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PRÉSENTATION DES VARIABLES SOCIOLINGUISTIQUES CIBLES DE LA TÂCHE DE RÉPÉTITION

Méthodologie du traitement des données de l’étude sur les schémas sociolinguistiques en

5.1. PRÉSENTATION DES VARIABLES SOCIOLINGUISTIQUES CIBLES DE LA TÂCHE DE RÉPÉTITION

dans ce test.

5.1.1 Les variables phonologiques : la liaison facultative et le /l/ dans le

cli-tique "il"

Le phénomène de la liaison consiste en la prononciation de la consonne finale du premier mot avec la voyelle initiale du mot suivant (petit enfant : [p@titãfã]). Les liaisons peuvent être de trois types. Les liaisons dites obligatoires, systématiquement réalisées par les natifs, les interdites, jamais ou quasiment jamais réalisées par les natifs, et les facultatives qui peuvent ou non être réalisées. En s’appuyant sur le classement deDurand & Lyche(2008),Gautier(2016) regroupe les différents contextes les plus fréquents de réalisation des liaisons facultatives chez les natifs francophones :

1. Après un nom pluriel (par exemple, des langues /z/ étrangères), 2. Après une forme du verbe avoir (par exemple, ils ont /t/ un), 3. Après une forme du verbe être (par exemple, c’est /t/ un),

4. Après une forme d’un autre verbe (par exemple, il vient /t/ aussi),

Seules les liaisons facultatives sont une variable sociolinguistique bien connue du français dont la réalisation varie selon des facteurs extralinguistiques. Dans notre travail, nous nous intéressons à ces facteurs2. Pour cette raison, nous présenterons les tendances générales de son usage chez les locuteurs natifs et chez les apprenants de LE.

En langue maternelle, plusieurs facteurs influent sur la réalisation de la liaison facultative, no-tamment le genre des locuteurs, l’âge, la situation de communication et les facteurs d’ordre social.

De Jong(1991) montre que les locuteurs issus de milieux favorisés réalisent davantage les liaisons facultatives en comparaison des locuteurs issus de milieux moins favorisés. L’auteur a analysé le discours de 45 locuteurs habitant à Orléans. Il montre que chez les locuteurs issus de milieux moins favorisés, le taux d’usage de la liaison facultative est de 29,6%, alors que chez les locuteurs issus d’un milieu plus favorisé, ce taux est de 61,6%. Dans une étude postérieure, l’auteur met en évi-dence l’influence du genre dans la réalisation de la liaison facultative. De la même façon qu’observé pour l’usage d’autres variables sociolinguistiques,De Jong(1994) montre que les femmes réalisent

2. Pour une revue des facteurs linguistiques qui influent sur la réalisation des liaisons facultatives, voirNardy (2008), pages 107-112.

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davantage la variante standard des liaisons facultatives (73%) comparées aux hommes (59%)3. En ce qui concerne le facteur âge,Ashby(1981a) analyse les usages de la liaison facultative chez des groupes âgés de 14 à 21 et de 51 à 64 ans. Il observe que le groupe le plus âgé utilise davantage les liaisons facultatives en comparaison du groupe le moins âgé. Enfin, Ahmad (1993) (cité par

Nardy(2008)) en comparant deux corpus, l’un issu d’émissions radiophoniques et l’autre issu de conversations informelles, montre que dans les situations formelles (émissions radiophoniques de type France Inter et France Culture) le taux d’usage de la liaison facultative est de 57%, contre 10% dans des situations informelles (conversations) .

