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étrangère : résultats et analyse de la tâche de répétition Notre hypothèse est que les apprenants en séjour d’étude dans le pays de la langue cible

6.2. INFLUENCE DES FACTEURS EXTRALINGUISTIQUES

6.2.1 Influence de l’origine culturelle

Nous avons fait l’hypothèse que si la nature des schémas socioculturels de la langue d’ori-gine influence les représentations de la langue cible, les schémas sociolinguistiques devraient être différents chez les apprenants sinophones et chez les apprenants anglophones.

Pour tester cette hypothèse, nous avons réalisé une analyse de variance, ayant comme facteur explicatif le niveau linguistique des énoncés (variables morphosyntaxiques et phonologiques), l’ho-mogénéité des énoncés (homogène, non homogène), le sens de la restauration (vers le standard, vers le non standard) et l’origine des apprenants (anglophone, sinophone).

En ce qui concerne les effets simples, les résultats sont significatifs pour l’homogénéité des énoncés (F(1,32)= 96.352, p<0,000) et pour les niveaux linguistiques (F(1,32)= 22.084, p<0,000). Le taux de modification des énoncés non homogènes est de 71% et le taux de modification des énoncés homogènes est de 30%. Le taux de modification des énoncés phonologiques est de 61,4% et des énoncés morphosyntaxiques est de 39,7%7.

7. Rappelons que les moyennes sont différentes de celle de l’ANOVA trouvées aux pages 127 et 129, car dans cette nouvelle analyse nous avons exclu les MD.

Chapitre 6. Organisation cognitive des variantes en LE Les interactions suivantes sont significatives :

- entre l’homogénéité et le sens des restaurations (F(1,32)= 46, p<0,000),

- entre l’homogénéité des énoncés et l’origine des apprenants (F(1,32)= 0.7, p<0,002), - entre la formalité et le niveau linguistique (F(1,32)= 0.06, p<0,002),

- entre l’homogénéité des énoncés, le niveau linguistique et l’origine des apprenants (F(1,32)= 11.27, p<0,02),

- entre le sens des restaurations, l’homogénéité et l’origine des apprenants (F(1,32)= 4,113, p<0,05)

-entre l’homogénéité, le sens des restaurations et le niveau linguistique (F(1,32)= 0.19, p<0,006),

- entre l’homogénéité, le sens des restaurations, le niveau linguistique et l’origine des apprenants (F(1,32)= 0.008, p<0,0001).

Les moyennes des interactions se trouvent dans l’annexe C.

Comme pour nos premières analyses, nous constatons que les étudiants modifient davantage les énoncés non homogènes par rapport aux énoncés homogènes. Ces résultats confirment ceux établis dans la section précédente.

Pour la suite des analyses, nous allons nous concentrer uniquement sur l’hypothèse qui est au centre de cette section : les différences dans les schémas sociolinguistiques des étudiants sino-phones et anglosino-phones résulteraient de l’influence de leur schéma culturel d’origine.

Le graphique 6.7 représente les modifications lors de la répétition en fonction de la nature ho-mogène ou non hoho-mogène des énoncés, du sens des modifications (vers le standard versus vers le non standard) et en fonction de l’origine des apprenants (anglophones versus sinophones). Ce graphique correspond donc à l’interaction significative à trois facteurs : entre l’homogénéité, l’ori-gine des apprenants et le sens des modifications. Premièrement, dans le sens vers le standard, les apprenants sinophones font plus de modifications que les apprenants anglophones en condition non homogène (94% versus 81%) et en condition homogène (46% versus 38%). Autrement dit, nous constatons une propension générale des apprenants sinophones à produire davantage des variantes standard, que le contexte soit homogène ou non homogène. Dans le sens vers le non standard, les

6.2. INFLUENCE DES FACTEURS EXTRALINGUISTIQUES

apprenants sinophones font moins de modifications que les étudiants anglophones dans la condi-tion non homogène (49% versus 60%). Dans la condicondi-tion homogène, les modificacondi-tions vers le non standard sont globalement égales pour les sinophones et les anglophones (18% versus 19%). Ainsi, même si le phénomène de la RS se maintient pour les apprenants sinophones et les apprenants les anglophones vers le standard et vers le non standard, il semblerait d’une part que les appre-nants sinophones aient une plus grande propension à produire des variantes standard, et d’autre part qu’ils aient une moins grande propension au phénomène de RS lorsque cette dernière implique de remplacer des variantes standard par des variantes non standard.

Premièrement, nous constatons que généralement, les apprenants sinophones font plus de modi-fications vers le standard que les apprenants anglophones : respectivement 94% et 81% en condition non homogène et 46% et 38% en condition homogène. Parallèlement, les apprenants sinophones font moins de modifications vers le non standard que les apprenants anglophones : respectivement 49% et 60 % en condition non homogène et 18% et 19% en condition homogène. Ainsi, même si la comparaison entre les conditions homogène et non homogène montre que le phénomène de la RS se maintient pour les sinophones et les anglophones, aussi bien vers le standard que vers le non standard, il semblerait que les schémas standard soient plus structurés et que les schémas non standard soient moins structurés chez les apprenants sinophones en comparaison des appre-nants anglophones. La convergence de ces deux résultats suggère que les schémas standard sont plus structurés et les schémas non standard moins structurés chez les apprenants sinophones en comparaison avec les apprenants anglophones.

