectre la guidant vers les abimes. Dřailleurs, elle évoque cette réalité dřun corps absent de son existence, phénomène causé par lřétat second quřimpose la prostitution, dans un autre roman, Paradis, clef en main :

En arrêtant le temps, le corps emmagasine les années qu'il ne vit pas. Un jour, il casse et toutes les années sortent d'un coup. Les années ne sont pas annulées, elles ne font que se presser contre la porte [...] Une fois sorties, elles se vengent de n'avoir pas eu droit de cité425.

Le deuil chez lřauteure-narratrice est ainsi celui de toute une vie menacée par la souffrance psychique engendrée par les différentes tentatives de suicide et par un rapport de sujétion au regard de lřautre. Cette situation dřune existence malheureuse pourrait, parfois, comme le remarque Pierre Fédida appeler impérieusement lřinexistence : « En

422

FREUD, S., « Deuil et mélancolie », op. cit., p.152.

423

ARCAN , N., cité in « Nelly Arcan -La belle et le dragon », 28 aout 2004, art. en ligne : http://www.ledevoir.com/culture/livres/62384/nelly-arcan-la-belle-et-le-dragon (consulté le 17-12-2012).

424ARCAN , N., cité in « Nelly Arcan- une écriture », art. en ligne : http://nellyarcan.com/pages/une-ecriture.php (consulté le 10-01.2015).

425

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mettant lřaccent sur le deuil, la perte ou la séparation, on a négligé de concevoir en quoi lřanimation de la vie est éprouvée comme une menace violente de mort sur la vie426

». Nelly Arcan renverse dans cette suite dřidées la conception des évidences et fait de lřécriture autofictionnelle, non pas une écriture de deuil mais une écriture de lřimpossibilité du deuil.

A lřinstar dřArcan, Delaume met en scène dans Dans ma maison sous terre une narratrice incapable de faire le deuil de son passé douloureux. Tout le roman devient alors un cri exprimant lřimpossibilité de faire le deuil de la perte de ses parents puisque elle a été témoin dřun double génocide qui a eu un effet « dřHiroshima427 » sur sa personnalité. Elle nřarrive pas à oublier ni à pardonner ; dřailleurs Théophile le lui fait remarquer : « vous ne savez faire le deuil et ça devient pénible. Ça ne vous regarde plus, plus rien nřest à regarder, tout est enfoui sous terre. Sous terre Chloé, sous terre428» ou encore : « « Vos mots ne peuvent en rien occire. Vous ne profitez pas de la reconstruction ; Vous êtes ma chère Chloé cimentée au passé, pourtant lřherbe est très verte, mais vous vous acharnez à rechercher lřivraie, vous gavant de pissenlits429

». Le deuil chez lřauteure-narratrice est de ce fait une notion abstraite et même « exotique » puisque souffrant de la solitude et de lřabandon de sa grand-mère, le deuil nřest alors quřune parole quřelle recueille de la bouche des autres vivants :

Je vais chez les vivants dans des fêtes de vivants, jřy glane en fin de soirée mille et un témoignage sur les deuils de famille. Quand vient lřheure des grand-mères ils sont intarissables. Elles les ont aimés et élevés, leurs ont transmis des savoirs, savoir-faire, valeurs. Leurs discours me paraissaient foncièrement