Plusieurs études ont été menées en LE afin de comprendre l’usage des liaisons facultatives ( Ho-ward, 2004, 2005, 2006; Thomas, 2002, 2004; Harnois-Delpiano et al., 2012; Harnois-Delpiano,

2016;Gautier,2011,2016). Ces études ont des résultats divergents.Howard(2005) montre que les étudiants sous-emploient la liaison facultative par rapport aux natifs, voire l’omettent complètement dans certains contextes syntaxiques (par exemple après l’adverbe "quand" ou entre un verbe et son complément, par exemple "ils sont heureux"). Cependant, d’autres études comme celle deGautier

(2016) mettent en évidence des tendances différentes. Selon son étude, réalisée auprès d’étudiants sinophones et anglophones apprenants du FLE, malgré une baisse significative dans l’utilisation de la liaison facultative après un séjour d’étude du fait du contact informel avec des amis natifs, les taux de réalisation restent élevés : 35,92% contre 10% en moyenne pour les natifs (Ahmad,1993). Le phénomène d’effacement du /l/ dans le pronom clitique il devant une consonne, comme dans "i(l) mange", est attesté depuis la fin du XIIe siècle (Poplack & Walker,1986). Les études portant sur ce domaine montrent que les natifs font un usage presque marginal du /l/ dans le clitique il, avec un taux d’effacement de 94% pour le français européen (Laks, 1980) et de 98% pour le français canadien (Poplack & Walker,1986), alors que les recherches en LE montrent que ce taux est de 2% pour les apprenants (Nagy et al.,1996;Sax, 2000;Mougeon et al.,2001, 2002;Terry,2017). Des études plus récentes montrent que des facteurs extralinguistiques influent sur ce phénomène.Terry

(2017) examine l’impact de la force du réseau social des étudiants de FLE dans la suppression de /l/ dans le clitique "il". La force du réseau de chaque apprenant a été mesurée selon la densité et la multiplexité4 de leur réseau. La densité a été calculée selon le nombre de locuteurs natifs dans le réseau (1 point par personne), selon le nombre d’heures échangées en français avec ce locuteur (1 point par heure de conversation), selon le nombre de liens entre l’apprenant et ce contact (1 point par lien entre l’apprenant et le locuteur natif) et selon le nombre de liens entre les locuteurs (1 point

3. Cf. Chapitre 1, section1.4.1 pour voir les facteurs liés au genre et au sexe des locuteurs. 4. Pour voir la définition des termes, Cf. page 29.

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par lien entre les locuteurs natifs). La multiplexité a été calculée selon le nombre d’activités hebdo-madaires réalisées (1 point pour chaque activité hebdomadaire) et selon les sujets de conversation (1 point pour chaque sujet de conversation). Les résultats montrent que le taux de suppression de /l/ dans le clitique "il" est supérieur chez les étudiants ayant construit des réseaux plus forts avec les natif (entre 59 et 69 points, 31,9%)s, en comparaison des étudiants ayant construit des réseaux plus faibles (entre 10 et 29 points, 7,7%). Ainsi, ces résultats confirment l’influence du réseau social construit avec des natifs sur l’acquisition de la compétence sociolinguistique chez les apprenants de LE.

5.1.2 Les variables morphosyntaxiques : les pronoms relatifs "que" et "dont"

et le "ne" de négation

En langue française, l’utilisation des pronoms relatifs simples "que" et "dont" dépend du contexte syntaxique de l’énoncé. Le premier correspond au complément d’objet direct d’une phrase relative, alors que le deuxième est un complément d’objet indirect, et peut être complément d’un nom, d’un adjectif ou d’un verbe. Le "que", quand il est utilisé à la place de "dont", est considéré comme une "relative de français populaire" et constitue, selon Gadet (1989a), une structure orale assez fréquente chez les natifs. Dans les études en LE, l’usage de la relative non standard par les appre-nants est souvent associé à une erreur grammaticale due, entre autres, à l’influence de la L1 des apprenants. Gashmardi & Ganaat (2013) mettent en évidence l’influence du persan dans l’utili-sation du pronom "que" à la place de "dont" dans les écrits des apprenants. Selon les auteurs, le pronom relatif [ke] en persan peut remplir aussi bien la qualité du sujet que la qualité de l’objet, alors qu’en français il se traduit par qui, pronom sujet, ou que, pronom objet. Ainsi, l’apprenant d’origine iranienne doit "transformer" le pronom relatif persan [ke] dans ses phrases en différents pronoms relatifs en français selon son rôle (qui, que, dont, où, etc.). Leur étude comprend une tâche écrite de 6 questions présentées sous forme de questionnaire, et a été menée auprès de 60 étudiants. L’analyse du questionnaire montre que la plupart des erreurs se concentrent autour de l’emploi des pronoms "que" et "dont". Plus spécifiquement, 57% des erreurs concernent l’utilisa-tion du "que" à la place de "dont". D’après les auteurs, les étudiants considèrent le pronom "que" comme étant un « pronom d’usage universel ». En ce sens, ils ont tendance à généraliser son usage, ce qui expliquerait les erreurs commises.