Chapitre 6. Organisation cognitive des variantes en LE 38% 46% 81% 94% Anglophones Sinophones 0% 20% 40% 60% 80% 100%

Modifications vers le standard Homogènes Non Homogènes

19% 18% 60% 49% Anglophones Sinophones 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60%

Modifications vers le non standard Homogènes Non Homogènes

FIGURE 6.7 – Taux de modification vers le sens standard et vers le sens non standard selon l’origine culturelle des participants

Différents facteurs peuvent rendre compte de la relation entre l’organisation des schémas et l’origine des apprenants. Le premier serait lié au temps d’exposition à la langue française. Même

6.2. INFLUENCE DES FACTEURS EXTRALINGUISTIQUES

si les étudiants anglophones possèdent en moyenne le même niveau de langue que les étudiants sinophones, les premiers ont bénéficié d’un temps d’étude plus important en langue française. Alors que pour les sinophones le temps moyen d’études en langue française déclaré est de 2,8 ans, pour les étudiants anglophones, la durée moyenne est de 8 ans. Cette différence dans le temps de contact avec la langue française pourrait avoir influencé la construction des schémas des apprenants. En effet, les apprenants anglophones pourraient avoir bénéficié de davantage de contacts avec une grande diversité de situations sociolinguistiques dans lesquelles la langue française est utilisée.

Un deuxième facteur pourrait être le type d’enseignement dispensé aux étudiants sinophones et anglophones dans leurs pays d’origine. SelonGautier(2016), l’enseignement des langues en Chine a longtemps priorisé les méthodes traditionnelles, les cours de communication et de conversation étant perçus comme moins importants par les apprenants chinois (Cuet,2013). Ce type d’enseigne-ment traditionnel contraste avec les méthodes d’enseigned’enseigne-ment des pays occidentaux, qui valorisent la communication. En ce sens, il est possible que les étudiants anglophones aient eu plus de contacts avec des variétés standard et non standard pendant leurs cours, lors des épisodes de communication, alors que les étudiants sinophones auraient été uniquement en contact avec des variétés standard, lors d’interventions magistrales.

Enfin, un troisième facteur serait que des schémas socioculturels hérités de la langue et de la culture d’origine influenceraient la construction des schémas sociolinguistiques en langue cible. Comme nous l’avons vu, des études sur l’acquisition de la lecture mettent en évidence l’influence des schémas socioculturels dans la compréhension des textes en LE. Nous pouvons donc supposer que des schémas culturels ont une influence similaire sur la construction des schémas sociolinguis-tiques en langue cible. En effet, ces schémas pourraient influencer de façon indirecte l’intégration des connaissances sociolinguistiques dans une autre culture. Notamment, ils pourraient affecter les liens sociaux que les apprenants établissent pendant leur séjour, ou bien la qualité des échanges en langue cible. Comme nous l’avons vu, l’étude de Gautier(2016) sur le réseau social d’étudiants chinois et américains en France met en évidence une relation entre sociabilité et usage de variables sociolinguistiques. Selon cette étude, les étudiants anglophones ont davantage des réseaux étendus, caractérisés par un grand nombre de liens et d’individus. Dans ce type de réseau, les étudiants ont tendance à quitter leurs pairs de même nationalité pour établir d’autres types de relations. Inverse-ment, les étudiants chinois présentent des réseaux concentrés, caractérisés par un faible nombre de relations qui se concentrent autour de personnes de même origine et par très peu de liens avec les natifs. Selon Gautier, le fait de créer des réseaux peu cosmopolites et orientés vers des camarades de même nationalité est associé à des usages qui restent plus standard tout au long du séjour.

In-Chapitre 6. Organisation cognitive des variantes en LE

versement, les usages des étudiants en contact avec des natifs évoluent vers le non standard. En ce sens, nous pouvons supposer que le fait d’appartenir à une culture ou à une autre peut se traduire par différents modes de sociabilité dans le pays d’accueil, qui à leur tour iront influencer la façon dont les apprenants s’intègrent dans la culture de la langue cible. Ils seront donc exposés de façon différente à plusieurs contextes d’échange, ce qui expliquerait la différence dans la construction des schémas sociolinguistiques. L’influence de la culture d’origine sur la construction des schémas so-ciolinguistique en langue cible ne serait donc pas directe, mais elle serait médiatisée par des modes de socialisation dans le pays d’accueil.

La section suivante, consacrée à l’influence du réseau social dans le pays d’accueil sur la res-tauration sociolinguistique, permettra de confirmer cette dernière interprétation.