En ce qui concerne l’usage du "ne" de négation, plusieurs études en français langue maternelle montrent l’influence des facteurs comme l’âge des locuteurs et la classe sociale dans la suppression

Chapitre 5. Méthodologie du traitement des données de l’étude sur les schémas sociolinguistiques en langue étrangère

de l’adverbe de négation. Hansen & Malderez (2004)5 montrent qu’en général les locuteurs les plus jeunes omettent davantage le "ne" en comparaison des locuteurs plus âgés. Ashby (2001) montre que les locuteurs issus des classes favorisées suppriment moins le "ne" en comparaison des locuteurs issus des classes moins favorisées. L’influence des facteurs linguistiques a aussi été rapportée. Des chercheurs (Ashby,1981a;Armstrong,2002) ont constaté une chute plus importante du "ne" après les pronoms personnels il et je qu’après les groupes nominaux mes frères. De même, ils ont constaté que l’adverbe est plus supprimé dans les constructions avec la forme pas qu’avec les formes aucun ou que.

Des études en LE ont également analysé l’usage variable de la négation. Les chercheurs ont montré que les étudiants emploient davantage la variante standard du "ne" de négation en com-paraison des natifs (Mougeon et al., 2002; Rehner & Mougeon, 1999; Sax, 1999; Compernolle,

2013;Regan,1996;Gautier,2016). SelonMougeon et al.(2002), le taux d’effacement du "ne" est de 99,5% chez les natifs (français parlé à Montréal)6 et de 28% chez les étudiants en immersion.

Gautier (2016) montre que les apprenants, même après une année de séjour d’étude en France, conservent un fort taux de réalisation du "ne", soit 41,83%. D’autres études, comme celles de Re-gan (2002, 1995, 1997) mettent en évidence l’influence du séjour d’étude dans la suppression du "ne" en LE. Selon l’auteure, le taux de suppression avant le séjour est de 38% alors qu’après un sé-jour d’un an, ce taux est de 68%. Ainsi les études convergent pour montrer que le contact quotidien avec les natifs conduit les apprenants à supprimer davantage le "ne" de négation en français, même si leur score de maintien reste finalement supérieur à ceux des natifs.

5.1.3 Les variables discursives standard et non standard

SelonBuson(2009), les marqueurs discursifs (désormais, MD) sont des unités lexicales utili-sées pour structurer et organiser le discours. Ils sont plus fréquemment placés au début (par exemple oh, ah, bon, etc.) ou à la fin des énoncés (hein, quoi, etc.). L’auteure (ibidem, p.207) s’appuie sur la typologie deSlosberg Andersen et al.(1999) pour expliquer que les MD peuvent remplir plusieurs fonctions, pouvant créer de la cohérence à l’intérieur du discours, fournir un feedback, signaler un problème dans la production du discours ou être un marqueur de relation sociale entre interlocu-teurs. Dans le TRS, les 4 MD utilisés ont été classés comme étant respectivement des variables

5. Cf. page 24 pour l’étude en détail.

6. Le taux d’effacement du "ne" dans le français parlé à Paris varie de 85,6% à 97,5% selon l’âge des locuteurs (Hansen & Malderez,2004).